Научная статья на тему 'L’événement: accueil de l’imprévisible?'

L’événement: accueil de l’imprévisible? Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
событие / сообщаемость / опыт / символическое / желание / интенциональный / тело / EVENT / TRANSPASSIBILITY / EXPERIENCE / SYMBOLIC / DESIRE / INTENTIONAL / BODY

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Zúñiga Santiago

Наша интерпретация понятия события стремится подчеркнуть как его непредсказуемое устройство, так и его способность помещать субъект в порядок символического. Данная проблематика интересна в основном для исследователей в области современной феноменологии (Романо, 1998 Барбарас, 2012) и феноменологической психопатологии (Мураками, 2013) в связи с определенным пониманием события, которое приведет нас к переосмыслению понятия «сообщаемость» и соберет вместе различные подходы к нему. Эти размышления инспирированы исследованием Анри Мальдини.

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THE EVENT: RECEPTION OF THE UNPREDICTABLE

Our interpretation of the notion of event aims to underline both its unpredictable constitution, and its faculty to place the subject in the symbolic order. The problematic will be mainly concerned about contributions in the field of contemporary phenomenology (Romano, 1998 Barbaras, 2012) and phenomenological psychopathology (Murakami, 2013), related to a certain lecture of the event that will lead us to revaluate the concept of transpassibility1 and convoke different approaches to it. These reflections will constantly be enlightened by the work of Henri maldiney.

Текст научной работы на тему «L’événement: accueil de l’imprévisible?»

HORIZON 2 (2) 2013 : 1. Research : S. Zuniga : p. 38-49

ФЕНОМЕНОЛОГИЧЕСКИЕ ИССЛЕДОВАНИЯ • STUDIEN ZUR PHANOMENOLOGIE • STUDIES IN PHENOMENOLOGY • ETUDES PHENOMENOLOGIQUES

SANTIAGO ZUNIGA *

L’EVENEMENT: ACCUEIL DE L’IMPREVISIBLE?

The event: reception of the unpredictable

Our interpretation of the notion of event aims to underline both its unpredictable constitution, and its faculty to place the subject in the symbolic order. The problematic will be mainly concerned about contributions in the field of contemporary phenomenology (Romano, 1998; Barbaras, 2012) and phenomenological psychopathology (Murakami, 2013), related to a certain lecture of the event that will lead us to revaluate the concept of transpassibility1 and convoke different approaches to it. These reflections will constantly be enlightened by the work of Henri Maldiney.

Keywords: event, transpassibility, experience, symbolic, desire, intentional, body.

Событие: восприятие непредсказуемого

Наша интерпретация понятия события стремится подчеркнуть как его непредсказуемое устройство, так и его способность помещать субъект в порядок символического. Данная проблематика интересна в основном для исследователей в области современной феноменологии (Романо, 1998; Барбарас, 2012) и феноменологической психопатологии (Мураками, 2013) в связи с определенным пониманием события, которое приведет нас к переосмыслению понятия «сообщае-мость» и соберет вместе различные подходы к нему. Эти размышления инспирированы исследованием Анри Мальдини.

Ключевые слова: событие, сообщаемость, опыт, символическое, желание, интенциональный, тело.

Introduction

Un sens d’accueil se met a l’reuvre dans toute experience vecue. Ce dont nous sommes passibles s’avere le fond d’une forme identifiee, relative a notre subjectivite comme experience propre. De ce fait, le contenu distinct du Moi s’offre dans son imprevisibilite, mais est aussitot reconnu a partir d’un acte d’objectivation. Or, il faut se poser la question

* Santiago Zuniga — magister of program of Erasmus Mundus Europhilosophie (2008-2010), PhD Student of CPDR (Centre of philosophy of law of Katolic Univercity of Leuven).

Сантьяго Суньига — магистр программы Erasmus Mundus Europhilosophie (2008-2010), докторант (PhD Student) в рамках CPDR (Центр философии права Католического университета Лювена). (И) szunigac83@hotmail.com

і On se permet ici la traduction de «transpassibilite» par transpassibility en prenant le radical passibility, equivalent de passibilite.

© Сантьяго Суньига, 2013

pertinente: de quel fond d’experiences parle-t-on? Ce soubassement du fortuit auquel ma subjectivite se rapporte, atteint le caractere d’evenement. Ainsi, l’inoui' de l’evenement devient un enjeu fondamental de l’existence qui poursuit sa definition, toujours requise par ce qu’elle devoile et l’affecte ineluctablement. Defini entre l’ouverture et son affectivite, l’evenement determine la vie subjective comme le fond meme de l’experience.

Nous nous proposons donc de traiter la question de l’accueil de l’evenement d’une part, et d’autre part, celle de l’action meme qui mene a la receptivite de cet evenement. C’est ainsi que l’reuvre de Maldiney se concentre autour du concept de transpassibilite2 Lepou-voir patir du nouveau comme ouverture a l’evenement anime la temperance propre de la vie subjective. En consequence, si une certaine endurance comme faculte de patir, au sens de la tmmpassibilite de Maldiney, s’instaure comme principe qui nous epargne de la mala-die mentale (nuancee par l’impossibilite de controler l’exces ou defaillance affectives), il faut necessairement se poser la question de ce qui est ouvert; s’agit-il du pur imprevisible, sans dessein ni dessin selon les termes employes par Maldiney, ou bien d’un effet issu de la projection du possible? Si l’evenement nous atteint dans son unicite, voire detourne en apparence de toute intentionnalite, est-il toujours pertinent de nous prononcer sur l’Ouver-ture a l’imprevisible comme negation de tout projet, au sens du Rien propre a l’evenement selon la demarche de Maldiney? Quel est donc le statut de ce Rien?

