YEREVAN STATE UNIVERSITY
Department of Translation Studies
TRANSLATION STUDIES: THEORY AND
PRACTICE
International Scientific Journal
Special Issue 1
Lectures Croisées des Discours
Hiatus entre Réalités Sociopolitiques, Récits de Mémoire et Approches Interprétatives
Guest Editors
Garik Galstyan, Gayane Sargsyan, Taguhi Blbulyan
YEREVAN 2023
DOI: https://doi.org/10.46991/TSTP/2023.SL1.008 En guise d'introduction Discourse Analysis at the Crossroads of Disciplines
Henry Hernández Bayter* https://orcid.org/0000-0003-3628-7712 University of Lille
Abstract: The article serves as an introduction to the special issue of the journal touching upon discourse as an object of research with a focus on the notions of rhetoric and literature as an example of interdisciplinarity. The author provides a brief overview of the topics covered during the conference.
Keywords: discourse, rhetoric, research, conference, interdisciplinarity
L'analyse du Discours à la Croisée des Disciplines
Pour analyser un phénomène social, il convient de dire de quel point de vue on le fait, c'est-à-dire dans quelle discipline des sciences humaines et sociales on se situe, et, à l'intérieur de celle-ci, quelle orientation l'on suit.
Patrick Charaudeau (Charaudeau 2011: 105)
Résumé: Le présent article sert d'introduction pour le numéro spécial de la revue et porte sur le discours comme objet de recherche. L'auteur s'y penche sur les définitions de la notion de discours et et parle de sa nature interdisciplinaire en donnant un bref aperçu des sujets abordés lors du colloque.
Keywords: discours, rhétorique, recherche, colloque, interdisciplinarité
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1. Introduction
Comme l'indique Charaudeau, toute réflexion nécessite d'un positionnement et donc de l'adoption d'un cadre théorique qui guide l'étude et l'analyse menées. Quand on se réfère à l'Analyse du Discours, désormais AD, comme champ disciplinaire, il faut se rendre à l'évidence qu'il s'agit d'une interception où se croisent un ensemble des disciplines qui convergent autour d'un objet d'intérêt principal, le discours, abordé sous un grand nombre de points de vue différents et complémentaires, à l'aide des notions et tout un appareillage conceptuel adaptés. L'objectif principal ici est de mener une brève réflexion autour de l'interdisciplinarité caractéristique des études du discours et, par la même occasion, d'introduire un ouvrage qui reflète bien cet aspect à travers des applications et des réflexions menées sous le prisme de l'histoire contemporaine, de l'analyse des discours politique et médiatique, des sciences de la communication, du cinéma et de la littérature. Pour ce faire, nous proposons un parcours succinct allant de l'apparition de l'analyse du discours, en passant par l'application à d'autres domaines jusqu'à la présentation de certaines notions clés, présentation qui ne prétend pas exhaustive, qui servent d'exemple de l'aspect interdisciplinaire de l'AD et qui permettent de mieux comprendre l'intérêt des études du/sur le discours à l'époque actuelle.
L'AD, discipline déjà bien institutionnalisée, comme en témoigne la publication du Dictionnaire d'Analyse du Discours apparait dans les années 1960 comme un champ de recherche tout à fait nouveau qui prend comme appui l'étude non pas de la structure de la langue, mais de l'utilisation de celle-ci en contexte et donc dans des énoncés attestés, comme le confirment plusieurs auteurs (Charaudeau 2014; Mazière 2018; Charaudeau & Maingueneau 2002). Même si ce nouveau champ se développe au sein de la linguistique et des sciences du langage, il se révèle rapidement être un point de rencontre entre plusieurs disciplines, donc interdisciplinaire, puisque les chercheurs qui s'intéressent aux productions langagières, qui vont au-delà de la phrase et de manière contextualisée, font appel à des notions et des concepts d'autres disciplines en sciences sociales afin de trouver l'appareillage méthodologique et théorique adéquat à chaque recherche. Nous pensons notamment aux notions empruntées à la rhétorique et à l'argumentation (ethos, pathos et logos) et à la notion de polyphonie, empruntée à la littérature et à son tour à la musique. Nous reviendrons plus tard dans ce texte sur les différentes notions et leurs définitions propres à l'AD et qui illustrent l'interdisciplinaire du champ.
