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« Ив АврИЛь удК 2з5.з
и генеральный секретарь Ассоциации друзей
§ Жанны д'Арк и Шарля Пеги
^ (бульвар Распе, д. 15, Авиньон, Франция, 84000)
^ yvesavril @ wanadoo.fr
Житие Стефана Пермского, написанное Епифаном
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ч Премудрым в изложении Г. С. Лыткина
Статья посвящена деятельности историка и просветителя народа коми Георгия Степановича Лыткина (1835-1907), издавшего в 1889 г. монографию, посвящённый истории зырянского края в эпоху позднего средневековья в контексте распространения христианства епископом Пермским Стефаном и создания им первой азбуки для языка коми. Автор статьи обращает внимание на то, какую трансформацию претерпевает образ епископа Стефана при создании версии его биографии на языке коми, какими источниками пользуется Г. С. Лыткин для пополнения сведений почерпнутых из агиографического сочинения, а также анализирует используемые составителем риторические приёмы. Ив Авриль указывает на то, что деятельность Г. С. Лыткина во многом носила просветительский характер, что не только роднило его со Стефаном Пермским, но и обусловила своеобразную стилистику его произведения.
Ключевые слова: история народа коми, история средних веков, христианство, православие, агиографическая литература, Стефан Перм-
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Yves Avril .
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General secretary, L'Association des amis C de Jeanne d'Arc et de Charles Péguy C (boulevard Raspail, 15, Avignon, France, 84000) .
yvesavril @ wanadoo.fr 0
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La vie de saint Etienne de Perm d'Epiphane le sage 3
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et la version qu'en donne G. S. Lytkin
The article «The Life of St. Stephen of Perm by Epiphanius the Wise and the version given by G. S. Lytkin» is devoted to the activities of a historian and educator of Komi people, George Stepanovich Lytkin (1835-1907). In 1889 he published a book devoted to the history of Zyrjank region in the late Middle Ages in the context of the spread of Christianity and activities of the bishop Stephen of Perm as well as creation of the first alphabet for the Komi language. The author examines, how the image of Bishop Stephen transformed in version of his biography written in the Komi language (in comparison with the Epiphanius the Wise hagiografical text that sourc G. S. Lytkin used as a source to supplement information, gleaned from the hagiographic writings) and what rhetorical techniques the compiler applied. Yves Avril indicates that the life and work of G. S. Lytkin was concerned with education and enlightening activities that not only created an affinity between him and Stephen of Perm, but also led to a peculiar style of his works.
Key words: history of the Komi people, history of the Middle Ages, Christianity, Orthodoxy, hagiographic literature, Stephen of Perm
га Quand on m'a proposé de participer à ce colloque, j'ai été extrê-
o mement touché et honoré, et je me suis demandé, n'étant pas vrai-tj ment historien et n'étant médiéviste que dans le domaine de la litté-O rature, quel sujet je pourrais traiter qui conviendrait à cet hommage л à notre ami Iouri Malinine1. Je me suis rappelé que Iouri avait été о professeur à l'Université de Syktyvkar, la capitale de la Réputé blique des Komis, et, comme je me suis particulièrement intéressé ^ en tant que finno-ougriste à la langue, la littérature et la culture 2 des Komis — j'ai publié un livre sur leur langue et, en version ^ bilingue, un recueil de poèmes de Ivan Kuratov, leur premier grand ^ écrivain, je me suis dit que le sujet pouvait être là. Il s'est trouvé ^ qu'une étudiante de Iouri Malinine, Ekaterina Elizarova, qui venait justement de Syktyvkar, m'avait aimablement procuré, pour mes recherches, la réédition de 1996 (sous la responsabilité de Viktor Ivanovitch Buganov et de Lev Nikolaievitch Smolentsev, et sous le haut patronage de Sa Sainteté Alexis II, patriarche de Moscou et de toute la Russie) du précieux livre de Gueorgui Stepanovitch Lytkin: Зырянский край при епископах пермскихъ и зырянский языкъ 1383-1501, publié à Saint-Pétersbourg en 18892. J'ai alors pensé qu'en parlant de la vie de saint Etienne de Perm (1320-1396), évangélisateur des Komis-Zyriènes, rédigée par son contemporain Epiphane le Très-Sage, et reprise cinq siècles plus tard, sous forme résumée et en version bilingue russe-komi, par G. S. Lytkin, je pouvais dans une même étude réunir Moyen-Âge et Komis3.