La portee de la Tmmpassibilite apparait chez Maldiney dans son ouvrage «Penser l’homme et la folie». Ainsi, il tente de liberer un champ de connaissance determinant pour les etudes en psychopatologie phenomenologique. L’acces a l’evenement, dans l’identifi-cation a soi que pose toute rencontre, requiert un effort particulier de la part de l’existant. De la sorte, selon Maldiney, cet existant ne se fige pas dans sa condition receptive comme synonyme de passivite, mais s’avere passible dans la rencontre de l’imprevisible, comme l’envers du souci heideggerien.3

Or, ce n’est pas autour du concept de tmmpassibilite que nos propos vont s’esquisser, mais plutot par rapport au travail de comprehension sur l’evenement, afin de decortiquer par la suite la position occupee par le concept de transpassibilite dans sa correspondance avec l’evenement.

Nous nous rapportons ainsi a trois moments insignes du probleme de l’evenement et son ouverture: premierement a Claude Romano dans son ouvrage «L’evenement et le Monde», puis a la critique adressee par Renaud Barbaras a Henri Maldiney, et a la passivite d’apres Barbaras (et non pas passibilite) liee a l’ouverture par l’evenement. Finalement on verra dans quelle mesure, le travail de Yasuhiko Murakami, a la lumiere de ses recherches autour

2 «La transpassibilite implique une ouverture, ab-solue de tout projet. Dans l’accueil de l’evenement ouvrant a chaque fois un monde autre, l’etre-la se transforme. Souvent quand eclate l’ancien monde, il y a un moment d’incertitude ou l’etre-la est suspendu a l’evenement dans la beance. Mais l’etre-la se transformant, la beance disparait a travers elle-meme dans la patence de l’ouvert, comme ailleurs et de meme, le vertige dans le rythme. L’etre-la s’expose a lui-meme sous un autre horizon. Cet horizon n’est pas le cote tourne vers nous des choses. Il est l’horizon du hors d’attente, d’ou tout arrive, et tel qu’a l’exister nous nous arrivons nous-memes». MaldeneyH. Penser l’homme et la folie. Grenoble: Jerome Millon, 2007. P. 308.

3 Voir page suivante quant a la definition de transpassibilite comme opposee a toute logique du souci original au sens heideggerien.

de la phenomenologie levinasienne, nous fournira une comprehension de l’evenement reta-blie en lien direct avec l’etude sur l’institution symbolique du sujet.

On verra tout d’abord comment la notion d’evenementialite chez Romano accueille l’imprevisible, en meme temps qu’elle conteste toute projection du possible (la reference a Heidegger restera presente dans le parcours de nos analyses). Ensuite, Barbaras exposera sa critique a l’egard de Maldiney quant a l’indistinction de ce qui est ouvert par l’evenement, et l’ouverture au Rien comme fond d’experiences. Peut-on dire en effet de l’evenement et son accueil qu’ils sont completement delies de toute causalite, de toute projection, c’est-a-dire, tout simplement, imprevisibles? Est-ce qu’on assiste a l’epreuve du passible par l’evenement, ou n’est-ce qu’une maniere, selon Renaud Barbaras, de detourner la question sur la perception et son lien avec l'intentionnalite, par le sentir comme seule condition de l’experience? Est-ce que la conception d’evenement, a la suite des analyses complexes de diastase et hypostase de la subjectivite qui seront introduits par Murakami, peut demeurer encore compatible avec le concept de transpassibilite?

Ainsi, notre tache consistera a faire un exercice critique de la notion d’evenement, pour voir dans quelle mesure, celui-ci s’accorde a la structure de la transpassibilite (concept decisif pour les etudes en psychopathologie phenomenologique) et la valide.

Dans ce sens, les trois versants theoriques evoques nous assisteront pour le developpe-ment de notre etude.

1. L ’ouverture a l ’evenement sans dessein ni dessin

Reprenons une des premisses fondamentales de la Transpassibilite, en guise de repere theorique pour la suite de nos demarches: «La transpassibilite consiste a n’etre passible de rien qui puisse se faire annoncer comme reel ou possible. Elle est une ouverture sans des-sein ni dessin, a ce dont nous sommes pas apriori passibles. Elle est le contraire du souci. ...La transpassibilite sans souci implique l’insouciance qui est le contraire de l’esprit de poids, le contraire de la Schwermut qui tend vers le fond dans un rapport obscur».4

Le sejour dans la passibilite comme accueil de l’evenement est oppose a l’analyse exis-tentiale heideggerienne, quant a la projection du champ des possibles. On n’affirme pas de prime abord que ceci implique l’abandon de toute intentionnalite, mais une mise a l’epreuve pour l’existant dans l’attente du Rien, du fond d’evenements qui determine le possible.

