JÉRÉMIE FOA
AM Lisieux. BB 7. F.°347.
AM Mâcon. EE 49. P. N. 12.
AM Millau. CC 42. 2e inv.
AM Montélimar. BB 46. Fol. 32-34.
AM Montélimar. BB 53. Fol. 41.
AM Nantes. BB 1.
AM Nantes. GG 643. P. 3.
AM Nîmes. DD 3. P. 7.
AM Romans. BB 10. Fol. 109.
AM Romans. BB 6. Fol. 220.
AM Tours. CC 79. Fol. 66 v°(2 décembre 1563).
BM Dijon. Fds Saverot n°l. Fol. 1391
Bibliothèque de l'Institut
Ms. 96. Fol. 80 sq.
Bibliothèque nationale de France (BnF)
Ms. fr. 15878. Fol. 110v°.
Ms. fr. 15879. Fol. Fol. 58 v (février 1564), 106 (s. d. [1564-1565]). Ms. Fr. 4048. Fol. 147 v-148.
Grégory Champ eaud
GUERRES ET PAIX DE RELIGION EN FRANCE VUES PAR LE PRISME DES PARLEMENTS: L'EXEMPLE DE BORDEAUX
(1562-1600)
Sans aller jusqu'à considérer, comme Biaise de Monluc en avril 1563, que le parlement de Bordeaux constituait la «fontaine et origine de tout»1, je voudrais souligner ici l'intérêt de l'étude des sources parlementaires — et plus généralement de l'attitude des parlements — pour éclairer d'un jour nouveau l'histoire des guerres de religion en France. Sans être un plaidoyer, il s'agit — pour faire écho au sous-titre de ce colloque — de proposer à l'étude des guerres de religion et de la pacification en France de «nouveaux» documents et de «nouvelles études».
L'histoire des parlements d'ancien régime en général, et plus particulièrement au cours des guerres de religion, a fait l'objet d'un regain d'intérêt des chercheurs depuis une quinzaine d'années. Répondant indirectement à l'injonction d'Yves-Marie Bercé et d'Alfred Soman qui regrettaient, en 1995, que les archives judiciaires en général et celle du parlement de Paris en particulier constituent «des monceaux documentaires laissés à l'abandon»2, la plupart des études récentes ont porté sur le «père de tous les parlements». Je pense en particulier aux ouvrages remarquables de Sylvie Daubresse sur Le parlement de Paris ou la voix de la
1 Lorsqu'en avril 1563, Biaise de Monluc rapporte au parlement de Bordeaux les difficultés de l'application de la paix en Guyenne, il rappelle non sans flagornerie: «qu 'il lui convient prendre premièrement avis d'icelle [cour] comme de la fontaine et origine de tout. Bon conseil, s'il lefaisoit autrement, sembleroit qu'il mit la charrette avant les bœufs (...)» Registres secrets du parlement de Bordeaux (RS). (Archives Municipales de Bordeaux (AMB). Ms 771. 19 avril 1563).
2 Soman, A., Bercé, Y.-M. Les archives du Parlement dans l'histoire, in: Bibliothèque de l'école des chartes, 1995. Vol. 153, No. 2. P. 255-273. P. 255.
© Grégory Champeaud, 2016
raison (1559-1589J et de Marie Houllemare sur Politiques de la parole. Le parlement de Paris au xvf sièclé. En exagérant le trait on pourrait dire que tous les travaux récents portant sur les guerres civiles évoquent peu ou prou les parlements comme des acteurs incontournables de cette histoire, dans un contexte de déliquescence du pouvoir royal.
Si ce champ de recherche semble si fructueux, c'est surtout en raison du caractère particulier de la position des parlements, à la fois dans l'architecture institutionnelle de la France du xvie siècle et pour leur rôle au cours des guerres de religion. On pourrait résumer ceci en disant que les parlements ont une position à la fois nodale et paradoxale.
Nodale parce qu'ils sont, en tant que relais institutionnels privilégiés, à l'interface de l'échelle nationale et de l'échelle provinciale, entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux, entre le roi et ses sujets. En outre, d'un point de vue strictement organique et de par leur fonction d' »alambic»5, les cours de parlements sont aussi à la jonction de la réception et de l'application des lois du roi. Mais leur position est également paradoxale, pour ne pas dire schizophrénique, lorsqu'en temps de troubles ils peuvent se muer en «chef de guerre»6, et devenir ensuite en temps de paix les instruments de la pacification, de sa réception et de son application. Officiers du roi, représentants et garants de sa politique, les parlementaires se changent parfois en acteurs mutins des guerres de religion, laissant apparaître au grand jour leurs contradictions idéologiques, quand ces chantres de la conservation nourris au
3 Daubresse, S. Le parlement de Paris ou la voix de la raison (1559-1589). Genève, 2005.
4 Houllemare, M. Politiques de la parole. Le parlement de Paris au XVIe siècle. Genève, 2011. Voir aussi le compte rendu de cet ouvrage que j'ai rédigé pour la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine-, Champeaud, G. Marie Houllemare, Politiques de la parole. Le parlement de Paris au XVIe siècle, Genève, Droz, 2011, 670 p., ISBN 978-2-600-01437-3 [Compte-rendu], in: Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2012. Vol. 59. N. 4. P. 199-201.
5 L'expression est d'Etienne Pasquier, Etienne Pasquier Les recherches de la France / Éd. M.-M. Fragonard;F. Roudaut. Paris, 1996.
