Научная статья на тему '" les derniers romains ":la modernité comme attitudechez V. Brjusov (terre. Scènes de la vie future)et V. Ivanov (Antigone)'

" les derniers romains ":la modernité comme attitudechez V. Brjusov (terre. Scènes de la vie future)et V. Ivanov (Antigone) Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
MODERNITé / SYMBOLISTES RUSSES / АТТИЛА / ATTILA / MYTHE ESCHATOLOGIQUE / MYSTèRE APOCALYPTIQUE / БОДЛЕР / BAUDELAIRE / BRUSSOV / ИВАНОВ / IVANOV / АНТИГОНА / ANTIGONE / СОВРЕМЕННОСТЬ / РУССКИЕ СИМВОЛИСТЫ / ЭСХАТОЛОГИЧЕСКИЙ МИФ / АПОКАЛИПТИЧЕСКАЯ МИСТЕРИЯ / БРЮСОВ

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Victoroff Tatiana

Cet article étudie deux attitudes face à la modernité dans le milieu dessymbolistes russes telles qu’elles s’expriment dans deux drames, de ValerijBrussov et de Viatcheslav Ivanov. Tous deux se voient comme « lesderniers romains » face à la nouvelle force historique barbare qu’ils sententpoindre à l’aube du XXe siècle. Mais tandis qu’Ivanov cherche à «emporterle Verbe dans les catacombes», Brussov salue les destructeurs par un hymneenthousiaste. Il est pourtant marquant que les deux poètes de la modernitése réfèrent aux mythes, l’un apocalyptique (La Terre de Brussov) l’autre,social (Antigone d’Ivanov). L’appel de Brussov à s’élancer et « périr enbeauté» s’appuie sur la reprise des archétypes, sur un nouveaudéchiffrement des symboles pétrifiés et muets. L’écrivain se retrouve ainsidans le rôle du  (V. Ivanov) afin de rétablir l’unité perdue destemps que les deux auteurs recherchent dans la coexistence de temporalitéshétérogènes, centrées sur l’instant présent.

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"ПОСЛЕДНИЕ РИМЛЯНЕ": СОВРЕМЕННОСТЬКАК ОТНОШЕНИЕ К ДЕЙСТВИТЕЛЬНОСТИ В ПЬЕСАХ"ЗЕМЛЯ" В.БРЮСОВА И "АНТИГОНА" В.ИВАНОВА

На примере пьес Валерия Брюсова и Вячеслава Иванова в статьеисследуются два отношения к бодлеровскому определению современ-ности в кругах русских символистов. Оба автора ощущают себя «по-следними римлянами» перед новыми разрушительными силами ХХстолетия. Иванов стремится «унести светильник в катакомбы, в пеще-ры»; Брюсов, напротив, встречает гуннов «приветственным гимном».При этом оба поэта современности апеллируют к мифу, апокалиптиче-скому в «Земле» Брюсова, социальному в «Антигоне» Иванова. Дляобоих поэт оказывается в роли мифотворца (), способноговосстановить разорванную связь времен, достигаемую соединениемразновременных пластов в мгновеньи настоящего

Текст научной работы на тему «" les derniers romains ":la modernité comme attitudechez V. Brjusov (terre. Scènes de la vie future)et V. Ivanov (Antigone)»

УДК 821.161.1:82:02

« LES DERNIERS ROMAINS »: LA MODERNITÉ COMME ATTITUDE CHEZ V. BRJUSOV (TERRE. SCÈNES DE LA VIE FUTURE) ET V. IVANOV (ANTIGONE)

Tatiana Victoroff

maître de Conférence en Littérature comparée, maître de Conférence en Littérature comparée, docteur es Lettres Université de Strasbourg (Marc Bloch)

U.F.R. des Lettres, Le Portique, 14, rue René Descartes, 67000, Strasbourg France