Une des cles pour comprendre l’evenement est a reperer chez Claude Romano, qui s’accorde aux premisses de l’imprevisible en tant qu’irruption fondatrice de l’existant. De ce fait, la portee de l’evenemential n’est pas donnee d’emblee; elle serait reprise au fur et a mesure d’une rencontre a soi dont la logique est provisoirement absente: «D’un evenement, au contraire, aucune archeologie causale ne peut livrer le chiffre ni en epuiser le sens, car il n’y a pas de sens a rechercher la cause de ce qui est l’origine meme du sens pour l’aventure humaine».5

4 MaldineyH. De la Transpassibilite dans Penser l’homme et la folie. Grenoble: Jerome Millon, 2007. P. 306.

5 Romano C. L’evenement et le Monde. Paris: Presses Universitaires de France, 1998. P. 59.

Selon Romano, on peut caracteriser l’evenement d’apres quelques traits phenomeno-logiques fondamentaux: Ут^Ш, dans la mesure oй chacun serait remis en question dans son identite, le cara^re instaurateur de monde, et l’anarchie constituante.б On voit bien d’apres Romano que le sens ne peut etre structure qu^ partir d’une rencontre suscitee par l’existence ouvrante7, et non pas selon une schёmatisation ou prёfiguration du monde. L’avёnement de l’ёvёnement est unique dans l’impossibilite de sa reprise et ne peut pas etre reproduit, imite, prevu. Le sens survient а chaque rencontre et instaure une nouvelle demarche pour l’existant.

La radicalite des propos de Romano semble exclure toute entente entre evenement et possibilite а l’image d’un soi. De la sorte, la relance de l’evenement sans commune mesure ici evoquee, est opposee а la structure du souci, des lors que la projection des possibilites rapportee а une totalite (chez Heidegger), repose toujours sur le soi-mёmeл «Comprendre un evenement, par consequent, c’est toujours le viser selon un projet interpretatif qui ne se deploie plus а partir d’un horizon de possibles prealables, mais se regle, au contraire, pour acceder а son sens, sur les possibles que l’evenement, et lui seul, a fait surgir».9 L’irre-ductibilite de l’evenement qu’on vise а comprendre peut etre egalement reprise а partir de l’analyse de l’reuvre d’art, en tant que singularite engendree dans sa propre rencontre.10 Par exemple, la forme de l’reuvre picturale qui atteint un degre d’originalite, selon Maldiney, ne repond а son propre motif qu^ partir de la saisie de la rencontre des couleurs; l’enlise-ment dans un seul theme pourrait epuiser ce que l’artiste doit neanmoins assumer comme p^sence a l’rnuvre, differente de toute presence de l’rnuvre.

En outre, l’importance que confere Henri Maldiney а l’ёvёnementialitё de l’ёvёnement,ll suppose une condition passible, differente de toute passivite comme acquiescence d’un theme. En s’accordant а cette perspective, Claude Romano conteste toute tentative d’egaler l’ouverture а un dessein repris de l’analyse existentiale heideggerienne, celle-ci determinee а son tour comme on le sait bien, par l’ёvёnementpar excellence qu’est la mort. Romano recuse cette optique relative aupouvoir^tre limite par la cl6ture de l’existence: «Il n’y a pas de pouvoir^tre formel, determinable, par exemple, comme devancement de la mort, qui precederait la situation oй il me faut me decider. Tout possible ne se destine а moi, au contraire, que comme dejа ouvert, et par la meme, determine, par l’evenement et par la configuration du monde qu’il fait surgir».12

La question principale repose ici non pas sur la faculte de l’ipseite de devancer par son seul pouvoir-etre ce qu’elle est censee ouvrir, mais sur la faculte d’assimiler les expe-

6 Ibid. ref. P. 69.

7 Ibid.

8 Ref.: «Das Anrufverstehen offenbarte sich — ursprunglich verstanden — als vorlaufende Entschlossenheit. Sie beschlieBt ein eigentliches Ganzseinkonnen des Daseins in sich. Die Sorgestruktur spricht nicht gegen ein mogliches Ganzsein, sondern ist die Bedingung der Moglichkeit solchen existenziellen Seinkonnens». HeideggerM. Sein und Zeit. Tubingen: Max Niemeyer Verlag, 2006. S. 317.

9 Romano C. L’evenement et le Monde. Paris: Presses Universitaires de France, 1998. P. 88

10 Ibid. ref. P. 86

11 Cf. Mazzu A. Le Soi dans la maladie, considerations a partir de Ludwig Binswanger et Henri Maldiney // Bulletin d’Analyse phenomenologique. P. 432.

