Научная статья на тему 'Legislative Discourse and Prohibited Discrimination Criteria: What Is Not Well Stated Cannot Be Well Qualified'

Legislative Discourse and Prohibited Discrimination Criteria: What Is Not Well Stated Cannot Be Well Qualified Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
discrimination / origin / racist / racial / qualification / sanction / interpretation

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Laurence Péru-Pirotte

Discrimination is the difference in treatment based on criteria prohibited by law. It appears that the choice of criteria, as well as the way in which they are called by the legislator and then recognized by the courts is influenced by the discourse of the political powers in place. The article will focus in particular on the ambiguities relating to discrimination based on origin. The legislator is unable to sanction discrimination based on origin because it cannot qualify it without the power in place providing any key to do so. This results in difficulties in interpreting the criteria linked to origin expressed in the form of an unsatisfactory list. Solutions can be provided, in particular by clarifying the latter and by giving the generic term “racial and racistdiscrimination.

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Текст научной работы на тему «Legislative Discourse and Prohibited Discrimination Criteria: What Is Not Well Stated Cannot Be Well Qualified»

YEREVAN STATE UNIVERSITY

Department of Translation Studies

TRANSLATION STUDIES: THEORY AND

PRACTICE

International Scientific Journal

Special Issue 1

Lectures Croisées des Discours

Hiatus entre Réalités Sociopolitiques, Récits de Mémoire et Approches Interprétatives

Guest Editors

Garik Galstyan, Gayane Sargsyan, Taguhi Blbulyan

YEREVAN 2023

DOI: https://doi.org/10.46991/TSTP/2023.SL1.072

Legislative Discourse and Prohibited Discrimination Criteria: What Is not Well Stated Cannot Be Well Qualified

Laurence Péru-Pirotte* https://orcid.org/0009-0005-8810-1520 UNIVERSITY OF LILLE

Abstract: Discrimination is the difference in treatment based on criteria prohibited by law. It appears that the choice of criteria, as well as the way in which they are called by the legislator and then recognized by the courts is influenced by the discourse of the political powers in place. The article will focus in particular on the ambiguities relating to discrimination based on origin. The legislator is unable to sanction discrimination based on origin because it cannot qualify it without the power in place providing any key to do so. This results in difficulties in interpreting the criteria linked to origin expressed in the form of an unsatisfactory list. Solutions can be provided, in particular by clarifying the latter and by giving the generic term "racial and racist" discrimination.

Keywords: discrimination, origin, racist, racial, qualification, sanction, interpretation

Discours du Législateur et Critères de Discrimination Interdits : Ce Qui n'Est pas Bien Énoncé ne Peut Être Bien

Qualifié

Résumé : Les discriminations sont des différences de traitement fondées sur des critères interdits par le droit. Il apparaît que le choix des critères, mais aussi la façon dont ils sont appelés par le législateur puis reconnus par les tribunaux est influencée par le discours des pouvoirs politiques en place. L'article portera en particulier sur les ambiguïtés portant sur les discriminations à raison de l'origine. Le législateur n'arrive pas à sanctionner les discriminations liées à l'origine car il ne peut pas les qualifier, le pouvoir en place n'ayant pas donné les clés pour le faire. Il en résulte des difficultés d'interprétation des critères liés à l'origine exprimés sous la forme d'une liste insatisfaisante. Des solutions peuvent être apportées, notamment en clarifiant cette dernière et en donnant le terme générique de discrimination « raciale et raciste ».

Mots-clés : discrimination, origine, raciste, racial, qualification, sanction, interprétation

* laurence.peru-pirotte@univ-lille.fr

This work is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License.

Received: 26.11.2022 Revised: 26.11.2022 Accepted: 15.12.2022 © The Author(s) 2023

1. Introduction

En droit français les discriminations fondées sur « l'origine » (le terme est provisoire) sont des différences de traitement motivées par l'un des critères suivants : l'origine, l'appartenance, la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, l'apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence ou la domiciliation bancaire, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français (Code pénal 225-2 ; Code du travail L1132-1). Les « convictions religieuses » (Code du travail L1132-1) et « l'appartenance, vraie ou supposée à une religion déterminée » (Code pénal 225-2) font aussi partie de cette liste (Défenseur (2) 2020: 4).

