Научная статья
УДК 811.133.1
DO110.52070/2542-2197_2022_5_860_16
Функционирование процесса усечения слов и сокращений (в статьях французских ежедневных газет)
У. З. Ибрагим
Азербайджанский университет языков, Баку, Азербайджан
Аннотация. Статья посвящается процессу усечения и сокращения слов в современном французском языке
на материале ежедневной прессы. В статье описываются часто употребляемые формы усечений, объясняется различие между понятиями усечение и аббревиация. Особое внимание уделяется особенностям усеченных словоформ. В ходе исследования выявлено, что во французском языке грань между различными формами сокращений прочерчена недостаточно точно, и данная тема нуждается в более глубоком исследовании.
Ключевые слова: усеченные слова, сокращения, французская пресса, афереза, аббревиация, апокопа, телескопные слова
Для цитирования: Ибрагим У. З. Функционирование процесса усечения слов и сокращений (в статьях французских ежедневных газет) // Вестник Московского государственного лингвистического университета. Гуманитарные науки. 2022. Вып. 5 (860). С. 16-23. DOI: 10.52070/2542-2197_2022_5_860_16
Original article
Functioning of the Process of Turning Words
and Abbreviations (in articles of French daily newspapers)
Ulfat Z. Ibrahim
Azerbaijan University of Languages, Baku, Azerbaijan [email protected]
Abstract. The article is devoted to the study of the process of truncation and reduction of words in modern
French on the material of the daily press. This article describes commonly used forms of truncation and explains the difference between truncation and abbreviation. Particular attention is paid to the study of the linguistics particularities forms of words, as well as the category of gender and the number of abbreviated words. The study revealed that in the French language, the line between different forms of abbreviations is drawn rather imprecisely, and this topic needs more in-depth research.
Keywords: truncated words, reduction, French press, apheresis, abbreviation, apocope, telescopic words
For citation: Ibrahim, U. Z. (2022). Functioning of the process of turning words and abbreviations (in articles of
French daily newspapers). Vestnik of Moscow State Linguistic University. Humanities, 5(860), 16-23. 10.52070/2542-2197_2022_5_860_16
introduction
Notre recherche est consacrée à L'un des phénomènes Linguistique du français contemporain, à L'étude de La troncation et du raccourcissement des mots, tirés des journaux quotidiens français. En effet L'apparition et Le fonctionnement des mots raccourcis en français n'est pas un phénomène nouveau. Mais La grande vogue des mots raccourcis est apparue au XXe siècLe. Leur présence quasi permanente à L'écrit et à L'oraL aujourd'hui ne Laisse aucun doute, iL suffit d'ouvrir au hasard n'importe queL journaL ou pubLication scientifique, technique, économique, popuLaire pour en être convaincu. Les mots raccourcis faciLitent La communication en synthétisant Le concept considéré. Cette synthétisation est obtenue par La réduction graphique et phonétique de La séquence syntaxique. C'est Leur empLoi fréquent non seuLement dans La Langue parLée, mais aussi dans La Langue écrite et Le rôLe incontournabLe de La presse quotidienne française dans La fixation du nouveau vocabuLaire qui demande une expLication et une recherche pLus approfondie sur ce phénomène.
objectifs de la recherche
L'objectif principaL de notre recherche est d'identifier et de faire La description de La nature et La position des mots qui sont formés par troncation. Pour atteindre cet objectif nous avons créé un corpus des mots tronqués, des aphérèses et raccourcis empLoyés dans Les articLes socio-poLitiques de La presse française pour anaLyser Leurs particuLarités LexicaLes phonétiques et fonctionneLLes.
OueLLes sont Les formes courantes de La troncation ? OueLs sont Les mots tronqués utiLisés fréquemment dans La presse ? Dans cette recherche nous essayons de répondre à toutes ces idées.
Dans un premier temps, nous avons essayé d'étudier Les différentes définitions des formes raccourcies en français moderne afin de distinguer et d'éviter toutes Les confusions concernant Les termes du raccourcissement teLs que La troncation, appeLée égaLement : abréviation (au sens restreint), d'autres procédés d'abrègement.
Dans un deuxième temps, nous nous sommes concentrés sur La partie pratique de notre recherche afin d'identifier et d'anaLyser Les mots raccourcis.