6 L'expression est de Pierre-Jean Souriac pour le parlement de Toulouse, Souriac, P.-J. Une Guerre civile: Affrontements religieux et militaires dans le Midi toulousain (1562-1596). Seyssel, 2008. Elle pourrait aussi bien s'employer pour le parlement de Bordeaux, omnipotent dans la cité au temps des troubles, Champeaud, G. Le parlement de Bordeaux et les paix de religion (1563-1600). Nérac, 2008.
paradigme néo-platonicien de l'unité deviennent les acteurs centraux de l'application d'une politique de pacification qui officialise la désunion dogmatique des sujets.
Envisagés comme des histoires globales du parlement de Paris7, les ouvrages précédemment cités ont permis de renouveler totalement l'approche de l'histoire de cette «principale colomne de l'Estât»8, comme l'appelle Jean de Serres, mais également de ses officiers, de leur formation, de leur idéologie et de leurs pratiques discursives. Ils ne se focalisent pas à proprement parler sur l'histoire des guerres de religion, mais plus sur l'histoire d'une institution et de ses membres, dans un contexte de guerres de religion.
La démarche de ma thèse était un peu différente. D'abord parce qu'il s'agissait de m'intéresser à un parlement de province, institution notoirement sous-représentée dans le renouvellement du champ des études parlementaires évoqué plus haut. Mais aussi en parlant essentiellement de la paix, parce que je voulais changer d'angle en utilisant les sources parlementaires, les édits de pacification et leur réception à Bordeaux et en Guyenne, comme des révélateurs d'autres aspects des guerres de religion, à la croisée de l'histoire urbaine, politique, institutionnelle, religieuse et militaire.
Le choix de Bordeaux et de la Guyenne s'est révélé particulièrement fécond sur ce terrain, suffisamment pour essayer de montrer ici que les parlements constituent un lieu de scrutation privilégié de l'histoire des paix et des guerres de religion, et pour surmonter la gageure de tirer des enseignements généraux d'une étude de cas, des enjeux d'histoire nationale d'une histoire régionale.
Les raisons du choix du parlement de Bordeaux et de son ressort
Prendre comme champ d'investigation le parlement de Bordeaux et son ressort — dont les limites se confondent peu ou prou avec la province de Guyenne — s'est révélé opportun à plus d'un titre. Le premier
7 Houllemare, M. Politiques de la parole. P. 22.
8 Jean de Serres Inventaire général de l'histoire de France. Paris, 1627. P. 929.
est qu'en dehors de quelques études anciennes9 et d'une série d'articles d'Anne-Marie Cocula10 sur le parlement de Bordeaux au xvie siècle il n'y avait pas véritablement de substrat historiographique local conséquent sur lequel s'appuyer. Pas d'histoire des guerres de religion en Guyenne ou dans le Sud-ouest, sur le modèle de ce qui a pu être fait ailleurs ou plus tard11. Étrange «oubli» s'il on y songe, tant ces études ont apporté en termes de compréhension des guerres de religion. Étrange oubli aussi, si l'on considère que cette province est celle qui souffre le plus des hostilités au cours de la période 1561-158712. «Assise en frontière et l'une des
9 Brives-Cazes, E. Le parlement de Bordeaux et la chambre de justice de Guyenne en 1582. Bordeaux, 1866; Des Boscheron Portes, C. Histoire du parlement de Bordeaux depuis sa création jusqu'à sa suppression (1451-1790). Bordeaux, 1877; Hauchecorne, F. Le parlement de Bordeaux sous Charles IX: Thèse de l'école des chartes. Bordeaux, 1947; Roudière-Dejean, S. Le rôle politique du parlement de Bordeaux sous le règne d'Henri III de 1574 à 1582: Thèse de l'école des chartes. Paris, 1963.
10 Cocula, A.-M. Crises et tensions d'un parlement au temps des guerres civiles: le parlement de Bordeaux dans la seconde moitié du XVIe siècle, in: Les parlements de province, pouvoirs, justice et société du XVIe au XVIIIe siècle / Éd. J. Poumarède, J. Thomas. Toulouse, 1996. P. 721-731; Cocula, A.-M. L'événement bordelais de la Saint Jean 1570 et le clan Montaigne, in: Mélanges offerts à Claude Petitfrère, Regards sur les sociétés modernes / Éd. D. Turrel. Tours, 1997. P. 71-81; Cocula, A.-M. Le parlement de Bordeaux et les présidiaux de Guyenne: quelques tracasseries de mise en place, in: Les officiers moyens à l'époque moderne /Éd. M. Cassan, Y.-M. Bercé. Limoges, 1998; Cocula, A.-M. De ledit de Janvier à ledit de Nantes ou l'entrée en résistance des conseillers du parlement de Bordeaux, in: L'Edit de Nantes: sûreté et éducation / Éd. M.-J. La-cava, R. Guicharnaud. Montauban, 1999. P. 101-115; Cocula, A.-M. Le parlement de Bordeaux au milieu du XVIe siècle, in: Etienne de La Boétie: sage révolutionnaire et poète périgourdin / Éd. M. Tetel. Paris, 2004. P. 421-436; Cocula, A.-M. Formation et affirmation d'un patriciat urbain: Le parlement de Bordeaux au XVIe siècle, in: Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains, 1999 / Éd. C. Petit-frère. Tours, 1999. P. 283-296; Cocula, A.-M. Règlement de compte au sein des élites aquitaines durant l'éclipsé des Bourbons-Albret (1568-1576), in: Cahiers d'Histoire, 2000. Vol. 15. N. 4. P. 563-586.