Le droit français est doté d'un système antidiscriminatoire rigoureux et très précis concentré dans quelques textes, notamment les articles 225-1 et suivants du Code pénal, les articles L1132-1 et suivants du Code du travail, la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (J.O.R.F 28 mai 2008). Il punit de sanctions civiles (nullité de la mesure, remise en l'état, dommages et intérêts) et pénales (trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende) les différences de traitement qui sont fondées sur des critères qu'il recense (environ 25 actuellement) dans les domaines de l'éducation, du logement, de l'emploi et des biens et services. Lorsqu'une personne a établi une présomption de discrimination (en rapprochant un acte, tel un refus d'embauche, d'un critère interdit, comme l'origine), l'auteur présumé doit se défendre. Pour ce faire il peut d'abord démontrer que son acte est motivé par des considérations objectives et étrangères à toute discrimination (par exemple, le candidat a été évincé parce qu'il n'a aucune expérience pour ce type d'emploi à la différence de celui qui a été retenu) ; il peut ensuite démontrer que son acte est motivé par le critère de discrimination interdit (l'origine) mais qu'un texte de loi lui permet de le faire (par exemple, sur ce type d'emploi il faut être Français) ; et il peut enfin démontrer que son acte est motivé par le critère interdit, mais que sa décision est dictée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante (comme la nécessité de satisfaire la clientèle ou l'image de marque de l'entreprise), que le motif est légitime et la mesure proportionnée. Sur les questions d'origine, la jurisprudence n'admet pas ce dernier motif légitime (cf. CJCE, 10 juillet 2008, Feryn, C-54/07 ; CA Versailles, 28 octobre 2010, n °09/02217). Le régime de la preuve a été aménagé pour qu'elle soit plus facilement établie, et depuis 2016 les actions de groupe sont possibles en matière de discrimination. Le volet prévention des discriminations est également activé et le législateur permet des mesures de rattrapage ou discriminations positives (à titre d'exemples : formation des recruteurs, plan diversité, politique de la ville...).

Un dispositif complet, clair. Pourtant, alors que 50 ans nous séparent de la première loi qui a interdit les discriminations liées à l'origine, force est de constater que le dispositif anti-discriminatoire n'est pas efficient en ce qui concerne les discriminations fondées sur ce groupe de critères. On peut prendre plusieurs indicateurs : le « ressenti discriminatoire » régulièrement mesuré1, le peu de saisines judiciaires, le peu de condamnations (Défenseur (2) 2020: 50-56).

1 Le Défenseur des Droits et l'OIT interrogent régulièrement la population active sur son ressenti discriminatoire. Ainsi peut-on lire que « plus d'un quart de la population active considère que les individus

Cette situation n'est pas tolérable et est même dangereuse aux plans individuel (atteinte à la dignité, perte de confiance en soi, frustration, et même pauvreté) que de la cohérence de société (risque de communautarisme) (Défenseur (2) 2020: 33-38). Les problèmes de preuve, la défiance des victimes envers les institutions judiciaires, le renoncement sont des explications du manque d'efficacité du dispositif de lutte contre les discriminations. Il y a des théories, par exemple celle développée par le Défenseur des droits de l'invisibilisation par les pouvoirs publics de ces discriminations : « Comment est-il possible, alors qu'elles sont aujourd'hui pleinement identifiées grâce aux études existantes, que ces discriminations soient rendues à ce point invisibles dans le débat public et qu'il n'existe plus aucune véritable politique publique dédiée à la lutte contre les discriminations raciales ? » (souligné dans le texte original, Défenseur (2) 2020: 6).

Mon propos est de revenir à la source et de poser la question de savoir si une des explications ne viendrait pas tout simplement du fait qu'on (la doctrine, les juges, les victimes) ne sait pas qualifier, c'est-à-dire nommer ces discriminations fondées sur l'origine parce que le législateur - le pouvoir en place - ne nous a pas donné les clés pour le faire, parce que son discours sur ce point n'est pas clair quand il n'est pas tout simplement absent. L'absence de qualification empêche l'application du régime juridique des discriminations qui devrait aboutir à sanctionner les discriminations.

Dans un premier temps, je reviendrai sur les différentes étapes de la construction de la liste des critères antidiscriminatoires liés à l'origine : une construction par petites touches, aux motivations variées mais sans ligne directrice. Pour ce faire, je m'appuierai sur les exposés des motifs des lois et des débats parlementaires qui reflètent bien l'état d'esprit du pouvoir en place au moment où elles ont été votées. Nous aurons alors des éléments de contexte. Viendra alors le deuxième temps : celui de l'analyse de ces critères difficiles à comprendre qui mènera au constat qu'effectivement, ils ne permettent pas de qualifier les discriminations - ou en tout cas pas toutes les discriminations fondées sur l'origine. Le troisième temps sera celui des préconisations.

2. La construction de la liste des critères de discrimination liés à l'origine : par

petites touches, aux motivations variées mais sans ligne directrice

Le législateur est intervenu une dizaine de fois pour aboutir à la constitution de la liste des critères liés à l'origine telle que je l'ai présentée en introduction. Il me semble possible d'identifier quatre motivations différentes de la part du législateur : la lutte contre le racisme, la réponse aux injonctions de l'Union européenne, la politique de la ville et enfin le fait de céder à la pression des populations ultra-marines.

sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie, quel que soit le critère envisagé » et que « Les personnes actives perçues comme non-blanches soulignent davantage l'ampleur des discriminations liées à l'origine (62% considèrent qu'elles se produisent souvent ou très souvent, contre 44% pour les personnes perçues comme blanches), à l'apparence physique (52% contre 36%), [...] et au lieu de résidence (42% contre 23%) » (Défenseur (3) 2020: 9).