12 Romano C. L’evenement et le Monde. Paris: Presses Universitaires de France, 1998. P. 120

riences qui vont а chaque reprise composer l’ouverture meme. L’agir repond а l’issue du possible dans l’aventure humaine, selon les mots de Romano. Dans cette mesure, l’ipsёitё est structurellement en retard par rapport a l’ampleur d’un horizon toujours ouvert par l’ёvёnement,lЪ elle se decale constamment par son propre renvoi reflechi comme mouve-ment. On voudrait ajouter dans ce sens que chez Heidegger il n’est aucunement question de figer le Dasein а une totalite qu’il n’a pas franchie, cependant, le devancement du possible reste souscrit а une dette originale. Cette dette tient а la projection des possibles par le soi. La tournure inscrite par Romano inverse le rapport а une telle dette et saisit un sens de la responsabilite toujours а l’reuvre avec ce qu’on doit assumer comme evenement. Cette assomption sans mesure prealable ou predictible, comme exposition radicale de soi dans l’ouverture, doit preparer l’ipseite dans sa reponse comme advenante, en faisant appel non pas а l’avenir de l’impossibilite par le biais de la mort, mais а tout le pouvoir d’une histoire reprise dans son origine, qui s’avere des lors aussi dans un sens structurel, une ouverture de possibilites. Cette assomption de l’histoire particuliere qui releve de la responsabilite n’est pas prise, telle que Romano tient а preciser, dans une visee juridique ou morale, mais comme cela-meme qu’il faut irreversiblement retenir, l’insubstituable ёpreuve}4 L’evenement nous confere desormais un caractere destinal. (Wo es war soll Ich werden, d’apres la cl6ture de Freud а sa 31eme conference de l’annee 1932.) L’exigence de l’ipseite dans sa confrontation avec l’evenement est donc inscrite dans une tension insurmontable entre ce qui est retenu comme ineluctablement vecu et l’ouverture comme ce qu’on doit neanmoins accueillir.

Or, il faut а present elargir le champ d’analyse de Romano au sujet de l’evenement dans son unicite, pour partir du plan singulier vers une demarche intersubjective qui tienne aussi а la rencontre d’autrui comme element fondateur, non seulement d’une connaissance, mais de ce qu’on peut definir comme une co-naissance: «Naftre constamment а autrui et le co-naftre, c’est recevoir ainsi de l’evenement les eventualites qui articulent notre histoire partagee».15 Sur ce point, on assiste bien а une rencontre avec la pensee de Maldiney, sans que ce dernier soit а son tour directement evoque par Romano: «Rencontrer c’est se trouver en presence d’un autre, dont nous ne possedons pas la formule et qu’il nous est impossible de ramener au meme, а l’identite du projet de monde dont nous sommes l’ouvreur».16 La rupture avec l’appel originaire de Heidegger dans l’analyse existentiale est ici evidente. Autrui me surplombe dans son evenementialite (on peut faire ici reference а la dimension d’appel caracteristique du visage d’autrui, element decisif chez Emmanuel Levinas, dans «Totalite et Infini») et devient par la suite source d’une rencontre inepuisable. De ce fait, il faut s’accorder sur la distinction de base en phenomenologie, quant au sens de la perception de l’objet d’une part, et а l’apperception d’autrui dans sa transcendance radicale d’autre part. Toute comprehension de la mondanite atteint ici une portee resolument origi-

13 Ibid.

14 «La disponibilite ne signifie pas ici simplement “passivite”; elle n’est pas non plus l’ordre d’une quelconque “activite”: etre disponible, c’est etre ouvert de telle sorte que je puisse repondre de ce qui m’advient en en faisant l’insubstituable epreuve». Romano C. L’evenement et le Monde. Paris. P. 129.

15 Ibid. P. 174.

16 Ibid. P. 229.

nale puisqu’on ne peut pas faire reference au monde rabattu sur l’unicite, mais а l’encontre d’autrui, dans l’impossibilite de sa reduction а une connaissance objective. La critique du soi-mёme, du sujet determine par la projection de ses possibles, comporte chez Romano une allure tout-а-fait differente, celle-ci identifiable par la transformation des termes. On ne parle pas dans le cadre de ce tournant, de la passivite relative au sujet dans sa rencontre avec le monde comme pur predicat, mais de l’ advenant qui par sa condition passible doit assister а son devoilement, а sa comp^hension. Pour Romano l’interpretation liee au primat du sujet implique son interpretation comme substrat immuable du vёcu et des expёriences .17 Ces experiences ne doivent pas etre comprises comme contenu hypostasie du sujet, voire comme consequence ineluctable de la simple projection du possible, mais comme traver-sёe de soi а soi, comme ce qui demeure pourtant l’avёnementа soi comme un autre.18

2. Sens d ’ouverture par l ’evenement

Il s’agit а present de renouer le cours de notre problematique avec une autre perspective autour de l’evenement, aussi fructueuse que la precedente, mais qui vise а relayer par la suite toute atteinte du concept de trans^passibilиё comme accueil sans dessein ni dessin, d’apres les assertions de Henri Maldiney. Notre interet pour un tel choix entre differentes approches de la question de l’ouverture а l’evenement, vient de l’intention de renforcer une perspective theorique autour de l’experience qui se veut differente de toute entente avec la passivite, c’est-a-dire, de maniere plus precise, en tant que comprehension de la passi-bilite. Ceci etant dit, une confrontation opportune avec la critique adressee par Barbaras а la transpassibilitё comme synonyme de desir, serait selon nous, l’epreuve pour ressaisir la validite ou non du concept sous un nouveau jour.