Cet article étudie deux attitudes face à la modernité dans le milieu des symbolistes russes telles qu'elles s'expriment dans deux drames, de Valerij Brussov et de Viatcheslav Ivanov. Tous deux se voient comme « les derniers romains » face à la nouvelle force historique barbare qu'ils sentent poindre à l'aube du XXe siècle. Mais tandis qu'Ivanov cherche à «emporter le Verbe dans les catacombes», Brussov salue les destructeurs par un hymne enthousiaste. Il est pourtant marquant que les deux poètes de la modernité se réfèrent aux mythes, l'un apocalyptique (La Terre de Brussov) l'autre, social (Antigone d'Ivanov). L'appel de Brussov à s'élancer et « périr en beauté» s'appuie sur la reprise des archétypes, sur un nouveau déchiffrement des symboles pétrifiés et muets. L'écrivain se retrouve ainsi dans le rôle du цШогсою^ (V. Ivanov) afin de rétablir l'unité perdue des temps que les deux auteurs recherchent dans la coexistence de temporalités hétérogènes, centrées sur l'instant présent.

Mots clés: modernité, symbolistes russes, Attila, Mythe eschatologique, Mystère apocalyptique, Baudelaire, Brussov, Ivanov, Antigone.

Bijusov et Ivanov, ces deux grands maîtres du symbolisme russe, ont entretenu un dialogue vivant, animé et complexe1. « Шум наших споров »2 se souvient Brjusov, «Исканий труд и свет» [Иванов 1987: т. IV, 93. Nous renverrons à cette édition par l'abréviation CC] répond Ivanov. En mettant ces deux noms côte à côte nous voulons évoquer ce dialogue pour définir, à la suite de Michel Foucault, la modernité comme une attitude, « un mode de relation à l'égard de l'actualité » [Foucault 2001: 1387], une relation définie par une conscience aiguë du moment présent, perçu en

©Victoroff T., 2014

même temps comme profondément inscrit dans un processus historique. Chez nos deux auteurs, cette conscience est renforcée par le sentiment d'un bouleversement imminent, ou déjà en cours, et de la proximité de la fin des temps, une vision du présent comme impasse de l'histoire. Leur contemporaine E. Kuzmina-Karavaeva, écrit d'eux « on peut les comparer aux derniers Romains, sentant déjà venir la fin de leur monde» [Кузьмина - Караваева 1924: 103 - 124]. Cette attitude s'exprime dans leur poésie: Brjusov n'est pas moins moderne quand il écrit l'Antiquité (цикл «Античность»), que quand il écrit la Modernité (цикл «Современность»). Il en pose ainsi le fondement théorique: « la modernité est ce présent d'où est prêt à naître, dans de grandes convulsions, le futur »3 [Брюсов 1975: том 6, 416]. Il ajoute: « Le poète de la modernité, écrit-il, cherche à discerner ce qui ne fait qu'approcher » [Там же: 409]. Ivanov, de son côté, écrit sur « l'orientation de l'esprit moderne» [CC: т. III, 453-484]. Cette recherche est également propre à leurs œuvres dramatiques, parmi lesquelles nous nous intéresserons à la Terre. Scènes de la vie future de Brjusov (1904) [Брюсов 1914: 9-54. Les chiffres entre parenthèses dans le texte renvoient à cette édition] et à l'Antigone d'Ivanov (1924) récemment retrouvée dans des archives à Rome [Иванов 2002: 199-209]. Elle était alors destinée au spectateur et visait la réception immédiate.

La différence de 20 ans entre les deux drames est sensible : la modernité de l'Antigone n'est plus la même que celle de la Terre - les pressentiments du début du siècle ont passé par une épreuve du feu - mais elle est toujours au centre des réflexions de l'auteur. Ivanov revient ici à certaines de ses idées des années 10, exposées dans une série d'articles4 contemporains de la Terre de Brjusov, pour leur donner, cette fois, une forme dramatique. Ecrite l'année de la mort de Brjusov, Antigone est restée inachevée - mais, grâce au plan détaillé, aux répliques du chœur et à deux monologues clés qui ont été retrouvés, nous pouvons saisir l'intention de l'auteur de façon assez complète, au point que Philippe Westbroeck, qui les a publiés, a pu écrire qu' « Ivanov y a exposé tout ce qu'il voulait dire, et [que] le drame lui-même aurait été superflu » [Вестбрёк 2002: 199].