2.1. La lutte contre le racisme

C'est en 1972 que le premier dispositif de lutte contre les discriminations liées à l'origine a été introduit par le législateur (Loi n °52-745 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, dite loi Pleven, J.O.R.F. 2 juillet 1972). Le contexte est celui de la ratification, un an plus tôt, de la Convention de l'ONU de 1965 relative à l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales. Au départ, le gouvernement n'était pas favorable à cette loi qui dépasse le cadre des discriminations et vise à renforcer la lutte contre le racisme et l'antisémitisme par la création des délits d'injures et de diffamations racistes et des délits de provocation à la haine raciale. Il considérait en effet que la ratification apportait les solutions nécessaires. C'est pourquoi l'initiative est venue des parlementaires : le député Alain Terrenoire a présenté une proposition synthèse de pas moins de six propositions déposées par différents groupes parlementaires. La loi a été votée à l'unanimité tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Le titre III de la loi intitulé « De la répression des discriminations raciales » interdit pour la première fois les discriminations fondées sur l'origine dans l'emploi et la fourniture de biens et services. Sont punies les discriminations motivées par « l'origine, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Cette loi fait des discriminations fondées sur ces critères des délits punis par le Code pénal, dans le but de permettre l'égalité réelle entre les personnes. Toute loi de pénalisation est l'indicateur d'une volonté politique forte : il s'agit de réparer les atteintes à la société toute entière. Le signal est fort pour le juriste, mais le dispositif antidiscriminatoire n'est pas expliqué lors des débats parlementaires.

2.2 La mise en conformité au droit européen

La loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations (J.O.R.F 17 nov. 2001), impulsée par le groupe socialiste, avait pour objet, à la faveur de la transposition de la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve des discriminations fondées sur le sexe, d'améliorer le dispositif de lutte contre les discriminations dans l'emploi salarié. L'apparence physique et le patronyme ont été ajoutés dans les Codes pénal et du travail à la liste des critères interdits de discrimination en même temps que l'âge et l'orientation sexuelle par la commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée nationale. La motivation donnée est de combattre la discrimination « sous toutes ses formes », les pratiques discriminatoires étant « pernicieuses parce que quotidiennes et souvent anodines en apparence. [...] Ces inégalités minent la confiance dans la capacité de notre société à assurer à tous les mêmes chances et les mêmes droits » (Rapport Assemblée 2000). Il s'agit aussi d'assurer la paix sociale face à un phénomène en augmentation (Rapport Sénat 1995-1996). À y regarder de plus près, les critères ont été intégrés dans la loi en réaction à des faits divers particulièrement choquants relevés par le rapporteur à l'Assemblée Nationale Philippe Vuilque (Rapport n°2609, Introduction, I) tels que « le licenciement d'une vendeuse au rayon fromage aux motifs qu'elle ne

correspondait pas, en raison de la couleur de sa peau, à l'image du rayon » ou encore une offre d'emploi pour le service entretien d'une entreprise qui spécifiait : « profil : race blanche » et demandait une bonne tête. Étaient encore citées les annonces requérant un(e) candidat(e) « non typé(e) ». Plus loin le rapporteur ajoutait : « on craint la réaction de la clientèle, des usagers, on, renonce donc à employer, ou tout au moins dans un endroit visible, un salarié en raison de son origine ou de sa couleur de peau ». On demande à un salarié à l'état civil « trop typé » d'adopter dans le milieu professionnel une nouvelle identité plus « française » : pour les clients Farida devient Fabienne.»' Cette fois l'objectif d'assurer l'égalité des chances et de maintenir la paix sociale sont clairement mentionnés, mais il est permis de se demander si le choix des critères pris pour renforcer la liste des motifs interdits de discrimination liés à l'origine a été fait avec suffisamment de recul.

La loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (J.O.R.F 28 mai 2008 ; pour un commentaire exhaustif cf. (Péru-Pirotte 2008: 1314), portant diverses mesures d'adaptation du droit communautaire, a été prise sur pression de la Commission, peu de temps avant que la France n'assume pour six mois la Présidence de l'UE. La Commission reprochait notamment à la France d'avoir restreint la transposition de la directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique au domaine de l'emploi et de ne pas avoir repris le concept européen de discrimination (Commission 2007).

La loi de 2008 a été présentée comme « pragmatique » (Rapport Assemblée 1998 : 5) mais le texte a effectivement considérablement élargi le champ des discriminations liées à l'origine en étendant son domaine, par exemple, à l'emploi non salarié, à la protection sociale, à la santé, à l'éducation, aux services mais aussi en adoptant le concept large de discrimination européen (discrimination directe, indirecte, harcèlement discriminatoire et provocation à la discrimination). Il a encore permis un aménagement de la charge de la preuve et apporté une meilleure protection des témoins et des victimes de discrimination.

