Научная статья на тему 'Politique de la rue et politique des Urnes'

Politique de la rue et politique des Urnes Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

CC BY-NC-ND
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Ключевые слова
DEMOCRACY / DIRECT DEMOCRACY / CRITIQUE OF REPRESENTATIVE GOVERNMENT / GATHERINGS / STREET POLITICS / NON-VIOLENCE

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Albert Ogien

The “Arab Spring” uprisings have unexpectedly led to a strikingly fast and worldwide movement of opposition to governments and economic powers. This sudden and unpredictable outbreak of protest has given birth to a new form of political action, which may be called “gatherings”, i.e. people taking to the streets and occupying squares to claim a radical change of the political order through demands for a better or renewed democracy. Gatherings are innovative as they arise outside traditional ways of expressing political grievances (i.e. through parties, trade unions, NGOs and associations), have neither leader nor program, advocate non violence and disavow the system of representative government. This new way to practice street politics opposes ballot box politics as it claims direct democracy (general assemblies, open meetings, no decision by a majority, equally shared responsibilities, transparency, etc.) while ardently endorsing non violence. This commitment is contentious: how can one pretend toppling the rule of the rich and the powerful who benefit from an entrenched system of domination without making use of violence to oust them from their privileged position? This article aims at clarifying the terms of this question by exploring the way resorting to violence has been debated in many of these gatherings.

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Текст научной работы на тему «Politique de la rue et politique des Urnes»

Politique de la rue et politique des urnes

Albert Ogien

Centre detude des mouvements sociaux, Institut Marcel Mauss Correspondence Address: 190-198 Avenue de France, Paris, France 75013 Email: [email protected]

The “Arab Spring” uprisings have unexpectedly led to a strikingly fast and worldwide movement of opposition to governments and economic powers. This sudden and unpredictable outbreak of protest has given birth to a new form of political action, which may be called “gatherings”, i.e. people taking to the streets and occupying squares to claim a radical change of the political order through demands for a better or renewed democracy. Gatherings are innovative as they arise outside traditional ways of expressing political grievances (i.e. through parties, trade unions, NGOs and associations), have neither leader nor program, advocate non violence and disavow the system of representative government. This new way to practice street politics opposes ballot box politics as it claims direct democracy (general assemblies, open meetings, no decision by a majority, equally shared responsibilities, transparency, etc.) while ardently endorsing non violence. This commitment is contentious: how can one pretend toppling the rule of the rich and the powerful who benefit from an entrenched system of domination without making use of violence to oust them from their privileged position? This article aims at clarifying the terms of this question by exploring the way resorting to violence has been debated in many of these gatherings.

Keywords: democracy, direct democracy, critique of representative government, gatherings, street politics, non-violence.

La rue est redevenue, d’une maniere spectaculaire et originale, un lieu politique majeur avec leffervescence democratique qui a saisi le monde depuis 2011. Tradition-nellement, ce lieu connait deux usages : accueillir des manifestations ou etre le theatre demeutes. En quelques mois, rassemblements et occupations de places ont invente une autre maniere d’integrer la rue a une forme d’action politique. Chacun de ces trois usages a des caracteristiques differentes.

La manifestation est, en democratie, un droit reconnu et garanti — meme si des re-glementations de plus en plus drastiques tendent a y restreindre la liberte de reunion et a encadrer les modalites de son expression. Dans les regimes autoritaires, elle est une mobilisation qui est soit orchestree pour marquer le soutien au pouvoir, soit toleree sous certaines conditions et dans certaines circonstances lorsqu’elle entend s’opposer au regime, soit impitoyablement empechee ou reprimee lorsquelle enfreint l’interdiction de faire entendre une voix dissidente.

Lemeute, elle, est simplement inacceptable sous quelque regime que ce soit ; et, au nom du maintien de l’ordre, de la preservation de la paix civile et de la sauvegarde des biens prives, elle est systematiquement matee par les forces de lordre, le plus souvent avec

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© Ogien А., 2014

© Centre for Fundamental Sociology, 2014

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l’assentiment ou le soulagement de la population (tant que l’intervention de la police ou de l’armee reste dans les limites du raisonnable). Que ce soit en regime democratique ou autoritaire, lemeute peut donner lieu a des negociations entre le pouvoir et des repre-sentants ou des porte-parole des revoltes afin que le premier apporte une reponse aux griefs qui ont motive le recours a la violence des seconds. Cest qu’il parait evident aux deux parties que, si les conditions qui ont engendre lexplosion ne changent pas, le risque d’une nouvelle flambee continuera a planer. Mais louverture de ces negociations ne peut se produire qu’une fois le calme revenu et lordre retabli — sans que rien n’assure que les conditions qui ont suscite la violence seront effectivement modifiees.