11 Cassan, M. Le temps des guerres de religion: Le cas du Limousin vers 1530-vers 1630. Paris, 1996; Souriac, P.-J. Une Guerre civile ou encore Rambeaud, P. De La Rochelle vers l'Aunis: L'histoire des réformés et de leurs Églises dans une province française au XVIe siècle. Paris, 2003.
12 Ces bornes chronologiques un peu hétérodoxes tiennent au fait que les violences ont commencé tôt en Guyenne, bien avant le déclenchement officiel des guerres de religion. Dès 1560, et plus encore après l'assassinat du baron de Fumel, les catholiques ultras craignant une contagion subversive s'organisent et créent par
clefs de notre dit royaume», comme l'écrit Louis XII en 1498, la Guyenne est d'abord un immense espace de contacts, adossée aux Pyrénées dans ses confins sud-ouest, largement ouvert à l'Atlantique par 1 echancrure de la Garonne, côtoyant les marches du massif central au nord-est et englobant les collines gasconnes vers Toulouse. Carrefour drainé par un réseau fluvial dense, ce territoire revêt pour le roi une importance stratégique remarquable pour trois raisons au moins. Régulièrement menacé par l'étranger (l'Espagne13, l'Angleterre au gré des circonstances et de la chronologie), il est également contraint par l'emprise de Bourbons-Albret largement possessionnés et dont l'influence politique, religieuse et militaire se fait particulièrement prégnante sous Jeanne d'Albret et son fils Henri de Navarre. C'est là en effet, dans cette corne occidentale du croissant réformé, que leurs réseaux de clientèles sont les plus denses, et c'est là que, profitant de bastions protestants fermement arrimés, le futur Henri IV va faire son apprentissage politique et militaire14. Enjeux géopolitiques, territoriaux et religieux s'entremêlent et dépassent ici l'échelle strictement régionale pour faire de cet espace un champ archétypal de l'étude des troubles civils. Cela s'est avéré particulièrement vrai du strict point de vue de la pacification, puisqu'ici coexistaient catholiques et protestants en grand nombre.
Au centre de cette entité15 se dresse la capitale du gouvernement: Bordeaux. Ville catholique, ville troublée et menacée, objet de la convoitise des belligérants et qui se montre rebelle en de multiples occasions au cours de la période16. Au cœur de la cité, le parlement. Siège institution-
exemple un «syndicat» au sein du parlement de Bordeaux. Inversement, les choses s'apaisent également plus tôt, après le départ d'Henri de Navarre suite à sa victoire de Coutras en 1587. Sur les violences anti-seigneuriales, voir Brunet, S. «Haro sur le seigneur»: Affrontements religieux et résistances anti-seigneuriales dans le Sud-ouest de la France (vers 1560-1562), in: Les luttes anti-seigneuriales dans l'Europe médiévale et moderne /Ed. G. Brunei, S. Brunet. Toulouse, 2009. P. 165-184.
13 Brunet, S. «De l'Espagnol dedans le ventre!»: Les catholiques du Sud-Ouest de la France face à la Réforme: Vers 1540-1589. Paris, 2007.
14 Champeaud, G. Le parlement de Bordeaux. P. 288-296; Champeaud, G. Henri de Navarre (Henri IV) et le «païs des Lianes», in: Bulletin de la Société de Borda, 2010. 3e trimestre. P. 313-320; Champeaud, G. Champeaud 2010 — Henri de Navarre Henri IV
15 Dans l'acception géographique du terme, au sens de «centre-périphérie».
16 La révolte de la Gabelle en 1548, même si elle antérieure à notre période, marque durablement la ville. Ses conséquences à court et moyen terme sont considérables, jusque dans l'intensité de l'opposition des parlementaires à la politique royale,
nel et décisionnel, il devient omnipotent au cours des guerres de religion et s'avère donc un point d'observation idéal pour l'historien des guerres et paix de religion.
La question des sources était bien évidemment primordiale puisque, comme l'écrivait Charles Seignobos, «pas de document, pas d'histoire»17. De ce point de vue aussi, le choix du parlement de Bordeaux s'est montré pertinent. Si le panel des sources disponibles façonne nécessairement l'approche que l'on peut avoir d'un sujet, il est suffisamment vaste ici pour contourner l'écueil. Les sources strictement parlementaires ont bien sûr constitué le principal corpus. Les registres des arrêts du parlement, systématiquement dépouillés pour la période 1560-1600, aident à cerner l'attitude du parlement face à la politique royale, ses évolutions, ses hésitations et ses revirements. S'ils montrent également les chemins empruntés par le parlement de Bordeaux pour manifester son opposition à la politique de concorde civile imposée par le roi, ces registres ne sont que le reflet de l'histoire officielle, celle que les parlementaires ont voulu que l'on retienne.
Pour combler les zones d'ombres et les silences, l'apport des registres secrets est décisif. Disparus pour le parlement de Paris18, ils ont été conservés à Bordeaux, grâce à une copie du xvine siècle réalisée par Martial-François de Verthamon d'Ambloy, conseiller puis président de la deuxième chambre des Enquêtes du parlement19. Comme leur nom
ces derniers ayant toujours à l'esprit le souvenir de l'ire royale qui s'abattit sur les Bordelais. Pour la période des guerres de religion, le massacre du 3 octobre 1572, le refus obstiné de la ville d'ouvrir ses portes au gouverneur de la province, Henri de Navarre, ainsi que la réticence initiale du parlement à reconnaître Henri IV, sont autant d'autres exemples de cette indocilité.
17 Langlois, G. V, Seignobos, G. Introduction aux études historiques. Paris, 1898. Réédition: Langlois, G. V, Seignobos, G. Introduction aux études historiques. Paris, 1992. Livre I. Chapitre I. P. 13.