Bref, la loi de 2008 a amélioré le dispositif de lutte contre les discriminations y compris raciales mais sans toucher aux critères déjà identifiés comme liés à l'origine en droit français.

2.3 La politique de la ville

L'article 15 de la loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation de la ville et de cohésion urbaine a introduit le critère du lieu de résidence dans l'ensemble du dispositif discriminatoire (J.O.R.F 22 février 2014, commentée par ex : (Péru-Pirotte 2014: 18-19). Cette fois encore le projet initial ne le prévoyait pas, l'idée a été soumise par l'Assemblée nationale lors de l'examen en commission, sur la proposition du député Daniel Goldberg. Pourtant la loi s'inscrit « dans l'engagement pris par le Président de la République de réinstaurer la justice dans tous les territoires, notamment dans les quartiers populaires » et à remédier « aux inégalités profondes et persistantes »

dont sont l'objet leurs habitants, notamment du fait de discriminations dans l'accès à l'emploi « liées à l'origine ou l'adresse » (Conseil 2013). Au-delà, la pénalisation des discriminations à raison du lieu de résidence n'est pas anodine, elle résulte de la volonté des parlementaires de dissuader les auteurs de telles discriminations. Or, cette pénalisation n'était pas préconisée par la HALDE, et il est rare que des lois non ad hoc modifient le Code pénal, en raison de la difficulté de respecter le principe de légalité des délits et des peines. C'est encore un signal fort qui est donné : en 2014, la société ne tolère plus de discrimination à raison du lieu de résidence et toute discrimination à l'encontre de « quiconque » à raison de ce critère est un délit.

2.4 Le lobbying ultramarin pour obtenir l'égalité réelle

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle (J.O.R.F. le 18 novembre 2016) remplace le mot « race » par l'expression « prétendue race » et ajoute « la capacité à s'exprimer dans une autre langue que le français » dans le Code pénal et la loi de 2008. La loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle et portant autres dispositions en matière sociale et économique (J.O.R.F 1er mars 2017) apporte la même modification dans le Code du travail, en même temps qu'elle ajoute dans les trois textes le critère de la domiciliation bancaire. L'objet de la première loi était ailleurs : il s'agissait de refondre le système judiciaire et c'est au moyen d'amendements déposés par des parlementaires que les modifications ont été apportées. La seconde loi, en revanche, avait pour objectif de permettre l'égalité réelle entre les populations ultramarines et hexagonales. Le critère de la race était en question dans les travaux parlementaires depuis un moment (cf. proposition de loi n° 1305 visant à lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée, le 9 décembre 2008), et à la fin de la campagne présidentielle de 2012 François Hollande, dans un discours le 9 mars sur l'Outre-mer, avait déclaré vouloir supprimer le mot « race » de la Constitution. Des tentatives avaient avorté notamment en 2013 (Proposition de loi n°218 tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, 27 décembre 2012) et en 2018 (vote en première lecture à l'Assemblée nationale à l'unanimité, seconde séance du 12 juillet 2018) la Constitution n'ayant finalement pas été réformée. Quant au critère de la langue, c'est, discrètement, au moyen d'amendements soutenus par le groupe socialiste qu'il a été introduit à la demande des représentants des populations ultramarines.

Au terme de cette partie retraçant la construction de la liste des critères interdits liés à l'origine, il me semble que l'on peut en déduire qu'il n'y a pas eu de ligne directrice. Il en résulte des critères qui posent des difficiles d'interprétation.

3. Des critères difficiles à comprendre

Il me semble que la liste des critères liés à origine, à savoir « l'origine, l'appartenance la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ou religion déterminée, l'apparence physique, le nom de famille, le lieu de

résidence ou la domiciliation bancaire, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français », pour reprendre la terminologie du Code pénal, est difficile à comprendre.

En effet, tout d'abord, dans la mesure où le législateur n'a pas défini les termes employés2, la doctrine et la jurisprudence ont dû s'employer à le faire en laissant beaucoup d'incertitudes. Ensuite, cette liste n'est pas satisfaisante : elle est à la fois trop et pas assez complète, en particulier, parce qu'elle ne permet pas clairement d'identifier les discriminations qui ne sont pas racistes. Enfin, elle me semble sinon créer, au moins alimenter, des stéréotypes que le dispositif antidiscriminatoire s'attache à combattre.

3.1. Des interprétations rendues nécessaires

La nécessité de comprendre les critères liés à l'origine est apparue dès 1972, mais elle a perduré ensuite, chaque fois que la liste s'est enrichie.