Je prie l'honorable assistance de bien vouloir me pardonner de traiter, рискуя ломитсья в открытую дверь, d'un sujet qu'elle connaît sans aucun doute mieux que moi.
J'emploierai plus souvent, pour désigner les Komis et leur langue, le terme zyriène ou permien, utilisés au temps d'Epiphane
1 Cette publication est fondée sur le texte de la communication présentée en mon nom dans le cadre de la conférence en mémoire de Yuri Malinine (3031 mai 2016, Institut d'histoire de Saint-Pétersbourg).
2 Зырянский край при епископах пермскихъ и зырянский языкъ 1383-1501: Пособие при изучении зырянами рус. яз. / Сост. Г. С. Лыткин; Репринт. М., 1995.
3J'ai pris pour la Vie de saint Etienne de Perm l'édition suivante: Святитель Стефан Пермский» / Подг. текста, перевод, статьи и комментарии Д. С. Лихачева. СПб., 1995.
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et de G. S. Lytkin (dans sa traduction, c'est le terme коми qui prévaut).
Saint Etienne de Perm
Rappelons d'abord les principales étapes de la vie de saint a Etienne de Perm. n
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Il naît entre 1330 et 1340 à Veliki Oustioug, de Simeon, и церковнослужитель городского Успенского собора, e et de Marie, fille du forgeron local, elle-même, suivant une tradition, Щ peut-être d'origine zyriène. Affamé de lecture et d'instruction, il part en 1365 pour Rostov, au monastère Saint Grégoire le Théologien (ou Saint Grégoire de Nazianze), célèbre pour la richesse de sa bibliothèque, où il étudie et reçoit la tonsure des mains de Maxime Kalina, sous l'évêque Parthéni. Il y est le condisciple, plus âgé sans E doute, de celui qui sera plus tard son biographe, Epiphane (dit P le Très Sage). C'est dans ces années qu'il apprend le latin et surtout a le grec et s'initie à la langue des zyriènes. Il est vraisemblable que cet E intérêt et même cette passion pour l'évangélisation des Zyriènes, E alors païens, est due peut-être aux origines familiales de sa mère a mais au moins en partie à la proximité géographique de sa ville E natale avec la Permie et ses premiers villages. C'est en 1372 qu'il : aurait composé cet alphabet zyriène qui lui permettra de traduire les prières et la liturgie chrétienne (Часослов, Октоих, Псалтыр) dans cette langue. Il reçoit l'ordre du diaconat des mains du prince évêque Arseni.
Quelques années plus tard, en tout cas, selon Lytkin, après la mort du métropolite saint Alexis (1378), sur l'ordre de Mikhaïl-Mitia qui remplaçait le métropolite et qui était alors à Tsargrad/ Constantinople, il est ordonné prêtre par Guerassime, évêque de Kolomna (entre décembre 1378 et juillet 1379).
En 1379, il reçoit la bénédiction de Guerassime, et part comme missionnaire évangéliser la Permie, le pays des Zyriènes, nanti peut-être d'un охранная грамота de Dimitri Ivanovitch (plus tard Donskoï), ce qui est contesté par Lytkin, selon qui, si un tel sauf-conduit avait existé, il aurait du être donné par Novgorod de qui dépendaient alors les terres au-delà de la Dvina.
и Il gagne d'abord Rostov, puis Oustioug, puis Pyras (Kotlas),
о aux portes de la Permie, où il demeure à la fin 1379, puis Touglym, tj Vojem, Gam et enfin Iemdyn (Oust-Vym), où il s'établit et comO mence son ministère.
-à En 1383 il est à Moscou où il est consacré comme évêque, pre-
o mier évêque de l'éparchie de Perm. Il évangélise, détruit les lieux
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g de culte idolâtre, construit des églises, avec le soutien financier ^ de Dimitri et des riches boiars, négocie le départ des pillards § vogouls et des mercenaires de Novgorod
^ 1386:il négocie le départ des pillards Vogouls et des mercenaires
§ Outchouiniks
1387:il secourt le peuple dans la famine en faisant venir d'Ous-tioug et de Vologda des bateaux remplis de blé.
Dans ces années il envoie à la Vetche de Novgorod une missive pour demander que soient allégés les impôts des Zyriènes.
1391:les habitants de Viatka, ravagée par les Tatars, commence à piller les villages de la Louza et de la Syssol.
Lors d'un voyage à Moscou, il tombe malade et meurt le mercredi 26 avril 1396 au monastère du Saint-Sauveur. Il est enterré au Kremlin dans la cathédrale du Sauveur-dans-la -Forêt (Спасски на Боре). Ses reliques demeurent à Moscou. Seule sa crosse d'évêque rejoint le pays de son épiscopat. Il aura passé 16 ans et 9 mois en pays zyriène.