Ce phénomène Linguistique est au centre de L'intérêt de pLusieurs spéciaListes. Les travaux sérieux consacrés à La troncation son menés par CaLvet LouisJean (1980), Dister Anne (1998), KerLeroux Françoise (1999), Antoine Fabrice (2000), Fridrichova Radka (2013), Raccah Pierre-Yves (2015). Chaque Linguiste
s'est intéressé aux questions particuLières Liées à La troncation. Certains auteurs se sont concentrés sur Les mots tronqués et Leurs caractéristiques, d'autres ont fait des recherches sur Les motivations de La troncation.
DÉFINITION des TERMES "ABRÉVIATION", "SIGLE", "TRONcATION", "AcRONYME"
L'abrègement est à présent un phénomène Linguistique très répandu. Le français contemporain est riche de ces formes d'écritures et de parLers. Nous Les découvrons partout dans Les journaux, dans Les magazines, Lors de nos conversations, dans Le Langage popuLaire.
Le français empLoie quatre formes d'abrégés qui permettent La naissance de mots nouveaux et L'enrichissement du vocabuLaire. Ces quatre principaLes formes de raccourcissements sont : Les sigLes, Les acronymes, Les abréviations et Les troncations.
Les définitions de ces quatre procédés varient d'un auteur à L'autre et Le terme abréviation ne porte pas une définition cLaire et unanime.
Pour pouvoir traiter un probLème, iL faut tout d'abord définir Le sens même de sa notion pour éviter des confusions éventueLLes.
Les grammairiens d'aujourd'hui préfèrent Le terme abrègement pour désigner L'abréviation, mais iLs éLiminent Les sigLes de cette définition.
Citons à titre d'exempLe André Martinet qui, dans La grammaire fonctionnelle du français, souLigne essentieLLement deux sortes de raccourcissements : L'abrègement et Le sigLe. Ici L'abrègement est considéré comme un procédé de création par L'abréviation et Le sigLe est déjà Le résuLtat du procédé de sigLaison, ce qui est une distinction correcte [Martinet, 1979, p. 237].
H.-D. Béchade, dans L'origine et le sens des mots, définit L'abréviation au sens Large, c'est-à-dire avec un procédé de création de mots nouveaux et détermine La sigLaison de même que La troncation comme des variantes de L'abréviation. D'après Lui, La troncation est « un phénomène qui procède par raccourcissement d'un mot... » [Béchade, 1994]. En même temps iL préfère Le terme de raccourcissement pour désigner L'abréviation.
D'après Les auteurs de La grammaire méthodique du français, La Langue française empLoie d'autres autres procédés qui enrichissent Le vocabuLaire : Le sigLe et L'abréviation. De pLus, iLs affirment que cette dernière « donne Lieu à La troncation » et Le mot troncation sert à souLigner sa spécificité : « L'abréviation constitue une réduction du signifiant d'un mot, Le signifié restant en principe inchangé. ELLe donne Lieu à La troncation des mots Longs (pLus
de trois syllabes), le plus souvent retranchement d'une ou plusieurs syllabes finales ; deux ou trois sont conservées, parfois une seule » [Riegel, Pellat, Rioul, 1994].
Chaque spécialiste en linguistique essaie de donner sa propre définition de la notion de l'abréviation d'où vient la confusion inévitable des termes et des idées. Maurice Grevisse dans son œuvre «Le bon usage» va plus loin afin de faire une distinction plus nette en séparant de façon très concrète la réduction et l'abréviation. Il nous apprend que « l'abréviation est un procédé graphique consistant à écrire un mot en n'utilisant qu'une partie de ses lettres : M. pour Monsieur ; n° pour numéro. Il n'y a pas de prononciation particulière pour la forme abrégée ... il est donc tout à fait gênant d'employer le mot abréviation pour un autre phénomène, que nous appelons réduction » [Grevisse et Goosse, 2021, p. 29].
Il considère l'abréviation et la troncation comme deux procédés différents. D'après lui, l'abréviation est un phénomène graphique, tandis que la tronca-tion est un phénomène lexical.