Plusieurs questions nous interpellent ainsi selon differentes couches d’analyse de l’evenement, afin de repondre au sens d’accueil de l’evenement chez Maldiney. Il nous semble alors pertinent de reprendre quelques critiques faites par Renaud Barbaras quant а la contradiction, selon lui inherente au concept de Transpassibilite, qui confere aussi bien а l’existant un sens d’accueil de l’evenement, qu’une capacite d’ouverture de cet evenement. Dans sa conference critique de l’reuvre de Maldiney, intitulee «L’essence de la receptivite: transpassibilite ou desir?», Barbaras remet en cause une notion de receptivite du sujet qui ne tient pas en compte une activite consciente de ce qu’elle ouvre. Il faut donc sur ce point precis se demander si la receptivite de l’evenement comme receptivite de l’imprevisible, au sens d’un accueil sans pre-figuration, veut impliquer par la suite une receptivite non-inten-tionnelle. La reponse de Barbaras est affirmative et risque d’ebranler ce qui a ete gagne par la notion de passibilite: «La question est cependant la suivante: une ouverture aussi radica-lement non intentionnelle peut-elle encore veritablement ouvrir? Une receptivite poussee а ce point du c6te de la passivite, puisque plus rien n’y est vise ni meme eprouve, est-elle

17 Ibid. P. 180.

18 Ibid. P. 195.

encore une receptivite?».19 La question demeure pour Barbaras, comme lui-meme le dit, de savoir s’il est encore pertinent de preserver la distinction tranchee entre ouverture et projet, de savoir si on peut toujours parler du concept de Transpassibilitё comme etant si radica-lement l’antilogique du souci heideggerien selon Maldiney. De ce fait, il faut se demander sur le statut acquis par l’evenement quant а sa faculte de renouer un sens d’ouverture pour le monde de l’existant, tout en revenant а la question de l’imprevisibilite de l’evenement et de son eloignement de toute chaine causale de la realite.

Pour Maldiney, le pouvoir transformateur de l’evenement survient de la rencontre du Rien, de «...la dimension non-etante dans laquelle chaque etant plonge en tant qu’etant, а savoir le monde lui-meme comme constitutif de la presence de tout etant».20 Or, Barbaras pose le questionnement d’apres lequel l’evenement n’est pas revelateur au sens strict, mais que chez Maldiney, il devient cela meme qui occulte la trame des choses dans son impre-visibilite. L’existant, dans l’epreuve par l’evenement chez Maldiney, s’avere contemporain de son issue; autrement dit, contemporain de sa propre ouverture. Pourtant, а ce moment precis de la critique, Barbaras semble radicaliser sa posture et s’attaquer au creur meme du probleme de la receptivite: «En effet, comment parler encore de reception si le sujet procede de ce qu’il re^oit, c’est-а-dire si personne ne re^oit, n’est pour recevoir? Des lors que le surgissement de l’evenement est avenement de l’existant, cet evenement ne peut d’aucune fa?on etre pour cet existant et la transpassibilite n’est meme plus alors une passibilite, c’est-а-dire une receptivite».21 Le trouble nous semble ici evident, dans la mesure oй cette critique pertinente remet en question le lieu de la receptivite de l’evenement comme etant celui du sujet qui doit dans un sens pertinemment phenomenologique, eprouver les conditions de possibilite de sa propre receptivite.

On assiste ici а la recuperation du sujet comme lieu privilegie de l’intentionnalite. L’en-trave, l’ecueil mis en evidence par Barbaras а partir de l’indistinction entre le sujet et sa receptivite, celle-ci condition de possibilite l’experience subjective, releve une contradiction inherente aux egards du concept de Transpassibilite. On ne peut pas en effet, selon cet abord de la problematique, avancer des conclusions sur la receptivite d’un sujet si l’experience n’a pas son lieu de reception. Or, d’apres le concept de Transpassibilite, ce lieu de reception procede de l’experience comme evenement. Barbaras avance donc la these selon laquelle, l’attente qui est attente de Rien selon Maldiney, qui ne se comble que par ce qu’elle ouvre, atteint le caractere de desir et non celui d’ouverture а soi par l’evenement; le soi n’apparaft ici que par eclats, c’est-а-dire de maniere diffuse. Il est curieux de voir ainsi comment l’argument de Barbaras atteint ici une tournure vraisemblablement psychanaly-tique. Parler d’une ouverture а soi, comme affection а l’reuvre d’un proces d’auto-identi-fication, revient а poser un objet pour l’annuler immediatement. Le desir comme principe de plaisir qui cherche toujours sa satisfaction, sa detente, semble decrypter de fa?on plus pertinente selon Barbaras la question de la receptivite entendue comme passibilite: «Tout

19 Barbaras R. L’essence de la receptivite : transpassibilite ou desir? // Conference entretenue le 13 octobre 2012 а L’ENS. P. 1.

20 Ibid. P. 5.

21 Ibid. P. 7.

se passe comme si chaque objet qu’il se donne se revelait ne pas etre son veritable objet, apparaitrait comme la negation de ce qu’il desire en verite, ouvrait un horizon qui les trans-cende tous et serait le veritable correlat du desir».22

Cette indistinction caracteristique entre deux mouvements effectues, au sens d’un sujet resolument actif et d’une affection correspondante comme evenement, semble pourtant caracteristique de l’reuvre de Barbaras,23 un element qui est а retrouver par exemple dans l’Ouverture du Monde. Ici, Barbaras reprend l’reuvre de Patocka et confere au sujet une faculte de devoilement, en meme temps que s’esquisse une actualisation de sens par sa capacite de dёvoilement des ёtants24 La preseance du lieu de l’experience de l’evenement implique que le sujet est ouvreur de ce qui lui affecte ulterieurement par sa faculte originale de dёvoiler les ёtants.

