УДК 81.23
И. В. Скуратов, П.-А. Дюмон
Скуратов И. В., доктор филологических наук, профессор; заведующий кафедры романской филологии факультета романо-германских языков Московского государственного областного университета; e-maiL: ¡[email protected]
Дюмонт П.-А., лектор французского языка
кафедры романской филологии факультета романо-германских языков Московского государственного областного университета; e-maiL: [email protected]
ИЗМЕНЕНИЕ ЛЕКСИЧЕСКОГО СОСТАВА ФРАНЦУЗСКОГО ЯЗЫКА ПУТЕМ ЗАИМСТВОВАНИЯ НЕОЛОГИЗМОВ
В статье рассматриваются особенности лексики французского языка. Общеизвестно, что всякий язык обладает определенными номинативными средствами, с помощью которых дается наименование элементам внеязыковой действительности. Новые слова возникают с помощью внешних средств номинации. К ним относятся заимствования. На современном этапе доминируют английские заимствования, благодаря которым французский язык динамично развивается.
Ключевые слова: лексика; французский язык; номинативные средства; английские заимствования; неология.
I. V. Skuratov, P.-A. Dumont
Skuratov I. V., Doctor of PhiLoLogy, Professor;
Head of Romance PhiLoLogy Dpt, FacuLty of the Romance and Germanic Languages,
Moscow Region State University; e-maiL: [email protected]
Dumont P.-A., Lecturer of Romance PhiLoLogy Dpt, FacuLty of the Romance
and Germanic Languages, Moscow Region State University;
e-maiL: [email protected]
CHANGE OF FRENCH LANGUAGE VOCABULARY BY MEANS OF BORROWINGS OR NEOLOGISMS
The articLe touches upon some speciaL features of the French Language vocabuLary. It is commonLy known that every Language possesses certain nominative means with the heLp of which eLements of extraLinguistic reaLity are named. The appearance of new words is assisted by externaL nomination means, incLuding Loanwords. EngLish Loanwords prevaiL at the modern stage. The French Language is deveLoping dynamicaLLy due to EngLish borrowings.
Key words: vocabuLary; the French Language; nominative means; EngLish Loanwords; neoLogy.
Introduction
De nos jours, on note une hésitation entre recours à l'emprunt et formation de nouvelles unités lexicales. Le langage est un produit social, un organe vivant.
Le mode d'introduction d'un vocable donné n'est pas sans importance. S'il est lu sans avoir été entendu prononcer dans la langue originale il subit fatalement des déformations plus ou moins graves [Sauvageot 1964, p. 221].
La réalité des emprunts du français à l'anglais est d'une telle évidence pour tout usager de la langue qu'il est inutile de chercher loin des arguments pour le prouver.
Si l'on ouvre au hasard un dictionnaire français, il est rare que l'un au moins des mots-vedettes ne soit pas d'origine anglaise [Tournier 1997, p. 185].
Les emprunts d'origine anglaise sont de plus en plus fréquents en français. Doit-on les supprimer, en réglementer l'emploi, les accepter ou les subir ?
On peut distinguer dans le français actuel diverses sortes d'emprunts :
Certains emprunts peuvent avoir une traduction française (deadline (ded.lajn), d'autres sont utilisés tels quels : smoothie [smu.si], drone, dumping [dœm.pig] etc.
Emprunts et grammaire : la présence d'un terme anglais est parfois utilisée pour pallier l'absence d'une catégorie grammaticale: le crash de l'avion remplace l'écrasement alors que la forme verbale est remplacée par le français : L'avion s'est écrasé (plutôt que s'est crashé).
De même le hold-up à la banque s'est produit lorsque les malfaiteurs l'ont dévalisée.
Des mots anglais ont une traduction française, mais apportent une nuance: le dealer est un revendeur de produits illicites. Un shunt est une dérivation dans un sens technique ou chirurgical.
Certains mots anglais constituent un nouveau jargon d'entreprise. Les impressions deviennent des feed-back, on organise des meetings (réunions), on privilégie le team-building (cohésion du groupe) pour booster (améliorer) les résultats.
«Alors, tu es bienfulltime sur le draft du call ? Parce que j'ai besoin d'un
feedback ASAP en one to one ! » [Bailly 2016, p. 58]
Les termes anglosaxons à l'assaut du lexique français
Malgré une «invasion» anglosaxonne, le lexique français est loin de s'appauvrir puisque les lexèmes existants ne voient pas leur sens modifié.
