Научная статья на тему 'Журналистика – двигатель политической институализации?'

Журналистика – двигатель политической институализации? Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
журналистика / Европа / политика / семиотика / journalism / Europe / politics / semiotics

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Жюльет Шарбоно

В статье рассматривается журналистика как политический институт, участвующий в продвижении европейского проекта с конца Второй мировой войны, со своими семиотическими способами (тексты, слова, картинки и другое). Две газеты проанализированы более конкретно – «Le Monde» и «Die Frankfurter Allgemeine Zeitung», чтобы показать, как медийные институты связаны с двумя процессами: построение исторического повествования о Европе и поиск правильного отражения событий.

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THE ROLE OF JOURNALISM IN THE INSTITUTIONALIZATION OF EUROPE

This article looks at journalism as a political institution, which participates in the promotion of the European project since the end of the WW2 with its own semiotical ways (texts, words, pictures...). Two newspaper are analyzed in more detail – Le Monde and die Frankfurter Allgemeine Zeitung – to show how the mediatical institutionalization has to do with two process: the construction of a historical narrative for Europe and the search for a proper incarnation.

Текст научной работы на тему «Журналистика – двигатель политической институализации?»

УДК 070.1

Ж. Шарбоно

ЖУРНАЛИСТИКА-ДВИГАТЕЛЬ ПОЛИТИЧЕСКОЙ ИНСТИТУАЛИЗАЦИИ?

В статье рассматривается журналистика как политический институт, участвующий в продвижении европейского проекта с конца Второй мировой войны, со своими семиотическими способами (тексты, слова, картинки и другое). Две газеты проанализированы более конкретно - «Le Monde» и «Die Frankfurter Allgemeine Zeitung», чтобы показать, как медийные институты связаны с двумя процессами: построение исторического повествования о Европе и поиск правильного отражения событий.

Ключевые слова: журналистика; Европа; политика; семиотика.

J. Charbonneaux

THE ROLE OF JOURNALISM IN THE INSTITUTIONALIZATION OF EUROPE

This article looks at journalism as a political institution, which participates in the promotion of the European project since the end of the WW2 with its own semiotical ways (texts, words, pictures...). Two newspaper are analyzed in more detail - Le Monde and die Frankfurter Allgemeine Zeitung - to show how the mediatical institutionalization has to do with two process: the construction of a historical narrative for Europe and the search for a proper incarnation.

Keywords: journalism; Europe; politics; semiotics.

Le lien entre le projet politique européen et sa dimension com-municationnelle n'est pas récente: Kant faisait déjà de cet aspect une condition de réalisation de « l'idée cosmopolitique » qu'il défendait dans son Projet de paix perpétuelle.

C'est la formalisation, plus récente, de ce lien que nous poserons ici en envisageant le processus de légitimation de l'Europe, sous les traits institutionnels de la CEE puis de l'UE, à travers sa représenta-

tion médiatique. Comme le rappelle François Foret, « l'Union européenne, comme tout institution, n'échappe pas à l'impératif politique du symbolique ». Ceci conduit à formuler un parti pris d'importance: la production symbolique n'est pas qu'un surplus venant s'ajouter, après coup, à l'activité politique, elle a tout autant trait à l'organisation du Vivre-ensemble, à la définition et à la mise en discussion du « nous, Européens ».

La symbolique politique constitue donc un levier de légitimation à part entière et il serait dommageable de considérer que seul le champ politique stricto sensu en porte la responsabilité. Notre propos est précisément de montrer que le journalisme, en tant qu'activité de représentation, participe pleinement à la constitution, à l'imposition et, finalement, à la naturalisation de cette symbolique, avec des intentions et des moyens qui lui sont propres.