18 Daubresse, S. Le parlement de Paris. P. 23.
19 Registres secrets du Parlement de Bordeaux, recueillis et mis en ordre par les soins de François-Martial de Verthamon d'Ambloy (Archives municipales de Bordeaux. M S 768. 1770, 26 volumes). Ils compilent très fldèlement, en plus de vingt-six milles pages, les registres secrets du xvie siècle. Ces volumes, dont 18 ont été systématiquement dépouillés pour ma thèse entre le 13 novembre 1559 et le 23 décembre 1613 (du Tome IX. AMB. Ms 766, au Tome XXVI. AMB. Ms 783), constituent une source exceptionnelle pour l'histoire du parlement de Bordeaux, et de la province en général, pour cette période.
l'indique, ces registres secrets n'étaient pas destinés à être connu ni du public, ni du roi. Ils dévoilent donc «l'envers du décor», la face cachée des délibérations et des événements, les intrigues, les «discordes intestines», les divisions et les oppositions. Il s'agit donc d'une source d'une grande richesse, qui donne la possibilité de mieux circonscrire les termes des débats sur la guerre et la paix qui ébranlent le monde parlementaire et plus généralement les élites provinciales dans la seconde moitié du xvie siècle.
L'armature principale constituée de ces sources strictement parlementaires a été renforcée par d'autres sources plus «classiques», comme les registres du corps de ville (la jurade), la correspondance — publique ou privée — de membres du parlement ou d'autres autorités locales ou provinciales, permettant ainsi d'éclairer certains comportements ou prises de décisions20.
Enfin, l'analyse des édits de pacification, leur réception et leur application dans le ressort du parlement de Bordeaux, révèle bien sûr les ressorts de la politique de pacification royale et le fonctionnement institutionnel du parlement, mais aussi le système de représentation de ses membres, leurs prérogatives et leurs divisions internes. Elle contribue ainsi à préciser les choix opérés dans une période troublée, aspect non négligeable de notre compréhension des guerres de religion.
De l'intérêt de l'étude des parlements en général et de celui de Bordeaux en particulier, pour une meilleure compréhension des guerres de religion
Quelle contribution à l'histoire des guerres de religion et de la pacification en France une étude des guerres de religion par le prisme des parlements pourrait apporter? Celle menée depuis Bordeaux et pour la Guyenne a montré qu'étudier les guerres et paix de religion par ce biais, c'est avoir la possibilité de se retrouver à la confluence de l'histoire institutionnelle, politique — philosophique même — sociale mais aussi militaire.
Histoire institutionnelle bien sûr car étudier la réception des édits de pacification et leur application dans le ressort du parlement c'est démon-
20 Outre les très parcellaires registres de délibération de la jurade, la consultation de certaines archives familiales et de registres notariés s'est avérée précieuse pour mieux comprendre l'intimité de certains magistrats, leur formation et leurs liens familiaux.
ter la mécanique du fonctionnement institutionnel de la monarchie, en suivant les serpentins de «l'alambic des parlements»21. Censée prémunir le roi des mauvais conseils et des funestes décisions, la mise à jour de cette procédure complexe d'enregistrement des lois du roi est particulièrement intéressante dans un contexte de détérioration de l'autorité royale, car elle révèle en général les prises de distance voire les oppositions — larvées ou ouvertes — de la part des officiers de la couronne22.
Histoire institutionnelle aussi car le cœur de l'étude est ici ledit de pacification. Ordonnances royales négociées par les protagonistes et rédigées par des juristes, ces textes sont des accords sécularisés et contractuels tendant à l'organisation d'une coexistence confessionnelle institutionnalisée, puisque la pax civilis est définie comme l'objectif principal. Innovations légales majeures de la période des guerres de religion, réponse royale à une équation politique inédite, ces édits tentent de rétablir la paix civile par l'organisation d'une coexistence pacifique entre les sujets.
Histoire institutionnelle enfin car l'application de cette politique conciliatrice oblige le pouvoir royal à imaginer de nouveaux organes — les commissions d'application et les chambres mixtes23 — qui viennent concurrencer les parlements. Etablies respectivement en 1563 (édit d'Amboise) et 1576 (édit de Beaulieu), ces nouvelles armatures judiciaires tentent de relever les défis multiples du «faire connaître» et du «faire appliquer» la paix pour finalement faciliter la concorde civile, objectif primordial du pouvoir royal tel qu'il est présenté dans les édits de pacifica-
21 Etienne Pasquier. Les recherches de la France.
22 Les cinq étapes fondamentales de cette procédure, ainsi que la pratique des remontrances, ont été étudiées par Sylvie Daubresse pour le parlement de Paris: Daubresse, S. Le parlement de Paris. Voir aussi, pour le parlement de Bordeaux, Champeaud, G. Le parlement de Bordeaux. P. 335-342.
23 Généralement constituées d'un juriste et d'un militaire, les commissions d'application instaurées à partir de ledit d'Amboise (1563) devaient s'assurer de la bonne réception de ledit de paciflcation dans la province et faire pénétrer les habitudes de la paix, de la coexistence et de la négociation auprès de la population. Les chambres mixtes ou bi-confessionnelles (car composées de juges catholiques et protestants), instaurées à partir de ledit de Beaulieu (1576), étaient des juridictions souveraines dont le but était de délivrer des jugements exempts de partialité lorsqu'un des plaignants était protestant. Voir: Foa, J. Making peace: The commissions for enforcing the paciflcation edicts in the reign of Charles IX (1560-1574), in: French History. 2004. Vol. 18. N. 3. P. 256-274; Champeaud, G. Le parlement de Bordeaux. P. 315-334; 357-377.
tion successifs24. Pour cela, elles sont dotées de compétences qui viennent éroder defacto certaines des prérogatives les plus importantes des parlements — comme leur pouvoir de maintien de l'ordre dans la province ou le fait de juger en dernier ressort — en les dépossédant et en les marginalisant.