En 1972, les critères retenus sont « l'origine, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ces critères ne sont jamais analysés un par un et sont toujours considérés comme formant ensemble un seul critère - jamais nommé, mais qui relève de la définition juridique de la discrimination raciale donnée par l'article 1er de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, ratifiée par la France, comme indiqué plus haut, quelques mois avant l'adoption du texte. Il s'agit de « toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique qui a pour but de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politiques, sociaux et culturels, ou dans tout autre domaine de la vie publique ». Les critères originaux ont ainsi été compris comme permettant de qualifier les discriminations racistes donc intentionnelles. Et c'est d'ailleurs l'interprétation qu'en ont fait les tribunaux puisqu'ils ne qualifiaient les discriminations qu'après avoir retenu un dol spécial : la preuve rapportée non seulement de la conscience de faire une discrimination, mais aussi de l'intention de le faire. Cette pratique persiste (cf., par exemple, Cass. crim., 14 novembre 1989, n°88-81.817; Cass. crim., le 23 juin 2009, n° 07-85.109 ) et elle est relevée par le Défenseur des droits : « Certaines contraintes et spécificités de la rhétorique du droit pénal, notamment les exigences particulièrement lourdes de la preuve de l'intention de la discrimination rendent le recours pénal peu opérationnel » (Défenseur (1) 2020: 9). La recherche d'un dol général (la conscience de faire une différence de traitement à raison d'un critère interdit) aurait permis de qualifier et donc de sanctionner les discriminations d'habitude, non racistes.

L'acception des discriminations liées à l'origine comme étant des discriminations racistes a été confortée par les précisions qui ont été ultérieurement et discrètement

2 Ceci est particulièrement ennuyeux, s'agissant de textes pénaux, au regard du principe de légalité des délits et des peines.

apportées - de manière heureuse d'ailleurs, à cette liste originale. En effet, le dispositif a été précisé et permet clairement de qualifier la discrimination à partir d'une perception erronée qu'a un auteur de la victime de discrimination : l'appartenance à une ethnie, une nation est « vraie ou supposée » (précision a été apportée par l'article 32 de la loi n°77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions économiques et financières : J.O.R.F. 8 juin 1977) et il n'est plus question de race mais de « prétendue race ». Le passage à la « prétendue race » a suscité de nombreux commentaires. Il s'agit de cesser d'alimenter le racisme puisqu'il est prouvé (Hamon 2019: 459 ; Pagnerre 2017 : 44s) qu'il n'existe qu'une seule race humaine et il ne faut pas permettre une banalisation du racisme (Ringelheim 2018:92). Mais les partisans de ne pas modifier le texte (Hamon 2019: 462-464) faisaient valoir que les auteurs de discriminations racistes sont eux persuadés qu'il existe plusieurs races, que les victimes elles-mêmes de ce type de discriminations se saisissent de la notion pour réclamer réparation, que les changements apportés restent confidentiels car les textes supérieurs (la Constitution, la Directive 2000/43/CE pour ne citer qu'eux) n'ont pas été modifiés. Bref, ils craignaient un affaiblissement de la protection. Je partageais cet avis quand il s'agissait de supprimer purement et simplement le mot « race » ou de le remplacer par des termes tels que « origine étrangère », « origine immigrée », « diversité », « origine ethnique », « minorité ethnique » (Hamon 2019: 462-464). Ces références ne me paraissent pas suffisantes pour permettre de qualifier les discriminations racistes parce que intentionnelles. Cette réserve est levée par le mot « prétendu » qui me semble conserver cette intention raciste.

En 1975, le mot « origine » a été séparé du reste du groupe de manière fortuite, pour des raisons rédactionnelles, à la faveur de la loi qui a introduit le sexe et la situation de famille comme critères interdits dans le Code pénal (Loi n°75-625 du 11 juillet 1975 modifiant et complétant le Code du travail en ce qui concerne les règles particulières du travail des femmes ainsi que l'article L.298 du Code de la sécurité sociale et les articles 187-1 et 416 du Code pénal, J.O.R.F 13 juillet 1975). Certains auteurs se sont alors demandé si on ne pouvait pas lui donner une signification plus large qui permettrait de qualifier les discriminations à raison de l'origine sociale. Ainsi Renée Koring-Joulin écrivait-elle : « Détaché de la notion de racisme lato sensu, il semble [...] évoquer davantage l'enracinement biologique familial et social d'un individu que son attachement racial et national » (Koring-Joulin 1986: 25). Pourquoi pas ? Le droit international comptait déjà des critères de ce type : l'origine sociale, la fortune, la naissance (Déclaration universelle des droits de l'homme, art. 2 ; Convention européenne des droits de l'homme, art. 14, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 2). Mais d'autres auteurs étaient contre une telle interprétation, considérant que la notion perdrait tout intérêt et qu'il en résulterait un affaiblissement de la protection des personnes contre les discriminations motivées par une intention raciste (Brill 1977: 35s, 43) ou, au contraire, un élargissement de la loi pénale arbitraire et contraire au principe de sa stricte interprétation, à des comportements difficiles à cerner, susceptibles, par exemple, d'être qualifiés de « racisme anti-bourgeois » ou de racisme « anti-jeunes ». Pierre Berthiau ajoutait qu'il en résulterait un accroissement des difficultés à établir la preuve de la discrimination (Berthiau 1999: 6). Jamais, à ma connaissance, la jurisprudence n'a utilisé « l'origine »