Les représentations de la modernité

« La ville des temps futurs » de Brjusov est un labyrinthe de galeries et de salles circulaires sous de gigantesques coupoles, éclairées seulement par une lumière électrique. L'humanité qui y vit est au seuil d'une catastrophe : l'eau manque, la terre est épuisée, les sciences et les arts dégénèrent, la disparition menace (p. 28). Dans ce contexte, un certain Nevatl' veut mener le peuple à la recherche du salut hors de cette ville, vers le haut, vers le soleil entrevu au-dessus de la coupole. Mais le chemin vers « l'antique et éternel soleil » (p. 22)

aboutira à la mort et à la fin de l'humanité: hors des coupoles, il n'y a point d'air.

Ce sont aussi les images de la mort qui dominent chez Ivanov, où l'attitude de l'homme face à la modernité est exprimée par le questionnement existentiel d'Antigone, enfermée dans une grotte, sur un fond de destruction totale et de chaos après la bataille entre ses frères: «поле градское / <...> конями вытоптано все / и взрыто бегом колесниц» (p. 202: 80-84).

Dans les deux cas, la tension dramatique se fonde sur l'opposition à un pouvoir totalitaire : l'opposition entre l'État et le peuple chez Brjusov, (la révolte d'une humanité enfin parvenue à maturité contre le « dernier maître de la terre »), ou le conflit entre l'État et la personne chez Ivanov, chez lequel Antigone enterre le corps de son frère malgré l'interdiction de Créon. Cependant, l'Antigone d'Ivanov, à la différence du personnage traditionnel, ne s'oppose pas seulement aux forces du destin, représentées par la « méchante société»4 mais aussi, et surtout, à « l'ordre divin, avec sa justice incompréhensible, qu'[elle] ne peut admettre» 5.

Ainsi, la tragédie se trouve essentiellement dans la tension entre la sphère terrestre, ou plutôt la sphère souterraine, et la sphère céleste. Dans les deux cas, l'enjeu est la terre: champ de bataille («разверзающаяся для похорон» (p.199:8) и «вновь спасенная» (p.200) chez Ivanov, ou source épuisée de la vie («[ей] наложили ярмо на центральный жар земли» (p.46) «ее круг -замкнулся» (p.47) pour Brjusov. Mais en même temps, chez les deux auteurs la terre, appelée Великая Мать6, est le lieu de la réconciliation (soulignée chez Ivanov par son nom grec, Gaïa, dont le mariage unit la Terre et le Ciel). C'est enfin la terre qui survit à la catastrophe finale (p.53-54), représentée par Brjusov comme un tableau expressionniste: une foule de gens pressés les uns contre les autres transformée «в кладбище неподвижных, скорченных тел, над которыми из разверстого купола сияет глубина небес и, словно ангел с золотой трубой, ослепительное солнце.. .» (p.54).

Poétique de la «parole muette »

Ainsi la Terre reste dans les deux textes le témoin, pétrifié dans l'attente du salut (шкаменели жизни кости белые» (p.201) dit-elle chez Ivanov, au milieu d'un paysage de rochers). Chez Brjusov, qui la prend pour titre, elle reste silencieuse, mais c'est son aspect urbanisé qui est parlant : sous l'apparence du pouvoir, c'est l'épuisement et la désolation qui règnent.

Dans cette poétique de la pétrification chaque objet est un témoin («живые древле глыбы лирозданных стен [Фив]», «кладбище мужей окаменелых» chez Ivanov (p.199: 2-4). Il parle par son référent mythologique, mais sa parole reste inachevée: dans le final de Brjusov, les hommes veulent crier, mais la voix leur manque (p.54), la scène se transforme en scène muette, ouverte aux

interprétations: des images apocalyptiques apparaissent, mais rien n'indique la résurrection, comme si la Révélation était là sans que l'humanité ne la supporte.

