УДК 694.1
ASSEMBLAGES BOIS TRADITIONNELS JAPONAIS
D.G. Malko
Au Japon il existe une élite appelé les Mia-daikku, les charpentiers de temple. J'ai eu la chance de côtoyer et de travailler pendant deux ans avec ces ouvriers qui ont su garder à travers les siècles les techniques et savoir-faire transmis de génération en génération. Dans cet article sont présentés les assemblages traditionnels de long appelés « tsugite », réunis en une liste non-exhaustive, mais que nous utilisions couramment lors de nos chantiers.
Mots clefs : Mia-daikku, tsugite, ari, ne-tsugi.
Au Japon, les charpentiers de temple (les Mia-daikku) sont considérés comme les aristocrates de la charpente car ils ont conservé le savoir-faire et les techniques ancestrales. J'ai eu la chance de passer deux ans au Japon au service d'un maître Mia-daikku (Katô-san). Outre
les temples, son entreprise réalise différents ouvrages bois avec de complexes assemblages souvent faits main.
Les constructeurs traditionnels japonais utilisent très peu de clous, et connaissent ainsi une multitude d'assemblages (un ouvrier japonais disait en connaitre 200 !). Les artisans les mettent en œuvre de manière cachée, très rarement de façon ostentatoire. Aussi, pour comprendre comment un assemblage a été fait, il faut le démonter, ou à défaut effectuer une photografie aux rayons-X.
Ces assemblages se divisent en trois catégories: la première, que nous allons aborder dans cet article, comprend les assemblages de long (appelés tsugite), qui servent à assembler deux pièces entre elles dans le sens longitudinal.
La deuxième regroupe les assemblages d'angle (appelés shikuchi), servant à lier des bois en biais ou perpendiculairement entre eux.
Une troisième catégorie peut s'ajouter aux deux précédentes, et elle se compose des assembleurs métalliques, qui sont utilisés dans les parties non-apparentes, ou alors savamment cachés.
Les pièces ajoutées, tels que les languettes, coins, clefs et chevilles sont en général faites en bois dur, car ils reprennent une grande partie des efforts. Parmi les essences utilisés, on peut nommer le châtaigner (appelé kuri) ou le chêne blanc japonais (appelé shiro-gachi). Plus rarement est utilisé le bambou (take).
Les assemblages de long (tsugite)
1) assemblages anti-dévers
Ces assemblages s'utilisent pour limiter le gauchissement des pièces entre elles, par exemple dans le cas de deux pièces alignés longitudinales dont on voudrait garder les faces dans le même plan.
Dessin 1 et 2 : Entablure à tenon en croix: Juji-mechigai-hôzo, ou Kaneon-mechigai-tsugi (ou encore Mechi-ire ou Juji-mechiire-juji : lit. En forme de croix,)
Cet assemblage sert à empêcher le déplacement latéral ainsi que la rotation entre les pièces. Il n'a aucun pouvoir de maintien des bois entre eux.
En général, il est utilisé dans les solivages, dans la jonction de poutres entre elles, pour une meilleure stabilité des planchers, et pour des pièces non-apparentes.
Cet assemblage peut être renforcé avec des bois ou des fers plats qui lient les deux pièces sous forme de flasque.
Dessins 3 et 4 : Entablure à tenon en L ou à languette d'affleurement en L: Kane-ori-mechigai-hozo ou Kane-ori-mechi-ire
Ce tenon permet de limiter le gauchissement des pièces entre elles de manière invisible.
Il est utilisé par exemple dans la jonction de corniches qui sont clouées et qui ne nécessitent pas d'assemblage de long, mais dont on voudrait garder les faces apparentes bien alignées, auxquelles la languette est parallèle.
Dessins 5 et 6 : Entablure à tenon en U: Hako-mechigai-hôzo
Cet assemblage s'utilise de manière identique à l'assemblage précèdent. La forme plus élaborée du U permet un meilleur maintien du gauchissement du bois.
Dessin 7 : Enture à double sifflet: Isuka-tsugi
Cet assemblage sert à empêcher les pièces de déverser entre elles. Il peut avoir les plans des coupes à sifflet droits, ou en biais vers l'extérieur ou l'intérieur 2) assemblages de long
Les assemblages de long servent à maintenir des pièces entre elles dans la longueur, par exemple, des semelles basses au sol, des solives, des poteaux, des sablières, ou encore des
pannes.
