УДК 94(47+44+460)(091)
А. Гийом-Алонсо
РОССИЙСКАЯ ИМПЕРИЯ ЧЕРЕЗ ПРИЗМУ ФРАНЦУЗСКОЙ И ИСПАНСКОЙ ИМПЕРИЙ: РАССМОТРЕНИЕ В ИСТОРИЧЕСКОЙ ПЕРСПЕКТИВЕ
Сближение двух империй не является свободным. Вольтер, Руссо, Дидро и их современники последовательно приводят их в пример, начиная с их концепции «цивилизации». В целом, они относятся к Испанской и Российской империям с большим снисхождением (или еще хуже) из-за стереотипов, тогда как испанцы и русские часто ищут свои модели во Франции. Ограничившись произведениями Вольтера для конкретных примеров, автор использовал анекдоты про царя Петра Великого и историю российской империи при Петре Великом.
Ключевые слова: российская империя; испанская империя; Франция просвещения; Вольтер.
A. Guillaume-Alonso
RUSSIAN EMPIRE THROUGH THE PRISM OF FRENCH AND SPANISH EMPIRES: PREJUDICE, STEREOTYPES, MODELS
The rapprochement between the two empires is not free. Voltaire, Rousseau, Diderot and their contemporaries successively hold them up as an example starting from their concept of «civilization». On the whole, they treat the Spanish and Russian empires with a big condescension (or still worse) because of the stereotypes, whereas Spaniards and Russians often seek their models in France. Limiting me to Voltaire for the concrete examples, I will use Anecdotes sur le Czar Pierre Le Grand and l'Histoire de l'Empire de Russie sous Pierre Le Grand (Voltaire, Œuvres historiques, Paris, Gallimard, 1957, Bibliothèque de la Pléïade NRF).
Keywords: Russian empire; Spanish empire; France of Enlightenment; Voltaire.
La France des Lumières face aux empires russe et espagnol. Modèles et stéréotypes
(Approche)
Le rapprochement entre les deux empires n'est pas gratuit. Voltaire, Rousseau, Diderot et leurs contemporains les prennent en exemple successivement - avec des nuances - et ne sont tendres ni avec l'un ni avec l'autre, toujours à partir de leur concept de «civilisation». En somme, ils traitent les empires espagnol et russe avec beaucoup de condescendance (ou pire encore), à partir de stéréotypes à l'emporte-pièce, alors qu'Espagnols et Russes cherchent souvent leurs modèles en France.
Me limitant à Voltaire pour les exemples concrets, j'utiliserai les Anecdotes sur le Czar Pierre Le Grand et Y Histoire de l'Empire de Russie sous Pierre Le Grand (Voltaire, Œuvres historiques, Paris, Gallimard, 1957, Bibliothèque de la Pléïade NRF).
La France des Lumières face aux empires russe et espagnol. Modèles et stéréotypes
En 1682, alors que Pierre I, qui sera appelé Le Grand, devient csar, la Russie à un extrême de l'Europe et l'Espagne à l'autre - si nous laissons de côté le Portugal - sont à la tête des plus grands empires du monde, respectivement de 24 et 20 millions de Km2, environ. L'empire russe s'étend vers l'Asie sans solution de continuité et occupe des territoires immenses. L'espagnol, quant à lui, il comprend, outre l'Espagne et une bonne partie de l'Italie en Europe, l'archipel des Philippines en Asie du sud-est et, surtout, les vice-royautés et colonies d'Amérique du sud, centrale et du nord; la différence notable entre les deux plus grands empires du monde de l'époque étant que le territoire russe était continu et l'espagnol en grande partie discontinu.
Au cours du XVIIIe siècle, les possessions russes connaissent quelques fluctuations mais l'essentiel reste, alors que l'Espagne, après sa guerre de Succession, perd par le traité d'Utrecht de 1713, les possessions italiennes récupérées par l'Autriche, et Gibraltar et l'île de Minorque passés à l'Angleterre. En revanche, ses territoires américains et les îles Philippines restent sous sa domination jusqu'à leur indépendance au XIXe siècle.
La France, quant à elle, elle possède sous Louis XIV et jusqu'au milieu du XVIIIe siècle la Nouvelle-France, des colonies en Amérique du Nord qui vont du golfe du Saint-Laurent, aux montagnes Rocheuses, à l'ouest, et au golfe du Mexique au sud, en plus de quelques îles dans les Caraïbes et d'un comptoir commercial en Amérique du sud, qui deviendra la Guyane. En 1763, à l'issue de la guerre des Sept ans, la France perd toutes ses terres en Amérique du nord, au profit de l'Angleterre. De cet empire américain en voie de formation, bien moins étendu que ceux cités précédemment de la Russie ou de l'Espagne, elle ne garde que les îles des Caraïbes et la Guyane. Le traumatisme provoqué par la perte des colonies américaines, après une guerre coûteuse, semble avoir laissé moins de traces dans l'imaginaire collectif français que d'autres évènements de son Histoire. Il a, néanmoins, fortement marqué les esprits des contemporains. La France ne redeviendra une puissance coloniale qu'au cours du XIXe siècle et cela n'a sans doute pas été sans conséquence pour les hommes des Lumières et pour le regard qu'ils ont porté sur les empires espagnol et le russe1.
Des travaux récents, sur la mondialisation et sur les origines de la globalisation abordent sous un angle nouveau la question des empires et du regard qui a été porté sur eux. Après les travaux de Serge Gruzinski et d'autres auteurs sur les empires chinois et espagnol, bien connus des hispanistes, des analyses récentes mettent l'accent sur l'empirophobie et sur les légendes noires qu'elle a produites: ce serait une constante dans l'Histoire des hommes depuis l'Antiquité, en particulier depuis l'empire romain2. Le regard souvent condescendant et le jugement parfois sévère que les Français des Lumières ont porté sur les peuples russe et espagnol s'expliquent alors, selon cette hypothèse, par une sorte de reflexe d'opposition radicale aux empires et de rejet des peuples qui les ont portés.
Nous allons poser, dans le cadre de cet exposé oral bref, très rapidement et très schématiquement, quelques jalons sur les cas de la Russie et de l'Espagne. Nous allons nous pencher sur la connaissance
1 L'empire britannique a des caractéristiques différentes et il échappe à notre analyse d'aujourd'hui.
2 Barea Maria Elvira Roca Imperofobia y leyenda negra : Roma, Rusia, Estados Unidos y el Imperio español, Madrid, Siruela, 2016. 460 p.
que ces deux puissances de la périphérie de l'Europe avaient l'une de l'autre et des relations qu'elles entretenaient, avant de porter notre regard sur Voltaire et sur sa vision historique des deux empires en particulier de celui de Russie.
Информация об авторе
Гийом-Алонсо Арасели — профессор, экс-вице-президент по международной деятельности университета Париж-Сорбонна.
Author
Guillaume-Alonso Araceli - professor, former Vice-President for International Activities of the University Paris-Sorbonne. (France, Paris).