C'est un type d'écriture propre à la modernité qui s'appuie sur les « paroles muettes », pour reprendre l'expression de Jacques Rancière [Rancière 2004]8. Les signes figés proposent un message à déchiffrer, mais qui reste en même temps indéchiffrable, ou non-dit: «Антигона - «таинства икона несказанного» (p.00: 45).

La Parole vivante reste cependant un témoin plus précieux - c'est pourquoi le Sage ou le Maître de Bijusov, «живое хранилище старых слов о благости и свете» (p. 50), écrit son « dernier message » (p.47-48), comme le Pimen de Puskin, dans l'espoir que «житель иных миров посетит нашу землю.. и вот эти листы расскажут ему все о последних днях земли» (p.48).

C'est pourquoi aussi Antigone, dans sa pétrification métaphorique, continue à prononcer une sorte de monologue Hamletien: un message de l'âme agonisante, adressé à la modernité, que l'on retrouvera souvent sous la plume des génération suivantes (Hainer Müller, Hamlet-machine, pour ne citer que celui-ci).

Son existence est enfermée dans un cercle dès sa naissance. Anti-gone, « celle qui est née contre la loi », dit d'elle-même «я не смела родиться, я не смею быть. Но все же я есмь ». Cette existence devient véritablement insupportable dans le retour permanent de ses pensées construites toujours selon cette juxtaposition d'affirmations opposées. Dans sa totale solitude («связь между мною и всем, кроме меня - перерезана »), ses paroles lui reviennent, se renversent («ласки обращаются проклятием»), se reflètent («и в сердце моем звучит возвратное проклятие»)9 - son discours, clôt et qui s'amplifie en se refermant sur lui-même, est voué à l'autodestruction «ибо нет выхода из моего бунта» «потому что я сама борюсь на смерть с собою самой и себя убиваю» (p.203-204).

Dans ce dédoublement permanent, l'immortalité d'Antigone se change pour elle en une malédiction10 qu'elle renvoie au monde, à la modernité, comme une répétition de sa révolte dans chaque génération.

Ainsi la modernité prend finalement le visage de la mort: que ce soit le témoignage d'une condamnée à la longue « peine de l'existence », qui mange un pain empoisonné qu'on ne peut donc partager, ou la disparition silencieuse et instantanée de toute l'humanité dans son élan vers le Soleil. Celle-ci comme celle-là, enterrées vivantes dans une ville-cercueil ou dans un monde étranger et étouffant11, optent de fait pour le suicide, soit dans l'espoir de retrouver la vie, soit pour se libérer de l'éternité.

«Так дальше жить нельзя,» - déclare Antigone, reprenant le slogan du manifeste littéraire de 1906: этот «стоустый вопль, что находит созвучие в сердцах поэтов, и этот мятеж, что, своеобразно преломляется в индивиду-

альной душе» (exposé dans le recueil «Факелы» sous la rédaction de Culkov12). A ce moment là, face à la menace d'une « nouvelle offensive d'Attila» , Ivanov semble être plein de foi dans la capacité du peuple à semer «грядущие всходы изящного просвещения и отстаивать в башенных кельях таинственные яды, долженствующие преобразить плоть и претворить кровь иных поколений»13. En 1924, face cette fois au triomphe d'Attila sous le visage du bolchevisme, ou dans son exil dans la Rome moderne où il ne voit qu' «abomination dans un lieu saint»14, il songe à Antigone et il note : «Может ли [Антигона] интересовать современность? Могу ли я вообще быть интересным, даже только приемлемым современности?» [там же: 852-853].

Dans sa solidarité avec Antigone, Ivanov partage sa solitude, ses contradictions, et presque le même espace, celui du mythe. «Я, быть может, как никто из моих современников живу в мифе, - вот в чем моя сила, вот в чем я человек нового начинающегося периода» [Альтман 1995: 61].

