Научная статья на тему 'ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ В РОССИИ СКВОЗЬ ПРИЗМУ ФРАНЦУЗСКОЙ КУЛЬТУРЫ / LA TRADUCTOLOGIE RUSSE SOUS L’ANGLE DE LA CULTURE FRANçAISE'

ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ В РОССИИ СКВОЗЬ ПРИЗМУ ФРАНЦУЗСКОЙ КУЛЬТУРЫ / LA TRADUCTOLOGIE RUSSE SOUS L’ANGLE DE LA CULTURE FRANçAISE Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ / TRANSLATOLOGY / РОССИЯ И СОВЕТСКИЙ СОЮЗ / RUSSIA AND THE SOVIET UNION / ФРАНЦИЯ / FRANCE / ИСТОРИЯ / HISTORY / КУЛЬТУРА / CULTURE / TRADUCTOLOGIE / RUSSIE ET UNION SOVIéTIQUE / HISTOIRE

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Балью К.

Переводоведение, т.е. научное изучение переводческих операций, как наука возникло совсем недавно. Однако размышления по этому поводу существуют с того момента, как человек начал переводить. Цель этой статьи заключается в том, чтобы показать русское переводоведение начиная с ХVI века в сравнении с французским и рассказать о важности культурного обмена между двумя странами, осуществляемого посредством перевода. Особое внимание уделено ХХ веку, чтобы попытаться доказать существование того, что можно было бы назвать «советским переводоведением», иначе говоря, программы переводческой деятельности, установленной на высшем государственном уровне и совпадающей по времени со всем предшествующим столетием. В статье проводится постоянная параллель между теориями перевода в России и Франции с анализом всех сходств и различий.

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Russian Translation Studies: a French Culture Perspective

La traductologie, c’est-à-dire l’étude scientifique de l’opération traduisante, est une science très récente. Cependant, les réflexions sur la traduction existent depuis que l’homme traduit. L’objectif de cet article est d’étudier la traductologie russe sous l’angle de la traductologie française depuis le 16e siècle et de montrer l’importance des échanges culturels entre les deux pays par le truchement de la traduction. Une attention particulière sera portée au 20e siècle pour tenter de démontrer l’existence de ce que l’on pourrait appeler une «traductologie soviétique», à savoir un programme de traduction arrêté au plus haut niveau de l’Etat et qui se confond avec la majeure partie du siècle dernier. Un parallèle permanent sera fait avec la situation en France, avec analyse des ressemblances et des divergences.

Текст научной работы на тему «ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ В РОССИИ СКВОЗЬ ПРИЗМУ ФРАНЦУЗСКОЙ КУЛЬТУРЫ / LA TRADUCTOLOGIE RUSSE SOUS L’ANGLE DE LA CULTURE FRANçAISE»

ОБЩАЯ ТЕОРИЯ ПЕРЕВОДА

Christian Balliu,

Professeur, Président du département Traduction-Interprétation Faculté de

Lettres, Traduction et Communication, Université Libre de Bruxelles; e-mail:

christian.balliu@ulb.ac.be

LA TRADUCTOLOGIE RUSSE SOUS L'ANGLE

DE LA CULTURE FRANÇAISE

La traductologie, c'est-à-dire l'étude scientifique de l'opération traduisante, est une science très récente. Cependant, les réflexions sur la traduction existent depuis que l'homme traduit. L'objectif de cet article est d'étudier la traductologie russe sous l'angle de la traductologie française depuis le 16e siècle et de montrer l'importance des échanges culturels entre les deux pays par le truchement de la traduction. Une attention particulière sera portée au 20e siècle pour tenter de démontrer l'existence de ce que l'on pourrait appeler une «traductologie soviétique», à savoir un programme de traduction arrêté au plus haut niveau de l'Etat et qui se confond avec la majeure partie du siècle dernier. Un parallèle permanent sera fait avec la situation en France, avec analyse des ressemblances et des divergences.

Mots cles: traductologie, Russie et Union Soviétique, France, histoire, culture.

INTRODUCTION

Comme on le sait, la traductologie, c'est-à-dire l'étude scientifique de l'activité traduisante en tant que discipline propre, est relativement récente et commence véritablement dans les années 1950.

Quelques pionniers, peu nombreux, comme Nida, Mounin, Catford, Vi-nay et Darbelnet ou Fédorov, posent les bases, les fondements de ce que

ОБЩАЯ ТЕОРИЯ ПЕРЕВОДА Кристиан Балью,

профессор, руководитель отделения устного и письменного перевода факультета филологии, перевода и коммуникации Свободного университета Брюсселя; e-mail: christian.balliu@ulb.ac.be

ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ В РОССИИ

СКВОЗЬ ПРИЗМУ ФРАНЦУЗСКОЙ КУЛЬТУРЫ

Переводоведение, т.е. научное изучение переводческих операций, как наука возникло совсем недавно. Однако размышления по этому поводу существуют с того момента, как человек начал переводить. Цель этой статьи заключается в том, чтобы показать русское переводоведение начиная с XVI века в сравнении с французским и рассказать о важности культурного обмена между двумя странами, осуществляемого посредством перевода. Особое внимание уделено ХХ веку, чтобы попытаться доказать существование того, что можно было бы назвать «советским переводоведением», иначе говоря, программы переводческой деятельности, установленной на высшем государственном уровне и совпадающей по времени со всем предшествующим столетием. В статье проводится постоянная параллель между теориями перевода в России и Франции с анализом всех сходств и различий.

Ключевые слова: переводоведение, Россия и Советский Союз, Франция, история, культура.

Christian Balliu,

Professor, Chairman of the Department of Translation and Interpretation, the Faculty of Philology, Translation, and Communication, Université Libre de Bruxelles; e-mail: christian.balliu@ulb.ac.be

RUSSIAN TRANSLATION STUDIES: A FRENCH CULTURE PERSPECTIVE

Translatology, a.k.a. translation studies, has emerged fairly recently. However, people have reflected on the essence of translation ever since translation itself was invented. The main purpose of this paper is to provide an overview of the history of Russian translation studies all the way from the 16th century up to the present day in comparison with French translatology as well as to show the everlasting importance of cultural exchanges between the two countries through translation. Special attention is paid to the 20th century in an attempt to prove the existence of what may be referred to as Soviet translation studies — in other words, the translation program that was sustained at the national level. In this paper, the author draws a parallel between the Russian and French translation theories while analyzing all their differences and similarities.

Key words: translatology, Russia and the Soviet Union, France, history, culture.

ВВЕДЕНИЕ

Как известно, переводоведение, т.е. изучение переводческой деятельности, как самостоятельная научная дисциплина появилось сравнительно недавно — в 1950-х гг.

Несколько теоретиков — Ю. Найда, Ж. Мунен, Дж. Кэтфорд, Ж.П. Вине и Ж. Дарбельне, А.В. Фёдоров — заложили основы науки,

l'on n'appellera que plus tard en français la «traductologie». La genèse du mot «traductologie» est d'ailleurs intéressante, sa première apparition ne datant que de 1973. Il semble que ce soient Brian Harris ou Roger Goffin (peut-être les deux) qui aient proposé cette appellation qui, depuis, s'est imposée. Mais je me souviens bien qu'il y avait de nombreuses voix discordantes à l'époque et que certains avaient proposé «traductiologie», «tra-ductionologie» (sur la base de l'accusatif) ou encore «translatologie». Bref, l'apparition tardive du mot prouve qu'il s'agit d'une science très jeune.

Autrement dit, si la traduction est une activité humaine qui remonte à la nuit des temps, il est tout aussi vrai qu'une réflexion ordonnée et systématique sur cette activité s'est fait attendre jusqu'au 20e siècle, et pour être plus précis, jusqu'à la deuxième moitié du 20e siècle.

Il est pour le moins peu fréquent de rencontrer nombre d'activités humaines recourant à l'usage concret de l'intelligence et à la volonté d'établir des contacts culturels entre êtres humains d'origines les plus diverses qui ne se soient pas soldées plus tôt par une théorisation qui permette d'objectiver la pratique du terrain. Au cours de l'histoire, on ne peut en effet considérer comme modèles théoriques les réflexions ponctuelles des traducteurs eux-mêmes, qui étaient sans aucun doute remarquablement placés pour réfléchir sur leur lot quotidien, mais qui travaillaient le plus souvent dans l'ombre de leurs alcôves, s'appuyant uniquement sur leur expérience personnelle et sur les critères culturels et esthétiques des différentes époques qui les ont vu naître.

