Научная статья на тему 'Crise actuelle et capitalisme'

Crise actuelle et capitalisme Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

CC BY
41
8
i Надоели баннеры? Вы всегда можете отключить рекламу.
Ключевые слова
capitalisme / crise / finance / récession

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Attia N.

Cet article propose une analyse économique de la crise actuelle à travers ses origines et ses effets. Pour comprendre les racines de la crise, il convient de se poser deux questions essentielles : pourquoi la crise-t-elle née et pourquoi la tempête financière s’est-elle transformée en tsunami entraînant avec elle toute l’économie mondiale. La naissance de la crise est indissociable de son contexte spatial (le capitalisme américain, très différent du capitalisme européen) et temporel (une période d’euphorie financière). Quant à la seconde question, il faut remonter aux débuts des années 80 où le capitalisme, à l’époque managérial, se tourne vers la finance qui va s’hypertrophier et porter la croissance mondiale. Les effets immédiats de la secousse financière sont donc automatiques pour tous les pays : les clignotants de la récession sont au rouge et les prévisions quant à la durée de la dépression varient. Mais, des questions plus profondes se posent : le capitalisme ne peut que sortir transformé de cette épreuve. En autres, les mutations se produiront certainement sur les deux fronts qui correspondent aux deux caractéristiques essentielles de la période écoulée. Le primat de la finance va s’atténuer, et, l’Etat va retrouver un rôle qu’il avait perdu depuis environ 30 ans.

i Надоели баннеры? Вы всегда можете отключить рекламу.
iНе можете найти то, что вам нужно? Попробуйте сервис подбора литературы.
i Надоели баннеры? Вы всегда можете отключить рекламу.

Современный кризис и капитализм

В статье представлен экономический анализ современного кризиса через его истоки и результаты. Чтобы понять корни кризиса, необходимо поставить два существенных вопроса: почему кризис возник и почему финансовая буря превратилась в цунами, вовлекая в него всю мировую экономику. Рождение кризиса неразрывно со своим пространственным контекстом (американский капитализм, существенно отличающийся от европейского капитализма) и временным контекстом (период финансовой эйфории). Что касается второго вопроса, необходимо вернуться в начало восьмидесятых годов, когда капитализм, во времена менеджмента, поворачивается к финансам, которые достигают мирового роста. Следовательно, немедленные эффекты финансового потрясения являются автоматическими для всех стран: указатели спада являются красного цвета, и прогнозы, что касается срока депрессии, меняются. Но возникают более глубокие вопросы: капитализм может выйти только измененным из этого испытания. Кроме того, изменения, несомненно, произойдут на обоих фронтах, которые соответствуют.

Текст научной работы на тему «Crise actuelle et capitalisme»

Ученые записки Таврического национального университета им. В.И. Вернадского Серия «Экономика и управление». Том 22 (61). 2009 г. № 2. С. 381-389.

УДК 339.747+330.342.14

CRISE ACTUELLE ET CAPITALISME Attia N.

Université de Nice Sophia Antipolis, Centre d'Etudes en Macroéconomie et Finance Internationale, Nice, France

E-mail: attia@unice.fr

Cet article propose une analyse économique de la crise actuelle à travers ses origines et ses effets. Pour comprendre les racines de la crise, il convient de se poser deux questions essentielles : pourquoi la crise-t-elle née et pourquoi la tempête financière s'est-elle transformée en tsunami entraînant avec elle toute l'économie mondiale. La naissance de la crise est indissociable de son contexte spatial (le capitalisme américain, très différent du capitalisme européen) et temporel (une période d'euphorie financière). Quant à la seconde question, il faut remonter aux débuts des années 80 où le capitalisme, à l'époque managérial, se tourne vers la finance qui va s'hypertrophier et porter la croissance mondiale. Les effets immédiats de la secousse financière sont donc automatiques pour tous les pays : les clignotants de la récession sont au rouge et les prévisions quant à la durée de la dépression varient. Mais, des questions plus profondes se posent : le capitalisme ne peut que sortir transformé de cette épreuve. En autres, les mutations se produiront certainement sur les deux fronts qui correspondent aux deux caractéristiques essentielles de la période écoulée. Le primat de la finance va s'atténuer, et, l'Etat va retrouver un rôle qu'il avait perdu depuis environ 30 ans. Mots clés : capitalisme, crise, finance, récession