Quant aux rassemblements et aux occupations, leur statut politique est encore in-decis. Car bien que l’installation en masse sur une place publique et ^organisation d’un campement soient des actes illegaux qui, en tant que tels, pourraient etre immediatement sanctionnes, la decision de faire proceder a leur dispersion a generalement ete suspen-due. Une des raisons qui ont dissuade les pouvoirs d’intervenir est le fait que ces mou-vements ont, des leur origine, ostensiblement affiche leur engagement en faveur de la non violence. Cette resolution, qui sest confirmee par les actes, leur vaut une legitimite conditionnelle et provisoire : rassemblements et occupations sont toujours restes sous la menace du demantelement et ont dependu du bon vouloir des pouvoirs publics, qui guettaient le moment opportun pour renoncer a cette tolerance et eradiquer cet abces de contestation de la loi. Une autre raison de cet attentisme est toute materielle : le nombre subit doccupants et la soudainete de leur installation sur les places a pris tout le monde par surprise. Confronte a un debordement aussi inattendu, un pouvoir peut hesiter de-vant le cout financier, humain et politique que representent un assaut et une eviction de force devant des cameras friandes d’images choc. Un troisieme facteur a joue dans la decision de surseoir a une intervention : le soutien que ces mouvements ont souvent requ de la part de la population, dont les sondages dopinion montraient quelle tenait la protestation pour juste. Un dernier element est venu calmer les ardeurs repressives des autorites : ce nouvel usage politique de la rue oblige ses organisateurs a assurer la vie paisible d’un campement. Ce qui les conduit a entamer et poursuivre des pourparlers avec les riverains et les pouvoirs locaux et a instaurer des rapports de cooperation avec la police. La duree meme de ces installations a ete rendue possible par le fait que leurs responsables ont fait la preuve quotidienne qu’ils etaient capables de prendre en charge les questions d’appro-visionnement, de securite et d’hygiene qui incombent, en temps normal, aux services specialises. Et tant que lordre regnait sur les places, sous le regard de la police, celle-ci ne disposait d’aucun pretexte justifiant l’urgence d’une action repressive.

Les rassemblements et les occupations se sont ainsi imposes comme des formes d’ac-tion politique legitimes, avec cette caracteristique paradoxale d’etre, comme les emeutes, des actes d’illegalite et, comme les manifestations, un mode de protestation non violent. Et cette legitimite a pu se maintenir pres d’un mois durant. Mais la legitimite nest pas une condition de l’efficacite : quel peut etre l’impact d’une forme d’action politique qui affiche sa volonte de preserver sa nature non violente ?

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Les rassemblements et les occupations ne sont ni un happening, ni un festival de musique : ce sont des mouvements de protestation. Ce qui veut dire que ceux qui s’y sont engages lont fait, en partie au moins, au nom d’une revendication a laquelle ils ont esperes obtenir satisfaction. Cet espoir, qui confere sa nature politique a Taction, cree une attente et conduit les participants a porter un jugement sur l’utilite de leur engagement ; d’autant plus qu’il peut devenir eprouvant, dangereux et fatigant. Un des criteres utilises pour former ce jugement est le succes ou les acquis que la mobilisation a permis dengranger. Or cest bien ce qui est le plus difficile a etablir : une fois passe le temps de la mise en place d’un ordre local et des conditions de sa reproduction au quotidien, une fois passees lexaltation des premieres assemblees et la repartition des taches en diverses commissions, une fois les responsabilites distribuees et les regles de conduites collectives edictees, une fois l’infrastructure de communication installee, une fois les debats enthou-siasmants devenus repetitifs ou lassants, arrive un moment ou il faut dresser le constat de ce a quoi tout cela peut servir. Si le sentiment prevaut alors que rien n’a change (ce qui est generalement le cas) et que rien ne changera vraiment, une interrogation saisit les participants : doit-on renoncer (en admettant eventuellement que lexistence du mouvement etait, a soi-seul, le but de Taction) ou decider doperations qui ont une autre virulence ? Et cest bien ce qui sest produit a mesure que lepuisement gagnait les places, a la Puerta del Sol ou a Zuccotti Park comme a Tahrir ou a Ma'idan. Et a la question : « pourquoi tenir la place ? », la reponse n’a pas ete (cest le moins quon puisse dire) la meme dans tous les lieux ou elle sest posee.