sous ce sens : elle a toujours associé « l'origine » dans sa conception originelle. Les critères sociaux et de pauvreté ont été ajoutés plus tard, par la loi n°2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre les discriminations à caractère social (J.O.R.F le 24 juin

2016) qui a inséré dans le dispositif antidiscriminatoire le critère de « la particulière vulnérabilité économique de la personne, qu'elle soit apparente ou connue de l'auteur de la discrimination ». En revanche il est possible que les tribunaux aient retenu ce terme pour qualifier des discriminations non intentionnelles.

Plus récemment, la nécessité de trouver une interprétation aux critères liés à l'origine a concerné l'apparence physique choisie, on l'a dit, en réaction à des faits divers. Dans les affaires citées par le rapporteur à l'Assemblée nationale, ce sont la race, la couleur, le type ethnique, la nationalité qui étaient en cause. Les critères historiques étaient suffisants pour qualifier ces discriminations. Or, le critère de l'apparence physique - non défini par le législateur, a une portée plus large que l'origine : il peut faire référence à l'état de santé (je ne recrute pas une personne parce que je la trouve obèse), au genre (je licencie cet homme parce qu'il porte des boucles d'oreilles au travail), aux mœurs (ce banquier porte un bermuda au travail) ou à la religion (cette salariée porte un voile). Bref ! Loin de renforcer le dispositif de lutte contre les discriminations liées à l'origine, le critère de l'apparence physique le dilue. Il aurait fallu aller jusqu'au bout de la démarche et parler de « couleur », comme cela est fait dans d'autres textes cités ci-dessus.

Il faut encore s'arrêter sur le faux mystère de la langue. La doctrine (Mehrez 2017 ; Perrier 2017: 373-374 ; Thiébart 2017: 1s) s'est en effet attachée à comprendre ce que signifie « la capacité à s'exprimer dans une autre langue que le français ». Est-ce le fait que la personne ne parle pas le français, parle une autre langue en plus du français, ou ne parle pas de langue du tout ? Le critère permet de combattre les discriminations liées à l'origine dans la mesure où la langue est effectivement un marqueur de l'origine. Mais dans ce cas on peut se demander s'il était utile de l'introduire dans le dispositif antidiscriminatoire car, d'une part, il fait doublon (Mehrez 2017 ; Perrier 2017: 373-374 ; Thiébart 2017: 1s) et, d'autre part, il doit permettre à l'auteur présumé de discrimination d'échapper à la sanction par la preuve d'une exigence essentielle et déterminante motivée par un but légitime. Pourquoi alors l'avoir introduit ? C'est à la demande des populations ultramarines alors que l'État français refuse toujours la reconnaissance des langues régionales et minoritaires en se fondant sur l'article 1er de la Constitution qui pose le principe de l'indivisibilité de la République : un seul peuple, une seule langue (Péru-Pirotte 2020: 167). C'est donc le fait de maîtriser une autre langue que le français et les langues étrangères et régionales qui sont ici visés (Mehrez

2017). Le loup est dans la bergerie. C'est sans doute pour cette raison que le Défenseur des Droits adopte une postition réservée. Il avait accueilli l'introduction du critère en soulignant les difficultés de hiérarchie des sources : « Ainsi est subrepticement introduite dans notre législation la notion de discrimination linguistique, permettant ainsi à un régionaliste ou à un étranger déclarant ne pas maîtriser le français de se réclamer de l'arsenal anti-discriminatoire pour contester un refus d'emploi ou de service. Une sorte de substitut pénal à la charte des langues régionales ou minoritaires jamais ratifiée en raison de son caractère inconstitutionnel » (Défenseur (1) 2020: 8). Et il indique sur son site, consulté le 18 mars 2022, que le

critère « capacité à s'exprimer dans une autre langue que le français » « peut faire l'objet de plusieurs interprétations très distinctes. Les tribunaux indiqueront celle qu'il convient de retenir ».