On retiendra par conséquent l'abîme chronologique qui sépare la pratique millénaire du traducteur et l'étude systématique de sa profession. En outre, pendant très longtemps, les considérations théoriques se sont focalisées sur la traduction des seules oeuvres littéraires, comme si les textes littéraires - dont la forme la plus achevée serait la poésie - étaient les seuls dignes de quelque considération ou plus simplement les seuls présents sur le «marché». En réalité, les recherches ont démontré que les traductions littéraire et technique (au sens de «spécialisée») ont de tous temps coexisté et que la traduction technique est née en même temps que la traduction littéraire - peut-être avant? -même si sa présence est moins brillante. Ce n'est qu'au cours des quarante dernières années que, pour des raisons de contexte historique, la traduction technique, pragmatique, a réellement acquis droit de cité et a fait l'objet d'une étude plus fouillée et systématique. Les progrès dans les domaines scientifiques les plus divers y ont évidemment largement contribué.

Enfin, la grande question de la possibilité ou de l'impossibilité de traduire -de tout traduire - a quasi toujours été au centre des débats, freinant indubitablement la recherche et allant parfois jusqu'à discréditer le bien-fondé du métier. C'est le célèbre problème de l'objection préjudicielle, si cher à Georges Mounin et repris par d'autres comme Jean-René Ladmiral. La question de la

которая впоследствии получила название «переводоведение» (фр. Ш^сЫв&е). Интересна история возникновения этого термина. Во французском он появился лишь в 1973 г. Считается, что его ввел Б. Харрис или Р. Гоффен (а возможно, оба эти исследователя) и что именно с тех пор он закрепился в языке. Однако я помню, что в то время было множество разногласий по поводу наименования: предлагались варианты «1гаёис1ю^1е», «1гаёис1;юпо^1е», а также «1гап81а1;о^1е». Столь позднее появление общепринятого термина подтверждает тот факт, что речь идёт об очень молодой науке.

Иными словами, перевод как деятельность существует с незапамятных времён, однако систематические и упорядоченные размышления о ней появились лишь в ХХ в. — или, если быть более точным, во второй его половине.

Трудно привести другой пример человеческой деятельности, требующей использования умственных способностей и направленной на установление новых культурных контактов между людьми различного этнического происхождения, которая долгое время не имела теоретической базы, позволяющей на практике решать конкретные проблемы. Безусловно, мы не можем считать теоретическими моделями отдельные размышления переводчиков прошлого. Их значимость для науки, разумеется, трудно переоценить, однако работали эти переводчики, как правило, изолированно, опирались исключительно на собственный опыт и на те культурные и эстетические нормы, которые существовали именно в их эпохи.

Таким образом, между практикой перевода и системным изучением этой деятельности существует огромный временной разрыв. Кроме того, в течение достаточно долгого времени теоретические размышления фокусировались исключительно на художественном переводе, как будто только художественные тексты, высшей формой которых является поэзия, считались достойными изучения. Исследования же показали, что во все времена существовал перевод как художественных, так и технических (специальных) текстов и что технический перевод появился одновременно с литературным переводом (а может, и раньше?), хотя его существование часто остаётся в тени. Лишь в последние 40 лет прагматический технический перевод получил признание и стал предметом более тщательного и систематического изучения. Во многом этому способствовал прогресс в самых разных отраслях науки.

Вопрос о переводимости/непереводимости (т.е. невозможности перевести всё) почти всегда был в центре обсуждений и осложнял переводческие исследования, а иногда даже ставил под сомнение целесообразность профессии переводчика. Но это так называемый преюдициальный вопрос, который так нравился Ж. Мунену, а вслед за ним и другим, в частности Ж.-Р. Ладмиралю. Вопрос о переводимости (используем здесь термин Мунена) долгое время

«traduisibilité», pour reprendre le terme de Mounin, a longtemps aveuglé les esprits, alors que toutes les époques, et la nôtre en constitue vraisemblablement le meilleur exemple, ont eu recours à la traduction. On en est arrivé, sur la base de postulats éminemment contestables, à nier une réalité omniprésente et quotidienne. C'est plus que probablement parce que les théoriciens sont à court de définitions réellement satisfaisantes pour décrire la traduction, une activité aux mille visages, «recouverts d'une multitude de masques», pour utiliser la métaphore de Jacques Catteau, grand traducteur de la littérature russe récente et contemporaine.

Je terminerai cette introduction générale en soulignant que, paradoxalement, les traductologues ne lisent les productions de leurs collègues que dans leur langue maternelle, voire dans leurs langues de travail. Pour prendre mon propre exemple, je lis beaucoup de textes de traductologie en français, quelques-uns en espagnol, quelques-uns en russe. Je ne lis rien en allemand, très peu en anglais, car ce ne sont pas mes langues de travail. Mon cas n'est pas unique; j'ai pu constater la même chose chez les autres. Si la traduction est par essence un lieu d'échanges interlinguistiques et interculturels, nous restons confinés dans nos lectures à nos propres cultures. J'ai toujours trouvé cela très paradoxal, comme le fait que les grands congrès de la FIT (Fédération Internationale des Traducteurs) voient plus de 90% de leurs communications présentées en anglais. Or, la traduction, c'est précisément la lutte contre le tout-à-l'anglais, contre le nivellement linguistique, contre la domination d'une langue par rapport aux autres, et nous-mêmes, traducteurs, nous cédons à cette pression de l'anglais.

C'est pour cette raison que l'histoire de la traduction est somme toute peu présente dans les cursus de traduction dans le monde. A tort, car l'histoire de la traduction est une formidable introduction à la traductologie. Elle permet avant tout de relativiser et de contextualiser les pratiques en fonction de conditions historiques, sociologiques, religieuses et autres. L'histoire montre que la traduction est une activité sociologiquement déterminée: dire cela, c'est déjà faire de la traductologie. Il y a peu d'historiens de la traduction; ce sont généralement des traducteurs qui ont un intérêt particulier pour l'histoire, de bons amateurs en quelque sorte. Mais aucun historien de formation ne s'intéressera vraiment à l'histoire de la traduction et c'est dommage. S'intéresser à l'histoire de la traduction, c'est selon moi élargir son éventail épis-témologique.

QUELQUES REPERES HISTORIQUES

Le titre de cette étude peut sembler prétentieux. Vouloir examiner la traductologie russe sous l'angle de la culture française peut donner l'impres-

затуманивал умы переводчиков, а между тем во все эпохи человек прибегал к переводу. Основываясь на постулатах в высшей степени спорных, мы начали отрицать вездесущую и каждодневную реальность, вероятно потому, что теоретики не могут предложить приемлемые определения перевода, который представляет собой многоликую деятельность, «скрытую за тысячей масок», как говорил выдающийся переводчик современной русской литературы Жак Катто.

В завершение введения хочу отметить тот факт, что, как ни странно, переводоведы читают труды, посвящённые переводу, только на своём родном или на рабочих языках. Могу привести пример из собственного опыта: я читаю много трудов на французском языке, некоторые — на испанском и русском. Но я не читаю на немецком, а на английском читаю очень редко: причина в том, что я не работаю с этими языками. И мой случай не единичный, так делают очень многие. Несмотря на то, что перевод по своей природе является средством межъязыкового и межкультурного обмена, в процессе чтения мы всё равно остаёмся в рамках своей культуры. Мне это всегда казалось странным, как и то, что на заседаниях Международной федерации переводчиков более 90% докладов делаются на английском. Перевод — это как раз борьба с засильем английского языка, с лингвистическим обезличиванием, с превосходством одного языка над другими, но мы, переводчики, поддаёмся этому давлению со стороны английского языка.

История перевода очень мало представлена в курсе преподавания переводоведения по всему миру. И напрасно, потому что курс истории перевода прекрасно подходит для введения в переводове-дение. Прежде всего, она позволяет упорядочить и распределить весь накопленный опыт в соответствии с ходом развития истории, общества и религии. История показывает нам, что перевод — это социально детерминированная деятельность. Подобный подход свидетельствует о научном осмыслении перевода, т.е. является пе-реводоведческим. Существует очень мало историков перевода: в основном это переводчики, которые проявляют большой интерес к истории, своего рода любители. Но никакой профессиональный историк не заинтересуется историей перевода. А жаль! История перевода, как мне кажется, обогащает эпистемологию науки о переводе.

ИСТОРИЧЕСКАЯ СПРАВКА

Название данной статьи может показаться амбициозным. Стремление рассмотреть историю переводоведения в России в зеркале французской культуры может создать впечатление, будто французская культура превосходит русскую и позволяет судить о том, что происходит в других странах. Однако я не ставлю перед собой подобной цели. Я лишь хочу показать, как переводческая мысль, развивавшаяся в России, освещалась и исследовалась во француз-

sion que la culture française possède un avantage sur la culture russe, qu'elle peut être le juge de ce qui se fait ailleurs. Tel n'est pas mon objectif; je souhaite simplement montrer comment les réflexions théoriques sur la traduction menées en Russie ont été relayées et étudiées au sein de la culture française. Je crois que cela peut être intéressant puisque cela permet de comprendre le regard de l'autre, lequel peut avoir une vision déformée de ce qui se fait, depuis longtemps maintenant, en Russie.