Dans les situations democratiques, comme a Madrid ou a New York, l’idee d’abandon-ner la non-violence a ete emise et debattue au bout de trois semaines doccupation environ. Et les arguments qui se sont opposes dans ce debat ont retrouve les lignes d’un clivage classique. Pour les uns, se faire reellement entendre des gouvernements et des puissants reclamait desormais de recourir a des actions menaqant directement et materiellement leur pouvoir ; pour d’autres, la non-violence etait la seule garantie de l’enracinement et du developpement d’un mouvement dont lobjet n’avait jamais ete dentrer dans un rapport de force avec les autorites, mais de faire entendre la voix ignoree des citoyens et dexiger un changement radical dans la maniere dont les affaires publiques sont conduites. La question du recours a la violence n’a pas ete tranchee par les assemblees, mais la decision de lever le camp fut prise peu apres quelle ait ete publiquement posee a Madrid (au bout de quatre semaines doccupation) ; tout comme celle devacuer le Park fut proclamee par les tribunaux et execute, sans opposition, par la police a New York (apres deux mois doc-cupation). A Londres, loccupation dura pres de cinq mois, sur un terrain gracieusement mis a disposition par l’Eglise anglicane, et s’arreta volontairement et dans la lassitude, comme ce fut egalement le cas a Geneve, Amsterdam ou Francfort.

Dans les situations autoritaires, comme au Caire ou a Kiev, la question de la non-violence a donne lieu a tout autre traitement. C’est sans doute que le contenu de la reven-dication qui a motive le mouvement y a pris une dimension plus vitale et plus ciblee : la chute d’un regime de corruption et de terreur. Dans ces cas, l’occupation a une vocation differente : entrer dans une confrontation pacifique mais irremissible avec des dirigeants

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desavoues. Et tant que le pouvoir ne cede pas, l’alternative est claire : dispersion par la force armee (sur le mode de la repression du campement de la place Tienanmen a Pekin en 1989) ou demission ou fuite des dirigeants (Ben Ali en Tunisie, Moubarak puis Morsi en Egypte, ou Ianoukovitch en Ukraine). Ici, la question de la non violence se pose en d’autres termes : dans la mesure ou la majorite des participants refuse de renoncer avant d’avoir obtenu satisfaction, recourir a la violence apparait comme un moyen dont il pour-rait etre necessaire de se servir, le cas echeant, pour mettre en application la resolution collective portee alors par une maxime : vaincre ou mourir.

Le deroulement de ces evenements illustre un phenomene : une sorte de logique de passage de la non violence a la violence senclenche des que ceux qui menent un combat politique pour une cause qui est essentielle a leurs yeux voient que les cibles qu’ils se donnent se derobent devant eux ou ne repondent pas aux attaques dont ils font lobjet. On sait que l’idee de renoncer a une action politique faute de reaction et sans que rien n’ait ete obtenu est, generalement, couteuse au sens ou elle devalorise les efforts qui ont ete consentis pour faire aboutir une revendication que lon croit juste et creent un sentiment dechec qui affaiblit la possibilite de relancer une mobilisation. Mais le sens commun politique le dit : il faut savoir arreter une greve... et un rassemblement ou une occupation aussi. Ces formes d’action politique ne sont pas faites pour durer eternellement. Il nest pas rare cependant dobserver que, lorsquelles cessent, reste toujours un groupe pour le-quel ce renoncement sonne comme une trahison et qui appelle a poursuivre la lutte. Puis il peut arriver que quelques uns se resolvent a passer aux choses serieuses en decidant de se livrer a des actes de violence, voire a sengager dans le terrorisme. Le fait que ce choix ne concerne jamais qu’une infime minorite d’individus est une indication de lexistence d’une sorte de preference pour la non violence ; ou, plus simplement, celle de la peur face a l’incertitude, aux perils ou au chaos que la violence ne manque pas de dechainer ; ou encore la certitude que ce genre d’action ne parviendra pas a alterer l’inflexibilite des pou-voirs attaques. Cest cette question du rapport entre violence et politique que les debats qui ont eu lieu dans les rassemblements et les occupations ont eu a affronter et a resoudre de faqon pratique.

De la violence en politique

La conception que nous nous faisons du rapport entre violence et politique reste fixee par la definition que Weber a donnee de l’Etat en tant que “detenteur du monopole de la violence legitime” Cette definition trace une frontiere : l’Etat a mission de garantir la paix civile et les interventions qu’il doit mener pour le faire sont, tant quelles demeurent episodiques et que la legitimite de son pouvoir nest pas sapee par cette repression, rela-tivement incontestables. On sait que, chez Weber, cette legitimite peut avoir trois fonde-ments : la tradition, le charisme ou la rationalite administrativo-bureaucratique — qui est le regime de legitimite qui prevaut dans les democraties contemporaines ou la detention du pouvoir procede du peuple, dans la representation qu’il donne de lui-meme a loccasion d’elections. Certains considerent cependant que cette representation est faussee puisque

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les institutions d’Etat (ecole, justice, police, travail social, etc.) se chargent de reproduire les conditions de la domination des puissants, tout en s’arrangeant pour controler les forces qui viendraient la contester ou la remettre en cause. Dans cet arrangement, les actions menees par ceux qui denoncent la violence de lordre etabli tombent sous la qualification officielle de “violence” alors que celles qui les repriment (cest-a-dire le travail de la police, des services secrets ou des officines qui traquent ou font taire les contestataires les plus virulents ou les plus dangereux) se nomment operations de retablissement de la securite publique. Mais cette distinction entre usage legitime et illegitime de la violence se reduit-elle uniquement a la question du monopole de son exercice au service de rim-position d’une ideologie visant a favoriser la reconduction d’une hegemonie de pouvoir ? Ne serait-elle pas egalement liee au processus de pacification des relations politiques qui caracterise les regimes democratiques ?