Outre son alphabet zyriène et ses traductions du grec et du russe, il a laissé un Поучение против стригольников.
Il est canonisé en 1549.
Sa vie correspond à l'affaiblissement de Novgorod et à la montée en puissance de Moscou: Dimitri (Donskoï) s'assure en 1364 de la souveraineté de Rostov, d'Oustioug et de ses environs, et si Moscou est incendiée par les Mongols en 1382, Dimitri bat la Horde d'Or à Koulikovo en 1380. La France, malgré un apaisement pendant le règne de Charles V.
La vie d'Etienne a donc été racontée par son ancien condisciple Epiphane ( vers 1350 - vers 1420) qui fit sa connaissance au monastère de Rostov où, dit-il, il fut son élève, et qui rédigea cette Vie, soit à Moscou, soit au monastère de la Trinité Saint Serge. On pense qu'il séjourna au mont Athos, et fit des voyages à Tsargrad (Constantinople)
et même à Jérusalem (on lui attribue la composition d'une relation de ce voyage «Сказание») A la mort d'Etienne, Epiphane n'était pas à Moscou. Il commença à écrire sa vie à la fin du XIVe siècle et, selon certaines études, l'acheva peu avant sa mort vers 1417-1418. Il écrivit également une vie de saint Serge de Radonège (mort en 1392) qu'il connut à la Trinité.
G.S. Lytkin
G. S. Lytkin (1835-1907) est né à Oust-Syssolsk (auj. Syktyvkar)4. Il était fils d'un marchand et dans sa jeunesse il ne parla que le zyriène5. Il explique dans la préface de son livre que ce sont les récits des merveilles accomplies par saint Etienne, évangélisa-teur des Zyriènes de Vytchegda et de Syssolsk», qu'il avait entendus de la bouche de [sa] mère, qui l'ont incité, «encore enfant à fréquenter volontiers la Divine Liturgie, bien qu'elle [lui] fût incompréhensible, puisqu'elle se faisait en langue slavonne»6. Et que paradoxalement c'est cette incompréhension du slavon d'Eglise et de la langue russe qui a éveillé en lui le désir de devenir prêtre «pour ensuite expliquer à d'autres ce qui se lisait et se chantait à l'église»7. Il apprend donc le russe, non dans les établissements d'église où l'on n'admet pas les enfants de condition paysanne, commerçante ou bourgeoise, mais d'abord à l'école paroissiale, puis à l'école régionale. Ne connaissant pas le russe, on apprend par cœur les différentes matières au programme. Il s'obstine malgré les difficultés (1845-1848). Ensuite, en 1848, c'est le lycée de Vologda, puis,
4 Celui qu'on considère généralement comme le premier écrivain komi, Ivan Kuratov, est né quatre ans plus tard en 1839.
5 Plusieurs fois il mettra fièrement en avant sa pratique dès l'enfance du zyriène, sa langue maternelle, pour redresser des opinions erronées sur le sujet. Ainsi: «зырянский язык мне — родной язык и, кроме того, никто до меня не занимался переводами на этот языкъ сколько времени, сколько я» (Зырянский край... С. 62, сн.1).
6 «...рассказы о святительскихъ подвигахъ св. Стефана, просветителя Вычегодскихъ и Сысольскихъ Зырянъ, слышанные мною отъ моей матушки, побудили меня еще ребенка охотно посещать Божественную Литурию, хотя она была мне и непонятна, такъ какъ совершалась на славянскомъ языке» (Зырянский край... С. I).
' «Непонимаше церковно славянскаго и русскаго языка вызвало во мне желаше сделаться священником, чтобы потомъ объяснять другимъ то, что поется и читается въ церкви» (Зырянский край... С. I).
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га après avoir rêvé d'intégrer l'Université de Helsingfors pour étudier
о les langues finno-ougriennes, il doit, par manque de moyens, se
tj contenter de l'Université de Saint-Pétersbourg, d'abord à la Facul-
O té de droit, ensuite à la Faculté des lettres (histoire et philologie).
-à Il écrit:«ne me quittait pas la pensée d'être un jour utile à la généra-
o tion montante de Zyriènes par des traductions des livres de contenu к
g religieux en langue zyriène et par la composition d'un livre qui leur ^ donnerait la possibilité d'apprendre la langue russe, qu'employaient § l'Eglise, et la science et la justice. Cette idée j'ai pu la réaliser seule-^ ment dans ces six ou sept dernières années, dans mes heures libres, § les fêtes et les vacances»8.