Mais avant de nous aventurer dans ce croissement des disciplines, nous nous devons de définir la discipline centrale qui nous intéresse. Comme indiqué auparavant, l'AD se centre sur l'utilisation de la langue en contexte. À ce titre, Charaudeau et Maingueneau définissent l'analyse du discours en tant que : « discipline qui étudie le langage comme activité ancrée dans un contexte produisant des unités transphrastiques » (Charaudeau & Maingueneau 2002: 42). Dans ce sens, d'un point de vue strictement linguistique, l'objet d'étude n'est plus la structure des mots et de la langue, mais plutôt les mots dans leurs contextes phrastique, textuel et transtextuel. Cependant, d'ores et déjà, pour s'avancer dans l'étude du contexte, le chercheur se doit de faire appel aux branches de la linguistique dont l'objet d'étude est le sens et sa construction en contexte, à savoir la
sémantique et la pragmatique. Ce qui confirme une fois de plus l'aspect interdisciplinaire qui gouverne les études du discours.
De même, Charaudeau définit l'AD comme « l'analyse des usages de la langue et de leurs diverses configurations textuelles. » (Charaudeau 2015). Ainsi, l'AD se configure comme une discipline textuelle qui prend en compte les différents genres textuels et, de ce fait, la corrélation entre la structure textuelle et les unités qui la constitue et le contexte extratextuel. Cet aspect de l'AD renvoie à une autre discipline, la linguistique textuelle, telle que définie par Coseriu en 1955 et 1973 et développée par Adam en 2005. Selon Adam : « La linguistique textuelle a pour tâche d'intégrer les acquis des travaux de linguistique interphrastique dans une théorie des agencements transphrastiques d'énoncés au sein des textes » (Adam 2015).
L'analyse linguistique de ces agencements transphrastiques, et donc dans un contexte textuel, permet de mettre en évidence la relation entre les différentes unités du texte et la cohérence qui les traverse. Cette analyse textuelle est reprise de manière récurrente dans les études qui portent sur des textes littéraires, qui permet de déceler la configuration des textes et la mise en évidence d'une typologie textuel : conte, poésie, roman, parmi d'autres.
D'un autre côté, puisqu'il s'agit d'une discipline du discours, l'AD se doit de concevoir le discours dans sa dimension sociale et communicative (Charaudeau 2010) ou de pratique sociale (Fairclough 1997: 258-284). Il y a donc une étroite relation entre le discours et son contexte ou son « extérieur » qui correspond à la situation de communication (Maingueneau 2010: 85-90) et l'espace social d'apparition (Amossy 2000: VII) tout comme entre les participants, la culture et l'époque. Autrement dit, l'AD se doit d'aborder et explorer également l'ensemble des données qui constituent l'environnement dans lequel intervient tout discours. De cette façon, nous rejoignons Marie Anne Paveau qui affirme que pour l'étude du discours et du discours numérique en particulier il faut adopter une approche écologique qui permette d'exploiter tous les éléments qui entourent le matériel discursif : à savoir, environnement numérique (pour l'analyse du discours numérique), environnement textuel (pour l'analyse du discours dite traditionnelle), le locuteur et les interlocuteurs, entre autres (Paveau 2017).
2. Le discours comme objet de recherche
Il est essentiel ainsi de définir l'objet d'étude de cette discipline qui est l'AD, le discours. Parmi les sept définitions du discours que D. Maingueneau énumère dans son ouvrage L'analyse du discours. Introduction aux lectures de l'archive, nous n'en retiendrons que quatre afin d'étayer notre propos sur l'AD en tant que discipline carrefour. Ainsi, le discours peut faire référence à :
« - équivalent de la « parole » saussurienne, toute occurrence d'énoncé ;
- dans le cadre des théories de l'énonciation ou de la pragmatique, on appelle « discours » l'énoncé considéré dans sa dimension interactive, son pouvoir d'action sur autrui, son inscription dans une situation d'énonciation (un sujet énonciateur, un allocutaire, un moment et un lieu déterminés) ;
- on oppose parfois langue et discours, comme un système de valeurs peu spécifiées, à une diversification superficielle liée à la variété des usages qui sont faits des unités linguistiques [...],
- on utilise souvent « discours » pour désigner un système de contraintes qui régissent la production d'un ensemble illimité d'énoncés à partir d'une certaine position sociale ou idéologique » (Maingueneau 1991 : 15).