On mesure generalement la vitalite d’une democratie a l’aide d’une serie d’indica-teurs : elections libres et sinceres ; separation reelle des pouvoirs ; organisation de la societe civile ; liberte d’information, d’association et de contestation ; impartialite de la justice ; garantie du droit a la defense ; respect des droits de l’homme et du droit de pro-priete ; abolition du delit doutrage ; intervention des citoyens ordinaires dans le processus de decision legislative. S’il nexiste pas de regime democratique si parfait qu’il remplirait pleinement lensemble de ces indicateurs, on peut dire qu’un Etat qui pretend etablir un tel regime s’inscrit dans une dynamique qui tend a les remplir.

Deux autres indicateurs permettent cependant d’apprecier l’intensite d’une vie democratique : lextension accordee a la negociation et au droit dans la resolution des conflits et le degre de pacification des rapports politiques. Il est en effet de la nature du processus de democratisation d’installer une habitude de consensus, qui contribue a reduire les antagonismes et finit par produire un assentiment des citoyens pour exclure le recours a la violence physique des formes acceptables dexpression des opinions discordantes. De faqon paradoxale, cet assentiment inocule lentement les germes du desinteret et de l’indifference pour les affaires politiques, dans la mesure ou legalisation des conditions se poursuit, en reduisant les raisons d’un desaccord fondamental. Cest un peu cela qui ex-plique la convergence des programmes des partis et, consequemment, l’augmentation du taux d’abstention aux elections. D’une certaine maniere, plus le processus dure sans etre remis en cause (par une crise grave, une revolte alarmante, un coup d’Etat ou une guerre), plus il etablit la legitimite d’une meme modalite d’exercice du pouvoir, admise par tous les partis qui obtiennent, alternativement, la responsabilite de la conduite des affaires pu-bliques (avec de modestes variations a la marge). Dans ce lent mouvement d’apaisement des passions politiques, les citoyens en arrivent tout logiquement a considerer que les en-jeux electoraux ne sont plus vraiment determinants, et le principe de l’alternance semble lui-meme frappe dobsolescence. Avec cette attenuation de la virulence de la competition inherente au systeme representatif, la possibilite de remettre radicalement en cause les regles instituees de la vie politique semble se vider de toute substance. Mais alors, ou aller trouver les ressources permettant de sopposer a la violence de l’Etat qui, elle, continue

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a sexercer, et parfois sans menagements pour ceux dont les gouvernants refusent den-tendre les doleances ou jugent quelles sont irrationnelles ?

En fait, lexclusion de la violence des relations politiques en democratie est toujours conditionnelle. Rien nempeche jamais des citoyens d’y recourir pour manifester leur de-sapprobation de lordre courant des choses. Il peut ne s’agir que d’une eruption dexas-peration ou de colere (vandalisme, pillages ou emeutes) motivee par des conditions dexistence devenues insupportables et clamant, par ce truchement, un desir de les voir transformees. Les suites donnees a ces eruptions varient avec le degre de developpement politique du pays concerne : les reponses apportees aux emeutes de la faim ou de la colere dans les pays pauvres ne sont pas les memes que celles qui le sont aux emeutes urbaines qui eclatent dans les quartiers de relegation des pays developpes. Parfois cependant, des groupements politiques se constituent autour d’un projet qui tient le recours a la violence pour moyen dexpression exclusif d’une revendication qui vise le renversement d’un pouvoir en place et la destruction du mode de domination qu’il impose (revolte armee, terrorisme, guerilla, ou revolution).

En regle generale, c’est la repugnance obstinee des dominants a tenir compte des exigences legitimes des domines (en termes de dignite, de justice, degalite ou de vie decente, etc.) qui justifie la necessite d’un usage direct de la violence. Mais si la lutte armee semble legitime lorsqu’il s’agit de renverser un regime autoritaire ou un pouvoir qui bafoue de-liberement les libertes fondamentales, elle ne lest en aucun cas dans un Etat de droit. Dans ce cadre, un principe domine : force doit rester a la loi dans la mesure ou elle est l’emanation de la souverainete populaire et que rien n’interdit, en principe, qu’elle puisse etre modifiee a loccasion d’une alternance. Cest en ce sens que la violence est conque comme antinomique de la democratie. Pourtant, la maniere dont la question du passage a la violence sest trouvee posee a loccasion des rassemblements et occupations conduit a apprehender cette antinomie de faqon plus dynamique et a se demander a quelles conditions et dans quelles circonstances l’expression d’une revendication politique en vient-elle a envisager le recours a la violence.