Une remarque encore avant d'aborder les repères historiques. Rares sont les francophones (je ne parle pas seulement des Français, je dis les francophones) à étudier la traductologie, mais aussi la traductographie (mot que j'emploie dans le sens de «production de traductions») russe. Dans une conférence prononcée en mars 2014 à l'ISTI à Bruxelles (Les livres de Diderot et de Voltaire se trouvent à la Bibliothèque nationale de Russie, anciennement Bibliothèque publique impériale, fondée par Catherine II en 1795), le professeur Garbovskij a recensé en tout depuis 1967 cinq publications sur la traductologie russe en langue française. Deux seulement étaient l'œuvre de francophones, de Belges en fait. Il s'agit de Henri Van Hoof et de moi-même. Pour la France, pas un auteur, même si Tatiana Bo-drova-Gogenmos, auteur du livre La traductologie russe: ses apports et ses limites fait sa carrière à l'ESIT à Paris. C'est tout dire.

Les quelques réflexions que je livre dans ce texte sont surtout très personnelles.

Un petit détour par la France pour commencer. Les premières réflexions sur la traduction en France datent de la Renaissance et sont l'œuvre d'Etienne Dolet, un traducteur qui par ailleurs a fixé l'accentuation et la ponctuation en langue française. Dolet publie en 1540 La meilleure manière de traduire d'une langue en une autre, qui est donc le premier traité de traduction en langue française. Il est très court, ne comporte que 5 règles pour un total de 6 pages, mais propose une vision très moderne de la traduction. Par exemple, la première règle de Dolet veut que l'on connaisse «le sens et la matière» de l'auteur que l'on traduit. Dolet a donc déjà compris que la traduction est plus qu'une affaire de transcodage interlinguistique. Ce traité ne naît pas du néant. Dès le règne de François Ier en effet, le nombre de traductions augmente énormément en France, ce qui motive le traité de Dolet qui est une reconnaissance scientifique de l'activité traduisante inédite en France. Le détonateur de l'évolution est l'Ordonnance de Vil-lers-Cotterêts de 1539, par laquelle le roi rend le français obligatoire dans les actes officiels et les jugements des tribunaux de l'Etat. L'affirmation et l'officialisation du français doivent être considérées comme un passage de témoin entre les langues classiques et les langues vulgaires, ces dernières pouvant aussi servir de support et de transport à une identité culturelle.

ской культуре. Думаю, это может быть интересным, поскольку позволяет понять взгляд со стороны, который способен несколько искажённо представлять то, что на деле происходит в России на протяжении уже довольно длительного периода времени.

Ещё один комментарий, прежде чем перейти к истории. Весьма редки среди носителей французского языка (я имею в виду не только французов, но всех говорящих по-французски) те, кто занимался бы изучением российского переводоведения и переводо-графии (то есть описанием переводческой деятельности в России). В лекции, прочитанной в марте 2014 г. в Высшем институте перевода в Брюсселе (ISTI) (Les livres de Diderot et de Voltaire se trouvent à la Bibliothèque nationale de Russie, anciennement Bibliothèque publique impériale, fondée par Catherine II en 1795), профессор Н.К. Гарбов-ский назвал пять публикаций о российском переводоведении, написанных на французском языке с 1967 г. Лишь две из этих работ были созданы носителями французского языка, в данном случае бельгийцами: Анри Ван Офом и мной. Во Франции не было написано ни одной такой работы, хотя стоит упомянуть, что Татьяна Бодро-ва-Гоженмос, автор книги «Российское переводоведение: его роль и пределы», работает сегодня в Высшей школе переводчиков (ESIT) в Париже. Этим всё сказано.

Некоторые размышления, которые я публикую в этой статье, носят сугубо личный характер.

Начну с Франции. Первые размышления о переводе здесь появились в эпоху Возрождения и связаны с деятельностью Этьена Доле — переводчика, который, кстати, установил нормы ударения и пунктуации во французском языке. В 1540 г. он опубликовал трактат «О способе хорошо переводить с одного языка на другой», являющийся первой работой о переводе на французском языке. Текст совсем небольшой, всего шесть страниц, на которых Доле описывает пять правил. Тем не менее этот трактат представляет собой вполне современное видение перевода. Так, согласно первому правилу, переводчик должен понимать «смысл и предмет» автора оригинала. Доле уже тогда пришёл к выводу, что перевод — это намного больше, чем просто межъязыковое декодирование. Со времён Франциска I количество переводов значительно увеличилось, чем и объясняется появление работы Доле, который отдаёт дань возникшей во Франции переводческой деятельности через научное осмысление. Катализатором для развития этой деятельности послужил Ордонанс Виллер-Котре, изданный в 1539 г. Указом короля французский язык становился обязательным при составлении административных документов и в судопроизводстве. Утверждение и официальное признание французского языка должны рассматриваться как некая эстафета между классическими и народными языками. Отныне народные языки могли выступать в роли носителей культурной самобытности.

La traduction n'est donc pas l'ennemie des littératures nationales. Les premières œuvres dans une langue vulgaire sont souvent des traductions, et celles-ci créent une langue littéraire qui va favoriser l'éclosion d'une littérature nationale.

Pour en revenir à la Renaissance, il faut remarquer que cette même année 1539, Robert Estienne, imprimeur royal au service de François Ier et de Henri II, crée le verbe traduire pour remplacer l'ancien translater. Le mot traducteur date quant à lui de 1540. Le mot traductrice n'apparaîtra qu'en 1711, vraisemblablement dans la foulée des traductions de Madame Dacier. Dans l'histoire, les traductions ont très majoritairement été l'œuvre d'hommes; aujourd'hui cependant, dans toutes les écoles de traduction du monde, on trouve une écrasante majorité de filles. Cet élément devrait alimenter la réflexion.

Le 17e siècle français sera vraiment celui de la traductologie, avec nombre de traités, comme ceux d'Antoine Lemaistre (1656), de Gaspard de Tende (1660) ou de Pierre-Daniel Huet. Rien d'étonnant à cela non plus quand on sait que le 17e siècle français, le plus brillant de l'histoire littéraire de France, le siècle du classicisme, est dominé en littérature et en sciences par trois mots qui en sont véritablement la marque de fabrique: Raison, Traités, Règles. Tout est fixé par une Académie française et plus tard par une Académie des Sciences toutes puissantes. Une réflexion traductologique est donc déjà installée en France, depuis le 17e siècle au moins.

En Russie, et on me pardonnera de résumer les choses à l'extrême mais il ne s'agit pas ici d'un cours sur l'histoire de la Russie, il n'y a pas de Renaissance. Le 17e siècle s'ouvre pour sa part sur le temps des troubles et se poursuit avec la dynastie des Romanov. L'ouverture à l'étranger, qui est une des conditions sine qua non à l'exercice de la traduction, ne commence véritablement qu'avec Pierre-le-Grand, sa volonté de moderniser la Russie, ses voyages à l'étranger (notamment en Belgique même si cette région ne s'appelait pas encore ainsi à l'époque), son souci de doter la Russie d'une véritable flotte. Tout cela se voit dans son obsession de donner à la Russie un débouché vers le Nord (la Baltique), qui se concrétisera par exemple par la fondation de Saint-Pétersbourg en 1703.

Ce faisant, la Russie passe brutalement du Moyen-Age aux Temps Modernes. On ne peut en effet considérer que les prises de Kazan et d'Astrakhan par Ivan le Terrible et sa volonté de conquérir la Sibérie témoignent d'une volonté de s'ouvrir à l'étranger. Pour le dire autrement, l'intérêt pour la traduction et, dans la foulée, une réflexion ordonnée sur celle-ci, ne pouvaient naître en Russie qu'à partir de l'œuvre de Pierre-le-Grand.

Parallèlement, c'est aussi au début du 18e siècle, après la mort de Louis XIV en 1715, que la France s'ouvre à l'étranger. La traduction y était jusque-là régie par le classicisme qui lui imposait ce que je pourrais appeler une

Получается, что перевод не является врагом национальной словесности. Очень часто первые произведения на народном языке — это как раз переводы; они способствуют появлению литературного языка, который, в свою очередь, участвует в создании национальной литературы.

Возвращаясь к эпохе Возрождения, мы должны отметить, что в том же 1539 году Робер Эстьен, королевский книгопечатник, состоявший на службе у Франциска I и Генриха II, придумал глагол traduire («переводить»), заменив существующее translater. Слово traducteur («переводчик») датируется лишь 1540 г. Слово traductrice («переводчица») возникло в 1711 г. — предпосылкой для этого, скорее всего, послужила переводческая деятельность мадам Дасье. Раньше переводчиками были в основном мужчины, в то время как сейчас во всех переводческих учебных заведениях подавляющее большинство составляют девушки. Стоит об этом задуматься.

Во Франции XVII век стал эпохой размышлений о переводе. В это время появилось множество трактатов — к примеру, трактаты Антуана Леместра (1656), Гаспара де Танда (1660) и Пьера-Даниэля Юэ. И это тоже неудивительно, поскольку XVII век — век расцвета французской литературы, век классицизма — стал свидетелем господства в литературе и науке трёх концептов: Разум, Трактаты, Правила. Всё определялось Французской академией, а позже — Академией наук, всемогущими институтами своего времени. Таким образом, во Франции размышления о переводе восходят как минимум к XVII в.