Classification JEL: P10, F02, G01, L51

Nous vivons depuis quelques mois un véritable séisme financier et économique. Ce type de phénomène est toujours difficile à expliquer car de nombreux facteurs interviennent et s'entremêlent. La dimension financière apparaît comme la plus évidente car c'est elle qui a déclenché le mouvement. Cependant, c'est un point de vue d'économiste que nous adoptons ici, dont l'objet est de présenter une réflexion sur les origines et les effets de cette crise.

1. DES ORIGINES STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLES

Pour comprendre en profondeur les racines de la tourmente qui secoue le monde aujourd'hui, deux questions essentielles sont à poser:

- pourquoi cette crise est-elle née?

- pourquoi cette tempête financière s'est-elle transformée en « tsunami» entraînant avec elle toute l'économie mondiale? En effet, on recense plus de 30 crises financières au 20e siècle; aucune, depuis la crise de 1929, n'a connu une telle violence.

1.1. Pourquoi cette crise est-elle née?

Pour répondre à la première question, nous pouvons dire que, comme la plupart des événements sociaux, cette crise est le produit de son contexte, contexte spatial et temporel. Cette crise est née aux Etats-Unis: ce n'est pas un hasard. El7le s'est développée au cours d'une période très particulière, très atypique de l'histoire du capitalisme et ce n'est pas non plus le fruit du hasard.

Développons ces deux points.

1.1.1. La crise est née aux Etats-Unis

Elle aurait difficilement pu naître ailleurs, car le capitalisme américain est très différent du capitalisme européen. Le capitalisme européen est le plus souvent perçu en termes de conflit, comme une machine infernale qui produit des nantis et qui donne toutes les opportunités à ces nantis de devenir encore plus nantis, alors que d'autres piétinent et ont du mal à s'en sortir. Bien sur, quand la croissance est porteuse, ce sentiment s'atténue mais, cette méfiance vis-à-vis du système plane toujours et ne disparaît jamais vraiment.

Aux Etats-Unis, le capitalisme n'est pas vécu ainsi: c'est un système consensuel et démocratique.

Le capitalisme est consensuel, car tout le monde adhère à ses valeurs. On a une croyance sacro -sainte dans les vertus du marché. Le marché est dur, parfois cruel; il évince sans état d'âme tout celui qui n'a pas su se montrer utile socialement. Mais, en contre partie, il est juste. Il existe un autre mot sacro-saint aux USA:» efficiency» , c'est-à-dire efficacité, rendement. Tout celui qui a su faire preuve d'efficacité est récompensé par le marché: il s'enrichira. La richesse qui souvent suscite méfiance et agressivité en Europe, provoque, au contraire admiration et encouragement aux USA. Il est là le précieux ressort du modèle américain: la réussite des autres n'entraîne pas un sentiment négatif mais la détermination de faire aussi bien qu'eux.

C'est la raison pour laquelle le capitalisme américain est démocratique. Tout individu même le plus démuni, a vocation, un jour, à devenir capitaliste, et s'en sent le droit. Personne ne s'enferme dans une position sociale. Tout le monde peut réussir. C'est la raison pour laquelle on a toujours refusé toute entrave à toute initiative, au contraire, on l'encourage.

Bien sûr, cette conception entraîne une certaine position face aux risques. Les Américains ont toujours eu très peu d'aversion aux risques. Sinon, les USA n'auraient même jamais existé. N'oublions pas qu'au départ, c'est une société de pionniers, d'individus qui n'ont pas hésité à quitter leur terre natale pour un monde qu'ils estimaient meilleur. Donc, la résistance aux changements qui est un phénomène qui a tellement handicapé la France dans son développement économique, n'existe quasiment pas aux USA. Les Américains sont des éternels cow-boys ! Ces dernières années de délire financier ont bien été nommées «Le Far West de la finance» !