Dessin 8 : Enture à double sifflet fermé avec clé: Isuka-tsugi
Cet assemblage liaisonne les pièces entre elles tout en les empêchant de déverser. La clef empêche les deux parties adverses se dissocier, mais ne permet pas à l'assemblage de supporter des efforts de traction importants.
Dessin 9 : Enture simple à double queue d'aronde allongée rapportée: Chigiri-tsugi
Cet assemblage sert à maintenir entre elles deux pièces qui sont dans le même alignement. Il fonctionne au moyen d'une pièce rapportée en bois dur, dotée à chaque extrémité d'une queue d'aronde allongée, qui sert de lien à l'ensemble.
La pièce rapportée empêche les deux parties adverses se dissocier, mais ne permet pas à l'assemblage de supporter des efforts de traction importants.
Dessins 10 et 11 : Enture en croix pour assemblage de poteau rond: Kai-no-guchi-
tsugi
Cet assemblage permet de rallonger les poteaux ou les mâts centraux de bâtiments.
Le kai-no-guchi-tsugi est long, en moyenne 2,5 fois la largeur du poteau. Il est en général renforcé par des pièces de bois qui viennent enserrer l'ensemble au moyen de pièces métalliques, boulons, etc.
Il permet de limiter le gauchissement, mais n'est utilisé que dans la position aplomb car il ne reprend aucun effort de traction. Il s'utilise, par exemple, pour le mât central d'une pagode, celui-ci ne reprenant aucune charge ni effort.
Cet assemblage peut être renforcé de deux manières : soit avec des anneaux de fer forgé, soit en le créant avec des redents. Tout ceci pour éviter aux parties adverses de s'écarter et ainsi amener du jeu dans l'assemblage.
Dessin 12 : Tenon par bout à clef: Shiachi-sen ou Sao-tsugi
Cet assemblage sert à assembler deux pièces qui sont dans le même alignement entre elles. Il fonctionne au moyen d'un tenon de bois de bout qui est maintenu coincé dans la partie femelle de la pièce adverse grâce à des clefs en bois dur.
Les rainures-et-feuillures de chaque côté de la mortaise empêchent aux joues de s'écarter et ainsi de relâcher les clefs de maintien. Le shiachi-sen, de par sa forme, empêche aux deux pièces de déverser entre elles.
Cet assemblage est utilisé pour les bois longitudinaux: les chaînages de mur, les sablières, ou les bois de plafonds fins repris en poids: il lui faut un support direct pour son maintien, agissant seulement comme assemblage travaillant en traction. Le shiachi-sen ne reprend aucun effort qui lui est appliqué perpendiculairement, ou dans une direction autre que celle de l'alignement.
Dessins 13 : Le lit de la clef est taillé légèrement bombé (lors de la taille, le trait de traçage est laissé au centre de la coupe) pour que celle-ci soit rentrée à forcer entre les deux entailles qui lui servent de logement. Une fois que la clef est mise en place, elle travaille bien à l'axe du tenon, et l'effort est mieux réparti.
Dessin 14 : Le shachi-sen peut être amélioré d'un mi-bois en biais sur la face apparente pour diminuer l'apparition de jeux dus au retrait du bois, au niveau du joint.
Dessin 15 : Cet assemblage peut être décliné dans une languette rapportée, par exemple dans le cas de lien entre deux pièces longitudinales alignées qui viennent s'assembler dans un poteau.
Grâce à cet assemblage, jusqu'à quatre pièces horizontales peuvent venir s'assembler dans un poteau carré au même niveau.
Dessin 16 et 17 : Trait de Jupiter aplomb à clefs: Kanawa-tsugi
Ce type de trait de Jupiter s'utilise avec les rainures debout, et non couché comme ceux d'Europe. On le rencontre pour l'assemblage longitudinal de pièces sur un support, ou pour l'assemblage de pièces d'aplomb. Pour tailler cet assemblage, le charpentier doit exécuter la même forme dans les deux pièces de bois adverses.
La clef ferme celui-ci en écartant l'assemblage et en bloquant les feuillures en T dans la rainure adverse. Cette clef peut soit être unique, soit double. Si elle est seule, les faces de l'adent qui la reçoivent sont en biais, et la clef est en forme de coin. Si deux clefs viennent fermer l'assemblage, les faces de l'adent seront d'aplomb et les deux clefs taillées en coin. Cet assemblage travaille en traction et en compression, mais réagit mal si des efforts en biais lui sont appliqués.
Le kanawa-tsugi est utilisé par exemple pour lier entre lui les semelles au sol d'un bâtiment.