Il poursuit une carrière de philologue, travaillant sur les cultures, langues et folklores du monde finno-ougrien, komi-permiak, votiak, vogoul, mordve, mais aussi sur le tatar, le mongol, et le kal-mouk (séjour en 1857 à Astrakhan). Malgré son désir d'enseigner dans son pays et d'y développer la langue et la culture zyriènes, malgré l'accord formel donné par les autorités compétentes, accord hélas non suivi d'effet, il demeurera jusqu'à la fin de sa vie, professeur de lycée à Saint-Pétersbourg.
Pendant ces années il ne cesse de traduire en zyriène ou plus exactement de reprendre dans une langue plus moderne les traductions qu'avait faites saint Etienne (Les Evangiles, les Actes des Apôtres, Les Psaumes, les Heures, la Divine liturgie de saint Jean Chrysostome). En 1889, il fait paraître son grand livre, à la fois spirituel, historique, philologique, littéraire, grande œuvre de culture, Зырянский край при епископах пермскихъ и зырянский языкъ 1383-1501 qui contient la «biographie de saint Etienne, évangélisa-teur des Zyriènes» en russe et en zyriène.
8 «...не покидала меня мысль — быть когда нибудь полезнымъ подростающему поколешю Зырянъ переводами книгъ религюзнаго содержашя на зырянскш языкъ и составлешемъ такой книги, которая дала- бы имъ возможность изучить русскш языкъ, употребляемы и въ церкви, и въ науке, и въ суде. Эту мысль я могъ привести въ исполнеше въ последшя 6-7 летъ, въ свободные отъ уроковъ часы, по вечерамъ праздникамъ и въ каникулы» (Зырянский край... С. 1-11).
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Epiphane et Lytkin l
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La vie de saint Etienne que Lytkin rédige en russe et en komi est i «составлено по рассказу Епифанiа»:«d'après». Elle est d'abord très abrégée par rapport à l'original et en diffère à divers égards.
La Vie écrite par Epiphane s'intitule Преподобного I
въ священноиноких отца нашего Епифания, счиненно бысть и
слово о житии и учении святово отца нашего Стефана, ^
бывшаво в Перми епископа. Благослови, отче. Ou, dans g
un forme abrégée, Слово о житии и учении святово отца нашего Е
Стефана, епископа Пермского а
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Le titre donné à sa Vie par Lytkin est en russe: Жизнеописание p св. Стефана просветителя зырянъ; en komi:Комi вojтырoс r Крштос шмо пыртыс вежа Стефанлон олом-выломыс а
On voit qu'Epiphane ou ses éditeurs, appellent simplement p Etienne «évêque de la Permie», Lytkin l' appelle dans la version p russe: «civilisateur des Zyriènes» (le terme de просветител a rappelle les «Lumières»). En komi, le titre est plus développé, и plus précis et moins «laïc»: «Vie de saint Etienne qui a baptisé и le peuple komi dans le nom (la foi) du Christ». Le verbe zyriène a employé par Lytkin pour traduire крестить, пыртны signifie . d'abord «apporter», «amener», «introduire», mais aussi «faire pénétrer», «implanter», il a le sens courant aussi de baptiser: кагаос пыртны: baptiser l'enfant, мод верао пыртны:convertir à une autre foi). C'est dire qu'au moins dans sa traduction en komi, Lytkin a mis l'accent sur le rôle effectif d'Etienne, non seulement sur un pays ou une région, mais sur le peuple, sur les hommes sur lesquels il a agi.
Dans l'édition qu'en a donnée «Глагол», voici le plan de l'œuvre d'Epiphane:ce plan n'est pas toujours cohérent ni rigoureusement respecté (il y a souvent des redites ). Lytkin le suit tout en abrégeant fortement le contenu9:
— préambule général sur l'utilité des vies des преподобных мужей, suivi immédiatement d'un développement sur l'incapacité d'Epiphane à accomplir sa tâche de biographe, développement classique et lieu commun de la rhétorique hagiographique