3. Amorce du sens de l ’evenement dans la diastase et hypostase de premier ordre (Murakami)

Nous avons essaye jusqu^ present d’opposer deux perspectives de reflexion sur l’evenement, exposant d’une part la mise en valeur de l’imprevisible (Romano) et d’autre part la critique а la conscience non-intentionnelle comme impossibilite de reception (Barbaras).

On a vu que l’attente de l’evenement selon Barbaras aurait non pas le caractere de passibilite, mais celui d’une pure passivite, avenement sans dessin ni dessein. Il est pourtant fondamental d’accentuer le sens de l’ouverture remise en question. En est-elle toujours une? Si Maldiney fait reference au Rien comme fond de tout evenement caracterise par l’imprevisibilite, peut-on lui 6ter encore toute pertinence en critiquant l’absence de la conscience intentionnelle?

Il nous semble necessaire de nous arreter sur la critique menee par Barbaras autour du non-sens de l’Ouverture dans la Transpassibilite, etant donne que ce concept reste pour lui homologable а la demarche du desir comme carence qui bute toujours contre l’absence de son objet. La question d’une veritable receptivite (а l’egard d’un objet intentionnel) ou du sens d’accueil au sein de la transpassibilite, n’est plus viable au dire de Barbaras. Ne faisant pas de reference а un objet en rapport avec une intentionnalite а l’reuvre, il n’y a pas de sens а parler de passibilite.

Ces inquietudes etant considerees, une autre voie nous semble abordable afin d’acceder а la comprehension de l’evenement, cette fois-ci concordante avec les criteres de la transpassibilite. Pour le dire de fa?on plus pertinente, la thematisation de l’evenement n’est pas а retrouver dans la presence d’un sujet intentionnel, mais plut6t dans cela meme qui constitue son sens comme sens se faisant, comme conscience non-intentionnelle.

22 Ibid.

23 Voir, Barbaras R. L’Ouverture du Monde // Les editions de la transparence, 2011, Lonrai-France. P. 2б7: «Nous sommes maintenant en mesure de repondre aux questions posees, c’est-а-dire de decrire le mouve-ment de la manifestation proprement dite dans l’indistinction fondamentale qui la caracterise, comme nous venons de le montrer, entre un mouvement effectue par le sujet et un mouvement qui affecte l’etant mani-feste (ce que nous avons nomme evenement)».

24 Ibid. P. 2б8.

Une lecture tres suggestive sur la conscience non-intentionnelle et l’accueil de l’evenement, nous est fournie par Yasuhiko Murakami, chez qui on constate le deploiement d’une reflexion phenomenologique rigoureuse en rapport avec la pensee d’Emmanuel Levinas, souvent mise de c6te par l’association exclusive avec la pensee de l’ethique. Il sera plut6t ici question de comprendre le passage fondamental que fait la subjectivite de l’element indiscernable de l’experience comme apeiron phёnomёnolgique vers son institution dans l’ordre symbolique.25

L’reuvre de Murakami nous presente en effet une notion d’evenement consequente avec le concept de ^^passiMlM, notamment dans Lёvinas phёnomёnologue, oй l’au-teur s’adonne а une reflexion autour de la conscience non-intentionnelle, et а la preseance qu’elle aurait par rapport а la conscience intentionnelle comme primat de connaissance. Sur ce point, se pose donc la question fondamentale du sens а partir du depassement de l’il’y a phenomenologique (qu’on cherchera а comprendre par la suite), en ayant comme point de repere initial l’explicitation du r6le des diastases et des hypostases.

Murakami parle de l’institution de la conscience а la lumiere des concepts de diastase et d’hypostase (de premier et deuxieme ordre). Exposons ces deux versants de la vie subjective. En tant que tendance, le premier correspond а la dispersion de la subjectivite dans l’element sensible du monde; le deuxieme, а l’institution de la conscience intentionnelle articulee symboliquement, correlative au sujet heritier d’une tradition de connaissance.

Reprenons ce que Murakami, а la lumiere de l’analyse de l’reuvre levinasienne, entend par Diastase et par Hypostase. Les diastases de premier et deuxieme degre sont definies respectivement ainsi: «La “diastase de l’identique” est la decomposition de l’homme et du monde symboliquement identifies. <...> 1) Dans la diastase de premier degre, le monde articule se convertit en l’element/il y a. La conscience intentionnelle retourne au simple vivant sans concept (qui jouit de l’element ou qui est menace par l’il y a). La diastase de premier degre devoile la dimension phenomenologique sans concept qui se cache derriere la dimension symbolique de l’acte intentionnel. <...> 2) Dans la diastase de deuxieme degre, le vivant sans concept se dissout ou s’abrne dans l’anonymat de l’element/il y a. C’est la participation mystique presentee dans De l’existence а l’existant, oй il n’y a plus de distinction du soi et du monde, de l’interiorite et de l’exteriorite, et oй il n’y a qu’un apeiron anonyme»M

25 Murakami Y. Levinas phenomenologue. Grenoble: MILLON, 2002. P. 15.

Note en bas de page 13, sur l’Institution symbolique, Murakami la definit en reprenant quelques propos de Marc Richir: «L’Institution symbolique est, au sens de M. Richir, correspond approximativement a ce qu’on appelle dans la vie quotidienne “culture”, ou a ce que Levinas appelle le Dit dans “Autrement qu’etre”, mais elle est un concept plus precis: “Par institution symbolique, nous entendons tout d’abord, dans sa grande generalite, l’ensemble, qui a sa cohesion, des “systemes” symboliques (langues, pratiques, techniques, representations) qui “quadrillent” ou codent l’etre, l’agir, les croyances et le penser des hommes, et sans que ceux-ci en aient jamais “decide” (deliberement), ce pourquoi nous utilisons le terme, anonyme, d’insti-tution, necessaire pour comprendre ce qui, par l’institution, parait comme toujours deja “donne” d’ailleurs. Son paradoxe fondamental est donc de paraitre toujours deja constituee, tout d’abord et le plus souvent inaperjue comme telle, ne se livrant jamais avec son origine. L’institution est donc comme une “totalite” sans dehors, et ses “parties” sont chaque fois des “parties totales”». RichirM. L’Experience de penser. P. 14.