Histoire politique aussi puisqu'on retrouve très tôt ici, à échelle réduite, les termes du débat qui va cliver dans la seconde moitié du xvie au plan national les partisans de l'intransigeance et ceux de la modération, face à l'éruption de l'hérésie d'abord puis face à la politique royale de pacification. Ces différences d'appréciation s'incarnent à Bordeaux dans ce que le chancelier L'Hospital appelle des «bandes»25 ou des «factions»26, lors de sa fameuse harangue de 1565 devant le parlement, au moment de l'étape bordelaise du tour de France royal. Ces clans, repérables à Bordeaux dès le tournant des années 1550-1560, font du parlement une «maison mal reiglée»27 où s'opposent catholiques ultras et catholiques modérés. Les premiers — partisans de l'éradica-tion de l'hérésie et pourfendeurs de la politique de tolérance civile lancée à partir du printemps 156 1 28 — se structurent dès la fin de cette même année dans une proto-ligue, le fameux «syndicat» de Bordeaux, regroupant «les habitants catholiques » de la ville. Interdit par le premier édit de pacification de 1563, comme toutes les organisations susceptibles d'envenimer la coexistence, le syndicat renait de ses cendres en 1563 avec la création de la «Ligue de Candale» qui prend le relai en s'attaquant plus particulièrement aux «tièdes»
24 Respectivement article 9 de ledit d'Amboise (1563), articles 11 et 12 de ledit de Longjumeau (1568), article 2 de 1 edit de Boulogne (1573), articles 2,18 et 58 de 1 edit de Beaulieu (1576), article 2 de 1 edit de Poitiers (1577), article 3 du traité du Fleix (1580) et article 2 de 1 edit de Nantes (1598).
25 Entre autres passages, le chancelier évoque le 12 avril 1565, la «grande desunyon à Thoulouse, Bourdeaulx et autres parlemens. A l'on bien ouy qu'il y avoit des bandes [...]». Cité par Pétris, L. La plume et la tribune: Michel de l'Hospital et ses discours (1559-1562). Genève, 2002. P. 365.
26 «Le mal vient que vous estes en vous partys et il y a des factions» dit le chancelier à la même occasion. Dufey, P. J. S. Œuvres complètes de Michel de L'Hospital chancelier de France. Paris, 1824. T. 2. P. 111.
27 L'expression est tirée de la même harangue. Pétris, L. La plume et la tribune.
28 L'Edit du 19 avril 1561 prohibe le culte public et punit sévèrement l'iconoclasme mais prévoit en revanche de ne pas persécuter quelqu'un dans sa maison. Ceci peut être interprété comme une autorisation tacite du culte privé.
du parlement29. Ces derniers constituent le second clan. Stigmatisés par les catholiques zélés, souvent volontairement confondus avec les hérétiques, ils reçoivent l'appui d'un petit groupe de conseillers réformés lorsque ceux-ci ne sont pas absents. Cette faction fait très tôt le pari de l'abandon de la politique répressive et de l'organisation d'une coexistence pacifique. Ouvrant la voie aux Politiques des années 1580, ils sont menés pendant plus de deux décennies par Benoît de Lagebâton, premier président du parlement, mais restent longtemps minoritaires car le contexte national et local sert plutôt les catholiques zélés. Le paroxysme de ces oppositions est symbolisé par le massacre du 3 octobre 1572 puisque, comme je l'ai montré, cette Saint Barthélémy Bordelaise tient au moins autant aux haines religieuses qu'aux «vengeances particulières»30, certaines victimes siégeant au parlement et une partie non négligeable des massacreurs identifiés appartenant à cette même institution31.
La supériorité numérique des ultras et le contexte font que, longtemps, cette faction entraine un parlement omnipotent sur la voie d'une intransigeance à la fois religieuse et politique. Sur le plan religieux, le parlement expérimente une activité législative au caractère antiprotestant affirmé. Une véritable litanie d'arrêts multiformes se succèdent pour ordonner successivement, ou simultanément, l'arrestation voire l'expulsion32, le désarmement33, l'assignation à résidence34, la saisie des
29 Voir Champeaud, G. Les «inimitiez mortell es» d'un homme du roi au cours des guerres de religion: Jacques Benoit de Lagebâton, premier président du parlement de Bordeaux (1555-1583), in: Hommes et gens du roi / Ed. C. Le Mao. Pessac, 2011. P. 189-198.
30 Lettre du président Lagebâton à Charles IX, depuis Bordeaux, le 7 octobre 1572. BnF. Ms Fr. 15 555. F. 124 r°~127 r.
31 Trois conseillers sont massacrés et le premier président Lagebâton est contraint de se réfugier dans la forteresse du Hâ pour échapper aux tueurs, parmi lesquels flgurent un certain nombre d'avocats et d'huissiers du parlement.