Le spectre des usages de la violence

L’institution d’un Etat de droit n’eradique pas completement l’usage de la violence de la vie politique, mais lui assigne une place residuelle dans les changements qui l’affectent. Cest en tout cas la leqon qu’il faut tirer des faits. D’une part, on observe regulierement que des manifestations violentes, des saccages, des caillassages ou des destructions viennent quelquefois exprimer, en democratie, la force d’une revendication categorielle (frondes paysannes, jacqueries, occupations d’usines, destruction de champs d’OGM, demontage detablissements de restauration rapide, etc.). D’autre part, et de faqon moins dramatique, on sait que des figures pacifiees de violence apparaissent dans l’espace public, comme c’est le cas lorsqu’une organisation politique sengage dans la “construction d’un rapport de forces”. Ce qui apparente cette action a la violence est le fait quelle pose en principe un an-tagonisme absolu entre parties en conflit, conteste la possibilite d’un consensus et rejette

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la volonte d’y parvenir. Et cette modalite pacifiee de confrontation brutale peut prendre des allures extremes : celles de la “greve generale” ou d’une greve de la faim

Ces formes ritualisees d’usage de la violence sont relativement bien integrees dans lordre courant des choses democratiques. Leur fonction est connue : faire constamment peser une menace sur une negociation, en brandissant le spectre d’une explosion ou d’un acte irreparable, qui ne se produisent que de faqon exceptionnelle. Pour illustrer ce phe-nomene, on peut considerer une action politique — par exemple la mobilisation pour lobtention de cartes de sejour pour des travailleurs devenus clandestins du fait d’un dur-cissement de la loi ou du zele d’un directeur de service. Pour ceux qui embrassent cette cause, cette revendication est juste et legitime, ce que leur confirme le fait qu’elle est publi-quement defendue par des syndicats, des associations ou des comites de soutien. Imagi-nons que des negociations s’ouvrent avec les pouvoirs publics et que ceux-ci se montrent inflexibles. La lutte monte d’un cran : les travailleurs occupent des locaux et decident d’arreter de s’alimenter jusqu’a obtenir satisfaction. Imaginons encore que les autorites reagissent en faisant evacuer les locaux et en nourrissant de force ceux qui persistent a ne pas vouloir manger. Faut-il alors renoncer (ou accepter de negocier au cas par cas de faqon cachee l’attribution de cartes de sejour pour que le gouvernement ne perde pas la face) ou envisager de passer a la violence (que les participants peuvent parfois retourner contre eux-memes, en se suicidant ou en s’immolant par le feu en un geste altruiste ou simplement desespere) ?

Un autre exemple de cette interrogation qui nait, dans le cours meme du combat politique, au sujet du bien-fonde du recours a la violence est fourni par Jerome Lindon dans son engagement d’editeur pour denoncer et faire cesser la pratique de la torture durant la guerre d’Algerie. Il commet, tout d’abord, un acte de desobeissance civile en publiant deliberement deux textes decrivant les exactions commises en France et en Algerie : Pour Djamila Bouhireb, de George Arnaud et Jacques Verges, et La question de Henri Alleg — qui est saisi le 27 mars 1958. Il recidive en publiant LAffaire Audin de Pierre Vidal-Naquet, qui prone l’insoumission et le refus dobeir a des ordres manifestement illegitimes, ce qui tombe sous le coup de la loi. Le 18 juin 1959, Lindon publie la Gangrene, cinq temoignages detudiants algeriens tortures par la DST, qui est immediatement saisi (mais dont la reedition en juillet 1959 ne le sera pas). En continuant a publier des ouvrages dont le caractere subversif est revendique, Lindon vise ostensiblement a etre mis en accusation devant un tribunal, aux seules fins de porter la question de la torture dans le debat public. Or, si les livres qu’il edite sont regulierement saisis dans le but de ruiner sa maison d’edition, un seul proces lui sera intente, en decembre 1961, pour “incitation de militaires a la desobeissance” a loccasion de la publication d’un roman intitule Le Deserteur, ecrit par un officier ayant participe a cette guerre et defendant la legitimite de la desertion. L’interdiction du livre sera confirmee par le tribunal, et Lindon condamne a une amende qui sera reglee par un groupe dediteurs en soutien aux Editions de Minuit. Mais, comparaissant plus tard devant un tribunal comme temoin dans le proces d’un groupe de militants venant en aide au FLN (Front de Liberation Nationale algerien) — le reseau Jeanson —, Lindon declarera, comme pour defendre l’action de ces “porteurs de valises” qui, en se mettant au