В России — да простят мне некоторую поверхностность, так как я не стремлюсь преподать курс русской истории, — не было Возрождения. Начало XVII в. — период потрясений, завершившийся приходом к власти династии Романовых. Открытость другим странам — условие sine qua non для осуществления перевода — в России формируется лишь при Петре I, с его стремлением сделать Россию современной страной, его выездами за границу (в том числе и в Бельгию, хотя этот регион назывался тогда иначе), его заботой о создании для России настоящего флота. Всё это подчинено его страстному желанию дать России выход к Северу (к Балтийскому морю), и свидетельством тому — основание Санкт-Петербурга в 1703 г.

В результате Россия стремительно перешла от Средневековья к Новому времени. Вряд ли можно считать взятие Казани и Астрахани Иваном Грозным и его стремление завоевать Сибирь свидетельством открытости. Иначе говоря, интерес к переводу и упорядоченные размышления о нём могли появиться лишь в связи с деяниями Петра Великого.

В ту же эпоху, после смерти Людовика XIV в 1715 г., начинает открываться миру Франция. До этого над переводом довлели нормы классицизма, которые превращали его в так называемую «диахро-

«adaptation intraculturelle diachronique». Les traducteurs de l'époque traduisaient en français les oeuvres classiques gréco-latines en les adaptant aux mœurs de l'époque, au bon goût de Versailles et des salons. Au 18e siècle donc, c'est ce que l'on appelle en France la victoire des Modernes sur les Anciens. On abandonne peu à peu l'héritage classique pour se tourner vers les littératures modernes, contemporaines, essentiellement anglaise. C'est l'époque de l'anglomanie. Mais il y aura aussi un intérêt pour les cultures allemande, espagnole, italienne, russe et même arabe; c'est ce qu'on appelle les «turqueries». Il s'agira cette fois d'une «adaptation interculturelle synchro-nique». La France abandonne son nombrilisme et s'ouvre aux cultures étrangères. En échange, la France rayonne à l'étranger, le français devient la langue de la diplomatie jusqu'en 1918; une véritable francophilie s'empare des pays européens et notamment de la Russie.

Le 18e siècle est donc à mon sens le premier moment d'un vrai échange culturel avec la Russie, qui va se manifester par des traductions, du russe en français et du français en russe. C'est l'époque des Lumières; Voltaire entretiendra une relation épistolaire avec Catherine II, la grande Catherine, qui prolongera sur le plan culturel l'héritage politique de Pierre-le-Grand. Les plus grands souverains européens se targueront de parler et d'écrire en français, qu'il s'agisse de Frédéric de Prusse, de Gustave III de Suède, du Prince de Ligne ou de Catherine II précisément (cette dernière avait appris le français avec sa gouvernante). Catherine II va s'ouvrir aux Lumières en incitant d'Alembert à devenir le précepteur du futur Paul 1er, son fils, et en permettant à Diderot d'imprimer son Encyclopédie à Riga. Elle rachètera d'ailleurs les bibliothèques de Diderot et de Voltaire.

Une lettre de Voltaire à Mme du Deffand illustre la francophilie à la cour de la grande Catherine: «Rien n'est plus extraordinaire que cet assemblage de toutes les grâces françaises dans le pays qui n'était que celui des ours il y a cinquante ans [...]. On parle français à la cour de l'Impératrice plus purement qu'à Versailles, parce que nos belles dames ne se piquent pas de savoir la grammaire. Diderot est tout étonné de ce qu'il a vu et entendu» [Fumaroli, 2001, p. 311].

En matière politique, on sait que Catherine II, grande admiratrice de Montesquieu et lectrice assidue de l'Esprit des Lois, réformera en partie la politique russe. Benjamin Franklin exportera vers les États-Unis les idées de l'Encyclopédie et participera à la Guerre d'Indépendance avant de rédiger avec d'autres la Déclaration d'Indépendance de 1776.

L'Encyclopédie sera d'ailleurs une des traductions importantes faites à l'époque en russe. Elle ne sera pas traduite entièrement; certains articles seulement seront traduits en fonction de leur intérêt. Dans un numéro de la

ническую внутрикультурную адаптацию». Переводчики того времени переводили на французский язык античную литературу, адаптируя её к нравам эпохи, вкусам Версаля и салонов. В XVIII в. произошло то, что во Франции называется победой новых над древними. О классическом наследии постепенно забыли и стали обращаться к современной литературе, преимущественно английской. Это была эпоха англомании. Однако в то же время интересовались и немецкой, испанской, итальянской, русской и даже арабской культурой; создавались произведения «в турецком стиле». Это уже «синхроническая межкультурная адаптация». Франция отошла от «самокопания» и открылась другим культурам. В итоге французский язык стал языком дипломатии, сохранив этот статус до 1918 г. В европейских странах появилась мода на всё французское, и Россия в этом смысле не была исключением.

Таким образом, XVIII век стал, по моему мнению, временем начала культурного обмена с другими странами, в том числе и с Россией, что проявилось в переводах с русского на французский и наоборот. Это была эпоха Просвещения. Величайшие европейские суверены гордились тем, что говорят и пишут по-французски: будь то Фридрих, король Пруссии, шведский король Густав III, принц де Линь или Екатерина II, которую французскому языку научила гувернантка. Екатерина II была увлечена философией Просвещения, вела переписку с Вольтером и даже пригласила Ж.Л. д'Алам-бера в качестве воспитателя для своего сына, будущего императора Павла I, а также позволила Д. Дидро напечатать «Энциклопедию» в Риге. Она выкупила библиотеки Дидро и Вольтера.

Отрывок из письма Вольтера госпоже дю Деффан свидетельствует о любви ко всему французскому при дворе Екатерины Великой: «Нет ничего удивительнее, чем собрание всех французских прелестей в стране, где пятьдесят лет назад жили одни медведи... При дворе императрицы по-французски говорят лучше, чем в Версале, так как наши дамы грамматикой себя не утруждают. Дидро был необычайно удивлён тем, что здесь видел и слышал» [Fuma-roli, 2001, p. 311].

Екатерина II, большая почитательница Монтескьё, внимательно изучила его трактат «О духе законов» и провела ряд соответствующих реформ в области политики. Бенджамин Франклин распространил в Соединённых Штатах идеи энциклопедистов и участвовал в Войне за независимость, после чего принял участие в составлении текста Декларации независимости 1776 г.

Перевод «Энциклопедии» на русский язык имел большое значение для того времени, хотя переведены были далеко не все статьи. В одном из номеров Revue des études slaves за 1965 г. П. Берков пишет: «Российские газеты того времени, петербургские и москов-

Revue des études slaves de 1965, Berkov étudie remarquablement le succès de l'Encyclopédie en Russie. En voici un court extrait: «Les journaux russes du temps, les Nouvelles de Saint-Pétersbourg et les Nouvelles de Moscou, informaient leurs lecteurs de la publication de chacun des tomes de l'Encyclopédie et des suppléments illustrés. On en parlait dans la correspondance privée, on en faisait des citations; des articles étaient traduits et publiés à part, et des extraits étaient édités sur tel ou tel sujet» [Berkov, 1965, p. 48].

Longinov, un historien de la littérature, a publié en 1857 un article dans la revue Sovremennik, consacré aux Traductions tirées de l'Encyclopédie, qui furent éditées en 1767 à Moscou: 27 articles portant sur différents domaines scientifiques avaient été traduits à l'époque, mais dans les années suivantes des centaines d'autres seront traduits. Longinov commente les choix traductifs des traducteurs, la sélection des originaux; bref, il y a là déjà les prémices d'une traductologie. Un autre grand érudit, Strange, qui est à mon sens un grand traductologue russe méconnu du 20e siècle dans la mesure où il s'intéresse à l'histoire de la traduction, a étudié le lien entre la traduction russe de l'Encyclopédie et le développement de la libre pensée dans plusieurs cours de l'université. Selon lui, la traduction de l'Encyclopédie s'est interrompue à cause la grande révolte paysanne de 1773-1775. Dans un très intéressant article, L'Encyclopédie de Diderot et les traducteurs russes [Annuaire d'études françaises., 1961, p. 76-87], Strange dresse un portrait idéologique des traducteurs.

Toujours dans ce 18e siècle qui vit la naissance de l'Université Lomo-nossov de Moscou (1755), je me dois de citer Trediakovskij, qui fut traducteur et devint ensuite secrétaire de l'Académie des Sciences en 1735. Tre-diakovskij versa en russe Boileau et Rollin. Trediakovskij est tout à fait de son époque puisqu'il tente de limiter au maximum les slavonismes; il se fait ainsi l'écho du classicisme français en Russie et pourtant, il était détesté par Catherine II (mais pour d'autres raisons il est vrai.). Il faut lui rendre justice: il traduisit en russe plus de 12.000 pages françaises. Il séjourna à Paris, où il se lia d'amitié avec l'abbé Girard, académicien et auteur de Justesse de la langue française (1718), texte que Trediakovskij admirait. C'est l'abbé Girard qui publiera la première traduction d'un texte russe en français, l'Oraison funèbre de Pierre-le-Grand de Théophane Pro-kopovic (Saint-Pétersbourg, 1725), qui sera éditée dans le Journal des Savants (1726).