Même si Le Petit Robert distingue déjà un sigle d'une abréviation (soulignons que cette distinction n'est pas explicitement établie dans la définition), c'est-à-dire, une forme qui supprime une partie d'un mot et une autre qui se limite aux lettres initiales, il comprend toujours sous une abréviation aussi une troncation, il mentionne le bus, c'est-à-dire l'autobus et il l'écrit en majuscules ce qui est une forme très rare [Le Petit Robert, 2015, p. 9].
L'acronyme mot formé d'initiales ou de syllabes de plusieurs mots, de acro- et -onym sigle prononcé comme un mot ordinaire. Ovni et Sida sont des acronymes [Ibid.].
En ce qui concerne le terme de la troncation, c'est le procédé d'abrègement d'un mot par la suppression d'une ou de plusieurs syllabes. Il n'est que deux façons de tronquer : par ablation initiale, ou finale [Ibid.].
Dans ce contexte, il nous semble important de présenter notre propre définition et d'illustrer en profondeur la problématique de l'abréviation. Sous le terme de l'abréviation nous comprenons, au sens large, l'ensemble des résultats abréviatifs qui seront également appelés : abrègement, abrégés, raccourcissements, raccourcis, réductions ou mots abrégés. Au sens restreint, nous distinguons trois procédés d'abrégé (procédé d'abrègement, acronymie et siglaison) qui permettent la naissance de quatre principales formes de raccourci : les sigles, les acronymes, les abréviations et les troncations. L'abréviation est un raccourci uniquement graphique, le sigle est une réduction graphique (aux initiales) affectant
aussi la réduction orale (si les lettres sont épelées), l'acronyme est un ensemble de mots abrégés aux initiales ou aux premières lettres, celles-ci étant ensuite prononcées comme un seul mot. Enfin, la troncation est une réduction orale (suppression des phonèmes au début ou à la fin du mot) qui se répercute à l'écrit.
Par emprunt au grec aphaireisis, «action d'ôter», on désigne ainsi une troncation opérant par l'élimination de la première partie du mot. Le phénomène se rencontre en français ; mais notons dès l'abord qu'il n'est des plus fréquents.
Après avoir eu une idée plus concrète sur les différents procédés d'abrègement du français moderne, nous pourrons nous faire une idée sur le sujet principal de notre recherche - la troncation, faisant partie des procédés en question.
Le Trésor de la langue française informatisé nous apprend sur la troncation : « Procédé d'abrègement des mots polysyllabiques qui consiste à supprimer une ou plusieurs syllabes à l'initiale ou, plus souvent à la finale »1. Le Dictionnaire de linguistique de Larousse, publié en 1972, offre déjà une définition en citant des exemples précis : « Dans la langue populaire, la troncation s'accompagne parfois de l'addition de la voyelle o : un prolo (prolétaire), un apéro (apéritif) » [Le Dictionnaire de linguistique de Larousse, 1972]. Le Dictionnaire Hachette encyclopédique, publié en 2000, est plus modeste dans sa définition, il annonce que la troncation est un « abrègement d'un mot par la chute d'une ou de plusieurs syllabes ». Nous considérons cette définition insuffisante car elle n'élimine pas de sa compréhension les abréviations graphiques. Le Petit Robert (2009) nous apprend sur la troncation ceci : « Procédé d'abrègement d'un mot polysyllabique par suppression d'une ou plusieurs syllabes. Vélo est la troncation de vélocipède ». Or, il nous renvoie aux expressions l'aphérèse, l'apocope et mot-valise. En les consultant, nous découvrons que l'apocope est formée par la « chute d'un phonème, d'une ou plusieurs syllabes à la fin d'un mot » et l'aphérèse, qui est son opposée, par la « chute d'un phonème ou d'un groupe de phonèmes au début d'un mot ». Ces définitions sont convaincantes et largement acceptables, d'autant plus que Le Petit Robert nous renvoie également à l'expression mot-valise. Ce dernier est souvent formé à l'aide de troncations et en même temps, les deux procédés sont associés. Une seule chose qui est à objecter, c'est que Le Petit Robert ne mentionne pas les expressions populaires formées par la resuffixation en « -o ».