26 Ibid. P. 23.

Ce qui est donc mis en jeu par la suite est la comprehension du monde par l’homme. Entre ces deux degres de la diastase on voit bien que le premier suppose l’amorce de la dissolution du symbolique; jouissance en pleine dependance de l’objet qui n’est pas encore codee, elle est toutefois recuperable comme etant mon experience. La diastase de deuxieme degre, pour sa part, n’implique pas seulement le repli de tout ordre symbolique dans l’en-de^ du plaisir que l’objet procure comme jouissance indistincte du corps et de l’objet (comme dans le premier degre), mais suppose immediatement la dissolution de l’experience dans l’indistinction du soi et du monde.

Poursuivons donc notre demarche en definissant le mouvement contraire а la diastase, c’est-а-dire l’hypostase: «L’hypostase de premier degre est la genese de l’ici et du maintenant du Leib а partir de l’anonymat de l’apeiron. Il est le mouvement contraire de la diastase de deuxieme degre. C’est la genese du soi. L’hypostase de deuxieme degre designe la constitution de la conscience intentionnelle et du monde articule qui est mouvement dans un sens oppose а la diastase de premier degre. Le soi de l’ici et du maintenant (le point-zero du Leib) obtient ici la faculte de possession, du travail, de la representation au fur et а mesure que l’apeiron (l’il y a ou l’element) devient le monde symboliquement articule et maitrise».27

On constate ici la difference entre le surgissement du soi а partir de la jouissance de l’element, lors de l’hypostase de premier degre, et la naissance du sujet symboliquement code comme conscience intentionnelle, dans l’hypostase de deuxieme degre. Ainsi, le premier type de conscience relie au premier degre de l’hypostase, est celui de la conscience non-intentionnelle. Dans cette mesure, il faut bien preciser, ce n’est pas la conscience intentionnelle qui va conferer toute portee а l’experience ; bien au contraire, celle-ci ne pourra etre structuree qu^ partir de la jouissance de l’element, de contenu par rapport auquel le soi s’eprouve passible, au sens de la transpassibilite. La visee de l’objet intentionnel comme objet de connaissance ne peut se delier de l’avenement de l’experience sensible, oй le sujet devient concevable par l’unicite de sa concretude: «Pour filer une metaphore proche de celle de Levinas, nous disons que la conscience non-intentionnelle est le miroir oй le rayon de l’intentionnalite se reflete. Ainsi pouvons-nous reflechir sur notre vecu, pouvons-nous percevoir notre vecu de fa?on interne (ce qui se reflete est l’intentionnalite, mais le miroir lui-meme, qui reflete l’intentionnalite, n’est ni intentionnel, ni substantiel). L’institution du sujet concret n’est pas la conscience intentionnelle».28

La naissance du soi, comme conscience non-intentionnelle qui saisit l’ici et maintenant а partir de l’experience du Leib,29 reste une instance fondamentale pour la constitution de la subjectivite. En partant de ce moment indepassable, Murakami met en valeur l’evenement qui doit prevenir l’existant de s’enliser dans la symbiose avec le milieu, au risque de tomber dans la melancolie. Ce rapport pathologique surgit de la conformite excessive avec l’environne-ment (en rapport а la diastase de second degre). Murakami se refere а un excёs d’hypostase:

27 Murakami Y. Levinas phenomenologue. Grenoble: MILLON, 2002. P. 24.

28 Ibid. P. 224-225.

29 Ibid. Voir p. 15 et p. 27. Le Leib est le corps vivant, а partir duquel on peut parler d’un soi definit comme l’ici et maintenant de toute experience. C’est donc а partir du Leib que s’engendrent les mouvements de diastase et d’hypostase de la subjectivite.

«Le melancolique, s’adaptant excessivement а son Umwelt et а son role dans la societe, est en difficulte d’accueillir l’evenement imprevisible et le changement de la situation».30

On ne veut pas affirmer ici qu’il y ait une association entre la conscience intentionnelle et l’impossibilite d’accueillir l’evenement, mais on ne peut certainement pas nier le fond sensible et imprevisible de l’experience qui demeure indepassable lors de l’epreuve du soi par le Leib. Aussi, le sujet ne se revele а son tour transpossible que par le depassement de son propre possible comme pouvoir de renouvelement. Cet accueil ne peut donc pas etre decrypte а partir de la seule lumiere de l’intentionnalite, mais aussi de la non-intentionna-lite, dans la distinction essentielle de l’ici et maintenant dont fait l’epreuve le Leib.