Je ne pourrais passer sous silence l'influence de Mikhaïl Lomonossov, à la fois sur la langue russe, mais aussi indirectement sur la traduction. Lorsqu'il écrit en 1755 la première Grammaire russe, il fixe la langue et en fait un support littéraire qui sera remarquablement utilisé un peu plus tard par

ские "Ведомости", сообщали читателям о публикации каждого тома "Энциклопедии" и иллюстрированных приложений. О ней говорили в частной переписке, её цитировали; отдельные статьи и выдержки переводились и издавались самостоятельно» [Berkov, 1965, p. 48].

Историк литературы М.Н. Лонгинов опубликовал в 1857 г. в журнале «Современник» статью, посвящённую переводам из «Энциклопедии», изданным в Москве в 1767 г. Он отмечает, что тогда было переведено 27 статей по различным научным направлениям. В последующие годы появились переводы сотен других статей. Лонгинов комментировал переводческие решения, отбор статей для перевода. Словом, это были первые шаги на пути к переводо-ведению. Другой видный учёный, М.М. Штранге, замечательный и, на мой взгляд, недооценённый русский переводовед ХХ в., изучал связь между русским переводом «Энциклопедии» и развитием свободной критической мысли в университетах. Он утверждал, что перевод «Энциклопедии» был прерван из-за крестьянского восстания 1773—1775 гг. В своей чрезвычайно интересной статье «"Энциклопедия" Дидро и её русские переводчики» [Французский ежегодник..., 1961, с. 76—87] Штранге составил идеологический портрет переводчиков, познакомивших русского читателя с трудом французских энциклопедистов.

В том же XVIII веке, когда был основан и Московский университет (1755), важной фигурой является В.К. Тредиаковский, поэт и переводчик, ставший в 1735 г. секретарём Академии наук. Тредиа-ковский перевёл на русский Буало и Роллена. Он в полной мере отражал дух своей эпохи, пытаясь максимально ограничить употребление славянизмов, — это своего рода эхо французского классицизма в России; тем не менее Екатерина II его не жаловала (впрочем, на то у неё были свои причины). Надо отдать ему должное: он перевёл с французского на русский более 12 тысяч страниц. Какое-то время он жил в Париже, где подружился с аббатом Жираром, членом Французской академии и автором книги «Точность французского языка» (1718), которой Тредиаковский восхищался. Аббату Жирару принадлежит первый перевод с русского на французский язык «Слова на погребение Петра Великого» Феофана Прокоповича (СПб., 1725), опубликованный в Journal des Savants в 1726 г.

Нельзя не упомянуть о влиянии М.В. Ломоносова — как на русский язык, так и опосредованно на перевод. Написав в 1775 г. «Российскую грамматику», он зафиксировал языковые нормы, тем самым фактически заложив основу литературного языка, которым в дальнейшем мастерски пользовался Пушкин. Первая рос-

Pouchkine. Cette première grammaire russe est publiée environ un siècle après les Remarques sur la langue française de Vaugelas (1647), que l'on peut considérer comme la grammaire de l'Académie française. Il s'agit pour Lomonossov comme pour Vaugelas de fixer la langue, de la réguler dans son fonctionnement. En France, il s'agissait d'écarter les dialectes, les patois, les parlers des provinces; chez Lomonossov, il s'agira aussi de normaliser le russe (c'est cette volonté que l'on retrouve dans sa Théorie des trois styles) et de créer en quelque sorte un russe littéraire. Lomonossov veut bannir l'utilisation de vocables étrangers ou barbares et se prononce en faveur d'une langue russe fondée sur son histoire.

Il y a là, comme chez un Wilhelm von Humboldt pour l'allemand, une volonté d'affirmer la grandeur et même la suprématie de la langue russe. Dans sa dédicace (c'était la mode et même une obligation à l'époque, que l'on retrouve aussi en France) à l'impératrice Elisabeth Petrovna, il écrit: «Maîtresse de plusieurs langues, la langue russe n'est pas seulement supérieure à toutes celles d'Europe par l'étendue des pays où elle règne, elle l'est aussi par son ampleur et par sa richesse propres. Cela semblera incroyable aux étrangers et à certains Russes d'origine qui ont plus consacré leurs travaux aux langues étrangères qu'à la leur. Mais celui qui, non influencé par les hautes opinions établies sur ces langues étrangères portera sur la langue russe son intelligence et s'appliquera à l'approfondir, sera d'accord avec moi» [Masline, 2010, p. 502].

Ce que je veux signifier, c'est que Lomonossov parle implicitement de traduction. Quand il bannit les mots étrangers, il pense à la contamination interlinguistique que peut provoquer la traduction; quand il célèbre la grandeur de la langue russe, il affirme ipso facto qu'elle celle-ci a les moyens d'accueillir par la traduction les grandes œuvres étrangères. C'est, en termes traductologiques, un plaidoyer pour le ciblisme, un programme de traduction qui prend en compte le récepteur.

On pourrait discuter longtemps de cette problématique, mais cela demanderait une étude plus longue. Au 19e siècle, tout lecteur des grands écrivains russes sait que les mots et expressions en langue française sont légion dans les œuvres originales russes, qu'il s'agisse de Pouchkine, de Tolstoï (peut-être à mon sens l'écrivain le plus emblématique à ce propos) et de bien d'autres encore. Guerre et Paix contient de nombreux passages entiers écrits en français, ce qui est un bon exemple de la francophilie qui régnait en Europe à partir du 18e siècle.

Après cette introduction un peu longue, mais nécessaire je crois pour mettre les choses en place, je voudrais maintenant m'attaquer à la traducto-logie russe du 20e siècle, qui se confond en grande partie avec la période soviétique.

сийская грамматика вышла в свет почти век спустя после «Заметок о французском языке» К. Вожла (1647), которые можно считать грамматикой Французской академии. Как и Вожла, Ломоносов сыграл важную роль в становлении и нормировании родного языка. Во Франции такая работа означала исключение диалектов, патуа и местных говоров. Ломоносову также нужно было нормировать русский язык (именно это мы и видим в его учении о трёх штилях) и в каком-то смысле создать литературный язык. Он хотел очистить язык от иностранных слов, варваризмов и выступал за тот русский язык, который сформировался естественным путём.

Здесь прослеживается аналогия с деятельностью В. фон Гумбольдта в отношении немецкого языка — желание показать всё величие и даже превосходство русского языка. В своём посвящении императрице Елизавете Петровне (в то время в России, как и во Франции, подобные обращения были данью моде, а иногда даже носили обязательный характер) Ломоносов пишет: «Повелитель многих языков, язык российский, не токмо обширностию мест, где он господствует, но купно и собственным своим пространством и довольствием велик перед всеми в Европе. Невероятно сие покажется иностранным и некоторым природным россиянам, которые больше к чужим языкам, нежели к своему, трудов прилагали. Но кто, не упреждённый великими о других мнениями, прострёт в него разум и с прилежанием вникнет, со мною согласится» [Masline, 2010, p. 502].

Иными словами, Ломоносов имплицитно говорил о переводе. Запрещая иностранные слова, он опасался засорения языка, к которому может привести перевод. Когда он прославлял величие русского языка, он тем самым утверждал, что в нём есть все необходимые ресурсы для перевода выдающихся произведений иностранной литературы. Выражаясь научным языком, мы можем здесь говорить о так называемом целевом подходе, т.е. переводческом принципе ориентации на читателя.

Можно долго обсуждать этот вопрос, но это требует более детального изучения. В XIX в. каждый русский читатель знал, что французские слова и выражения буквально наводнили произведения отечественных авторов, в частности Пушкина и Толстого. Последний, как мне представляется, наиболее показателен в этом отношении. «Война и мир» содержит множество страниц, написанных полностью на французском языке, что говорит о галломании, господствовавшей в Европе с начала XVIII в.

После этого длинного, но, на мой взгляд, необходимого введения обратимся к переводоведению России ХХ в., которое развивалось в основном в советский период.