1 Le Trésor de la langue française informatisé. URL: https://www.le-tresor-de-la-langue.fr/
Dans nos recherches nous avons fait une concLusion que La troncation diffère de L'abréviation graphique, même si certains auteurs ne font pas La distinction. RappeLons que si La troncation est un phénomène LexicaL, L'abréviation est un phénomène uniquement graphique. L'abréviation est réduite à L'écrit (nous abrégeons Le mot Madame en Mme, mais iL est prononcé comme Madame, c'est-à-dire comme un mot entier), en revanche, La troncation peut être prononcée sous La forme de son abrègement (iL est possibLe de dire le restaurant ou, en utiLisant La forme raccourcie, le resto). La dernière différence, c'est que Les troncats ne prennent pas de point abréviatif et La pLupart d'entre eux appartiennent à La Langue famiLière, popuLaire et même argotique bien que Leur présence dans La Langue courante soit de pLus en pLus fréquente. Comme nous avons pu L'observer dans Les définitions données par Les différents dictionnaires, deux cas principaux de La troncation sont à distinguer, soit à La droite du mot - apocope, soit à La gauche - aphérèse. Les mots tronqués se forment généraLement par La suppression de phonèmes initiaux ou finaLs et iLs se terminent fréquemment par une consonne.
APHÉRÈSE
Par emprunt au grec aphairesis, «action d'ôter», on désigne ainsi une troncation opérant par L'éLimination de La première partie du mot. ELLe consiste en La chute de phonèmes au début d'un mot, de Lettres ou de syLLabes. Le pLus souvent nous rencontrons L'utiLisation de ce type de raccourcissement dans La Langue parLée et très rarement à L'écrit surtout dans Les expressions famiLières. Ce phénomène se rencontre en français, on en a queLques traces à date ancienne, c'est-à-dire, pour cette habitude d'abréger Les mots, au début du XX s. La pLupart des aphérèses se sont déveLoppées avant 1900, dans Le parLer parisien, La Langue des casernes, L'argot des métiers:
• cabinet
• capitaine
• commissaire
• municipal
• territorial
Pour La Langue La pLus actueLLe, nous avons reLevé, dans Le Petit Livre de la tchatche de Vincent MongaiL-Lard, La forme leur, pour contrôLeur, et guez, aphérèse de merguez, en tant qu'adjectif au sens de «maigre» (c'est une mince saucisse) [MongaiLLard, 2013].
Décidément L'aphérèse n'appartient pas au génie de La Langue. Pourquoi ? Remarquons que ce
type de troncation, qui touche au radicaL, défigure Le mot d'origine, et Le rend peu ou maL reconnais-sabLe.
APOCOPE
La troncation de La fin du mot est appelée apocope :
fe7e'(vision), convoc(ation), /nfo(rmation), rne'fro(poLitain), restau(rant) ou resto.
La coupure conserve Le pLus souvent Le premier élément d'un composé qui est d'origine savante ou, dans d'autres cas, eLLe est effectuée après La deuxième ou troisième syLLabe, même au miLieu de ceLLes-ci, ou après une syLLabe qui se termine par « o ». L'apocope est-eLLe ancienne ? Comme L'aphérèse, on La reLève, mais en grand nombre, à partir de 1800. Certes, queLques rares exempLes sont antérieurs.
La troncation des composants est déterminée ou non par une frontière morphoLogique ou par un segment phonétique.
La troncation est déterminée par une frontière morphoLogique Lorsqu'un composé savant est réduit à son premier éLément par apocope :
auto (automobiLe), télé (téLévision), b/o (bioLogie, -ique) ; d'où autoroute «route pour Les autos», téléfilm «fiLm tourné par La téLé», b/ocarburant «carburant bio».
Ces composants tendent vers Les préfixes s'iLs sont récurents : autoradio, téléspectateur, biodiversité, etc. Cette troncation peut induire des ambiguïtés : télé- signifie « téLéphone » dans télécarte, « téLéphérique » dans télésiège ou télécabine, télévision dans téléfilm ; auto- signifie « automobiLe » dans autoroute, « autobiographie » dans autofiction ; dans homophobe, homo- est La troncation de homosexuel et non L'éLément homo- même.
Sur Le modèLe des éLéments grecs en -o, des mots français sont tronqué après un o pour entrer dans une composition, comme Europe dans eurodollar, eurovision ; pétrole (étymoLogiquement pétr-« pierre » + -ole « huiLe ») dans pétrochimie, pétrodollar. C'est donc une coupe phonétique imitant une coupe morphoLogique.