Par conséquent, quand on se replace dans ce contexte américain, on ne peut que constater que l'histoire des subprimes s'y intègre parfaitement. Ce n'est pas culturel pour un Américain de louer sa maison. La situation normale à laquelle on veut tendre, c'est au moins d'être propriétaire de son habitation. C'est le minimum d'adhésion au système.

Bien sûr, on peut dire que les subprimes sont nées de la cupidité, de l'avidité («greed» ) des banquiers. C'est vrai, mais c'est une lecture européenne du phénomène. La lecture américaine voit que les banques ont voulu s'enrichir, c'est légitime. Et, elles l'ont fait en permettant à des ménages pauvres d'acquérir leur logement. Les subprimes ont profité à des ménages qui se voyaient avant refuser tout crédit, qui n'ont jamais eu accès à des crédits classiques.

Donc, dans l'affaire, tout le monde est content. Simplement, il fallait prendre des risques; les banques en ont pris. Le problème est que elles en ont trop pris. Elles ont dérapé. Elles se sont laissées grisées par une spirale qu'elles n'ont plus contrôlée. Elles ont

glissé vers l'irresponsabilité, en oubliant les emprunteurs de départ (les crédits subprimes). Pourquoi cette dérive?

Nous en arrivons à la seconde composante du contexte.

1.1.2. La crise s'est développée au cours d'une période tout à fait particulière: c'est l'euphorie financière

On commence à parler des» quatre glorieuses» (les années 2001-2005): quatre années d'argent facile où les banques ont ouvert grand le robinet du crédit et ont, de ce fait, encouragé l'excès d'audace de tous les agents: les entreprises, les ménages. Et, l'origine de cette situation se trouve dans la politique monétaire de la FED qui a été anormalement expansionniste. Les taux d'intérêt étaient extrêmement bas. En 2004, on a atteint le taux le plus bas depuis 1958; A. Greenspan (président de la FED de 1997 à 2006) a expliqué qu'il craignait la déflation qui, pour lui, aurait eu des conséquences encore plus graves. Il a donc maintenu le taux d'intérêt très bas pour encourager le crédit et donc pour faire tourner la machine. Beaucoup d'économistes ne sont pas d'accord avec ce point de vue et pensent que la FED n'avait pas besoin d'avoir des taux aussi bas et aussi longtemps. C'est toujours très difficile en économie d'asséner une vérité et donc de désigner un coupable. Mais, on peut dire que la FED a une forte responsabilité dans cette crise. Elle a inondé le marché de liquidités entre 2001 et 2005. Elle a dérégulé la sphère financière de façon accélérée: la finance de marché a été libérée des règles qui pesaient sur l'ancien système financier classique. La FED a fermé les yeux sur ces produits» exotiques» qu'elle savait très dangereux. Elle n'a eu aucune méfiance à l'égard de ces petits génies de la finance. On s'accorde à dire aujourd'hui que ce n'est plus du laissez faire, c'est du laissez aller. En 1987, lors du krach boursier, on avait déjà pointé du doigt ces produits dérivés. La FED aurait pu être mise en éveil. C'est le contraire qui s'est produit avec l'arrivée de A. Greenspan à la direction de la FED. Inondation et dérégulation, voilà les deux révolutions conduites par A. Greenspan qui vont aboutir à une transformation de la sphère financière: elle va devenir une bulle opaque et hypertrophiée, donc impossible à contrôler. Le marché des produits dérives a atteint jusqu'à 55 milliards de dollars, soit le PIB mondial !

Telle était la situation jusqu'en 2005. A partir de cette date, un tournant s'annonce. La FED qui craignait la déflation, a maintenant le souci inverse: les cours du pétrole, les matières premières donnent des signes d'inflammation. On craint la surchauffe, l'inflation. La FED soucieuse de sa mission qui consiste à réguler l'économie va donc agir sur les taux d'intérêt. Ainsi, en 2005, après des années de profond laxisme, les taux commencent à monter. Et on ne pense pas à cette masse de crédits subprimes qui ont été souscrits à taux variables, indexés sur ceux de la FED.