L'ECOLE RUSSE DE TRADUCTION AVANT FEDOROV

Jusqu'en 1920 environ, on peut dire que les théoriciens russes considèrent que toute traduction est impossible parce qu'elle ne peut atteindre une fidélité absolue au texte original. Dans ses Principes de traduction littéraire, F.D. Batiouchkov écrivait entre autres que «aucune traduction, même la plus parfaite, ne peut remplacer entièrement la lecture d'une oeuvre littéraire dans l'original» [Batiouchkov et al., 1920, p. 10]. C'est une conception que je trouve «dans l'air du temps» et que Mounin appellera plus tard «objection préjudicielle». Sous l'influence du réalisme socialiste et à partir des années 1930, les théoriciens russes commenceront à délaisser cette conception trop rigoriste, trop inflexible de la traduction pour lui préférer l'idée d'une correspondance fonctionnelle entre l'original et la traduction. L'important n'est plus alors d'obtenir une fidélité absolue, idéal inaccessible selon les théoriciens précédents, mais de créer un texte équivalent en langue d'arrivée. En d'autres termes, il ne faut plus une égalité de textes, mais une identité de résultat.

En 1934, A.A. Smirnov publie un article où il met en évidence la notion d'adéquation, laquelle fait appel à des équivalences directes ou à des substituts. La théorie de Smirnov est systémique et considère le texte à traduire non comme une succession de phrases et de paragraphes modulaires, mais comme une entité globale dont les éléments ne peuvent être traduits séparément. C'est ce qui conduisit les traducteurs littéraires à privilégier la fonction esthétique de l'original, estimant que c'est elle qui constitue l'essence de l'oeuvre. Lozinsky, le merveilleux traducteur de Shakespeare et de Corneille, disait de la traduction poétique: il faut «créer la même impression que l'original» [Lozinsky, 1955, p. 166] («vpecatlenie», au sens étymologique du terme). Cette prise de position est assez logique lorsque l'on sait que la traduction littéraire, riche d'une longue tradition en Russie, fut aux mains d'orfèvres de la langue comme Pouchkine ou Biélinsky.

C'est cet héritage culturel qui influencera Maxime Gorki, lequel avait aussi une activité de rédacteur, de critique et de directeur de traductions. Gorki fonda en 1918 à Petrograd l'édition d'Etat Littérature universelle, qui avait pour objectif de rassembler systématiquement, sous forme de traductions originales ou revues, les oeuvres les plus remarquables des littératures étrangères. Soucieux d'une qualité irréprochable, Gorki organisa sous les auspices de la maison d'édition un «studium», un conservatoire spécial pour traducteurs. On sait que Blok était responsable de la littérature allemande, que Tchoukovskij et Zamiatine s'occupaient de la littérature anglo-saxonne, et que Goumiliov supervisait la littérature française. En 1920, la maison d'édition publia aussi le premier manuel de traduction en langue

РУССКАЯ ПЕРЕВОДЧЕСКАЯ ШКОЛА ДО ФЁДОРОВА

Примерно до 1920 г. русские теоретики считали, что перевод в принципе невозможен, поскольку он не может точно соответствовать оригиналу. Ф.Д. Батюшков, в частности, писал, что «ни один перевод, даже самый совершенный, не может вполне заменить чтение художественного произведения в подлиннике» [Батюшков и др., 1920, с. 10]. По моему мнению, эта концепция соответствует духу того времени. Именно её Ж. Мунен позже назвал «objection préjudicielle». В 1930-е гг. под влиянием социалистического реализма русские теоретики начали отходить от этой достаточно жёсткой концепции, отдавая предпочтение идее «функционального соответствия» между текстами оригинала и перевода. Основной задачей теперь было не достижение абсолютной верности в переводе, а создание эквивалентного текста на языке перевода. Другими словами, отныне требовалась не тождественность текстов оригинала и перевода, а равный эффект от них.

В 1934 г. А.А. Смирнов опубликовал статью, в которой описал понятие адекватности, предполагавшей использование прямых соответствий или замен. Его теория является системной и рассматривает текст оригинала не как последовательность отдельных предложений и абзацев, а как единое целое, элементы которого не могут переводиться отдельно. По этой причине переводчики художественной литературы на первое место ставили эстетическую функцию оригинала, считая, что именно она составляет сущность произведения. Выдающийся переводчик Шекспира и Корнеля М.Л. Лозинский писал: поэтический перевод должен произвести «то же впечатление, что и подлинник» [Лозинский, 1955, с. 166]. Такая позиция вполне логична, поскольку художественным переводом в России издавна занимались мастера слова — как, к примеру, Пушкин и Белинский.

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Это культурное наследие повлияло впоследствии на творчество Максима Горького, который занимался редактированием, критикой и изданием переводов. В 1918 г. в Петрограде Горький основал государственное издательство «Всемирная литература», где должны были публиковаться оригинальные и пересмотренные переводы выдающихся произведений зарубежной литературы. В стремлении к безупречному качеству переводов, Горький под эгидой издательства основал специальную студию для переводчиков. Известно, что А.А. Блок отвечал за немецкую литературу, К.И. Чуковский и Е.И. Замятин — за англосаксонскую, а Н.С. Гумилёв — за французскую. В 1919 г. издательство опубликовало первый учебник по переводу на русский язык — брошюру под названием «Принципы художественного перевода», посвящённую основам перевода поэзии и прозы. Всё это позволило широкому кругу читателей получить

russe: il s'agit de la brochure Principes de traduction littéraire, déjà évoquée plus haut, consacrée aux bases de la traduction de prose et de poésie. Ce travail de fond permit de mettre à la portée d'un nombre toujours plus important de lecteurs des traductions d'une qualité souvent remarquable, même si parfois trop littérales à force de vouloir respecter, coûte que coûte, une fidélité absolue à l'original. C'est ainsi que l'on publia pour la France les traductions des œuvres de Voltaire, de Balzac, de Hugo, des frères Gon-court, de Flaubert, de Maupassant ou de Daudet.

Il y avait parfois à l'époque, comme je viens de le signaler, confusion entre fidélité et littéralité, d'où la mode des traductions juxtalinéaires. L'extraordinaire soumission au contenu sémantique et aux particularités formelles de l'original donnait des traductions «linéaires» qui ne tenaient que peu compte des caractéristiques et des exigences du russe. Ici encore, on peut faire un parallèle avec la France. La tradition des traductions juxtalinéaires remonte aux jésuites; il faut y voir le souci de transparence linguistique entre l'original et sa traduction et une stratégie traductive qui opère par correspondances de signifiants plutôt que par équivalences. C'est une sacralisation de l'original qui est caractéristique de la traduction religieuse et qui aboutit au littéralisme.

Gorki n'était pas seulement «un producteur de traductions», il introduisit aussi la planification des oeuvres à traduire, dont le programme était à la fois qualitatif et quantitatif. L'extraordinaire diversité des originaux choisis et le foisonnement des traductions publiées semblaient alors avoir fait un sort au problème de l'objection préjudicielle.

L'engagement de l'Etat dans l'activité traduisante se matérialisera aussi dans la traduction des œuvres nationales des peuples frères, qu'ils appartiennent à l'Union Soviétique ou aux pays satellites. Le premier Congrès des écrivains de l'U.R.S.S., tenu en 1934, joua un rôle important en la matière. Cet engagement est autant politique que littéraire comme en témoigne clairement une missive envoyée par Gorki lui-même au rédacteur d'une revue azerbaïdjanaise des kolkhozes: «.. .il va de soi que cela accélérerait de manière importante la création d'une culture socialiste unique, grandiose, redoutable, à même de réformer le monde entier» [Gorki, 1955, p. 365-366] (traduction personnelle).

ANDREI V. FEDOROV

Fédorov est un traducteur russe originaire de Saint-Pétersbourg. Il publia en 1953 une Introduction à la théorie de la traduction (Vvedenie v teoriju perevoda, Moscou, Institut des littératures en langues étrangères). Le livre fut réédité en 1958, dans une édition refondue. Une 3 e édition fut

доступ к переводам высокого качества, хотя иногда и слишком дословным в связи со стремлением во что бы то ни стало сохранить абсолютную верность оригиналу. Были изданы, в частности, переводы произведений Вольтера, Бальзака, Гюго, братьев Гонкур, Флобера, Мопассана и Доде.

Как было упомянуто выше, раньше существовала некая путаница между «верностью» и «дословностью», откуда и возникла мода на подстрочный перевод. Такой «линейный» перевод полностью подчинялся смысловому содержанию и формальным особенностям оригинала, но в то же время в нём не учитывались особенности русского языка. Здесь также наблюдается определённое сходство с Францией, где традиция подстрочных переводов восходит к иезуитам. Они стремились к языковой прозрачности между оригиналом и переводом и использовали переводческую стратегию, основанную скорее на параллелизме означающих, а не на поиске соответствий. Подобная «сакрализация» оригинала, характерная для перевода религиозных текстов, приводит к буквализму.

М. Горький не только занимался изданием переводов, но и создал целую программу работы с произведениями для перевода, которая принимала во внимание и качественные, и количественные факторы. Казалось, огромное разнообразие выбранных произведений и изобилие опубликованных переводов разрешило проблему «objection préjudicielle».