« Sous le signe de la fin »: réécrire un mythe

Cette plongée dans l'espace et le langage du mythe pour révéler la modernité se réalise chez Ivanov et Brjusov sous une forme théâtrale, c'est à dire dans une réactualisation publique: dans la structure d'Antigone (qu'on connaît grâce à un plan assez détaillé15) on remarque l'insistance sur le rôle du chœur, renforcé par rapport au modèle de la tragédie grecque: le ©pr|voç, la lamentation funèbre est reprise trois fois. En nous souvenant de l'importance dans la poétique d'Ivanov du chœur comme personnage collectif («хоровоe телo»), nous pouvons supposer qu'il s'agit d'une lamentation «universelle» -«соборный плач», (p.189) - destinée à souligner le dépassement de l'individuel dans le mythe d'Antigone.

Ivanov rejoint ici Brjusov qui parle explicitement de l'humanité (représentée par des personnages génériques) en s'appuyant sur la poétique du mystère apocalyptique («мы - на грани», p.28). Brjusov en reprend le dispositif scénique du théâtre en rond pour montrer la structure de la ville (p.30) mais aussi pour rendre sensible l'effet d'omniprésence d'un transcendant ineffable.

Dans cette synthèse, très recherchée par la poétique du symbolisme russe, avec son aspiration à la transformation du monde et à sa poétisation métaphorique de la réalité, nous sommes en présence de deux tentatives de théâtre du futur orientées vers la renaissance du mystère. On discerne l'intention des deux auteurs de montrer, à travers les éléments structurels du mythe, ce qui est éternel dans ce présent16 (pour reprendre la formule de Baudelaire, ce « premier poète de la Modernité » d'après Brjusov). Ainsi Brjusov, pour présenter «les scènes de la vie future» «pressenties pour la première fois en 1890» revient aux premiers jours de la terre («прижать к своей груди все века Земли, прошлые и будущие», (Brjusov, p. 40)). La Gaïa d'Ivanov, «застывшая во сретение грядущему» (p. 200), commence son monologue en

évoquant la fondation de Thèbes, où «мгновенье, как вечность, глядит взором глубины» [CC: I, 837].

La coexistence de temporalités hétérogènes dans une œuvre centrée sur l'instant présent permet de rétablir «l'unité perdue du temps»17, renouer les liens brisés entre la terre et le ciel, apaiser la tempête de l'âme humaine, par la reprise des archétypes, par un nouveau déchiffrement des symboles pétrifiés et muets. Ainsi l'attitude eschatologique rejoint l'attitude esthétique, dans un renouveau par une réécriture où les mythes de la modernité prennent une consonance prophétique (la préoccupation écologique) ou ironique (« faire tourner la petite roue dentée pour sauver l'humanité » (p. 46).

Ainsi, Ivanov cherche dans le mythe un refuge, mais aussi, comme vingt ans plus tôt, «une parole du peuple» («слово народное» [там же: 71-72]), une parole encore vivante, susceptible de réconcilier le passé et le présent, les derniers romains et les nouveaux barbares et rendre ainsi possible l'avenir. L'attitude de Brjusov, plus pessimiste, est tout aussi littéraire: il faut s'élancer et périr en beauté, «afin que l'humanité, au lieu de la sénescence honteuse, connaisse une noble mort»18, un geste caractéristique de la poétique brioussovienne («но вас, кто меня уничтожит, встречаю приветственным гимном» (Грядущие гунны, 1904-1905 [Брюсов 1914: т.1, 433]).

En même temps, cela ne reste qu'un geste: la «rupture» ne se révèle qu'en relation au passé, la nouveauté est celle de la tradition. Les deux attitude se fondent sur le jeu littéraire dans la poétique des reflets de Brjusov (avec le retour des paroles (p. 9, 50) ou de scènes entières (I et V)) ou celle du redoublement d'Ivanov (car «le rythme aime la symétrie» [CC: т. III, 168]). C'est un jeu de facettes changeantes, où le «mot empoisonné» («отравленное слово») est aussi un nouveau mot, et où l'héritage du passé est exploré, à la recherche d'une réponse à un futur placé sous le signe de la fin. Car se sentant modernes, ils ressentent aussitôt la fin imminente («время наше на исходе»), une réflexion qui annonce le post-modernisme. Notes

1Voir par exemple la polémique autour de l'article «Идея неприятия мира», in Вячеслав Иванов Собрание сочинений в 4-х томах, Bruxelles, 1974, tome III, p. 707 et suivantes.