De ce fait, les études du discours se doivent d'explorer, comme signalé auparavant, l'utilisation de langue dans un ou des contextes précis de communication. De même, l'objet d'étude de l'AD doit être analysé du point de vue de la situation d'énonciation et des participants à celle-ci, à savoir : qui parle, à qui, de quoi, comment et dans quel contexte. Dans ce cas, le chercheur se doit de faire appel aux différentes notions de la linguistique énonciative : le locuteur qui est le producteur de l'énoncé, l'énonciateur qui est à l'origine de l'énoncé (ce qui renvoie à la notion de polyphonie que nous évoquerons plus loin, puisque le locuteur n'est pas toujours l'énonciateur d'un énoncé, mettant ainsi en évidence la notion d'intertextualité et de la reprise de la parole d'autrui), l'énoncé en soit, le canal, etc. Les énoncés doivent à leur tour être étudiés par rapport à leur fonction dans la situation d'énonciation et on renvoie, également, à la théorie des actes du langage (Austin 1962) qui décrit les actes exercés par le locuteur à travers ses mots : promettre, demander, etc. (actes performatifs, constatifs, etc.). De cette manière nous pouvons mettre en évidence la relation entre les études du discours et la philosophie du langage, qui renvoie à l'étude de la référence et de la signification, ainsi qu'à la relation entre le langage et la réalité, la pensée, parmi d'autres, tout comme la relation entre les mots et la réalité et les objets.
Soulignons également la composante sociale du discours en général, ensemble d'énoncés prononcés dans un but précis et qui se construit à l'intérieur de la société. Comme l'indique Benveniste, « la langue se forme et se configure dans le discours » (Benveniste 1966 : 131). En tant que pratique sociale, il se doit d'être présent dans tous les domaines de la société, que ce soit le discours scientifique ou le discours politique, parmi d'autres. L'AD relève donc de l'étude de toute pratique langagière qui entraîne un développement discursif devant un public/un lecteur qui appartient donc à différents domaines et qui a comme objectif principal la transmission des idées, mais surtout la mise en œuvre des stratégies argumentatives qui ont comme résultat l'adhésion du public/du lecteur.
3. Notions de la rhétorique et de la littérature, un exemple d'interdisciplinarité
Revenons ici sur deux notions étudiées en AD et explorées dans presque toute étude menée dans ce champ disciplinaire : les notions de la rhétorique classique, ethos, et pathos ; et la notion de polyphonie qui renvoie, à son tour, aux études sur l'énonciation, comme mentionné auparavant. Ces deux notions ne sont en rien exhaustives du champ de l'AD, nous nous focaliserons seulement sur ces deux exemples pour bien illustrer l'interdisciplinarité représentative des disciplines du discours.
En ce qui concerne les notions d'ethos et de pathos, nous rejoignons les définitions proposées par Amossy et par Charaudeau : « Toute prise de parole implique la
construction d'une image de soi. » (Amossy 1999 : 9) « Il n'y a donc pas d'acte de langage qui ne passe par la construction d'une image de soi » (Charaudeau 2013: 105).
Les notions d'ethos et de pathos, de la rhétorique aristotélicienne, reprises par Charaudeau et Maingueneau, en AD, et par Amossy, en argumentation, entre autres, font référence à la description de la construction de l'image de soi dans et par le discours par des moyens discursifs véhiculant plus ou moins des émotions pour atteindre autrui. Par ethos, on entend tous les procédés discursifs mobilisés pour construire l'image de celui qui énonce, de celui qui prononce un discours dont le but principal est de persuader et de faire adhérer. Par pathos, on entend tous les procédés discursifs employés pour émouvoir l'interlocuteur et le persuader en le sensibilisant. L'AD fait appel à ces deux notions afin d'étudier et d'analyser le processus de construction de l'image du locuteur dans son propre discours et des représentations qu'il fait de ses interlocuteurs et la mise en place d'un ensemble des stratégies discursives afin de conquérir les interlocuteurs par les émotions.
Dans la tradition rhétorique, l'ethos est perçu comme une image discursive qui est mise en place comme une stratégie qui cherche à attirer l'attention du public et à le faire agir ; dans ce cas on est devant ce qu'on pourrait appeler un discours performatif. « L'ethos : l'image de soi que l'orateur construit dans son discours pour contribuer à l'efficacité de son dire » (Amossy 1999: 60). Comme l'affirme Amossy, l'image que le locuteur construit de soi, consciemment ou inconsciemment, cherche à rendre son discours efficace et cherche à amener les interlocuteurs à réagir comme il l'entend.