9 Je donne entre parenthèses le nombre approximatif de pages.
и (3 pages.). Ce préambule est bien entendu absent du texte de Lyt-u kin;
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tj — ensuite commence la vie d'Etienne par un premier chapitre
О où l'auteur s'attache essentiellement à décrire les dons particuliers,
-à intellectuels et spirituels, les qualités morales d'Etienne, son goût
о pour l'étude, et en particulier la lecture des textes religieux, son к
g séjour à Rostov et son diaconat, son apprentissage du grec et du ^ zyriène et son désir d'aller évangéliser les Zyriènes (13-14 pages). § Ce premier chapitre se termine par la prière d'Etienne прежде, ^ чем вошел он в ту землю»(4 pages);
и — le chapitre suivant est consacré à la première église de Per-
mie, qu'il consacre au nom de la Très Sainte et Très Pure Très bénite Souveraine notre Mère de Dieu et Toujours Vierge, en sa glorieuse Annonciation (он нарек ее во имя Пресвятой Пречистой Преблаженной Владычицы нашей Богородицы и Рписнодевы Марии славново ее Благовещения)10, mais aussi à l'histoire de son accueil par les Zyriènes et à l'hostilité qu'il rencontre d'abord, aux attaques auxquelles il doit faire face, et aux prédications qu'il donne (6 pages);
— ce chapitre est suivi par un autre intitulé Поучение, où il explique aux Zyriènes le sens de sa mission. Ensuite sont décrites les réactions des uns et des autres, les uns favorables, les autres demeurés incroyants ou hostiles (10 pages);
— le chapitre suivant est le «morceau de bravoure», le passage le plus connu, le centre du texte:le débat, la joute entre Etienne et le sorcier Pam (qui sait aussi bien qu'Etienne tirer ses arguments de la Sainte Ecriture), puis le défi qu'ils se lancent l'un à l'autre, la défaite de Pam qui finalement refuse par peur de se prêter aux épreuves par le feu et par l'eau qui sont proposées. Le chapitre se termine par une prière, mais le sorcier refuse malgré sa défaite de croire et de se faire baptiser (Не хочу веровать и креститься) Il est alors, non pas mis à mort, malgré les conseils et les pressions de ses anciens fidèles, mais banni par Etienne (13 pages et 6 pages);
10 Après son accession à l'épiscopat, cette église devint cathédrale. Etienne bâtit aussi une autre église dédiée à saint Nicolas, puis une autre, sur un lieu de culte idolâtre, qu'il dédia pour cette raison à saint Michel Archange, vainqueur des esprits des ténèbres, et qui devint un monastère et près de cette église un lieu pour ses collaborateurs et une école pour enfants.
— chapitre suivant:Etienne est consacré évêque:il part pour _ Moscou où il rencontre le grand prince Dimitri Ivanoviotch (Dons- V koï) et le patriarche Pimen, auxquels il demande un évêque pour E la Permie. Ceux-ci finalement ne trouvent personne plus habilitée E et plus digne qu'Etienne lui-même (4 pages); a
— les deux chapitres qui suivent ne sont pas en succession S chronologique:l'un о призвании и о увеповании многих наподов ^
— et les trois déplorations (плач), celle des Permiens (5 pag celle de l'Eglise de Perm 7 pages ) suivi d'une prière pour l'Eglise de Perm (2 pages), celle du moine biographe (пишущего инока) (13 pages).
Il faut remarquer que ces déplorations (плач) occupent, dans le texte d'Epiphane, à peu près le quart de l'ensemble du texte.
(5 pages), l'autre о пермской азбуке (11 pages)11. Le chapitre e de Lytkin sur la composition de l'alphabet zyriène est beaucoup S moins long que le chapitre correspondant d'Epiphane (7 pages chez celui-ci, quelques lignes chez Lytkin). Une prière suit et, sans titre particulier, un certain nombre de faits à l'actif d'Etienne, comme une suite au chapitre sur son épiscopat;
— sans solution de continuité, Etienne revenu à Moscou à l'appel du métropolite Kiprian à Moscou donne son dernier enseigne-
ment à ses disciples et les renvoie en terre permienne. Prière suivi a d'enseignement 2 pages); e
— ensuite mort d'Etienne (2 pages); i
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11 Lytkin a supprimé le développement sur l'histoire de l'écriture, l'énumé-ration des philosophes grecs qui ont contribué à la constitution de l'alphabet grec, la comparaison entre Etienne et les savants grecs, à l'avantage du créateur de l'alphabet, de la grammaire et des traductions zyriènes,. Il a réduit au minimum les calculs pour la datation mais retenu la date finale: 6883 depuis la création du monde ( 1375 ap. J. C.), Mamaï étant chef de la Horde et Dimitri Ivanovitch, grand-prince de Vladimir.