Ces moyens sont aussi divers que ceux du politique: participation à la création de formations universitaires, d'associations de journalistes (l'AJE existe ainsi depuis 1961), de prix et de revues et de journaux dédiés (de l'Europe de Romain Rolland ou l'Europe Nouvelle de Louise Weiss, au supplément Europa co-réalisés par cinq grands quotidiens européens...)... Ces moyens permettent aussi, en parallèle, à des journalistes et à des journaux de se saisir de l'Europe pour travailler leur propre légitimation. Cependant, tel qu'évoqué ici, ces dispositifs et objets ne constituent finalement qu'une surface du « plus visible ». Aussi, et c'est là un autre parti pris, la production symbolique, dans sa dimension médiatique, peut (doit) également être saisie en entrant à l'intérieur des productions journalistiques pour aller interroger ses conditions de possibilité, poétiques cette fois, c'est-à-dire en entrant dans l'épaisseur des textes pour en envisager l'organisation narrative et discursive. Ce faisant, et c'est ce que nous proposons de faire ici, on peut dégager un certain nombre de dynamiques et de motifs participant pleinement à la construction de ce « nous, Européens ». J'en évoquerai plus précisément deux: la production d'une histoire commune et la question de l'incarnation. Ces deux pans sont développés à partir de l'analyse de la presse quotidienne dite de « référence », en France et en Allemagne et, plus précisément encore, des cas du Monde et de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.

I. Le journal, historien de l'Europe?

Précisons d'emblée que nous considérons les textes de presse envisagés comme autant de récits et leur accumulation, par compilation, comme un « méta-récit ». Comment, dès lors, les médias participent-ils de la construction d'une identité narrative supranationale, européenne?

Tout d'abord, je reprends là les termes de Ricoeur, « en dessinant les traits d'une expérience temporelle commune » et ce, vers l'avant comme vers l'arrière. Ainsi le « temps raconté » par le journal n'est-il pas seulement le temps de l'actualité d'hier ou celui des prévisions pour demain: c'est aussi le temps d'une identité au long cours, de la représentation de son historicité, à travers une écriture du futur mais aussi du passé. Pour cela, les occasions sont multiples, événements ponctuels ou sujets à la réitération à l'instar de celui qui constitue l'occasion par excellence de production narrative: la signature du traité de Rome instituant la CEE en 1957 et plus encore, les commémorations accompagnant ses anniversaires successifs.

En effet, les instances politiques, supranationales et nationales, ne sont pas les seules à rendre hommage à cet événement, les médias y contribuent aussi largement, voire de plus en plus largement. En effet, on peut constater, au long d'une étude diachronique menant de 1957 à 2017, au long de soixante ans de vie communautaire européenne, un processus d'autonomisation commémorative, éditoriale, du journal par rapport au politique. Tandis que lors des premiers anniversaires, décennaux, en 1967 et 1977, ils se « contentent » de suivre les manifestations organisées par le politique et d'en rendre compte, à partir des 25 ans en 1982, la production médiatique se fait non seulement plus importante (la couverture s'étend dans le temps et dans l'espace éditorial, avec un nombre de pages croissant et jusqu'à la publication de suppléments dédiés) mais aussi laisse davantage place à l'initiative médiatique.

Ce sont précisément les procédés liés à cette initiative qui concourt à tracer les contours d'un récit commun: « agenda setting » supranational, avec la narration continue d'un « ce qui pourrait arriver si »; vers le passé, avec les chronologies retraçant les « étapes clefs » de la construction européenne depuis ce qui est présenté comme l'événement fondateur. Par son retour récurrent dans l'actualité, le nom « traité de Rome » devient désignation singularisante et la condition de sa recon-

naissance, dans le présent mais aussi pour l'avenir. Comme l'affirme Laura Calabrese, les « DE [désignations d'événement] sont clairement des attaches mémorielles ».

La construction d'une origine commune passe également par le recours à des photographies d'archives qui viennent en raviver le souvenir, ou encore les portraits des hommes (ce sont surtout des hommes) désignés comme « les pères fondateurs ». Dans L'Ordre du temps, Kr-zysztof Pomian considère que « le culte des morts est en fait un hommage rendu par ses membres à la famille qui dépasse l'individu ». Dans le cas de l'Europe, ce culte des morts, régulier, tout en favorisant un « effet-famille » européenne, vient appuyer les recommandations faites pour l'avenir en instituant des figures-modèles à l'intention des vivants.

II. Dynamiques d'incarnation politique

Marc Lits, spécialiste de l'analyse des récits médiatiques, propose de considérer que « si la mise en récit est une donnée essentielle dans la transmission de l'information, un de ses traits dominants en sera l'utilisation de personnages ». Il n'en va pas autrement pour le vaste récit européen tissé par les médias: il est peuplé de personnages, qui n'émergent pas seulement en contexte commémoratif, mais viennent occuper en continu nos actualités. Ces personnages sont nombreux et varient, cependant, on constate la stabilité d'un « désir de figure » pour incarner un collectif mouvant et pour donner à lire la complexité de la décision et de l'action à l'échelle interétatique.