32 Par exemple l'arrêt du 11/12/1568 (Archives départementales de la Gironde (ADG). 1B 315. L. 253. P. 55).
33 Arrêt du 6 avril 1576. RS. Ms 779. P. 1006 et suivantes par exemple.
34 Arrêt du parlement de Bordeaux du 11/12/1568 (ADG. 1B 315.L. 253. P. 55): «(...) A surplus icelle court ha faict et faict très exprès commandement et injonctions, sur peyne d'estre penduz et estranglés, à tous les habitans de la présente ville qui sont de ladite prétendue religion, de quelque estât et qualité et condition qu 'ilz soient hommes etfemmes, de se contenir en leurs maisons, en sortir de jour ny de nuict ny pour quelque occasion que ce soit, enjoignant à leurs voisins catholicques de leur administrer et faire administrer vivres et autres choses nécessaires dont ilz auront àfaire et à leurs dépens [...]».
biens35 ou l'obligation de faire profession de foi catholique36 pour les protestants bordelais. L'intérieur de palais de l'Ombrière fait l'objet d'une attention particulière, puisqu'il s'agit de purifier les rangs des éléments hétérodoxes en pratiquant de véritables purges et en mettant en place une procédure quasi inquisitoriale pour la réception des nouveaux conseillers37. L'intransigeance prend également des atours de l'opposition politique lorsque, en de multiples occasions, le parlement s'oppose concrètement à la législation pacificatrice imposer par la couronne pour mettre fin aux guerres civiles.
Il faut attendre les années 1580 pour que la conjonction de l'action politique et militaire d'Henri de Navarre avec trois événements modifie le rapport de force au sein du parlement mais aussi de la province. Le premier est l'arrivée du maréchal de Matignon en Guyenne en tant que lieutenant général. Prudent et modéré, «battant froid», il est selon Brantôme l'homme capable de pacifier une province où les «cervelles chaudes les unes avecques les autres ne font jamais bonne soupe»38. L'élection de Montaigne à la mairie de Bordeaux en 1581 est le deuxième événe-
35 L'arrêt du 10/09/1568 (ADG. 1B 313. L. 250. P. 201) prévoit par exemple la saisie et la vente des biens des réformés qui se sont absentés pendant les troubles, y compris les biens en nature comme les «grains, foings, pailles, boys (...)», situés en dehors de la ville.
36 Le 17 juillet 1562, suivant en cela l'exemple du parlement de Paris, le parlement de Bordeaux décide d'imposer une profession de foi catholique à tous ses membres. Cette profession est ensuite élargie à l'ensemble de la population bordelaise le 23 août 1562»: [...] Et néantmoings a ordonné et ordonne ladicte court que pour contenir le peuple de ceste ville en union, tranquillité et en l'obéissance de dieu et du roy, commandement sera faict à son de trompe et cry public [...], a toute manière de gens, hommes et femmes, autres que ceulx qui l'ontfaicte en ladicte court [...], qu'ils ayent aussy dedans troysjours, à faire profession de leur foy es églises des paroisses esquelles sont demourans [■■■]» (arrêt de parlement de Bordeaux. ADG. 1B 248. L. 182. P. 252).
37 A titre d'exemple, le 31 décembre 1569, le futur conseiller «Pierre Destivalle» doit subir une véritable inquisition de «sa vie, moeurs et religion» au cours de laquelle il doit se justifler des trois dernières années en faisant venir sept témoins (dont un prêtre!), pour prouver qu'il est bon catholique (RS. AMB. Ms 775. P. 870).
38 Evoquant l'arrivée de Matignon en Guyenne, Brantôme le compare à son prédécesseur Biron en disant qa»battoit froid d'autant que l'autre battoit chaud» et «qu'ilfalloit un tel homme au roi de Navarre et au pays de Guienne, car cervelles chaudes les unes avecques les autres nefont jamais bonne soupe», de Bourdeille Brantôme, P. Grands capitaines. Paris, 1864-1882. T. V. P. 159.
ment. Pleinement engagé auprès de Matignon dont il partage la modération, Montaigne entretient également des relations suivies avec Henri de Navarre, qui l'a nommé quelques années auparavant gentilhomme ordinaire de sa chambre. Il va donc jouer le rôle d'agent de liaison entre les deux hommes, évitant à maintes occasions que leur relation ne se dégrade. En outre, en tant qu'ancien membre du parlement, Montaigne conserve aussi des connections dans les rangs du palais de l'Ombrière et devient un appui non négligeable pour ceux qui partagent les mêmes convictions modérées. Sa réélection contre un adversaire ligueur en 1583 confirme d'ailleurs cet engagement. Enfin, l'installation à Bordeaux, en cette même année 1581, de la chambre de justice exceptionnelle prévue par le dernier texte de pacification (traité du Fleix, 1580) est l'élément déterminant, non seulement pour le renversement des équilibres au parlement de Bordeaux, mais aussi dans une perspective plus large de pacification de la province. Instaurée comme une cour de justice itinérante, cette institution va durant trois ans rendre «la justice en tous ces endroits avec une intégrité qui fut applaudie de tout le monde» et mettre «la paix dans la province» selon les propres mots de Jacques-Auguste de Thou39, membre éminent de cette chambre composée exclusivement de magistrats issus du parlement de Paris ou de membres du Grand Conseil40. Auréolés du prestige de leurs fonctions antérieures, ces derniers ont été choisis pour leur modération et leur aptitude à dénouer l'imbroglio des passions politiques et religieuses en Guyenne. Ambassadeurs du mouvement Politique naissant, les de Thou, Séguier, Pithou ou Loysel, vont étayer la position des modérés «locaux» du parlement et leur offrir par la même occasion un cadre idéologique solide avec lequel ils pourront