C'est le facteur déclenchant. Et, on connaît la suite. C'est la panique qui se répand et qui entraîne avec elle toute l'économie. Et elle déferle avec une intensité et une vitesse qu'on n'aurait jamais soupçonnées.

Et nous arrivons à notre seconde question fondamentale.

1.2. Pourquoi la tempête s'est-elle transformée en «tsunami»?

L'histoire montre que les évenements ne se déroulent pas toujours ainsi. Pour M. Aglietta [1], c'est une crise plus forte que celle de 1929 qui était déjà la plus forte qu'on

n'ait jamais connue ! Encore une fois, il est prétentieux d'affirmer une quelconque vérité tant les facteurs explicatifs peuvent être nombreux. Tentons cependant une explication suffisamment générale pour englober le plus possible la réalité. Si la secousse a été si violente, c'est qu'elle s'est produite sur un système qui était complètement déréglé: un système bâti sur la spéculation et l'endettement. La crise des subprimes n'a fait que révéler les vices structurels du système; elle a dévoilé les déséquilibres profonds sur lequel notre monde était assis.

Pour bien comprendre pourquoi on en est arrivé là, il faut remonter à la fin des années 70 et aux débuts des années 80. C'est à cette époque que le capitalisme amorce un tournant qui va nous mener à la situation actuelle. Avant, nous étions dans cette fameuse période qu'on appelle les «30 glorieuses» qui a démarré après la seconde guerre mondiale. Comme l'explique D. Cohen [5], cette époque correspond à un capitalisme managérial. En effet, depuis 1929, la Bourse ayant perdu tout crédit, n'intervient pas dans l'économie. Les managers sont les seuls maîtres à bord. La croissance était forte, les gains de productivité aussi; les entreprises faisaient donc du profit par la voie normale de l'économie. Chaque agent jouait son rôle et effectuait son vrai métier. L'entrepreneur concentrait ses efforts sur sa recherche de rendement maximum. Les banques collectaient l'épargne des ménages en leur proposant des placements attractifs et prêtaient cette épargne aux entreprises pour les aider à investir, l'investissement étant le garant de la croissance de l'économie réelle. Et toute cette activité se déroulait dans le cadre de bilans parfaitement transparents. Mais, depuis les chocs pétroliers des années 70, la configuration a complètement changé. La croissance est devenue molle. Les gains de productivité ont faibli. La consommation et l'investissement ne tirent plus la machine économique. En un mot, le secteur économique proprement dit n'est plus vraiment porteur de richesse. Or, le capitalisme ne se contente de petits profits marginaux. C'est la raison pour laquelle il va se tourner vers la finance qui va devenir de plus en plus rentable et qui va peu à peu prendre le contrôle du fonctionnement des entreprises et donc de l'économie réelle. C'est donc la baisse des gains de productivité qui va conduire les managers à se tourner vers la Bourse pour renflouer leurs revenus. Le virage démarre ainsi, au moment où les managers perdent une grande partie de leur liberté d'action car ils se retrouvent sous l'emprise de la Bourse. Le capitalisme managérial se termine et laisse la place à une autre forme de capitalisme. La logique de fond ne change pas: il s'agit toujours de capter le profit là où il est le plus important. Or, depuis environ 30 ans, le profit le fort ne se trouve pas dans la sphère économique mais dans la sphère financière. Ainsi, les banques vont se tourner vers la spéculation et s'éloigner de leur fonction première. Et, comme on est en pleine mondialisation, les banques dispersent leurs créances dans le monde. Et voilà donc une économie d'endettement qui va porter la croissance mondiale. Jamais le monde n'a autant prospéré à crédit.