Quant au pathos, faire agir par les sentiments, par les émotions, est une stratégie que le locuteur peut mettre en place dans son discours. Nous assistons donc à l'introduction des émotions dans le discours dans le but de persuader les interlocuteurs. Certes, la stratégie discursive la plus importante dans le discours est la création d'une image de soi et d'une représentation d'autrui pour persuader et susciter l'adhésion. Néanmoins, il faut signaler que le discours se révèle aussi effectif par sa capacité à faire ressortir les sentiments des interlocuteurs.
Il faut signaler que les émotions représentent aussi une arme à double tranchant étant donné que le locuteur doit se montrer perspicace au moment de s'en servir dans son discours. Il se peut que le fait d'exprimer ses émotions directement ne produise pas l'effet escompté et suscite chez les interlocuteurs une image de faiblesse ou encore que la non-expression des émotions reflète une image distincte et donc un sentiment d'indifférence ou d'insensibilité de la part du locuteur. Autrement dit, le locuteur est censé savoir manier et exprimer les émotions sans passer aux extrêmes. Comme le signale Plantin, cité par Amossy, « comment une argumentation peut non pas exprimer, mais susciter et construire discursivement des émotions » (Amossy 2000: 60).
L'emploi des stéréotypes et d'imaginaires dans le discours donne la possibilité au locuteur politique de constituer sa stratégie discursive par les émotions. Étant donné que les images collectives, renvoyant à la mémoire collective d'un ensemble de la population (récit national, identité national, identité culturelle, etc.) sont partagées par tous les individus composant la société, elles créent une image identitaire, partagée elle aussi, et peuvent donc plus facilement véhiculer des émotions dans le discours. Dans ce cas, comme l'indique Amossy, l'émotion se trouve imprégnée de toutes ces images collectives qui facilitent la transmission d'un effet désiré par le discours. « [...]
l'émotion s'inscrit dans un savoir de croyance qui déclenche un certain type de réaction face à une représentation socialement et moralement prégnante » (Amossy 2000: 172).
En ce qui concerne la notion de polyphonie, elle a été empruntée par Bakhtine à la musique pour l'appliquer à l'étude littéraire de l'œuvre de Dostoïevski. Il introduit la notion de « voix » faisant référence à la dissociation entre la « voix » de l'auteur et la « voix » de ses personnages. Il attribue à ces « voix » une caractéristique particulière, la résonnance. Ces voix s'entrecroisent pour créer la structure du récit littéraire. « Dans les limites d'une seule construction linguistique, on entend résonner les accents de deux voix différentes » (Bakhtine 1970: 158). La polyphonie chez Bakhtine correspond donc à la relation étroite entre le discours de l'auteur et le discours de ses personnages. Une relation qui relève de la circulation des discours dans un contexte donné. Or ces discours véhiculent des idéologies et des images du monde différentes, ce qui fait référence au dialogisme du discours, le sujet se place par le biais de son discours dans un contexte sociolinguistique.
Quant à la polyphonie de Ducrot en linguistique, elle fait référence à un dispositif qui doit être mis en relation avec la langue. Dans ce cas, la polyphonie correspond à la situation de communication et à la mise en scène de plusieurs entités énonciatives différentes qui peuvent avoir un lien avec le locuteur ou non. D'ailleurs, la théorie énonciative de Ducrot propose une approche différente de la linguistique en mettant en cause l'unicité du sujet parlant. Autrement dit, plusieurs entités interviennent lors d'une énonciation, le sujet parlant n'est pas le seul responsable des positions prises lors de l'émission d'un énoncé. Tout énoncé correspond donc à une mise en relation d'une diversité d'instances : le sujet parlant, le locuteur, l'énonciateur mais aussi l'interlocuteur (Ducrot 1984: 193).
En guise de conclusion, nous emprunterons la notion de « interdisciplinarité focalisée » (Charaudeau 2010) quand il définit l'AD comme point de rencontre d'un ensemble des disciplines dans un seul grand champ dont l'objet, commun à toutes les disciplines, est le discours et donc l'utilisation de la langue en contexte. À son tour, Maingueneau parle de « entreprise foncièrement transdisciplinaire » (Maingueneau 2014) étant donné que l'AD s'appuie sur les notions d'autres disciplines rassemblées dans les sciences humaines et sociales.
4. Présentation de l'ouvrage
L'intérêt des études du discours comme carrefour des disciplines est mis en évidence à travers les études proposées dans cet ouvrage. L'ouvrage apporte plusieurs contributions mettant en lumière le caractère interdisciplinaire de la recherche en AD. Il offre ainsi des réflexions solides à partir de l'histoire contemporaine, de l'analyse des discours politique et médiatique, des sciences de la communication, du cinéma et de la littérature, entre autres.