И A LA DIFFÉRENCE DU RÉCIT DE LYTKIN, LA VlE D'EPIPHANE
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О EST MOINS UNE BIOGRAPHIE OU MEME UNE HAGIOGRAPHIE
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% qu'une prédication (проповедь)12
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Я La centaine de pages que contient l'œuvre d'Epiphane est nour-
m rie d'abondantes citations de l'Ecriture (on a compté 340 citations и de l'Ecriture, Ancien et Nouveau Testament, dont 158 des Psaumes, ^ et il y en a certainement davantage), la plupart référencées dans ^ l'édition de «Глагол», et en très grande partie supprimées dans ® la variante qu'en a donnée Lytkin. Les accumulations lexicales ® (апостол, законодавец, креститель, проповедник, евангелист, р^ святитель, учитель, посетитель, врач, отец, исповедник...) ont été réduites. La plupart des développements d'Epiphane ont été aussi écartés. Ainsi lorsque celui-ci parle de la construction et de la dédicace de l'église de l'Annonciation, il précise que son nom est en rapport avec la fête du 25 mars et en prend le prétexte d'un développement: «месяц март начало всех месяцев и называется первым среди месяцев о чем свидетельствует Моисей Законодавец, говоря: «Месяцем у вас первым среди месяцев да булет март»» (mois du commencement de la vie, de la création de l'univers et des créatures; 21 mars, de la création d'Adam; de l'Exode des Hébreux d'Egypte et de la traversée de la Mer Rouge, de l'entrée dans la Terre promise et de la fondation de Jérusalem; de la fête rituelle de la Pâque prescrite aux israélites; de l'Annonciation de la Vierge Marie, de la crucifixion, de larésur-rection; de l'attente de la résurrection des morts, du retour du Christ dans sa gloire pour le Jugement dernier). Après quoi, Epiphane écrit: «Но затянувшуюся речь здесь оставив, мы возвратимся к тому, что следует сказать».
Chez Lytkin, des trois déplorations sont réduites à une seule, et c'est tout à fait naturellement la «Плачъ зырянской земли», celle attribuée au pays, à la terre, qui subsiste. Si le texte se termine par un «Плачъ зырянской церкви», celui-ci est réduit à 5 ou 6 lignes.
12 O. Ph. Konovalova écrit cependant: «Многие историки, краеведы, географы, историки русской церкви широко пользовались в своих работах разнообразными данными, почерпнутыми из этого жития».
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Cela dit, la version de Lytkin n'est pas totalement une réduction _ de la Vie d'Epiphane. D'abord elle est annotée abondamment, tant ^ du point de vue historique que du point de vue critique. Par exemple, E dans le chapitre consacré à l'alphabet zyriène composé par Etienne, E il conteste l'opinion de M.I Mikhaïlov, qui fut son maître et son ami ^ («мой уважаемый наставник») et selon qui, si Etienne pour com- S poser son alphabet n'a pas pris comme modèle l'alphabet cyrillique, c'est parce que les Zyriènes avaient de l'antipathie pour les Russes13; ni l'alphabet grec parce que la prononciation grecque, trop douce, S ne convenait pas au zyriène, langue plutôt rude; ni l'hébreu parce d qu'il ne le connaissait pas, et qu'il s'est donc tourné vers le «пас» и qu'il connaissait depuis Oustioug. Lytkin répond que le «пас» qui r signifie «marque», «signe», «indication», servant pour les indi- S cations de route ou les calendriers, n'a jamais été l'équivalent de lettres, qu'il n'y a aucune ressemblance entre les «пас» et l'alphabet d'Etienne, qu'on ne sait pas si Etienne a su ou non la langue и hébraïque, qu'Etienne savait parfaitement le grec, que le dessin E des lettres grecques et slaves au XIVe siècle montre qu'Etienne s'en l est inspiré quand il a composé son alphabet. s
Ensuite, Lytkin nourrit son abrégé d'Epiphane d'apports exté- e rieurs, en particulier des études de M. I. Mikhaïlov. Ainsi Lytkin • emprunte à Mikhaïlov ce détail: lorsqu'Etienne, arrivant en pays permien, s'arrête à Gam, il connaît d'abord le succès et conduit beaucoup de gens à la vraie foi. Mais il apprend ensuite que les nouveaux convertis sont retournés à l'idolâtrie et recommencent à manger des écureuils, alors, en quelque sorte, il les maudit en disant: «народ слепой, ла будетъ Гам слепъ!»