Avan?ons donc sur un autre moment de la lecture de l’evenement chez Murakami, pour qui la non-intentionnalite de ce qui est requis par l’experience sensible n’est pas le fac-teur d’indiscernabilite du sujet dans l’experience qu’il procure pour soi, mais se fait bien toujours dёja а partir d’elle (hypostase de premier degre). Donc, а l’instar de ce qui a ete affirme precedemment chez Barbaras, quant а l’evenement et l’impossibilite de son accueil (au sein de la Transpassibilite) dans la non-distinction entre un mouvement effectrn par le sujet et un mouvement qui affecte l^tant manifestё,Ъl Murakami repond d’une part а travers une conception de l’evenement rattachee а l’accueil de l’imprevisible (qui compose toute experience), en meme temps qu’il lui accorde une dimension collective et inclusive. L’eve-nement est donc bel et bien imprevisible dans la sollicitude de son accueil, mais depasse le sens pretendument assigne а quelqu’un, pour se convertir en cela-meme qui est assigne а chacun: «L’instant, ou l’evenement n’est pas un incident dans le cours du temps mais ce qui fonctionne comme moment instituant de l’institution sociale. .L’evenement en tant que moment instituant est le moment de l’Urstiftung de l’institution secondaire de l’ethique. Mais l’origine peut-etre plurielle».32 De ce fait, l’evenement acquiert un sens historique fondamental qu’il faut toujours pouvoir incorporer comme etant decisif pour chacun. Ceci, on le constate bien, differe de l’impossibilite d’accueil de l’evenement chez Barbaras, au sens d’un sujet qui ne peut pas etre distingue de ce qui est re?u (au moment d’adresser une critique au concept de transpassibilite). On le sait, pour Barbaras, l’evenement correspond а l’affection consequente de la demarche du desir qui bute en permanence contre le constat de la carence de son objet. Cette difference dans la saisie de l’evenement conduit notre comprehension de la transpassibilite sur d’autres chemins.

Il est aussi pertinent de voir, comment dans un autre ecrit de Murakami, (Le passi imaginaire pour un ЬЄЬі avoНё et l’appel chez Maldiney, texte publie dans la Revue An-nales de phёnomёnologie)ъъ la transpassibilite atteint une dimension egalement renouve-lee, aucunement comparable а la logique du desir. Elle apparaft bien au contraire comme concept fondamental dans la reprise de sens face а l’arraisonnement de la beance de l’il y a du monde (L’il y a ou le гієі traumatique au sens lacanien sont ici des termes equi-

30 Ibid. P. 113.

31 Voir note em bas de page 19.

32 Ibid. P. 2бб.

33 Murakami Y. Le passe imaginaire pour un bebe avorte et l’appel chez Maldiney // Revue numero 12, Annales

de la phenomenologie 2013. Association pour la promotion de la phenomenologie. Р. 237-254.

valents). La question de la transpassibilite est cette fois-ci inclue dans une etude de cas concret. Dans l’analyse qui se tisse finement autour de l’interview faite а une infirmiere dans une clinique d’avortements, Murakami expose deux moments fondamentaux d’un vecu initialement traumatique, infigurable, qui devient par la suite comprehensible, preuve de transpassibilite pour l’infirmiere. Il est tres suggestif de constater comment s’opere le partage dans la structure du discours de l’infirmiere lors de l’utilisation recurrente de deux expressions, а savoir entre «yappari» (quand-meme/meme si) et «demo ma demo» (mais pourtant malgre cela); c’est-а-dire, entre le moment de tension, prealable а la «naissance» du fretus, et celui de la reconciliation par l’image adoucie d’un bebe comme phantasia perceptive. Un premier registre de l’experience traumatique de l’infirmiere se presente comme etant inavouable, l’autre fait preuve d’une capacite d’assimilation, de ce qui est neanmoins figurable а l’image de soi comme totalite corporelle. Cette etude de cas expose la structure de tout evenement. D’une part, l’imprevisible s’attaque dans un premier moment au creur de l’experience sensible subie par le Leib, au risque meme de se convertir dans l’il y a traumatique qui defigure l’experience sensee d’y etre reconnaissable а l’image de soi; d’autre part, dans un deuxieme moment, l’evenement convoque non pas l’unicite du sujet comme s’il etait assigne а quelqu’un, mais requiert son insertion dans l’ordre symbolique par la rencontre de soi dans l’image du corps.

Conclusions

А la suite de notre parcours, nous avons tente d’esquisser quelques reponses а la question de la гіception de la notion d’ёvёnement, pour savoir dans quelle mesure elle correspond au concept de Transpassibilite legue par Henri Maldiney. Trois voies nous ont sem-blees opportunes afin de construire quelques reponses possibles. La premiere, qui reprend l’evenement dans son imprevisibilite, et par ce biais, nous propose de retracer une pensee selon laquelle l’existant procede de l’evenement comme advenant. La deuxieme, visible-ment opposee aux criteres de la Transpassibilite, traite la question du sujet intentionnel dans son role actif lors de la construction de son experience, et precede ainsi l’affectivite tenue pour evenement.

Chez Murakami d’autre part, l’evenement se revele certainement imprevisible dans un premier moment, mais acquiert immediatement du sens dans l’ordre de l’institution symbolique du sujet. Loin d’etre l’il y a traumatique, а la lumiere de la transpassibilite, l’evenement configure notre experience subjective.

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