Un autre exemple de son utilisation est la réparation de pied de poteaux pourris: la partie abîmée est enlevée, et le rallongement du pied de poteau se fait grâce à cet assemblage, qui travaille dans la position aplomb quasiment aussi bien que si la poutre était faite de bois continu (ce remplacement s'appelle ne-tsugi).
Dessin 18 et 19 : Trait de Jupiter aplomb à clefs avec coupe simple en parement : Shiribasami-tsugi, ou Shibasami-tsugi
Cet assemblage est quasiment le frère jumeau de l'assemblage précédent, à un détail près: il est taillé de manière a ce qu'en élévation, seule une coupe droite apparaisse en parement. Au contraire du kanawa-tsugi, il ne faut pas tailler deux pièces identiques.
Dessin 20 et 21 : Trait de Jupiter aplomb à chevilles: « Okkake-dai-sen-tsugi »
Ce type de Trait de Jupiter s'utilise sur un support, ou dans le vide. L'adent axé est légèrement en pente pour reprendre les charges qui s'appliquent sur l'assemblage.
Les deux chevilles en bois dur qui sont ensuite mises en place renforcent l'assemblage. Celui-ci peut travailler en flexion et en traction. Il limite le gauchissement des bois grâce aux rainures-et-feuillures à chaque extrémité de l'assemblage, et grâce à la grande surface de contact entre les deux pièces.
Cet assemblage s'utilise, par exemple, pour lier les pannes de long, où il peut être déporté de 15 à 20 cm du point d'appui.
Dessin 22 : Enture oblique crantée avec tenon de bout, ou Trait de Jupiter de niveau: Dai-mochi-tsugi ou Koya-dai-mochi (lit. qui reprends en effort l'entrait)
Cet assemblage est utilisé en général dans la charpente, dans la partie non apparente de la construction, de niveau, comme un trait de Jupiter européen.
Dessin 23 : Il doit être mis en œuvre sur une pièce d'appui, en général ceci est un poteau ou une panne perpendiculaire.
Cette variante de trait de Jupiter est dotée à chaque extrémité de petits tenons carrés qui empêchent à l'assemblage de gauchir. Les chevilles sont insérées par-dessus pour une meilleure reprise des efforts, ainsi qu'un meilleur maintien de l'assemblage.
си.
А
Dessin 24 : Le cran en contre-pente sur le plan incliné bloque la pièce qui repose sur la poutre et l'empêche de descendre. Les deux pièces peuvent ne pas subir une grosse perte de section, ou même créer une liaison entre une pièce de niveau et en pente.
Cet assemblage peut être fermé avec deux boulons (e.) à la place des clefs.
Dessin 25 : Coupe de long à mi-bois en pente avec repos : Suberi-tsuki-nidanme-chigai-tsugi
Cet assemblage sert à lier de long des pannes dans le toit.
Le principe de cet assemblage réside en un mi-bois en pente qui vient reprendre une pièce dans le même alignement. La pente du mi-bois maintient la pièce qui vient par-dessus.
Cet assemblage peut être fermé avec un boulon. Il est utilisé dans la partie cachée des
Dessin 26 : Le Koshi-kake-Kama-tsugi
Cet assemblage permet de relier et de supporter des pièces longitudinales entre elles. Il s'utilise soit sur un support, soit en porte-à-faux d'un appui, jusqu'à 20 cm de celui-ci, si la pièce qui le reçoit est dotée d'un repos pour soutenir la suivante, et peut reprendre en traction environ 2,5 tonnes.
charpentes.
Dessin 27 : Le kama fonctionne un peu comme la queue d'aronde: un tenon long allongé d'une partie conique dans le sens longitudinal vient se bloquer dans une partie femelle identique dans la pièce suivante.
Celui-ci peut travailler en traction et en flexion. Le gauchissement des pièces entre elles est limité par le court tenon qui prolonge le tenon sur la moitié du dessous.
Les rainures-et-feuillures de chaque côté du tenon empêchent la mortaise de s'ouvrir et ainsi de relâcher l'assemblage.
Dessin 28 : Le kama peut être soit entièrement taillé droit, soit en partie, certains endroits taillés en biais. La partie biaise regroupe les faces sur lesquelles la base de la partie conique vont glisser vers l'intérieur de l'assemblage, et de ce fait mieux fermer celui-ci aux arasements.
Dessin 29 : Assemblage en double trait de Jupiter caché à clef: Kakushi-kanawa-tsugi ou Hako-sen-tsugi
Cet assemblage reprend le principe du trait de Jupiter aplomb à clefs et du tenon en L vus plus hauts. Ceux-ci sont convertis pour que l'assemblage soit invisible sur deux faces, et donc utilisable pour des pièces qui présentent un angle apparent, par exemple des corniches.