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service de la resistance algerienne en transportant de l’argent pour acheter des armes, ont choisi de commettre des actes qui, a lepoque, relevaient de la trahison :

“au cours de ces trois dernieres annees, les reactions provoquees par ces ouvrages sont pratiquement nulles Ni les auteurs de ces textes, ni moi-meme n’avons jamais ete poursuivis en diffamation. Ce qui est plus grave, cest que, a ma connaissance, aucun des faits denonces dans ces ouvrages n’a ete, pour leurs auteurs, une cause d’inquietude [...] Quand je vois l’inefficacite de la lutte que j’ai menee ; que d’autres ont mene avec moi pour une cause qui est evidemment legitime, celle de la lutte contre la torture, quand je vois que cette lutte a ete totalement inefficace, je suis oblige de me dire que c’est peut-etre parce qu’elle est restee dans le strict domaine de la legalite.”

Faire de l’usage direct de la violence le moyen de l’action politique nest toutefois pas une demarche courante. Elle a longtemps ete l’apanage de nationalistes luttant pour la liberation et l’independance de leur pays ; ou de revolutionnaires visant a detruire le sys-teme dexploitation capitaliste. Plus recemment, elle est celle de militants dextreme-droite voues a la defense de la civilisation occidentale menacee par l’“invasion islamiste” (pour lesquels le meurtrier norvegien Anton Breivik est devenu une icone) ; ou celle d’acti-vistes anarchistes, altermondialistes ou ecologistes en lutte contre lexploitation a leurs yeux ehontee et criminelle des etres humains et des ressources naturelles par un systeme productif exclusivement mu par le profit a court terme. La cause ecologiste introduit une difference : alors que les revolutionnaires definissent un ennemi, le combat pour lenvi-ronnement s’attaque a la somme des atteintes a la planete et a la biosphere, qu’elles soient celles des entreprises ou celles de individus, independamment du lieu ou elles se pro-duisent. De ce fait, sen prendre violemment a des activites ou des industries qui contri-buent, dans un cadre national, a degrader l’environnement ne suffit en rien pour gagner ce combat. Ce sont tous les Etats du monde qui devraient se plier a une meme discipline, en leur faisant adopter des mesures drastiques de prevention et de securite. La chose nest pas simple a realiser — meme si des organisations internationales reuvrent a essayer de la faire advenir. En depit de cette limite, les activistes qui defendent l’avenir de la vie sur la planete peuvent sen prendre, de faqon violente, a des agissements qui, dans leur pays de residence, persistent a porter atteinte a l’air, a leau, au climat, aux especes animales et vegetales, en ignorant deliberement les degats qu’ils causent. Cest le cas, en particulier, des activistes ecologistes radicaux americains qui ont choisi le terrorisme pour sauver la nature et l’humanite de son sort fatal.

En somme, de son usage direct a ses usages pacifies en passant par ses usages spora-diques et son usage legitime a des fins de maintien de lordre social, la violence ne cesse de figurer l’arriere-plan (redoute ou integre) sur lequel se detache l’action politique. C’est pourquoi il est possible d’affirmer que la croyance en lefficace de la non violence est non seulement infondee, mais qu’elle conforte la distinction entre violence legitime et illegi-time qu’impose un ordre de domination etabli.

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La rationalite politique de la non violence

La critique du choix de la non violence en politique renvoie a une question : l’activite politique sert-elle a amenager la hierarchie et l’inegalite des conditions des citoyens tout en preservant un mode de vie dont l’injustice ou le caractere insoutenable est avere ; ou bien consiste-t-elle a mettre un terme a cet etat de fait en imposant une veritable egali-te, la fin de la domination et de lexploitation des humains comme de la nature ? Deux options s’affrontent sur ce point — qui ont alimente les debats qui se sont tenus dans les rassemblements et les occupations : d’un cote, les realistes admettent qu’il faut prendre les choses telles quelles sont et composer avec elles du mieux possible ; de l’autre, ceux qui affirment que ce qui passe pour etre la realite est un leurre qui masque les interets de quelques uns et qu’il faut en devoiler le caractere trompeur ou alienant — ce qui doit probablement impliquer le recours a la violence. Cette ligne de partage separe egale-ment deux manieres de mener un combat pour le changement : soit agir dans lordre du politique, cest-a-dire dans ces multiples arenes publiques dans lesquelles un travail s’accomplit qui fait advenir des problemes d’interet collectif et definit les limites du bien commun comme la maniere de l’instaurer ; soit agir dans le monde de la politique, cest-a-dire reuvrer au renversement d’un regime ou a la destitution d’une domination afin de permettre l’avenement de la liberte et de l’autonomie des individus. Cest du point de vue de la politique que le choix de la non violence peut etre tenu pour irrealiste ou naif. Et il est vrai quon peut lui reprocher d’introduire un ecart insurmontable entre le but pour-suivi (modifier les effets de la stratification sociale et la repartition inegale des avantages quelle induit) et le moyen adopte pour l’atteindre (une forme d’action non violente). Car qui peut sincerement croire que les milieux qui tirent benefice d’une domination ou d’un systeme d’exploitation renonceraient a certains de leurs privileges contestes sans y etre contraints par la force ? Mais ce jugement est partial : il ne prend pas en ligne de compte le fait que le choix de la non violence peut avoir un caractere strategique. Comment donc ceux qui optent pour cette maniere d’agir en politique conqoivent-ils son efficace ?