La richesse se déracine de l'économie réelle et on assiste à un gonflement démesuré de la sphère financière coupée de la véritable création de valeur ajoutée. Des bulles spéculatives apparaissent, puis éclatent; d'autres se forment... La planète finance est complètement déboussolée. C'est une perversion dangereuse du système financier, car le secteur financier ne tient qu'à un fil: la confiance qu'on lui accorde. Quand celle-ci n'y est plus, c'est tout un château de cartes qui s'effondre.

Aujourd'hui, la crise est le reflet des incertitudes quant au bien fondé de ces mécanismes. Et, si elle a pris une telle ampleur, c'est parce que justement la croissance mondiale s'est bâtie sur ces mécanismes, au cours de ces dernières décennies.

Aujourd'hui, l'inquiétude est grandissante. L'Etat américain injecte des milliards de dollars pour enrayer la crise financière. Mais, il est trop tard pour empêcher la secousse de se propager de Wall Street à Main Street, de la sphère financière à la sphère économique.

Analysons donc à présent les conséquences de la crise actuelle.

2. DES EFFETS IMMEDIATS AUX EFFETS PLUS PROFONDS

Une telle situation ne peut pas déclencher que des conséquences immédiates. On parle de crise systémique.

Etudions successivement ces deux types d'effets.

2.1. Les conséquences immédiates

Elles sont les plus faciles à comprendre. Tout le monde va payer les exubérances de Wall Street.

D'abord les contribuables: la charge de la dette va grossir, et, il faudra bien la rembourser. Les dettes d'aujourd'hui sont les impôts de demain.

Puis, les épargnants: ils voient la valeur de leurs placements fondre. Bourse, immobilier... Les particuliers ont le sentiment de perdre sur tous les tableaux. Cela entraîne un effet d'appauvrissement.

Et enfin les ménages et les entreprises: dans la mesure où les banques ont été secouées, elles vont être beaucoup plus prudentes et donc elles vont durcir fortement leurs conditions de prêts. C'est le Credit crunch, une autre bombe qui crée beaucoup de dégâts. Moins de crédit veut dire moins de consommation et moins d'investissement. Aujourd'hui, ces deux moteurs tournent au ralenti. En France, au second et au troisième trimestre 2008, le PIB a reculé. Un PIB qui diminue deux trimestres consécutifs, cela s'appelle une récession. Il est vrai que tous les ingrédients sont là, tous les clignotants sont au rouge.

L'inflation est encore relativement élevée. Certes, les prix du pétrole et des matières premières laissent espérer un tassement, mais celles-ci resteront chères et d'autres hausses de prix se profilent sur d'autres fronts.

La consommation est en berne. Elle pâtit de l'inflation. Même si celle-ci évolue favorablement, les ménages mettront du temps avant de le percevoir. Le cœur n'y est plus. Il est donc difficile dans ce contexte d'envisager un rebond de la consommation.

La bulle immobilière se dégonfle. Le prix des logements est en baisse. C'est une véritable rupture par rapport années précédentes.

Et enfin, le plus grave est le ralentissement de la production industrielle; le nombre de faillites va certainement augmenter, des conflits s'annoncent. Des emplois sont supprimés. C'est le cercle vicieux de la récession. Le spectre du chômage réapparaît. C'est dommage, car, en juin 2008, la France avait atteint son plus bas taux depuis 25 ans (7,2 %). Aujourd'hui, la crise va anéantir l'embellie du printemps. On prévoit un chômage de 8,3% en 2009. 2009 pourrait bien être l'année la plus noire depuis 16 ans (1993). Selon le FMI, les pays développés auraient, en 2009, une croissance négative de -0,3 % [6]. La

récession est bel et bien entamée. Une question brûlante se pose à présent: combien de temps va-t-elle durer? C'est difficile à dire. Pour ce qui est de la crise financière, un consensus se dessine pour dire qu'elle est au moins aussi grave que celle de 1929. Mais, la récession qui va suivre, quelle sera son ampleur? Espérons qu'elle sera moins grave que celle des années 30. Il semblerait que ce soit le cas. Mais, il y a différentes évaluations. En général, on n'annonce pas de reprise avant 2010. Pour le FMI qui a étudié exactement 112 récessions dans les pays occidentaux depuis 1960, une récession normale dure en moyenne 11 mois. Si c'est une récession provoquée par la pierre et le crédit, il faut compter 6 mois de plus. On est donc à 17 mois. Et comme la crise d'origine a été plus violente que les autres, selon les experts du FMI, les pays ne redémarreront pas avant 4 ou 5 ans. Prenons donc patience, la récupération sera lente.