Вовлечённость государства в переводческую деятельность проявлялась в переводе произведений национальной литературы братских народов Советского Союза и дружественных ему государств. Первый всеобщий съезд писателей СССР, состоявшийся в 1934 г., сыграл не последнюю роль в этом отношении. Здесь уместно будет привести цитату из письма Горького, адресованного редактору одной азербайджанской колхозной газеты: «Идеально было бы, если бы каждое произведение каждой народности, входящей в Союз, переводилось на языки всех других народностей Союза. В этом случае мы все быстрее научились бы понимать национально-культурные свойства и особенности друг друга, а это понимание, разумеется, очень ускорило бы процесс создания той единой социалистической культуры, которая, не стирая индивидуальные черты лица всех племён, создала бы единую, величественную, грозную и обновляющую весь мир социалистическую культуру» [Горький, 1955, с. 365—366].

А.В. ФЁДОРОВ

А.В. Фёдоров — русский переводчик, уроженец Санкт-Петербурга. Его книга «Введение в теорию перевода» (М.: Институт иностранной литературы, 1953) в 1958 г. была переиздана в исправлен-

programmée en 1968, mais avec un titre nettement remanié: Osnovy obscej teorii perevoda (lingvisticeskij ocerk), Moscou, éd. Vyssaja Skola.

La 3e édition indique clairement que Fédorov adopte une vision linguistique de la traductologie. Ce qui fait le texte, c'est la langue et c'est donc celle-ci qu'il convient d'étudier.

Par ailleurs, Fédorov emprunte à Smirnov est la notion d'adéquation (adekvatnosf), qu'il rebaptise équivalence. L'adéquation signifie, dans l'esprit de Fédorov, une correspondance fonctionnelle à l'original et une justification des procédés de traduction [Fédorov, 1968, p. 149].

Son ouvrage revendique la sujétion de la traduction au domaine de la linguistique. Il s'agit d'un livre polymorphe, qui traite à la fois d'histoire de la traduction, de typologie des textes et de traduction poétique. Pour preuve, le chapitre 2 s'intitule «Histoire de la traduction avant le marxisme» et le chapitre 3 «Résumé de l'opinion de Marx, Engels et Lénine sur la traduction».

Fédorov insiste sur la nécessité pour le traducteur d'être armé d'un bagage linguistique à toute épreuve (en philologie, en stylistique et en métrique notamment, ce qui s'explique par le fait que Fédorov est surtout un traducteur littéraire). C'est surtout l'édition amendée de 1964 qui insiste sur ce point.

Le lien avec la traductologie française est évident. C'est en 1958 que Vinay et Darbelnet publient leur Stylistique comparée du français et de l'anglais. Cette méthode de traduction, étudiée dans de nombreuses écoles de par le monde, est un plaidoyer pour une conception linguistique de la traductologie. Le tournant sociolinguistique incarné par Nida ne verra le jour que dans les années 1960. Juste avant la 3e édition du livre de Fédorov, Georges Mounin avait publié chez Gallimard Les Problèmes théoriques de la traduction (1963), fruit d'une thèse présentée en Sorbonne, et qui marque l'entrée décisive de la traductologie dans la chasse gardée de la linguistique. Fédorov est donc tout à fait de son époque et il convient de souligner que ce sont essentiellement Mounin et Cary qui ont introduit et fait connaître la pensée de Fédorov en France. Mounin avait appris le russe en autodidacte et s'était essayé à la traduction poétique, notamment celle des œuvres de Pasternak. Edmond Cary, de son vrai nom Cyrille Znosko-Bo-rovski, était comme Fédorov originaire de Saint-Pétersbourg, mais avait fait toute sa carrière d'interprète en France, notamment à l'Unesco.

L'HERITAGE DE FEDOROV

Paradoxalement, l'après-guerre et singulièrement la guerre froide n'entraveront pas le développement de la traduction en URSS. La revue Litté-

ном и дополненном виде, третье издание вышло в 1968 г., но уже под другим названием [Фёдоров, 1968].

Третье издание чётко указывает на то, что Фёдоров берёт за основу лингвистический подход к теории перевода. Текст создаётся посредством языка; следовательно, изучать нужно язык.

Фёдоров заимствует у Смирнова понятие адекватности, которую он называет эквивалентностью. По Фёдорову, адекватность представляет собой функциональное соответствие оригиналу и обоснование выбора способов перевода [там же, с. 149].

В своей книге Фёдоров говорит о необходимости подчинения перевода лингвистическому подходу. Эта работа охватывает множество аспектов: и историю перевода, и типологию текстов, и поэтический перевод. К примеру, вторая глава называется «Из истории перевода и переводческой мысли до появления марксизма», а третья — «Маркс, Энгельс, Ленин о переводе».

Фёдоров настаивает на том, что переводчик должен обладать богатым багажом лингвистических знаний (в частности, в области стилистики и метрики; такую позицию можно объяснить тем, что Фёдоров был в основном переводчиком художественной литературы). Это в большей степени прослеживается в исправленном издании книги.

Связь с французским переводоведением очевидна. В 1958 г. Ж.П. Вине и Ж. Дарбельне опубликовали «Сопоставительную стилистику французского и английского языков». Предложенный ими метод, изучаемый во многих школах по всему миру, отстаивает лингвистическую концепцию перевода. Социолингвистический поворот, осуществлённый Ю. Найдой, произошёл лишь в 1960-х гг. За несколько лет до выхода в свет третьего издания книги Фёдорова Ж. Мунен опубликовал работу «Теоретические проблемы перевода» (Gallimard, 1963), которая была написана на основе защищённой в Сорбонне диссертации и ознаменовала окончательное вхождение переводоведения в русло лингвистики. Таким образом, концепция Фёдорова полностью соответствовала переводческой мысли того времени. Необходимо отметить, что во Франции его идеи распространились во многом благодаря усилиям Ж. Мунена и Э. Кари. Мунен сам выучил русский язык и пробовал себя в переводе поэзии (например, стихотворений Б. Пастернака). Эдмон Кари (наст. имя Кирилл Зноско-Боровский), как и Фёдоров, был уроженцем Санкт-Петербурга, однако всю жизнь работал переводчиком во Франции — в частности, в ЮНЕСКО.

НАСЛЕДИЕ ФЁДОРОВА

Как ни странно, послевоенный период и даже холодная война не препятствовали развитию переводческой деятельности в СССР.

rature étrangère, créée en 1955, a manifestement joué un rôle majeur dans ce développement et le nombre de traductions publiées à l'époque va augmenter de manière très importante.

La revue Littérature étrangère va donner une cohérence, une ligne de conduite à la production de traductions. Elle va en quelque sorte en assurer le contrôle, ce qui va améliorer la qualité des traductions et sonner le glas du procédé juxtalinéaire. A titre d'exemple, je mentionnerai que l'Union des écrivains de l'U.R.S.S. organisa dans les années 1950-1960 plusieurs conférences sur la traduction pour condamner le procédé juxtalinéaire.

À partir de 1950, l'essor de la traductographie (production de traductions) va naturellement entraîner le développement d'une véritable traduc-tologie, matérialisée par la publication de nombre de livres, d'articles et de manuels consacrés à la théorie et à la pratique de la traduction. Sur ce plan, URSS et Occident sont tout à fait comparables. C'est en effet à la même époque que la profession s'organise en Europe occidentale, par la création de la FIT en 1953 et de la SFT en 1947, sous l'impulsion magistrale de Pierre-François Caillé, le traducteur nantais de Autant en emporte le vent et d'Edmond Cary, l'auteur du remarquable Les grands traducteurs français.

Sur le plan professionnel, la FIT édita aussitôt sa revue Babel et la SFT publia Traduire, lesquelles sont aujourd'hui encore des revues de référence. Dès 1955, le Journal des traducteurs, devenu Meta en 1966, verra aussi le jour. Cette dernière revue a pris depuis de nombreuses années un virage plus théorique.

Les années 1950-1960 marquent un tournant dans l'histoire de la traduction et de la traductologie. Elles se caractérisent par l'abandon progressif de l'option linguistique si chère à Fédorov ou à Vinay et à Darbelnet, au profit d'une traductologie pluridisciplinaire, c'est-à-dire libérée du carcan linguistique qui la tenailllait.

En Union Soviétique, ce changement est incarné par Kachkin dont l'influence demeure vivace aujourd'hui encore en Russie. Son article La méthode et l'école soviétiques de traduction littéraire [Kachkin, 1954, p. 152] montre à quel point la traduction est une affaire d'Etat en Union Soviétique, ce qui rappelle la traduction française du 14e siècle et l'action de Charles V le Sage. Kachkin dilate le concept de traductologie et élargit l'approche linguistique à la philologie. Il fait de la traductologie une science-carrefour et intègre, dix ans avant Nida, l'élément sociolinguistique dans ses réflexions. Il revendique une «traduction réaliste», capable d'intégrer les disciplines annexes dans sa théorisation.

Основание в 1955 г. журнала «Иностранная литература» сыграло в этом отношении не последнюю роль. Количество переводов начало расти небывалыми темпами.