2 Валерий Брюсов, «Вячеславу Иванову», Стихотворения и поэмы, Ленинград, 1961, с. 234.

3«Настоящее, из которого, в великих содроганиях, готово родиться наше будущее», «Данте современности» (1913), in Валерий Брюсов Собрание сочинений в 7 т., Москва, 1975, том 6, с. 416.

4voir par exemple «О веселом ремесле и умном веселии» (1907), in СО, т. III, c. 6179; «Спорады» (1908), in СО, т. III, c. 111-135.

5«вся божественная правда воплощена в Антигоне; силы рока представлены злой социальностью», Г. П. Федотов, «Христианская трагедия», in Новый Град, Нью-Йорк, 1952, с. 224.

6 «Так, делаюсь я опять противницей божественного строя с его непонятною и мне неприемлимою правдою» (c. 204).

7 «В глубине всего человеческого - всегда земля, единая наша мать - Земля» (Брюсов, c. 39). Chez Ivanov : «Антигона - ипостась Матери-Земли, сопрестольницы Диониса» (c. 198).

8Jacques Rancière, La Parole Muette. Essai sur les contradictions de la littérature. Hachette Littératures, 1998; L'Inconscient esthétique, Galilée, 2001; Malaise dans l'esthétique, Galilée, 2004.

L'expression « parole muette » prend de multiple sens dans la pensée de Rancière. Elle désigne, en particulier, une écriture propre à la modernité qui s'appuie sur le déchiffrement des signes : chaque forme sensible est considérée comme parlante et porte les traces de son histoire et les signes de sa destination. L'écriture devient déchiffrement de ces signes et réécriture de leur histoire.

9«благо братьям, что они разделены на два лица, они могут взаимно прoнзить друг друга. Я же не могу» (с. 203)

10«когда смиряюсь, я принуждена ненавидеть божественный строй мира, в котором я должна быть бессмертною» (с. 203).

11« Мы, похороненные в закрытом гробу, отрезанные от солнца и живого воздуха» (Брюсов, с. 22). «Я одна в своем гробе, заживо погребенная в этот светлый для людей, для меня же темный, душный, холодный и тяжелый мир» (Иванов, с. 204) 12См. редакционное предисловие к сб. «Факелы» (кн. 1, СПб, 1906, под ред. Г. И. Чулкова)

13 «О веселом ремесле и умном веселии», in СС, т. III, с. 72.

14 «старые кварталы решительно портятся, современность все больше вторгается в них, и безобразие, "мерзость на святе", всё растет», «Дневник 1924 года» in СС, т. III, с. 853 (запись от 4 декабря 1924)

15Ce plan a une rigueur presque géométrique. On retrouve une rigueur semblable dans le schémas pour sa tragédie Prométhée, voir l'article «О действе и действии», in СС, т. III, с. 169.

16Selon la fameuse formule de Baudelaire, inspirateur des symbolistes russe, « il s'agit de dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de poétique dans l'historique, de tirer l'éternel du transitoire », in Baudelaire, Critique d'art, Gallimard, 1976, p. 354. 17«Художник ^современник^ вдруг вспомнил, что некогда был «мифотворцем» (□□□□□□□ □-Знобко понес свою ожившую новыми прозрениями, исполненную голосами и трепетами неведомой раньше таинственной жизни, орошенную росами новых - старых верований и ясновидений, новую-старую душу навстречу душе народной» («О веселом ремесле ..», CC, III, с. 75-76). 18 «Чтоб человечество, вместо позорной дряхлости, узнало гордую смерть», Terre... p.49).

Список литературы

Альтман М. С. Разговоры с Вячеславом Ивановым, СПб: ИНА-ПРЕСС, 1995. с. 253-258.

Брюсов В. «Земля. Сцены будущих времен» // Полное собрание сочинений и переводов. Том XV, СПб: изд-во «Сирин», 1914. с. 9-54.