Comme il est de coutume, quand on subit une telle convulsion, on se pose des questions de fond. C'est ce que nous allons aborder à présent.

2.2. Les conséquences profondes

Chaque fois qu'on est dans une grande tourmente, la même question apparaît: est-ce l'agonie du capitalisme? Sans aucun doute, on peut répondre négativement à cette question. Mais, M. Aglietta n'hésite pas à parler de «faillite totale du système» [2].

En étant prudent et sans crainte de se tromper, on peut dire que c'est la fin d'une période, d'une certaine phase du capitalisme qui dure depuis environ 30 ans. Le capitalisme va se redéfinir et c'est ce qu'il n'a jamais cessé de faire tout au long de son histoire. Depuis qu'il existe, il a toujours évolué, il s'est transformé. Et, le plus souvent, cela ne s'est pas fait en douceur, bien au contraire. Ce sont toujours des cataclysmes qui engendrent un nouveau visage du capitalisme (la révolution industrielle au 19e siècle, les deux guerres mondiales, la crise de 1929). Donc, aujourd'hui, il est clair que le capitalisme sortira transformé de la crise. Mais dans quel sens? On peut penser qu'il va connaître des mutations au moins sur les deux fronts qui correspondent aux deux traits fondamentaux de la période qui vient de s'écouler.

Le premier, c'est la déréglementation très forte du système et particulièrement du système financier. Le second, conséquence du premier, c'est l'hypertrophie de la finance.

Commençons par le second car c'est celui qui apparaît le plus immédiatement. Il est clair que le primat du capitalisme financier va s'atténuer très fortement. La sphère réelle va retrouver ses droits. On peut mentionner une preuve: l'attitude du Congrès américain face au plan Paulson. Il a d'abord été refusé, parce qu'on a estimé que, dans cette histoire, les banques ont pris, certes, de gros risques, mais qu'elles ont aussi gagné beaucoup d'argent pendant longtemps. Donc, si elles perdent maintenant, cela fait partie du jeu. Les aider, c'est les déresponsabiliser, c'est cautionner des investissements faits aux dépens des citoyens. C'est bien une révolte des électeurs contre la toute puissance de la finance. C'est aussi le témoignage d'une peur. Il est vrai que le secteur financier reste dangereux; il reste encore encombré «d'armes de destruction massive» . La machine à fabriquer des bulles n'est pas encore cassée.

Mais, le plan Paulson a été finalement adopté, tout simplement parce que le capitalisme financier est le carburant de la machine économique. Ce n'est pas une création arbitraire, c'est l'expression spontanée d'une nécessité. Il est donc clair qu'il ne peut que

rester une pièce essentielle du système. Mais, les financiers de Wall Street, les grands héros des dernières décennies, vont connaître des jours moins fastes. La crise sonne le glas de ces montages financiers délirants. Et, pour les banques, c'est la fin d'un âge d'or. Elles vont devoir revenir à des activités plus traditionnelles et moins rentables. Le slogan qui prévaut en ce moment s'exprime ainsi: on marchait sur la tête, on va redécouvrir nos pieds !

Abordons, à présent le second trait caractéristique de cette période: la dérégulation poussée du système, le libéralisme outrancier dont on a fait preuve dans tous les domaines. La question jaillit de toute part: ce n'est pas la fin du capitalisme, mais est-ce la fin du libéralisme? On pourrait être tenté de dire que l'économie est un perpétuel recommencement. Au fond, le fonctionnement de l'économie s'articule autour de la question essentielle de sa régulation. Et là, deux grandes thèses sont en présence: les libéraux qui prônent le laissez faire et qui font confiance aux vertus autorégulatrices du marché, et les interventionnistes qui nient toute aptitude au marché à rétablir l'équilibre, bien au contraire. Selon ces derniers, l'économie livrée à elle-même est toujours en déséquilibre. L'Etat doit donc intervenir pour réguler l'économie.