MOTS-VALISES
La troncation est phonétique pour Les composants des mots-vaLises : ceux-ci sont formés de deux
mots comportant un segment phonétique commun, sur le modèle anglais de smog (smoke « fumée » + fog « brouillard » : segment commun o) ou motel (motor (car) « voiture » + hotel « hôtel » : segment commun ot) : le composé est formé du début de l'un des composants et de la fin de l'autre. C'est le cas en français de midinette (midi + dinette), qui désignait les jeunes employées faisant un repas rapide à midi (le sens a évolué), et, plus récemment ; rurbain (rural + urbain), qui désigne celui qui habite à la campagne et travaille dans une grande ville ; rurbanisation (rural + urbanisation) «urbanisation lâche des zones rurales à proximité de villes dont elles deviennent les banlieues» (Petit Robert) ; adulescent (adulte + adolescent) «jeune adulte qui continue à avoir un comportement comparable à celui qu'ont habituellement les adolescents» (Petit Larousse illustré) ; rubalise (ruban + balise : servant de délimitation de zone, chantier, scène de crime, etc.)
Le terme mot-valise est un calque de portemanteau word, créé par Lewis Carroll ; il fait allusions aux valises portemanteaux, sortes de malles-penderies avec des parties qui se replient.
On étend généralement la notion de mot-valise à tous les cas de coupe non morphologique des composants, dès lors que le composé est constitué du début du premier composant et de la fin du second.
L'aphérèse est une pratique ancienne, qui a cédé la place à l'apocope ; nous avons des exemples d'un tel remplacement :
capitaine - pitaine - capite combinaison - binaison - combine italien - talien - rital.
La faveur du français actuel pour l'abrègement des termes et leur consonantisme final n'est pas contingente. Elle s'inscrit dans une histoire, possède une logique, met en œuvre des procédés réguliers : elle se conforme à une grammaire. Il est permis de la réprouver ; on ne saurait toutefois méconnaître sa rigueur. Etant donné, en outre, son succès prévisible dans les années à venir, il est hasardeux d'en ignorer le fonctionnement.
Nous sommes bien en présence d'une variété nouvelle de la langue française. Certains dictionnaires, descriptifs et non puristes, ont admis des troncats, considérant qu'ils sont entrés dans l'usage. Historiquement d'abord, des apos (troncations vo-caliques respectant la coupe syllabique) : auto, cinéma, kilo, météo, métro, photo, taxi, vélo etc. puis des apocs (consonantiques), procédé qui a pris le dessus : ainsi anar, bénef, came, périph, réac, récup, etc., figurent dans le Petit Larousse. Consécration,
le 4 octobre 2018, La Commission d'enrichissement de la langue française (dont les suggestions sont validées par l'Académie française) a proposé, comme équivalent français de fake news, l'excellent infox « forgé, dit le communiqué, à partir des mots information et intoxication ». En fait, ce néologisme adroit a pour base la troncation intox, en usage depuis les années 1970, qui est ainsi reconnue [Cer-quilini, 2019, p. 79].
Oue le procédé de troncation consonantique concerne aujourd'hui l'ensemble de la langue, nous en trouvons une preuve en examinant les matériaux du procédé. Ou'abrège-t-on, en français ?
Les principales catégories grammaticales sont touchées : cette généralisation catégorielle est un des signes de l'universalisation du phénomène. Les linguistes qui ont examiné la troncation n'ont pas manqué d'observer que l'apoc apparut chez les substantifs, qui furent son domaine d'élection au XIXe siècle. Quelques adjectifs ont été créés à la fin du siècle, puis au cours du XXe :
cap/able, der/nier, diff/icile,formid/able, impec/cable,
morfal/oux, réac/tionnaire, régul/ier, trans/cendant, etc.
De nos jours la troncation concerne pleinement la catégorie de l'adjectif ; nous avons relevé récemment :
blasé blase
debile déb
deglingué dégling
déterminé déter
fracassé fracasse
génial gen
hypocrite hypoc
industriel indus
irrécupérable irrécup
léger lège
nouveau nouv
vexé vex
Dans la foulée de l'adjectif, des adverbes peuvent s'abréger : si nature (naturellement), beaucoup employé dans les années 1950, ne se dit plus grave, pour gravement, pénètre la langue commune.