Les critères du lieu de résidence, du nom de famille et de la domiciliation bancaire ont également donné lieu à interprétation. Par lieu de résidence, il faut entendre, comme le préconisait la HALDE (Défenseur 2011), l'adresse ou « le code postal » comme cela résulte des débats parlementaires (Arseni 2013). C'est un critère, comme celui du nom de famille, qui est facilement démontrable mais leur utilisation à la place des critères originaux aboutit à ne pas traiter la question des discriminations liées à l'origine mais non racistes de manière frontale (à propos du nom de famille, cf. (Sweeny 2020: 203s, 204). Ils contribuent, comme dit plus haut, à les rendre invisibles (Défenseur 2020: 5). Quant au patronyme devenu nom de famille, sauf dans le Code pénal, ce critère est entendu de manière stricte puisqu'il ne permet pas de qualifier les discriminations sur le prénom, ce qui n'est pas anodin car les discriminations sur le prénom sont fréquentes en droit du travail (cf. (Défenseur (2) 2020: 19). Enfin, la domiciliation bancaire est un « OVNI » : c'est un critère qui fonctionne car il permet de qualifier des discriminations, mais il n'est pas forcément lié à l'origine « ethnique » ; il peut faire référence à l'origine sociale, comme d'ailleurs le lieu de résidence.

3.2. Une liste qui ne permet pas de lutter contre toutes les discriminations liées à l'origine

Le propos est ici de montrer que la liste des critères liés à l'origine, en plus d'être difficile à comprendre, ne permet pas de lutter contre les discriminations pour plusieurs raisons : elle alimente des stéréotypes, elle comporte des doublons et elle est incomplète.

Il m'apparaît d'abord que la liste des critères liés à l'origine alimente les stéréotypes. La liste des critères retenus par le législateur de 1972 - qui n'a pas été justifiée, s'inspire du texte de la Convention de 1965 mais en diffère sur deux points : elle ne comporte pas le critère de la couleur3et elle inclut celui de la religion. Certes le législateur avait alors en tête de lutter contre le racisme et les discriminations religieuses, en particulier antisémites. Mais sur la partie discrimination de la loi de 1972 il est permis - même si osé, de se demander si le législateur lui-même n'a pas dès la genèse du dispositif antidiscriminatoire brouillé son message en étant lui-même victime de stéréotypes et de préjugés par l'association d'une origine/nationalité à une religion qui pourrait, par exemple, se manifester par une affirmation du type : les Français sont tous blancs et catholiques, les personnes d'origine maghrébine sont toutes musulmanes. Il faut séparer origine et religion, tout comme on sépare sexe et religion. D'ailleurs, les discriminations religieuses, comme les discriminations à raison du sexe, ont un régime juridique qui leur est propre. Un autre stéréotype peut être trouvé à propos du lieu de résidence. L'article 225-3 du Code pénal crée, en effet, une immunité pénale pour « les discriminations liées au lieu de résidence lorsque la

3 Cette lacune fera l'objet d'un commentaire un peu plus bas.

personne en charge de la fourniture d'un bien ou d'un service se trouve en situation de danger manifeste ». On peut se poser la question de savoir si, dans le silence des travaux parlementaires, cette disposition a été introduite par pragmatisme ou s'il s'agit d'un effet insidieux du syndrome que l'on pourrait qualifier « du bijoutier », issu de préjugés « d'effet de quartier ».

La liste des critères liés à l'origine a encore le défaut d'être trop longue, et les ajouts des critères de la langue, de l'apparence physique et du nom de famille4 me semblent inutiles car, dans la mesure où ils sont tous des marqueurs de l'origine, ils en sont des doublons. Il n'est pas besoin de les individualiser comme critères, ce sont des outils qui permettent la preuve des discriminations liées à l'origine. De plus, on a vu que le critère de l'apparence physique dilue la notion d'origine, et que celui de la langue est une vraie bombe à retardement.

Il me semble enfin que la liste des critères liés à l'origine, telle qu'elle est écrite, est incomplète. En premier lieu, elle ne reprend pas « la couleur » qui figure dans la Convention de 1965. Ceci s'explique peut-être par le passé colonial et esclavagiste de la France, sur lequel les générations récentes ne sont que très peu instruites (les programmes scolaires en faisant largement l'impasse) mais qui pèse comme un secret de famille sur la nation. La liste est encore incomplète car elle ne permet pas de qualifier à la fois les discriminations racistes et celles qui ne le sont pas parce qu'elles sont le résultat de stéréotypes et préjugés et ne sont ni intentionnelles ni motivées par une « idéologie fondée sur la croyance qu'il existe une hiérarchie entre les groupes humains, autrefois appelés « races » » (Petit Larousse). Le terme « origine » pour définir ces discriminations non racistes n'est pas efficient sinon ces discriminations seraient combattues avec succès.

Ainsi, les difficultés d'interprétation, l'imperfection de la liste des critères liés à l'origine confortent l'intuition selon laquelle une des causes de l'absence d'effectivité de la lutte contre ces discriminations réside dans le fait que l'on ne parvient pas les nommer correctement. Par conséquent, il n'est pas possible de les qualifier, et partant, de les traiter (Dans le même sens : (Fassin 2006: 33), (Ringelheim 2018: 93) ; (Mercat 2017: 361-362)). Il faut maintenant proposer quelques pistes de remédiation.