Au contraire, le terme d'emprunt apporte sa propre sémantique qui se démarque de la sémantique de terme français.
Bien plus grave semble l'emploi d'un mot anglais (à l'origine emprunt français) revenant en français avec une acception anglaise.
Aucune loi ne combattra l'utilisation du mot Menu dans les programmes d'ordinateurs.
C'est pourtant là que se situe le danger, quand l'utilisateur du menu informatique confondra les termes menu et carte.
Notre vocabulaire compte une grande quantité de termes issus des langues étrangères modernes.
Une analyse du lexique ferait apparaître une succession de catégories d'emprunts parallèle à la succession des influences économiques qui se sont exercées de manière prépondérante sur les différentes communautés.
L'«anglomanie» qui est une mode dans les sociétés modernes, propose des termes nouveaux.
Comme disait Daniel Moscovitz, directeur de la traduction à l'École supérieure d'interprètes et de traducteurs de Paris III :
«Quand on s'exprime dans sa langue maternelle, on plie sa langue à sa
pensée; quand on s'exprime dans une langue étrangère, on plie sa pensée à la
langue» [Toinet 1991, р. 79].
Les traducteurs et les nouvelles technologies
Le travail quotidien des traducteurs est une source inépuisable de néologismes.
Les traducteurs constituent aussi des antennes sensibles pour une «veille néologique».
Les traducteurs traduisent des textes écrits en général dans leur langue maternelle qu'ils doivent donc connaître parfaitement.
Les nouvelles technologies ont profondément modifié les conditions de travail des traducteurs, avec l'apparition d'ordinateurs, de dictionnaires électroniques, de la traduction assistée par ordinateur.
Ces professionnels doivent disposer de connaissances spécialisées qui leur permettent de comprendre plus facilement les ouvrages relatifs à tel ou tel domaine: sciences, économie, informatique, etc...
Une partie travaille pour l'édition, qu'il s'agisse de la traduction des différents genres d'œuvres littéraires, d'articles de presse ou encore de livres professionnels ou de manuels, avec souvent une rémunération en droits d'auteur.
Les autres sont surtout employés dans le secteur industriel et commercial ou ils traduisent des documents techniques, entre autres des notices d'utilisation.
On peut aussi se spécialiser dans les traductions juridiques, le sous-titrage audiovisuel, etc...
Dans tous les cas, il s'agit de montrer que la démarche du traducteur est fondamentalement la même, quelles que soient les langues et le texte en cause.
La recherche du sens et sa réexpression sont le dénominateur commun à toutes les traductions.
Nous nous retrouvons devant ce problème, bien que nous ayons aisément tendance à penser que les mots sont neutres et qu'un mot en vaut un autre dans une autre langue.
L'emprunt en tant que phénomène sociolinguistique
L'emprunt est le phénomène sociolinguistique le plus important dans tous les contacts de langues.
L'intégration du mot emprunté à la langue emprunteuse se fait de manières très diverses selon les mots et les circonstances.
Ainsi, le même mot étranger, emprunté à des époques différentes, prend des formes variées.
A un niveau plus avancé d'intégration, seuls quelques traits très fréquents sont maintenus. Ainsi, les affixes anglais -ing (rating, marketing) ou -er (maker, hacker - informatique).
L'emprunt implique toujours, au moins au départ, une tentative pour répéter la forme ou le trait étranger.
On entend par emprunt un mot qu'on va chercher tel quel dans une autre langue, en lui donnant un des sens de la langue d'origine ou parfois même un sens différent.
On distingue l'emprunt extérieur, fait à une langue autre que le français, et l'emprunt intérieur, fait à l'intérieur du français, mais dans une langue de spécialité.
Ce genre d'emprunt est courant dans toutes les langues. Il représente une source importante d'enrichissement des langues vivantes.
Il est souvent fonction des rapports socio-économiques qui s'établissent entre les locuteurs de langues diverses.
La grande fréquence des emprunts à la langue anglaise par le français à l'heure actuelle s'explique par la prépondérance des États-Unis dans un grand nombre de secteurs de l'activité humaine.
Alors qu'autrefois les emprunts servaient surtout à désigner des phénomènes exotiques, ils constituent une sorte de passeport pour les machines et procédés mis au point dans un pays et transplantés dans un autre.