D'autre part, on a remarqué que la Vie d'Epiphane se distingue par l'absence complète de récits de miracles, ce qui est rare pour les vies de saints, à moins qu'on appelle miracle le fait que le sorcier
13 Un des arguments du sorcier Pam pour détourner ses compatriotes et anciens fidèles de la nouvelle religion apportée par Etienne est de dire que c'est un étranger, un Russe de Russie, pays d'où viennent les exactions, les impôts, auquel on doit livrer les richesses de la Permie. Tandis que je rédigeais ce texte, j'ai reçu le dernier n° de la revue d'études finno-ougriennes ADEFO: un des articles décrivait la difficile condition des évangélistes dans un village komi: le principal motif de la défiance des gens du village était que le chef de la mission évangéliste était américain et donc qu'il apportait une religion de l'étranger, et de plus d'un pays dont il fallait se méfier.
га Pam refuse de relever le défi du jugement de Dieu par le feu et l'eau.
о Dans la Vie telle que la reprend Lytkin, il y a au moins deux signes
tj miraculeux, que Lytkin a emprunté à d'autres traditions ou auteurs.
О Lytkin laisse de côté la légende, qui n'existe pas non plus chez
-à Epiphane, de la navigation d'Etienne sur un rocher (каменный
о «плот»14), ainsi que l'histoire merveilleuse de la victoire d'Etienne к
g sur le terrible sorcier Kort-Aika («Aïka de fer») qui barrait la Vyt-^ chegda de chaînes de fer pour empêcher les bateaux de passer et les § dépouiller: Etienne alors, remontant le fleuve en bateau, frappa ^ la chaîne de sa croix et la chaîne tomba dans l'eau; les énormes § vagues soulevées par Kort-Aika dans sa fureur, s'aplatirent devant le signe de croix tracé par Etienne. Là fut fondé le village de Корт-Керос (légende rapportée par M. I.Mikhaïlov au XIXe siècle)15. Lytkin raconte aussi que la troisième année de son épiscopat (1386) les Vogouls dévastèrent les villages de la Haute Vytchegda et de la Syssol et s'approchèrent d'Oustvym. L'évêque Etienne alla au-devant d'eux. Les Vogouls de loin remarquèrent sa barque; son visage semblait terrible, ses vêtements en flammes, lui-même comme lançant des flèches de feu. Les Vogouls prirent peur, abandonnèrent leur butin et s'en allèrent16.
Les deux faits miraculeux qu'il ajoute à la Vie d'Epiphane ont valeur plus symbolique que merveilleuse.
Il commence sa narration par cette anecdote légendaire, qu'il tire de la vie de saint Procope ( Чети-Жинея, 8 1юлия, житие св. Прокопя):«Marie n'avait que trois ans quand avec ses parents elle entra dans l'église cathédrale, à l'heure des vêpres; le bienheureux Procope17, ami de Siméon, s'inclina jusqu'à terre devant
14 Voir П. Ф. Лимеров, spécialiste de mythologie komie qui a écrit à ce propos une étude sur le motif: Плавания св. Стефана на камне.
15 Voir Konakov N. D. Komi Mythology. Budapest; Helsinki, 2003.
16 Cette histoire rappelle celle qui est en relation avec la destruction, racontée par M. I. Mikhaïlov, du lieu de culte idolâtre où saint Etienne fera construire l'église dédiée à saint Michel Archange (низложители духовъ тмы): «Съ Выми Вишери и верхней Вичегды на лодкахъ пришли до 1000 человекъ; они ослепили».
17 Dans la première moitié du XIIIe siècle, Procope, jeune commerçant allemand, vint pour ses affaires à Novgorod où il s'établit. Il passa du catholicisme à l'orthodoxie et s'installa à Oustioug où il demeura jusqu'à sa mort au début du XIVe siècle (1303). Il vivait, sans vouloir y pénétrer, au porche de la cathédrale.
elle et dit à haute voix: «Вот идет мать великово отца нашего ^
Стефана епископа и учителя Пермского». Ceux qui enten- ^
daient, s'étonnant, disaient:«À Perm peut-il y avoir un évêque?»18 £
Cette anecdote nous intéresse d'abord parce qu'elle rappelle £
cet épisode de l'Evangile de saint Luc où, lors de la présentation ^
de Jésus au temple, le vieillard Siméon (nom du père d'Etienne) S prophétise à Marie (nom de la mère d'Etienne) la destinée de son
fils et la sienne propre, ensuite parce que les assistants, étonnés,
?»
mulation les paroles de Nathanaël: «Из Назарета может быть что
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disent: «Можетъ ли въ Перми епископъ?», rappelant dans la for- n
и a
доброе?» (Ion. 1, 46). и
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Le deuxième signe miraculeux est peut-être plus significatif encore, et on en rencontre des exemples assez proches dans plusieurs vies de saints. Il est tiré de la vie de saint Serge de Radonège, composée, elle aussi par Epiphane le Très Sage.