Ce « désir de figure » a donné lieu à une figure elle-même d'une grande stabilité, celle dite, actuellement, en français, du « couple franco-allemand ». Le paradigme actanciel s'élabore dans le temps long par un travail de la personnification, appuyé sur les figures du président français et du chancelier allemand. En effet, compte tenu des trauma-tismes des guerres mondiales, pour la presse « de référence » française et allemande, le « franco-allemand » constitue un critère de valeur politique et entretient une étroite relation dialectique avec l'Europe. Ainsi, on a vu se sédimenter, depuis 1958 et l'arrivée au pouvoir de De Gaulle en France et depuis la dynamique de coopération bilatérale engagée par lui avec Adenauer, un motif d'actualité devenu incontournable au point de revêtir une dimension mythique: lui aussi bénéficie de ses actes commémoratifs, médiatiques, de ses injonctions pour l'avenir, de ses

figures-modèles (De Gaulle et Adenauer, Mitterrand et Kohl, restent ainsi les « grands hommes » de l'action bilatérale et, à ce titre, européenne) de ses « mauvais élèves ». La durée étant condition de la reconnaissance, on peut considérer que la longévité extrême de cette figure a permis la reconnaissance d'un « nous » supranational, et ce des deux côtés de la frontière franco-allemande.

Cependant, l'étude diachronique, comparative, laisse entrevoir sinon un fléchissement, du moins une transformation, récente, de cette dynamique d'incarnation. En effet, les « courbes d'enthousiasme » des journaux français et allemand étudiés, semblent s'inverser depuis le début du XXIeme siècle: la FAZ adopte un comportement de plus en plus pragmatique; à l'inverse, Le Monde tend à se montrer toujours plus attaché au bilatéral dans une forme de nostalgie. On peut esquisser une piste d'explication lié à l'historicité des relations politiques et à l'inscription nationale des journaux: tandis que l'Allemagne se trouvait dans une période de réhabilitation sur la scène européenne après la guerre et, même, jusqu'à la réunification dans laquelle la relation à la France jouait un rôle primordial, elle fait aujourd'hui, à elle seule figure de moteur et de modèle de l'Europe, représentation à laquelle les médias européens, notamment français, sont loin d'être étrangers.

En tout cas, on voit apparaître des délibérations médiatiques autour du pouvoir d'incarnation d'une autre figure politique, monocéphale celle-ci: la chancelière Angela Merkel. Ce phénomène est dû, bien sûr, à la durée de l'exercice du pouvoir de part et d'autre. En effet, tandis que depuis 2005, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron se sont succédés pour diriger la France, Angela Merkel a de fortes chances d'être reconduite pour un quatrième mandat, le 24 septembre prochain. Quoi qu'il en soit, cette situation s'accompagne, du côté des médias français d'un comportement ambivalent: avec le temps fascination et admiration émergent de leurs représentations du personnage d'Angela Merkel, soulignant en encourageant une transposition de son style de vie vers son style politique sa simplicité, laquelle apparaît comme une vertu à suivre, pour les présidents français. Mais, en même temps qu'ils participent de son institution en « leader de l'Europe », ils expriment une forme de frustration, liée, précisément, au déséquilibre induit dans le « couple franco-allemand ». On observe alors l'expression d'un nou-

veau lot d'injonctions, « pour l'Europe », incitant l'Allemagne à ne pas oublier la France et, la France, à travers ses présidents successifs, à se montrer à la hauteur de l'enjeu européen (notamment observable au moment de la « crise des réfugiés »).

Rien de tel côté allemand où, si la France tend à s'effacer quelque peu, la chancelière ne bénéficie pas d'une telle représentation en modèle. Plusieurs raisons à cela: l'imaginaire du rôle du journalisme politique conduit à diriger d'abord la critique vers les figures nationales; le passé totalitaire allemand limite toute promotion d'un leader à la tête du pays, aussi voit-on apparaître une forme de glissement du « désir de figure » vers les institutions européennes dont les acteurs dirigeants (Juncker notamment) se voient offrir une visibilité supérieure à celle visible dans les médias français.

Информация об авторе

Жюльет Шарбоно - доцент Высшей школы наук об информации и коммуникациях (университет Париж-Сорбонна).

Author

Juliette Sharbono - Associate Professor, Higher School of Information Science and Communication (Paris-Sorbonne University).

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