Dans cet ordre d'idées, nous procédons à la présentation des articles de cet ouvrage. La contribution de Garik Galstyan propose une analyse des discours politiques officiels et des discours médiatiques qui véhiculent une représentation des migrants en Russie. L'auteur étudie les politiques de migration établies par le gouvernement,
politiques qui s'avèrent incohérentes et désordonnées, et le rôle des acteurs politiques et des médias, sous le contrôle du régime, pour la création d'une image plutôt négative des migrants qui vise l'entretien d'un discours anti-migrants de la part de la population russe.
À partir de l'exemple de la conquête au XVIe siècle, puis de la colonisation, de la Sibérie, l'article de Dominique Samson Normand de Chambourg met en lumière le récit national russe et la mémoire historique en ce début de XXIe siècle. Alors que le narratif russe qui argue d'une mission civilisatrice est une construction aujourd'hui officialisée dans l'éducation et le discours public pour légitimer le pouvoir, l'auteur veut rendre compte de la polysémie de la mémoire historique grâce à la vision autochtone, source souvent méconnue ou tue, des événements. Devant les extraits de récits de vie collectés par le contributeur dans les toundras et les taïgas de la Sibérie (sub)arctique, le lecteur comprend combien la transmission orale a résisté malgré tout et comment ces sociétés autochtones du Nord ont « historicisé », à leur façon, une expérience inédite souvent tragique.
Laurence Péru-Pirotte, quant à elle, aborde la manière dont la liste des critères antidiscriminatoires liés à l'origine est énoncée et/ou rédigée et les termes que les différentes instances (doctrine, juges, victimes, etc.) utilisent pour qualifier un acte discriminatoire lié à l'origine d'une personne. Pour ce faire, l'auteure propose, dans un premier temps, une lecture détaillée des motivations (exposés et débats) qui ont été à l'origine de la construction de cette liste ; dans un deuxième temps, une analyse des critères qui posent un problème de compréhension car l'interprétation qui en a été faite ne permet pas de sanctionner les discriminations liées à l'origine mais non racistes ; et enfin une présentation d'un ensemble des préconisations.
Boualem Fardjaoui, quant à lui, propose une analyse du discours médiatique arabe, en se focalisant sur le cas des deux médias : Al-Jazeera et Al Arabiya. L'auteur se penche sur la manière dont ces médias ont enregistré et diffusé la reconnaissance des États-Unis de la ville de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël et les répercussions de cet événement sur le conflit israélo-palestinien. L'auteur s'attarde aussi sur la représentation que des États-Unis construisent les deux médias.
La contribution d'Alfred Strasser se penche sur l'histoire colonial de l'Allemagne. Son étude, qui se veut contrastive, se focalise sur l'analyse des discours de propagande politique pendant la République de Weimar en comparant des textes des partisans et des opposants d'un empire coloniale allemande. L'auteur cherche à mettre en évidence la fonction des essais politiques comme moyen de faire adhérer à la cause colonialiste allemande.
Dans son article, Lyuba Kirakosyan prend l'exemple de l'église de Tsaghkavank, située dans la partie méridionale de la République d'Artsakh passée récemment sous contrôle de l'Azerbaïdjan pour dénoncer le discours anti-arménien des autorités azéries. Elle révèle l'institutionnalisation de la falsification de l'histoire régionale et de la poursuite de la politique d'éradication des traces culturelles arméniennes des territoires retrouvés amputés de l'Arménie ces derniers temps et par le passé.
À travers l'étude d'un corpus conséquent de films sur Wall Street, Alice Fabre s'intéresse aux représentations de la bourse, des traders et de la finance dans le cinéma américain. Dans une approche croisée histoire de l'économie/histoire du cinéma,
l'auteure analyse la façon dont le fonctionnement des marchés financiers et leur impact sur la société sont mis en images, et comment de façon plus ou moins critique le cinéma capte l'air du temps et contribue dans ses représentations à la diffusion de stéréotypes et de clichés.
L'article de Sina Vatanpour aborde les représentations qui se construisent et qui sont véhiculées par et dans les films hollywoodiens. L'auteur propose une étude des stéréotypes et clichés qui se basent sur les imaginaires étatsuniens de chaque époque pour faire transparaître une image plutôt biaisée de la réalité. Par ailleurs, l'auteur se penche également sur les rapports étroits de contrôle entre le cinéma produit à Hollywood et les sphères du pouvoir étatsunien.