Si on retrace l'histoire économique du 20e siècle, on voit très nettement une alternance apparaître entre ces deux conceptions. Avant 1929, on ne connaissait qu'une forme de régulation: la régulation concurrentielle par le marché. Quand la Grande Dépression des années 30 est arrivée, bien évidemment, le libéralisme a été totalement discrédité. Il n'a pas empêché la crise et surtout il ne restaure pas la prospérité. C'est une période noire pour le capitalisme: il est menacé d'effondrement alors qu'il voisine à côté d'un autre système (le système communiste) qui lui se porte à merveille. L'ouvrage de Keynes publié en 1936 va sortir le monde capitaliste de cette impasse. Il montre qu'il existe une autre forme de régulation que celle du marché: la régulation par l'intervention de l'Etat. C'est une toute autre vision du système qui est proposée. Mais, pour que le système se transforme, il faut toujours à la base un théoricien qui propose un modèle et un homme politique qui l'applique. C'est le couple mythique Keynes-Roosevelt qui va faire évoluer le capitalisme. On va passer d'un capitalisme géré par les lois du marché à un capitalisme régulé par l'Etat. C'est cette forme de capitalisme qui va se développer pendant la période des 30 Glorieuses, correspondant au capitalisme managérial précédemment évoqué. Grâce aux politiques de stop and go, tout fonctionne bien jusqu'aux années 70 ébranlées par les chocs pétroliers. Non seulement la conjoncture se retourne mais on se retrouve devant un paradoxe. Les keynésiens ont montré que les deux grands déséquilibres économiques que sont l'inflation et le chômage, sont incompatibles. Or, dans la décennie 70, et au début de la décennie 80, l'économie est confrontée aux deux ! Keynes va alors connaître ce que les libéraux ont connu dans les années 30, c'est-à-dire une profonde remise en cause... Et, un nouveau couple théorie-politique va apparaître pour porter ce changement. L'école monétariste, avec M. Friedman, remet les idées libérales à l'ordre du jour. Le duo Reagan-Thatcher va appliquer ces idées. C'est le retour effréné du libéralisme. C'est, bien sûr, une présentation très dépouillée de l'histoire économique du 20e siècle, mais la séquence chronologique des idées est bien réelle.

Aujourd'hui, c'est la panique. Une crise comme celle là était oubliée depuis 1929. Donc, il est clair que le roi marché risque fortement de connaître la déchéance.

On l'accuse déjà de tous mes maux. L'Etat minimal, avec toute sa série de déréglementations, est au banc des accusés. Les regards se tournent vers l'Etat dont on attend protection et guérison. Il revient au devant de la scène et retrouve le rôle qu'il avait perdu depuis l'ère Reagan.

Pour atténuer cette vision manichéenne, on peut dire que la vérité est, comme toujours, dans la modération. Ce qui a crée la crise, ce n'est pas à proprement parler le marché, mais l'overdose de marché, la dérive, l'égarement. J. Stiglitz [7] commente la situation actuelle de cette façon:» L'Amérique est en cure de désintoxication» . Le libéralisme n'a jamais été l'anarchie. Ce sont ses détracteurs qui assimilent ces deux notions. Le marché est avant tout une économie de transparence et de responsabilité. C'est aussi un activité économique encadrée par des règles juridiques. En reprenant la pensée d'A. Minc [3], on peut dire que le marché et la règle de droit sont les deux faces recto-verso de la même réalité. Forcement, on va revenir à un capitalisme plus raisonnable, plus modéré, mieux compris.