39 Jacques-Auguste de Thou. Histoire Universelle. London, 1734. T. VIII. Livre XXIV. P. 554.
40 Boscheron des Portes livre la composition de cette chambre p. 280 de son Histoire du Parlement de Bordeaux Des Boscheron Portes, C. Histoire du parlement de Bordeaux «La nouvelle juridiction fut installée solennellement le 26 novembre 1582. Elle était composée de magistrats choisis tant dans les conseils du roi que dans le parlement de Paris et dont voici les noms: Président: Pierre Séguier (président du parlement de Paris); Conseillers: Jehan Séguier (maître des Requêtes au parlement de Paris), Estienne Fleury, Hiérosme Angenoust, Hiérosme de Montholon, Jehan Scarron, Guillaume Bénard, Adrien Dubrac, Pierre Séguier, Lazarre Coqueley, Jehan de Thumery, Claude Dupuy, Jacques de Thou, Michel Hurault de L'Hospital (tous conseillers au parlement de Paris); Avocat général: maitre Antoine Loysel; Procureur général: maitre Pierre Pithou».
justifier a posteriori leur action, menée jusque là par conviction mais surtout par empirisme et loyalisme monarchique.
Ce champ d'analyse politique permet aussi — par delà les différences d'approche sur les solutions envisagées pour mettre fin aux troubles civils — d'embrasser les contours des mentalités parlementaires et leurs constantes: conservatisme idéologique et institutionnel nourris au terreau néo-platonicien de l'obsession unitaire (notamment entendue en terme religieux) et de ses corollaires que sont la haine de la nouveauté, du désordre et de la subversion. En confrontant ces constantes aux options politiques introduites par le pouvoir royal dans sa politique de pacification, on se retrouve non seulement aux confins d'une histoire «philosophique» et de ses sources d'inspiration néo-platonicienne et Erasmienne, mais on comprend aussi mieux les réticences, les résistances voire les oppositions, et par là même l'attitude des parlementaires en ces temps de troubles civils.
La dimension sociale de cette histoire n'est pas éludée par ce type d'étude car s'intéresser au comportement des parlementaires, à leurs références idéologiques et à leurs pratiques discursives, c'est aussi s'intéresser à leur milieu, leurs biens, leur position et leurs interconnexions au sein des élites de la province. C'est scruter leurs attaches, leurs stratégies matrimoniales et la reproduction sociale et fonctionnelle qui poussent par exemple à la constitution de véritables dynasties parlementaires41.
Histoire militaire enfin car, sans être un chef de guerre comme à Toulouse, nul mouvement de troupes, nulle menace de «surprise» de la ville ne sont ignorés du palais de l'Ombrière. Dans un contexte de distension du lien avec le pouvoir central et de concurrence exacerbée avec les autres autorités locales que sont la jurade, le gouverneur de la ville et celui de la province, le parlement prend alors une place prépondérante. Son action frise l'omnipotence en temps de troubles et se traduit notamment par une hyperactivité sécuritaire car la reprise des combats l'oblige à traiter une foule de situations complexes dans le domaine du maintien de l'ordre et de la sécurité. Ainsi, lorsque la menace militaire se fait plus précise et que l'Ombrière bruisse du danger imminent de troupes s'approchant de la ville, le parlement se change en stratège de la sécurité, multipliant les
41 Pour le xvne siècle voir: Le Mao, C. Parlement et parlementaires. Bordeaux au Grand Siècle. Seyssel, 2007; Coste, L. Messieurs de Bordeaux: Pouvoirs et hommes de pouvoirs à l'Hôtel de ville, 1548-1789. Pessac, 2006.
initiatives selon un schéma répétitif qui se met en place à chaque nouvelle prise d'armes et qui est renforcé après la Saint Barthélémy. Ainsi, dès le début officiel des troubles en mars 1562, le parlement renforce les mesures de protection de la cité. Le meilleur moyen de prévenir d'éventuelles violences étant de contrôler les armes en circulation, les arrêts contre leur port se succèdent. Pas un jour ne passe sans que les délibérations des conseillers du parlement ne fassent écho à leurs demandes réitérées auprès de Burie, Lieutenant du roi, afin d'augmenter le nombre de soldats affectés à la défense de la ville42. Dans un contexte de peur obsidionale résultant de la tentative de surprise de la ville par les troupes protestantes en juin 156243, une attention toute particulière est portée par le parlement aux «bruicts» et autres rumeurs colportées à propos des mouvements de troupes sur terre ou sur la Garonne, dont l'amont est en partie tenu par les réformés. Il n'est alors pas surprenant que les murs de la ville soient l'objet d'une sollicitude obsessionnelle qui vire parfois à la psychose car le parlement craint l'accointance entre d'éventuels assaillants et les réformés vivant dans les maisons adossées aux remparts qui pourraient saper les murs pour permettre à leurs coreligionnaires de rentrer. On les enjoint donc de déménager44. La volonté de s'assurer des moyens de la sûreté de la ville passe plus particulièrement par la volonté de contrôler étroitement tous ceux qui ont en charge la défense de la ville. Ainsi, un certain Lebreton, capitaine du guet suspecté d'hérésie est remplacé par quelqu'un plus digne de confiance. La loyauté des capitaines et des soldats des deux forteresses situées en ville, le fort du Hâ et le château Trompette, est particulièrement sondée, afin de s'assurer de leur loyauté. Enfin, les conseillers n'hésitent pas à donner de leur personne en participant eux-mêmes à la surveillance et à la défense de la ville, en prenant part aux rondes sur les murs de la cité.