4. Quelques pistes de remédiation

Il me semble que le dispositif serait plus efficient si quelques remédiations étaient opérées. À cet effet, il faudrait en premier lieu trouver un terme générique pour ces discriminations afin de pouvoir les nommer, et donc les qualifier. Je propose que les discriminations liées à l'origine soient appelées discriminations « racistes et raciales ». Ces deux adjectifs sont proches mais ce ne sont pas des synonymes : le terme « raciste » permet, c'est une évidence, de combattre les discriminations racistes et le terme racial (synonyme : « ethnique » (Le Robert)) donnera l'opportunité de combattre les discriminations qui ont été oubliées dans le processus d'interprétation de la liste

4 On mettra à part le critère de la domiciliation bancaire qui n'est pas seulement un marqueur de l'origine mais qui est aussi un marqueur social.

mais qui sont les plus nombreuses : les discriminations non conscientes, d'habitude, qui sont l'effet de stéréotypes et de préjugés.

En second lieu, il faudrait clarifier la liste des critères raciaux, et en revenir aux critères originaux tels qu'ils ont été nuancés : « origine, appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une prétendue race ». Il a été montré plus haut que les ajouts postérieurs (l'apparence physique, le lieu de résidence, le nom de famille, la domiciliation bancaire) n'améliorent pas réellement le dispositif de lutte contre les discriminations raciales et racistes. Il me semble que le « lieu de résidence », « la domiciliation bancaire » et « l'apparence physique » sont à détacher des critères raciaux car ils sont aussi des marqueurs de l'origine sociale, du sexe, de l'identité de genre, de la religion. Bref, ils peuvent s'appliquer à de nombreuses discriminations. Le critère de la langue devrait être conservé mais pour le rendre effectif une modification de la Constitution sera nécessaire et il faudrait simplifier la formulation en retenant tout simplement : « la langue ». Enfin, s'il fallait compléter la liste des discriminations raciales et racistes, alors on pourrait ajouter « la couleur ».

En troisième lieu, il faudrait se garder de faire amalgames : on ne peut pas assimiler les discriminations raciales et celles fondées sur la religion5 dont le régime juridique est, on l'a dit, différent. Je pense aussi qu'il faut se garder d'amalgamer origine et pauvreté et contrôles policiers abusifs et discrimination6. Ces amalgames créent ou confortent des stéréotypes qui sont à leur tour sources de discrimination.

En quatrième lieu, il faudrait rester pragmatique : lorsque la discrimination peut être qualifiée à partir de plusieurs critères (par exemple, l'âge et l'origine) mieux vaut retenir celui qui sera le plus efficace pour qualifier la discrimination.

Enfin, la lutte contre les discriminations raciales et racistes nécessite que soit correctement formé chaque acteur de la vie civile et judiciaire, de l'éducateur jusqu'au magistrat. À cet égard, la mise en place de politique publique spécifique pourrait aider. Cela n'a pas encore été fait : « la concurrence d'autres paradigmes, particulièrement celui de la promotion de la diversité, est venue freiner l'émergence d'une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l'origine. La mobilisation politique sur ces questions a été rapidement reléguée aux territoires de la politique de la ville et s'est progressivement effacée au bénéfice d'une approche centrée sur les enjeux républicains de sécurité, de laïcité et d'antiracisme » (Défenseur 2020: 9).

5 Ces amalgames ont « la vie dure » et sont même faits aujourd'hui par le Défenseur des Droits : « les discriminations fondées sur l'origine peuvent être appréhendées non seulement par le critère de l'origine mais également par d'autres critères prohibés de discrimination tels l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race ; l'apparence physique ; le nom ; l'appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée ; le lieu de résidence ; la capacité à s'exprimer dans une autre langue que le français » (c'est moi qui souligne), in (Défenseur (1) 2020: 4).

6 Cf. Défenseur des Droits : « Afin de lutter contre les discriminations dans leur dimension systémique, il apparaît crucial de lutter conjointement sur deux fronts, en déployant tout à la fois : des stratégies publiques contre la pauvreté, le chômage ou l'insalubrité et des politiques contre les discriminations liées à l'origine, avec des objectifs antidiscriminatoires ambitieux » (c'est moi qui souligne), in (Défenseur (1) 2020: 10).

5. Conclusion

À travers cette étude, et au-delà de l'intérêt qu'elle me semble avoir pour la lutte contre les discriminations raciales et racistes, j'ai voulu démontrer que le juriste (doctrine, avocats, magistrats) est « lié » par le texte du législateur. Si la terminologie n'est pas choisie avec suffisamment de soin et de recul, si les débats parlementaires ne permettent pas de retrouver ce qui a été voulu, en somme si le discours n'a pas été assez clair, alors la portée réelle des textes peut être différente de celle qui a été imaginée par ses auteurs.

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