L’argumentation qu’utilisent les organisations politiques appelant a l’usage direct de la violence suit un raisonnement qui enchaine une suite de propositions : les interets des groupes sociaux reunis au sein d’une meme entite politique (qu’ils soient de classe, eth-niques ou existentiels) sont totalement irreconciliables ; d’ou il decoule qu’un pouvoir impose la domination sans partage d’un systeme qui sert des interets particuliers contraires a ceux de l’humanite ou de la planete ; et que le maintien de lordre etabli vise uniquement a reproduire les conditions de l’injustice, de l’indignite et de l’indecence de certains de ces interets. Au final, cest parce quelle ne prend pas acte de la nature foncierement agonis-tique de la societe que la non violence est tenue pour conforter un “consensus” qui, fonde sur la violence qu’exercent les institutions de la reproduction de la domination, profite aux puissants.

Dans ce raisonnement, la pacification des relations politiques se presente comme une illusion ou un leurre ideologique. Ce leurre est souvent presente, comme le fait A. Bros-sat, en termes moraux :

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“Le mouvement de pacification de la vie sociale et du domaine politique a pour enjeu un formatage rigoureux des perceptions collectives de « la violence » et une reforme radicale du code destine a separer le violent du non-violent [...] Dans ces conditions, « la violence » tend a devenir d’une maniere exclusive le fait de l’autre — du pauvre, de l’immigre, de la plebe mondiale, de l’islamiste, de l’Etat-voyou.

Elle tend toujours davantage a faire lobjet de rites de detestation et dexorcismes, a devenir une question morale plutot que politique ou sociale. Son evocation pejorative devient un moyen de gouvernement des populations a la peur et a la securite, davantage qu’a la paix”

Avant d’admettre cette idee, on peut tout de meme se demander comment la violence pourrait jamais etre collectivement adoptee comme fondement d’un mode acceptable et viable de regulation des conflits interpersonnels. Pour penser cette eventualite, il suffit simplement de considerer la situation qui nait lorsque la loi du plus fort fait droit, comme cest le cas lorsque l’injustice et la peur sont imposes par les pouvoirs despotiques ou les mafias ; lorsque la corruption generalisee ordonne les relations dechange ; ou lorsque les bandes ou les ca'ids font regner lordre machiste de la “culture de rue” dans les quartiers de relegation. Que ce soit pour des raisons de sensibilite ou de principe, on peut admettre que la violence fait lobjet, dans les democraties avancees en tout cas, d’une aversion et d’un rejet tant de la part du personnel politique que de celle des citoyens. La meilleure illustration de ce phenomene serait le discredit qui y frappe, de faqon retrospective, les mouvements de type Action directe, Bande a Baader, Brigades rouges ou ETA ; ou, de fa-qon plus contemporaine, les attentats terroristes. Le constat de l’aversion pour la violence est aussi celui que dressent les activistes les plus radicaux, lorsqu’ils admettent qu’ils sont voues a etre minoritaires (les gens preferent lordre au chaos) ou preconisent le recours a une violence ciblee (concentrer les attaques contre des biens materiels ou symboliques et etre attentifs a ne pas faire de victimes) pour ne pas provoquer le rejet de ceux qu’ils assurent defendre.

Les rassemblements et occupations de places ont fait le choix inverse : celui du strict respect de la non-violence. Et ce nest ni par faiblesse, ni par aveuglement, ni par confor-misme ideologique, mais pour repondre a une strategie politique fondee en rationalite. La force de ces formes d’action, comme celle de tous les mouvements de protestation politique extra-institutionnelle, se trouve essentiellement dans la legitimite qu’ils par-viennent a obtenir a la fois par la justesse de la revendication qu’ils expriment et par le nombre de personnes qu’ils arrivent a reunir pour la defendre. Une condition de leur succes reside donc dans un element : l’unanimisme de la revendication, c’est-a-dire le fait quelle puisse valoir pour tout un chacun sans exclusive. Les meilleurs exemples de cet unanimisme se trouvent dans deux slogans qui ont ete repris, a toutes sortes de fins, aux quatre coins de la planete depuis 2011 : “ Nous sommes les 99 %” ou “Le peuple veut”. On voit immediatement le flou qui entoure ces invocations. Mais ce flou a la vertu cardi-nale d’exclure le moins de personnes possible de la participation, ce qui permet de remplir un imperatif propre a cette forme d’action politique : faire nombre. Maintenir le caractere unanimiste de la revendication est ainsi la premiere arme dont il faut essayer de preserver