Depuis la crise, le mot d'ordre dans les salles de marché est» Fly to simplicity» . Revenons à la simplicité, à nos bonnes vieilles actions et obligations. Au moins, elles, on les comprend ! Ainsi, tout laisse à penser qu'on va s'orienter vers un libéralisme ordonné, avec des garde fous, dans l'espoir de retrouver un équilibre entre les différentes sphères de l'économie: la sphère réelle et la sphère financière. Toute crise est un avertissement donné à la société, et, par là même, elle est l'occasion de refonder le modèle sur d'autres valeurs.

Nous terminerons cette réflexion par un nouvel appel à la prudence et à la modestie. Toutes les surprises sont encore possibles, car les quelques axes de réflexion que nous avons livrés sont loin d'épuiser toute la réalité économique.

Bibliographie

1. Aglietta M. : « Une crise aussi grave que celle de 1929 », Regards croisés sur l'économie, n° 3, Ed. La découverte.

2. Aglietta M. : « C'est la faillite totale d'un modèle », L'Express, 15/09/08.

3. Attali J. et MINC A. : « Crise : où va-t-on ? », L'Express, 9/10/08.

4. Attali J. : « La crise ,et après ? », Fayard, 2008.

5. Cohen D. : « Une perversion du capitalisme traditionnel », Le grand entretien, Le Monde, 18/10/08.

6. Hiault R. : « Pays riches : le FMI attend la pire des récessions depuis l'après- guerre », Les Echos, 78/11/08.

7. Stiglitz J. : « La crise en questions », Le Monde, 16/09/08.

Поступила в редакцию 01.12.2009 г.

Аттиа Н. Современный кризис и капитализм / Н. Аттиа // Ученые записки ТНУ. Серия: Экономика и управление. - 2009. - Т. 22 (61), № 2. - С. 381-389.

В статье представлен экономический анализ современного кризиса через его истоки и результаты. Чтобы понять корни кризиса, необходимо поставить два существенных вопроса: почему кризис возник и почему финансовая буря превратилась в цунами, вовлекая в него всю мировую экономику. Рождение кризиса неразрывно со своим пространственным контекстом (американский капитализм, существенно отличающийся от европейского капитализма) и временным контекстом (период финансовой эйфории). Что касается второго вопроса, необходимо вернуться в начало восьмидесятых годов, когда капитализм, во времена менеджмента, поворачивается к финансам, которые достигают мирового роста. Следовательно, немедленные эффекты финансового потрясения являются автоматическими для всех стран: указатели спада являются красного цвета, и прогнозы, что касается срока депрессии, меняются.

Но возникают более глубокие вопросы: капитализм может выйти только измененным из этого испытания. Кроме того, изменения, несомненно, произойдут на обоих фронтах, которые соответствуют. Ключевые слова:

Атпа Н. Сучасна криза i капiталiзм / Н. Атпа // Вчеш записки ТНУ. Сер1я: Економжа та управлшня. - 2009. - Т. 22 (61), № 2. - С. 381-389.

У статт представлений економiчний аналiз сучасно! кризи через його витоки i результати. Щоб зрозумтги коршня кризи, необх^дно поставити два ютотт питання: чому криза виникла i чому фшансова буря перетворилася на цунам^ залучаючи до нього всю свггову економшу. Народження кризи нерозривно зi сво!м просторовим контекстом (американський капiталiзм, iстотно вiдмiнний вiд европейського капiталiзму) i тимчасовим контекстом (перюд фшансово! ейфори). Що стосуеться другого питання, необхщно повернутися в початок з восьмидесятих рокш, коли каштатзм, за часш менеджменту, повертаеться до фшансш, якi досягають свiтового зростання. Отже, негайнi ефекти фшансового потрясшня е автоматичними для всiх кра!н: покажчики спаду е червоного кольору, i прогнози, що стосуеться термшу депреси, мшяються. Але виникають глибшi питання: капiталiзм може вийти лише змшеним з цього випробування. Крiм того, змши, поза сумшвом, стануться на обох фронтах, якi вщповщають обом iстотним характеристикам минулого перюду. Ключовi слова: капiталiзм, криза, фшанси, спад.

i Надоели баннеры? Вы всегда можете отключить рекламу.