Деятельность журнала «Иностранная литература» способствовала выработке единых норм и единой стратегии в создании перевода. Это в какой-то степени усилило контроль над процессом и, как следствие, привело к улучшению качества переводов и ознаменовало отход от дословного перевода. Например, Союз писателей СССР в 1950—1960-е гг. проводил переводческие конференции, целью которых было осуждение дословного перевода.

Начиная с 1950-х гг. интерес к переводографии (истории создания переводов) привёл к развитию переводоведения в полном смысле этого слова, что проявилось в публикации множества книг, статей и учебников по теории и практике перевода. Подобная тенденция наблюдалась и на Западе. Именно в это время в Западной Европе формировалась профессия переводчика: в 1953 г. была основана Международная федерация переводчиков (FIT), а в 1947 г. во Франции — Французское общество переводчиков под руководством Пьера-Франсуа Кайе, который перевёл роман «Унесённые ветром», и Эдмона Кари, автора книги «Великие французские переводчики».

Кроме того, стали появляться специализированные периодические издания: под эгидой FIT был основан журнал Babel, а под эгидой Французского общества переводчиков — журнал Traduire. С 1955 г. начал издаваться Journal des traducteurs, в 1966 г. переименованный в Meta; он уже долгое время отличается в большей степени теоретической направленностью.

Можно сказать, что 1950—1960-е годы стали переломным моментом в истории перевода и переводоведения. Этот период характеризовался постепенным отходом от лингвистического подхода, которого придерживались Фёдоров, Вине и Дарбельне, в пользу многодисциплинарного. Таким образом, переводоведение освободилось от оков лингвистики, которые отягощали его до этого времени.

В СССР эти изменения произошли благодаря И.А. Кашкину, чьё влияние на русское переводоведение сохранилось вплоть до наших дней. Его статья «О методе и школе советского художественного перевода» показывает, до какой степени государство оказывало влияние на перевод [Кашкин, 1954, с. 152], что напоминает ситуацию во Франции XIV в., и в частности политику Карла V Мудрого. Кашкин расширил понятие переводоведения и развил лингвистический подход до филологического. Переводоведение у него стало цельной дисциплиной, находящейся на стыке других наук. Он ввёл в свои размышления социолингвистический аспект, на десять лет опередив Ю. Найду. Кашкин отстаивал метод «реалистического перевода», который позволил ему включить в свои рассуждения вспомогательные дисциплины.

Kachkin a ouvert un large chantier réflexif dans le domaine de la planification des traductions, dont deux éléments me paraissent dignes d'être mentionnés ici:

1) une grande créativité dans les traductions et une absence de dogmatisme dans les principes à respecter;

2) la fondation d'un organisme scientifique chargé de coordonner la rédaction et la publication des traductions.

Ce dernier élément est sans doute essentiel. La création des maisons d'édition soviétiques, dont Littérature universelle, répondait à la volonté de publier les traductions de manière plus scientifique.

Les années 1970-1980 verront l'émergence de nombreuses publications en matière de traductions, consacrées notamment à la didactique de la traduction. Ce phénomène est tout à fait normal quand on sait que les études de traduction vont se développer dans les universités russes. Les professeurs prennent en quelque sorte le relais des linguistes et des littéraires. Un juste retour des choses, dans la mesure où la théorisation, à savoir l'objecti-vation des pratiques au sein de l'université, a permis de renoncer à l'artisanat et à la pléiade de traducteurs improvisés. Cette «académisation» de la traduction a créé une profession, des règles déontologiques et a, in fine, grandement amélioré la qualité générale des traducteurs et donc de leurs traductions.

UNE TRADUCTOLOGIE SOVIETIQUE

Comme j'ai essayé de le montrer de manière plus approfondie par ailleurs [Balliu, 2005], il existe véritablement une traductologie soviétique, dans la mesure où une ligne directrice a dominé la pratique de la traduction pendant la totalité du régime. Cette ligne a été imposée dès les premières années depuis le sommet de l'État, avant que le flambeau ne soit repris par les professeurs d'universités. Il est indéniable que, plus qu'en Occident, la réflexion traduisante s'est développée dans le giron universitaire, certainement après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L'hégémonie de la Russie sur les autres Républiques avait imposé la langue russe à l'ensemble du pays et diminué de manière considérable l'impact de la profession sur la théorisation. C'est cette académisation de la traductologie en URSS qui explique la toute-puissance exercée dans un premier temps par la linguistique sur la discipline. L'omniprésence de l'Etat a aussi anémié la création d'as-28

Кашкин создал масштабную исследовательскую базу для осуществления перевода. Наиболее существенными мне кажутся два следующих принципа:

1) творческое своеобразие перевода и отсутствие догматизма в соблюдаемых принципах;

2) учреждение научного отдела, отвечающего за редактирование и публикацию переводов.

Последний принцип, возможно, представляет наибольший интерес. Создание государственных издательств, таких как «Всемирная литература», отвечало стремлению к изданию переводов, выполненных на строго научных основаниях.

В 1970—1980-е гг. было опубликовано много работ по переводо-ведению, посвящённых, в частности, дидактике перевода. В российских университетах начала развиваться практика преподавания перевода. В какой-то степени преподаватели перевода сменили лингвистов и литературоведов, и это было логично: объективация процесса обучения переводу в университетах позволила перестать воспринимать перевод как ремесленническую деятельность, носящую импровизированный характер. Академизация перевода привела к созданию профессии, профессиональной этики и, наконец, в значительной степени способствовала росту профессионализма переводчиков и, как следствие, улучшению качества переводов.

ПЕРЕВОДОВЕДЕНИЕ В СОВЕТСКИЙ ПЕРИОД

На основании приведённых здесь размышлений [БаШи, 2005] становится ясно, что в СССР действительно существовало перево-доведение в полном смысле этого слова. Основной его чертой было наличие господствовавшей идеи, оказывавшей влияние на практику перевода на протяжении всего советского периода. Эта идея была навязана на самом высоком государственном уровне; позже она перекочевала в стены университетов. Неоспорим тот факт, что после окончания Второй мировой войны в СССР в большей степени, чем на Западе, размышления о переводе развивались в университетской среде. Господство России над другими республиками навязало русский язык всей стране и ослабило влияние практики перевода на теорию. Переводоведение в СССР стало научной дисциплиной, которая подчинялась языкознанию. Определяющая роль государства в области перевода тормозила создание профессиональных союзов переводчиков. Иными словами, преподавание перевода в университетах было исключительно нормативным, а правила, регулирующие межъязыковой обмен, носили императивный характер.

sociations professionnelles de traducteurs. Autrement dit, l'enseignement universitaire de la traduction était fondamentalement normatif; la régulation du transfert interlinguistique était impérative.

CONCLUSION

Cette étude vise à démontrer que la traduction est une activité toujours sociologiquement déterminée: le traducteur est de son époque, dans tous les aspects de son travail, qu'il s'agisse de ses stratégies de traduction, du choix des originaux, des modes qu'il va suivre ou de la censure qui lui est imposée. Sa responsabilité est énorme à mesure que la mondialisation s'installe. Pour ce qui est de la Russie, mais cela est vrai aussi de nombreux autres pays, comme la France et la Belgique, on lit - et surtout les jeunes - beaucoup plus de littérature de traduction que de littérature nationale. Les jeunes lecteurs russes lisent davantage Dan Brown, J.K. Rowling et d'autres best-sellers étrangers en traduction que des originaux russes, qu'ils soient contemporains ou classiques.

Les quelques réflexions livrées dans ce cadre sont tout à fait personnelles. Elles illustrent ma propre lecture de la traductographie et de la tra-ductologie russes. Ces réflexions comportent inévitablement des lacunes et des erreurs d'appréciation. Notamment parce que la culture russe y est étudiée à travers un regard étranger, extérieur, à qui il manque certainement le «vécu russe». C'est dans cette optique qu'il convient de lire ce qui précède.

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ЗАКЛЮЧЕНИЕ

Эта статья показывает, что перевод — это всегда социально детерминированная деятельность. Переводчик во всём следует тенденциям своей эпохи: и в переводческих стратегиях, и в выборе произведений, и в способах перевода, и в навязанной ему цензуре. Его ответственность становится колоссальной в условиях растущей глобализации. В России (а также во многих других странах, включая Францию и Бельгию) люди читают — и по большей части это касается молодёжи — в основном переводную, а не отечественную литературу. Российская молодёжь предпочитает популярных зарубежных писателей, таких как Дэн Браун и Джоан Роу-линг, российским авторам, будь то современные писатели или классики.

Мысли, изложенные в данной статье, носят исключительно личный характер. Они выражают моё собственное мнение о русской переводческой традиции. Вне всяких сомнений, мои размышления содержат пробелы и ошибочные оценки. Это связано прежде всего с тем, что русская культура описана здесь с точки зрения иностранного, внешнего наблюдателя, которому, разумеется, недостаёт погружения в русскую культуру. Именно с этой позиции и следует подходить к рассмотрению данной статьи.

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