Брюсов В. Собрание сочинений в 7 т., Москва: Художенственная литература, 1975. том VI. 652 c.

Иванов В. Антигона (публ. Филиппа Вестбёк) //Между Святым Писанием и поэзией, Europa Orientalis, Università Degli Studi di Salerno, 2002, с. 199-209.

Иванов В. Собрание сочинений в 4-х томах, Bruxelles: Foyer Oriental Chretien, 1974. tome III. 238 p.

Кузьмина- Караваева Е. «Последние римляне» // Воля России, 1924, №18-19, со. 103 - 124.

Baudelaire Ch. Le peintre de la vie moderne // Critique d'art, Paris: Gallimard, 1976. pp. 369 - 372.

Foucault M. Qu'est-ce que les Lumières ? (1984) //Dits et écrits, II, 19761988, Quarto. Paris: Gallimard, 2001, pp. 1381-1526.

Rancière J. La Parole Muette. Essai sur les contradictions de la littérature. Paris: Hachette Littératures, 1998. 190 p.

Rancière J. L'Inconscient esthétique, Galilée, 2001; Malaise dans l'esthétique. Paris: Galilée, 2004, 88 p.

"ПОСЛЕДНИЕ РИМЛЯНЕ": СОВРЕМЕННОСТЬ КАК ОТНОШЕНИЕ К ДЕЙСТВИТЕЛЬНОСТИ В ПЬЕСАХ "ЗЕМЛЯ" В.БРЮСОВА И "АНТИГОНА" В.ИВАНОВА

Татьяна Викторофф

д. филол. н., доцент Института сравнительного литературоведения Университет Марка Блока г. Страсбурга

U.F.R. des Lettres, Le Portique, 14, rue René Descartes, 67000, Strasbourg France

На примере пьес Валерия Брюсова и Вячеслава Иванова в статье исследуются два отношения к бодлеровскому определению современности в кругах русских символистов. Оба автора ощущают себя «последними римлянами» перед новыми разрушительными силами ХХ столетия. Иванов стремится «унести светильник в катакомбы, в пещеры»; Брюсов, напротив, встречает гуннов «приветственным гимном». При этом оба поэта современности апеллируют к мифу, апокалиптическому в «Земле» Брюсова, социальному в «Антигоне» Иванова. Для обоих поэт оказывается в роли мифотворца (цаботсою^), способного восстановить разорванную связь времен, достигаемую соединением разновременных пластов в мгновеньи настоящего.

Ключевые слова: современность, русские символисты, Аттила, Эсхатологический миф, Апокалиптическая мистерия, Бодлер, Брюсов, Иванов, Антигона.

"THE LAST ROMANS": MODERNITY AS ATTITUDE IN V.BRUSOV'S "EARTH. SCENES OF FUTURE LIFE" AND V.IVANOV'S "ANTIGONE"

Tatiana Victoroff

Doctor of Philology, Associate Professor of Indtitute of Comparative Litearature Studies

Université de Strasbourg (Marc Bloch)

U.F.R. des Lettres, Le Portique, 14, rue René Descartes, 67000, Strasbourg France

The article studies two attitudes two attitudes towards modernity popular with Russian symbolists. The examples of these two attitudes are "Earth. Scenes of Future Life" by V.Brusov and "Antigone" by V.Ivanov. Both authors see themselves as "the last Romans" facing the distructing forces of the new century. Ivanov speaks of "taking the Verb in the catacombs ", Brusov is greeting the destructors with "hymn of enthusiasm". It is remarkable that two poets both refer to the myths: post-acopaliptic ("Earth" by Brosov) and socal ("Antigone" by V.Ivanov). In both cases the poet is the one who creates myth (p,i0orcoio£), he is cabale to restore the unity of times. Both poets see this unity in the coexistence of heterogeneous temporalities, focused on the present moment.

Key words: modernity, Russian Symbolists, Attila, Myth eschatological, apocalyptic Mystery, Baudelaire, Brussov, Ivanov, Antigone.

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