En revanche, les linguistes sont tombés d'accord sur l'extrême rareté de verbes, et en fournissant la raison : l'apocope fait disparaître les finales qui gouvernent le régime du verbe - personne, temps, mode). La langue actuelle ne semble plus leur donner raison : elle tronque le verbe, comme les autres catégories grammaticales. Tout d'abord l'infinitif a rejoint le matériau de l'apocope, dans les locutions spécialement ; nous avons relevé :
se faire ser ça me faiche ça me fait troche
se faire serrer (« arrêter ») cela me fait chier cela me fait trop chier
leadershgip
poker
whisky
lead poke whisk
Ensuite, des formes verbaLes de pLein exercice subissent La troncation, comme dans « ça me dègue » (pour dégoûte), devenu courant. IL en est de même pour Le verLan tronqué, qui affecte Les verbes en Les Laissant invariabLes :
gonfLer fLégron flègue
niquer quéni ken
On dira, par exempLe, « ça me fLègue, iL a ken cette fiLLe ». IL est vrai qu'un verbe kéner est reLevé par Les « Lexiques des cités ». On peut en concLure qu'une certaine invariabiLité verbaLe est en marche, dans La variété « djeune » de La Langue.
IL est à remarquer que L'on tronque très voLontiers Les angLicismes. Certes, Les mots d'origine étrangère en généraL sont voLontiers abrégés mais principaLement sont affectés ceux qui proviennent de L'angLais. La raison en est que L'angLicisme et L'apoc ont des Liens natureLs (pensons à L'apostrophe) : iLs offrent tous deux une connivence de modernité. On ne s'étonnera donc pas qu'un mot angLais emprunté par La Langue française soit soumis à sa tendance abrégeante. Et depuis Longtemps : dans son dictionnaire (1863), EmiLe Littré donne Le mot crown, « se dit queLquefois, par abréviation, au Lieu de crown-glass » : Les deux termes ont disparu. Book, pour book-maker, est attesté en 1866. Le fait est si fréquent que bien des mots courants du français résuLtent d'un angLicisme tronqué : on est dans Le showbiz (business) comme d'autres dans Le strip (tease) ; on joue au basket (ball) ou foot (ball), on court un cross (country), on fait du bob(sleigh) ou du skate(board) ; on enfiLe un sweat(shirt) pour aLLer manger un bif(steak) dans un self(service), dans un snack(bar) ou dans un drug(store), avant de passer aux waters(closets) et de remonter sur son bull(dozer) en compagnie d'un skin(head). IL est à souLigner que ces troncations n'existent pas dans La Langue angLaise ; L'auteur de ces Lignes se rappeLLe L'étonnement d'une amie américaine quand eLLe entendit un Français Lui parLer du McDo. La troncation d'angLicismes est si natureLLe que nous nous contenterons de fournir nos attestations récentes (contemporaines ou pLus anciennes) ; eLLes iLLustrent La variéte du phénomène :
badminton bad
business biz
cross-merchandising cross-merch fast-food fast
Jusqu'ici, nous avons traité principaLement de noms communs, examinant Les divers substantifs qu'abrège La Langue. Or La troncation sembLe favoriser par aiLLeurs ce bLoc d'impassibiLité que sont Les noms propres. IL Leur arrive fort peu de choses ordinaires ; force est de constater qu'iLs sont tronqués avec vigueur. L'abrègement des prénoms est bien connu ; iL participe de cette famiLiarité sans façon que nous avons déjà rencontrée, mêLée d'un peu d'angLomanie. La Liste en est Longue :
ALex, ALph, Arth, Barth, Ben, Chris, Dan, Dom, Mado,
Ségo, Stef, Théo etc.