Au moment de l'invention des ordinateurs, le vocabulaire de l'informatique a été littéralement inondé d'emprunts: software,processor, listing etc...
Ce vocabulaire s'est francisé depuis, grâce au pouvoir d'auto-épuration d'une langue en situation d'autonomie.
Mais le recours systématique à l'emprunt comporte des risques de pollution grave si la langue emprunteuse est en position faible par rapport à la langue prêteuse, ce qui est le cas, par exemple, du français au Canada.
A côté de ces emprunts intégraux, il existe une autre forme d'emprunt qu'on appelle le calque.
Par ce procédé, on donne à un mot de forme française le sens qu'il a dans la langue prêteuse. Le mot «routine» en informatique est un calque.
Une forme d'emprunt qui paraît beaucoup plus féconde, mais qui pourtant suscite souvent des résistances assez vives, est l'emprunt entre vocabulaires spécialisés au sein d'une même langue.
Ainsi la gestion a emprunté au vocabulaire militaire toute une série d'expressions telles que: cadres, logistique, cible, contingent etc...
Ce procédé est tout à fait normal et constitue une source saine d'enrichissement du vocabulaire d'une langue.
Le vocabulaire économique français à différentes échelles
Dans le domaine économique, on importe souvent d'un pays étranger le mot avec la chose. La difficulté du vocabulaire économique consiste précisément à en déterminer les dimensions.
• Le principal objectif est de savoir lire et situer dans le contexte général des textes économiques français, que ces textes soient des manuels, des ouvrages de théorie ou d'analyse ou encore des articles de la presse spécialisée.
• Un second objectif lié au premier est de permettre l'expression orale et écrite en utilisant les termes adéquats en français et en anglais. Il convient de souligner qu'il s'agit de l'emploi de termes économiques du vocabulaire anglais: celui-ci est très lié aux institutions étrangères et aux développements de la science économique à l'étranger.
Les éléments du vocabulaire, contrairement à un dictionnaire, sont regroupés pour récapituler le vocabulaire employé à l'occasion du traitement d'un problème. Le vocabulaire a en effet souvent une spécialité, un caractère «étranger» très affirmé, résultant de sa formation. Il s'agit le plus souvent d'expressions combinant plusieurs mots, qui ont été élaborées pour les besoins d'une étude précise [Skouratov 2016, p. 101-102].
Conclusion
Enfin, il faut souligner que l'apprentissage du vocabulaire économique anglais est facilité par deux faits culturels:
• Il renvoie à des structures économiques analogues, et surtout à des procédures d'enregistrement des données économiques très semblables.
• La théorie économique s'exprime souvent en faisant des emprunts à d'autres sciences. De façon encore plus large, l'exposé fait souvent appel à l'image ou au sens figuré de certaines expressions ou encore à l'allusion littéraire et cette pratique est commune aux deux cultures.
Ce second fait culturel est aussi valable pour l'ensemble des représentants provenant des pays ou la langue véhiculaire est d'origine européenne: ainsi la structure du raisonnement économique pour les pays francophones, pour les pays anglophones est-elle toujours assez proche de celle des pays d'Europe puisqu'elle emprunte le vocabulaire et la syntaxe d'une langue européenne.
RÉFÉRENCES
Скуратов И. В. Типологическая характеристика неологизмов в современном
французском языке : монография. М. : ИИУ МГОУ, 2016. 158 с. Bailly S. Stagiaires : le guide de survie! P. : Editions Larousse, 2016. 226 p. Sauvageot A. Portrait du vocabulaire français. P. : Larousse, 1964. 285 p. Toinet M-F. Les mots ne sont pas neutres // Echos. 1991. № 63. P. 79.
Tournier J. Un champ d'emprunts du français à l'anglais : La désignation des personnes // Cah. de lexicologie.1997. № 70-1. P. 185.
REFERENCES
Skuratov I. V. Tipologicheskaja harakteristika neologizmov v sovremennom francuzskom jazyke : monografija. M. : IIU MGOU, 2016. 158 s.
Bailly S. Stagiaires : le guide de survie! P. : Editions Larousse, 2016. 226 p.
Sauvageot A. Portrait du vocabulaire français. P. : Larousse, 1964. 285 p.
Toinet M-F. Les mots ne sont pas neutres // Echos. 1991. № 63. P. 79.
Tournier J. Un champ d'emprunts du français à l'anglais : La désignation des personnes // Cah. de lexicologie.1997. № 70-1. P. 185.