Entre analyse du discours littéraire et du cinéma, Walter Zidaric consacre sa contribution à l'étude filmique d'une adaptation des frères Taviani d'un texte littéraire, Le mas des alouettes (2004), du roman d'Antonia Arslan, et à la manière dont les scénaristes et réalisateurs font des choix esthétiques qui racontent l'histoire de manière adaptée à l'écran.
Yannick Lebtahi se penche sur une analyse de la narrative construite par Éric Zemmour dans sa déclaration de candidature aux élections présidentielles en France en 2022. L'auteure analyse les représentations et les stratégies discursives construites dans le discours du candidat, partant des notions de l'analyse du discours médiatique et politique et des notions de la rhétorique. L'auteure met en évidence une stratégie de réécriture du récite national français par le détournement des faits historiques et donc des imaginaires discursifs nationaux français.
La contribution de Gayané Sargsyan se penche sur la stratégie de la traduction des spécificités culturelles. L'auteure révèle les obstacles concernant la problématique relative à l'acte de traduction de ces unités, voire les obstacles d'ordre culturel, générés par les réalités psycho-sociolinguistiques. Enfin elle propose une analyse des œuvres de Hrant Matevosyan - Mesrop, Soleil d'automne - en comparant la réception de la traduction et de l'original.
L'article d'Antonella Mauri aborde l'analyse du discours littéraire en Italie. L'auteure se penche sur l'étude des poèmes de Vittoria Aganoor et la construction dans ses écrits d'une image de soi à partir d'un sentiment de frustration dû à l'impossibilité d'apprendre la langue arménienne. La langue niée, comme l'appelle l'auteure, correspond donc à un vide dans la construction de l'identité de la poétesse qui l'a hantée jusqu'à la fin de son existence.
Chouchanik Thamrazian, de son côté, consacre sa contribution au fonctionnement de la métaphore scénique dans un discours littéraire, prenant comme corpus d'étude deux textes de prose : Sylvie de Gérard de Nerval et Premier lundi de Carême d'Ivan Bounine. Partant de l'analyse de l'espace scénique, en tant que lieu de représentation au sens propre et au sens figuré, l'auteure s'attarde sur la figure de la scène invisible, emblématique de l'expérience spirituelle, indissociable chaque fois de la quête intérieure de l'auteur même : celle de la poésie pour Nerval, celle de la patrie intérieure pour Bounine.
Toujours dans de l'analyse du discours littéraire italien, Chiara Ruffinengo aborde les œuvres de Natalia Ginzburg (1916-2001). L'article propose une réflexion autour de la construction du discours de l'écrivaine par le biais du manque de filtres intellectuels.
L'ignorance affichée dans les discours relèverait d'une stratégie discursive de construction d'un ethos qui permettrait à l'écrivaine de capter l'attention de ses lecteurs.
Taguhi Blbulyan consacre sa contribution à l'étude de la production du sens dans la poésie hermétique surréaliste en sa dépendance de la perception subjective des lecteurs. Partant des principes herméneutiques proposés par M. Riffaterre et de la notion de la subjectivité d'après les théories de E. Benveniste et Ch. Kerbrat-Orecchioni, l'auteure démontre le fonctionnement de ces thèses dans les poèmes surréalistes de A. Breton et de R. Desnos accentuant l'importance de la mémoire littéraire du lecteur lors de l'analyse du texte poétique.
La contribution de Naira Manukyan propose une étude du sujet lyrique et de ses possibles manifestations dans une situation d'énonciation spécifique et dans un genre discursif en particulier, le discours mythopoétique. Partant de la notion de paratopie auctoriale proposée par Dominique Maingueneau en 2004, l'auteure explore l'évolution de l'instance énonciative, le sujet lyrique, dans les poèmes de Saint-Aimant, Tristan l'Hermite et André Breton. Enfin, l'auteure analyse aussi les différents embrayages paratopiques déployés et les mythèmes qui en résultent.
Armand Héroguel explore, quant à lui, l'analyse d'un roman en langue néerlandaise. L'auteur se focalise sur l'étude de la représentation faite à travers l'ouvrage de la constitution belge et de différentes modifications à ce texte de loi qui ne figurent pas dans l'intrigue du roman lui-même. Ainsi, Armand Héroguel propose une étude juridique à travers l'histoire d'un roman de fiction concernant l'État belge et la prise de conscience de la population quant à l'essence de celui-ci.
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