42 RS. AMB. Ms 769. P. 150 et P. 163 par exemple.
43 En effet, dans la nuit du 26 au 27 juin 1562, une attaque protestante avait été lancée depuis la rivière contre le château Trompette. Les circonstances de cette attaque restent en partie obscures mais le plan prévoyait qu'une troupe de huguenots, menée par Pardaillan s'introduise dans le château au cours de la nuit pour ensuite ouvrir les portes de la ville au gros des troupes mené par Duras. Malgré les moyens engagés et l'effet de surprise, la tentative échoua.
44 En octobre 1568, le parlement demande de déloger les réformés qui ont des «maisons joignantes les murs». RS. AMB. Ms 774. P. 474.
Etudier les parlements pendant les guerres de religion c'est donc aussi faire l'histoire des guerres et des paix de religion, car qu'est ce qu'une histoire des guerres de religion si ce n'est étudier les mouvements de troupes, les batailles et autres coups de main, la façon dont les communautés se préparent au pire en organisant la défense des murs. C'est aussi observer les motivations idéologiques qui sous-tendent l'engagement politique et militaire des belligérants et de ceux qui les encadrent, pour expliquer leur attitude, leurs réactions et leurs faits et gestes. C'est enfin étudier la complexité des solutions mises en place par le pouvoir royal pour mettre fin aux hostilités et organiser la coexistence et voir comment ces mesures ont été pensées puis reçues et enfin appliquées, à l'échelle provinciale. Tous ces éléments, l'étude de la «caisse de résonnance» que sont les parlements, le permet.
Certes le poids du «local» doit être finement mesuré afin de ne pas laisser place à des surinterprétations; certes le «prisme» d'une étude par les parlements peut se révéler déformant, car il néglige des aspects importants de l'histoire des guerres de religion, notamment militaires. Mais l'idée n'est pas ici de faire une histoire globale des guerres et paix de religion vue des parlements mais de compléter, d'enrichir et de prolonger — par la nouveauté du point de vue et les sources abordées — les études déjà effectuées, et encourager les chercheurs à se jeter à la découverte de «cette sorte de continent inconnu»45, en partie défriché seulement.
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Champeaud, G. Guerres et paix de religion en France vues par le prisme des parlements: l'exemple de Bordeaux (1562-1600) , in: Proslogion: Studies in Médiéval andEarly Modem SocialHistory and Culture. 2106. Vol. 1(13). P. 193-211.
Грегори Шампо
Доктор истории, профессор, Лицей им. Фернанда Дагвина в Мери-ньяке (33968, Франция, Мериньяк, ул. Густава Флобера 15) gregchampgjaliceadsl. fr УДК 94 (44)
Война и религиозный мир во Франции сквозь призму провинциальных парламентов: пример Бордо (1562-1600)
В статье анализируется важность изучения роли провинциальных парламентов в Религиозных войнах XVI в. — институтов судебных и
45 Soman, A., Bercé, Y.-M. Les archives du Parlement dans. P. 258.
законодательных одновременно и , безусловно, недостаточно изученных исследователями. Автор говорит не столько о гражданских войнах и вооруженной борьбе, сколько о мирных периодах этих войн. Целью автора является изменить ракурс рассмотрения проблемы Религиозных конфликтов, используя парламентские источники, эдикты о мире, процедуры и условия их принятия, на примере Парламента Бордо в Гиени. Это может открыть другие стороны Религиозных войн на стыке городской, политической, институциональной, религиозной и военной истории.
Парламенты занимали особое положение в структуре институтов Франции XVI в и их роль во время Религиозных войн была одновременно и ключевой и парадоксальной.
Ключевым это положение можно назвать, поскольку парламенты в качестве привилегированных институтов-посредников находились на границе между государственным и провинциальным уровнем, между центральной властью и местными властями, между королем и его подданными. Кроме того, с чисто функциональной точки зрения, суды парламентов пребывали также на стыке принятия и применения законов короля. Но их положение можно также назвать парадоксальным, поскольку при конфликтах они могли играть роль «военачальника», а в мирное время стать инструментом восстановления порядка, принятия и применения мирного договора.
Ключевые слова: История Франции, XVI столетие, Религиозные войны, религиозные миры, католики и гугеноты, провинциальные парламенты, парламент Бордо, институциональная история.
Grégory Champeaud
Doctor in history, professor, Lycée after Fernand Daguin in Mérignac (33698, France, Mérignac, 15 Rue Gustave Flaubert)
War and religion peace in France, seen through the prism of the parliaments: the example of Bordeaux (1562-1600)
The article analyzes the importance of studying the role of the provincial parliaments in the Religious wars of the 16th century, the institutions of the judiciary and legislative at the same time that are poorly studied. The author talks mainly not about civil wars and armed struggles, but about peaceful periods of the Wars, and, thus, he aims to change the angle of studying the problem, using parliamentary sources, the edicts of pacification and examining the procedures and conditions for their adoption on the example of the Parliament of Guyenne in Bordeaux. The latter can open the other side of the Religious war on the intersection of urban, political, institutional, religious and military history.
Parliaments hold special position in the structure of the institutions of the 16th century France, and their role during the Religious wars was both crucial and paradoxical. Their importance is caused by their position of privileged institutions, intermediaries between the state and provincial levels, the central government and local authorities, the king and his subjects. Besides, from a purely functional point of view, the courts of parliaments were also on the junction of the adoption and application of the royal laws. However, their position also could be called paradoxical, because they could play the role of "warlord" in conflicts, and in peaceful times became the instrument of restoring life order, acceptance and application of pacification.
Keywords: History of France, the 16th century, the Religious wars, religious peace, the Catholics, the Huguenots, provincial parliaments, the Parliament of Bordeaux, institutional history.
Список источников и литературы / References
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