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la puissance. Une seconde raison strategique qui plaide en faveur de la non violence est le souci de ne pas disqualifier la revendication en alimentant la propagande que les pouvoirs en place, via les medias, ne manqueraient pas de faire en montant en epingle des actes delictueux ou en insistant sur le caractere effrayant ou barbare de certains manquements a la bonne morale ou a l’hygiene. Une troisieme raison est de ne pas rendre legitime la repression policiere, que des actes de provocation et de violence viendraient instanta-nement justifier. Une autre raison du choix de la non violence vient dune appreciation realiste du rapport de force et de l’implausibilite dun changement immediat et brutal de la situation dont on conteste la justesse ; et lun de ses corollaires : mettre au jour la violence du pouvoir en lui opposant le calme dune voix qui sexprime de faqon resolue pour le droit et contre l’injustice, en acceptant meme de se faire violenter sans reagir ou en offrant son corps desarme a la repression. Une derniere raison du choix strategique de la non violence est que le caractere pacifique de la protestation est un exemple qui permet d’muvrer a une transformation des mentalites a long terme et a l’avenement dun changement politique majeur.

Telles sont les raisons quon peut avancer pour convaincre du caractere reelle-ment politique du choix de la non violence. Mais ce choix peut egalement etre justifie en montrant qu'il a produit des effets aussi concrets que ceux que la violence aurait pu avoir. Les exemples abondent : Gandhi, Luther King, Walesa, Havel, Sakharov, Mandela, Aung San Suu Ky. A un moindre niveau, cest aussi ce quon peut dire de la revendication de democratie reelle telle quelle sest exprimee dans les rassemble-ments et occupations de places. Elle a tout d'abord inscrit, dans le debat public et sur l’“agenda” de l'action politique officielle, de questions qui n'y figuraient pas. Elle a ensuite hater les transformations de Organisation et de la vie interne des partis et des syndicats, comme par exemple l'introduction de “primaires” dans les partis, le rajeunissement de leurs cadres, les nouvelles modalites d'adhesion dans les syndicats, et la modification des revendications pour faire droit a des elements de contestation inedits. Elle a egalement fait valoir la necessite de reformer les faqons de faire de la politique, denonqant lopacite des decisions, la corruption des elites et la connivence entre professionnels de la politique et journalistes et rappelant a lexigence de rendre au politique la noblesse de sa vocation originelle : etre au service exclusif du bien commun. Elle a enfin entrame une reconfiguration de l’“offre” politique. Cest ainsi quont vu le jour ou se sont constitues des Forums (regroupant un ensemble de forces de contestation sociale, en particulier syndicats et associations, comme en Espagne), des “mouvements” (comme les M5S en Italie), des partis (Parti X en Espagne, M5S en Italie, Le Parti Pirate en Suede, Allemagne ou France) ; ailleurs, des porte-parole des occupations se sont resolus a rejoindre des listes de partis traditionnels (comme en Israbl). La decision de certains d'accepter de prendre part active au processus electoral a souvent modifie les equilibres politiques traditionnels, en soulevant la perplexite des experts, des journalistes et des analystes (re-election de Barack Obama, succes du nouveau parti “Yesh Atid” — “Un avenir existe” — en Israbl et du M5S en Italie, vic-toire de Opposition au Quebec a la suite du Printemps erable).

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Tous ces developpements demontrent que, plus une democratic est avancee, plus une certaine continuite s’instaure entre lensemble des modalites dexpression des voix dis-sonantes des citoyens. Admettre une telle continuite oblige a reconnaitre que la participation a la vie politique se construit, en democratie, comme une sorte de bricolage, qui permet a chacun, sans contradiction, de recourir, selon les circonstances et de la maniere dont il lentend, a la procedure electorale (le vote ou l’abstention), a la negociation sociale (le droit du travail), a lopposition politique (partis, syndicats, associations), a l’arme du droit (tribunaux ordinaires, juridictions specialisees, instances europeennes), a la manifestation et a la greve, a lexpression publique et artistique, a des formes d’action non-vio-lente (desobeissance civile, rassemblements, occupations) ou a certains usages pacifies de la violence. Ce qui veut dire que tout pouvoir qui veut faire progresser la democratie doit pleinement accepter de voir se multiplier les formes d’action politique que les citoyens adoptent pour defendre une de leurs revendications. Et cela a la seule condition que cette revendication se formule et sexprime sur un mode tenu pour legitime par les membres de la societe civile que cette revendication concerne, et pas par des autorites publiques ou religieuses qui l’autorisent ou la tolerent.

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