En 1390, quand Etienne part pour Moscou, «он спешилъ и въ Москву то не имелъ возможности посетить Серпя £
Радонежскаго, котораго он любилъ и уважалъ; он думалъ i
и
посетить его при возвращешя въ свою епархда. Когда s ехалъ недалеко отъ Серпевской пустыни, онъ останавился e въ 6 верстахъ отъ пустыни (тамъ поныне существуетъ • колодезъ и деревянный кресть), прочелъ:« Достойно есть», потомъ издали поклонился Сергию и сказалъ:« луховный братъ, мир тебе!» В это время Сергш былъ въ монастыре и сиделъ за трапезою. Онъ духомъ своимъ уразумелъ Степаново благословение, всталъ, сотворилъ молитву, несколько постоялъ, поклонился Стефану и сказалъ:«ты пастыръ Христова стада, также радуйся; миръ Божий да пребываетъ съ тобою!» Когда после трапезы српосили об этомъ Серпя, онъ сказалъ: «В это время епмскоп Степан,
C'est là qu'il se lia avec le vénérable Kiprian, fondateur du monastère de saint Michel Archange et avec les parents d'Etienne. Sa vie a été racontée par Siméon, père d'Etienne.
18 «Когда Марш было только три года, и она со своими родителями входила въ соборную церковъ, во время вечерного пешя, блаженный Прокопш, друг Симеона, поклонился ей до земли и сказалъ во всеуслышание:«се градетъ матерь Стефана учителя и епископа Пермскаво». Слышавшие, удивляясь, говорили:«можетъ ли быть вх Перми епископъ?» (Зырянский край.... C. 42).
и едущий въ Москву, остановился противъ нашего монастыряь,
Ен
о сотворилъ молитву Пресвятой Троице, и насъ смиренныхъ tj благословилъ»19.
О Ces deux faits miraculeux montrent que Lytkin veut donner
-à à la vie d'Etienne, une valeur prophétique: Etienne est annoncé dès о avant sa naissance, tel le saint Jean Baptiste du cantique de Zacha-g rie («и ты младенец» (Luc. 1, 76)), comme l'évêque des Permiens; ^ la salutation et la bénédiction réciproque des deux saints, Serge § et Etienne, in absentia corporali et inpraesentia spirituali, signifient ^ l'union de la vie érémitique et de la vie missionnaire, de la Russie § et de la Permie.
La vocation du philologue Lytkin est très influencée par celle de saint Etienne. Ils sont tous deux, chacun à sa manière, des évan-gélisateurs, l'un plus porté sur l'enseignement du christianisme, l'autre, plus intéressé à l'enrichissement, la diffusion de la langue et de la culture zyriènes. Etienne apprend le zyriène pour évangé-liser et baptiser le peuple komi, Lytkin apprend le russe et le traduit en zyriène par amour pour son pays et aspiration nationale. Sa devise était en komi: «Тырмас узьны, коми йозой» («Assez rêvé, peuple komi»).
Источники И ЛИТЕРАТУРА
1. Зырянский край при епископах пермскихъ и зырянский языкъ 1383-1501: Пособие при изучении зырянами рус. яз. / Сост. Г. С. Лыткин; Репринт. — М.: Рус. реклам. изд-во, 1995. — 464 с.
2. Святитель Стефан Пермский» / Подг. текста, перевод, статьи икомментарии Д. С. Лихачева. — СПб.: Глагол, 1995. — 280 с.
3. Konakov N. D. Komi Mythology. — Budapest; Helsinki: Finnish Literature Society, 2003. — 436 p.
References
1. Konakov N. D. (2003) Komi Mythology, Budapest/Helsinki: Finnish Literature Society, 436 p.
2. Likhachev D. S. (1995) Svyatitel' Stefan Permskiy [Stephen of Perm], Saint-Petersburg: Glagol, 280 p. (in Russian)
19 Зырянский край... C. 69-70.
3. Lytkin G. S. (1995) Zyryanskiy kray pri episkopakhpermskikh ^
i zyryanskiy yazyk 1383-1501: Posobiepri izuchenii zyryanami russkogo w
yazyka [Zyryan district under bishops of Perm in 1383-1501: Manual ^
for studying Russian by Zyryans], Moscow: Rus. reklam. izd-vo, d
464 p. (in Russian) w
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