PLus intéressant, Le phénomène touche au nom propre Lui-même, sous toutes ses formes, et depuis Longtemps : ALphonse Boudard, dans ses souvenirs sur L'Occupe, évoque Les crimes de La Guestape française. Sont ainsi affectés :
Les patronymes. Leur abrègement passe aussi par L'apo (Sarko, Ballo, Chichi, Cerqui, etc.), mais La tendance actueLLe à L'apoc se confirme. OueLques exempLes suffisent : Saint-Ex(upéry) est bien connu ; Les historiens parLent avec affection de Le Roy La-dure(ie) ; Boutef(Lika) vient d'aparaître ; Mélench(on) ou Méluch est à écLipse.
Les noms de marques et d'étabLissements. On tronque voLontiers ce que L'on fréquente, consomme ou utiLise habitueLLement ; queLques exempLes :
BMW BM
Club Méditérranée Club Med
Nouvel Observateur Nouvel Obs
Ricard Ric
Suzuki Suz
Yamaha Yam
Volkswagen Volks
Cette Liste est Loin d'être exhaustive : eLLe est seuLement indicative, désignant des procédés et des tendances. L'esprit de troncation anime La Langue contemporaine : après tout, Le très fréquent t'inquiète ! (à La pLace de « ne t'inquiète pas !»), avec chute de L'éLément négatif finaL, produisant un bissyL-Labe s'achevant sur une consonne, est aussi une apoc.
LE GENRE ET LE NOMBRE DES MOTS
raccourcis
En généraL Les mots tronqués gardent Leur catégorie de genre, c'est-à-dire si Le mot «facuLté» est au
féminin il ne change pas son genre dans sa forme raccourcie. Nous observons la même tendance dans les autres mots tronqués le bac <(le baccalauréat), un exam < (un examen) ou métro < (le métropolitain).
D'après Grevisse, « il arrive pourtant que la relation avec la forme originaire soit estompée et que le genre soit altéré, par analogie avec d'autre termes de significations analogues ». Grevisse cite le lexème rata qui est une réduction du mot ratatouille du genre féminin dont la réduction est devenue masculine. Il explique que ce changement de genre peut être causé soit par l'influence du ragoût qui est masculin soit par la finale -a dans le mot rata qui mène les noms plutôt vers le masculin [Fridrichova, 2012, p. 48].
Ce qui concerne la catégorie du nombre des mots tronqués, généralement, ils prennent la marque du pluriel :
les trams les profs les vélos
Exceptionnellement, le mot reste invariable. Grevisse affirme que « cette invariabilité est surtout le fait des formations senties comme nouvelles : Vos psys (=psychologues) ne sont pas doués de la parole humaine ».
Parfois, Les deux alternatives sont admissibles. De toute manière, il y reste une certaine hésitation en ce qui concerne La marque du pluriel. C'est pourquoi nous pouvons écrire Ils sont sympa de même que Ils sont sympas.
CONCLUSION
Pour conclure de façon plus concrète il faut dire que le français contemporain abonde de différents types de raccourcissement des mots. Ils sont présents un peu partout dans notre vie quotidienne comme à l'écrit tel à l'oral. Il observe toujours une confusion entre les différents termes d'abrègement dont les linguistes essaient de proposer leurs définitions. Par contre malgré les différences et la confusion des idées tous les procédés de raccourcissement traités possèdent un trait en commun. Avant tout ils s'emploient pour économiser le temps et l'espace. La troncation est un phénomène qui se répand de nos jours avec une rapidité étonnante. En même temps, il n'y a pas de règle stricte pour exposer du pluriel, mais quelques tendances sont à remarquer. Les substantifs prennent en général la marque du pluriel, le -s, les adjectifs proposent plutôt les deux possibilités avec -s ou sans -s, et nous pouvons les rencontrer de manière égale.
LA LISTE BIBLIOGRAPHIQUE
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6. Le Dictionnaire de linguistique de Larousse. Paris, 1972.
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информация об авторе
Ибрагим Ульфат Закир оглу
кандидат филологических наук, доцент кафедры фонетики и грамматики французского языка Азербайджанского университета языков
INFORMATION ABOUT THE AUTHOR
Ibrahim Ulfat Zakir oglu
PhD in Philology, Associate Professor, Chair of the French Phonetics and Grammar, Azerbaijan University of Languages
Статья поступила в редакцию 04.04.2022 одобрена после рецензирования 05.05.2022 принята к публикации 13.05.2022
The article was submitted 04.04.2022 approved after reviewing 05.05.2022 accepted for publication 13.05.2022