Cet assemblage est ensuite fermé avec des coins pour mettre en pression les rainures-et-feuillures en L qui empêcheront aux pièces de gauchir et déverser entre elles.
Cet assemblage peut se décliner en shiachi-sen.
Dessin 30 et 31 : Queue d'aronde avec repos : Koshi-kake ari-tsugi
Les historiens s'accordent à dirent que la queue d'aronde (Ari) a été introduite au Japon grâce à la route de la soie, dont les étapes finales se trouvaient dans l'archipel. Elle est une des rares méthodes de liaison qui peut s'utiliser pour des assemblages de long ainsi que d'angles, perpendiculaires ou biais.
Dessin 32 : Cet assemblage empêche le gauchissement grâce au court tenon qui prolonge la queue d'aronde en-dessous d'elle, mais ne supporte pas la reprise d'efforts en traction importants. Le repos, quand à lui, permet à la queue d'aronde d'être déporté dans le vide et de recevoir la pièce suivante.
Dessin 33 : Exemple d'utilisation de la queue d'aronde : Ne-tsugi du château d'Osaka
Cet assemblage, unique au Japon, se situe sur un des poteaux de l'entrée du château d'Osaka (appelé Omote-mon), témoin d'une restauration du XIXème siècle. Quand le pied d'un poteau est pourri, les charpentiers Japonais soulèvent l'ensemble de la structure et purgent le poteau de la partie abimée. Ensuite, ils prolongent la pièce de bois grâce à divers assemblages. La pièce de bois rajoutée s'appelle un ne-tsugi.
Dans ce cas, deux faces présentent une coupe en forme de coin, tandis que las deux autres faces présentent des queues d'aronde. Pour comprendre la structure interne de cet assemblage, il fallut effectuer des photographies aux rayons-X. L'assemblage des deux parties adverses se fait en glissant le mâle dans la femelle en biais.
Dessin 34 : Exemple de l'utilisation de divers assemblages en un point particulier
Voici un exemple d'utilisation d'assemblages liant plusieurs pièces à un même endroit.
Dans le cas présent, quatre pièces viennent s'assembler dans un poteau rond. Elles sont maintenues à l'aide de languettes rapportées, qui mêlent le tenon à clefs (le shachi-sen) et la queue d'aronde (ari).
Le bois est utilisé quasiment à tous les niveaux de la construction. Il est une composante essentielle de l'architecture japonaise, pays aux ressources forestières immenses. Au cours de l'histoire du Japon, très peu de bâtiments ont étés construits en pierre. Tant pour les plus petits édifices, tels les maisons à thé, ou pour les plus importants tel le Daibutsu-den du Todai-Ji, plus grand bâtiment en bois du monde, le bois a été utilisé au maximum, tant pour sa beauté et sa finesse, que pour sa ductilité et sa solidité.
Le choix de ce matériau a aussi sans aucun doute été dicté premièrement par les séismes qui secouent très fréquemment cet archipel situé sur la ceinture de feu du Pacifique, deuxièmement par le fait que les pierres au Japon sont souvent très dures, ou au contraire très friables, et donc peu propices à la construction. Le recours à la pierre ne se fait pratiquement que pour les fondations des bâtiments, ou ponctuellement pour certaines palissades et barrières.
Nous remarquons ici l'ingéniosité des bâtisseurs et des charpentiers japonais, leur sens de la sophistication et de l'esthétique, ne laissant au regard qu'un trait de coupe fin, la complexité de l'assemblage étant cachée. Celle-ci se décline pour chaque situation, chaque cas de figure que le charpentier aurait à traiter. Aussi, nous n'avons bordé qu'une infime partie des possibilités, et il reste encore des dizaines d'assemblages et combinaisons à traiter et étudier.
Bibliographie
1. Wolfram Graubner (2002), Assemblages du bois : L'Europe et le Japon face à face, Edition française - Editions H. Vial, Dourdan.
2. Compagnons Charpentiers (1980), Encyclopédie des métiers : la charpente - Librairie du compagnonnage.
3. Toraschichi Sumiyoshi and Gengo Matsui (1989), Wood Joints in classical Japanese architecture, English translation 1990 - Toraschichi Sumiyoshi and Gengo Matsui
4. All drawings Dimitri Malko copyright
Informations sur l'auteur
Malko Dimitri G., Charpentier Qualifié, Compagnon Charpentier du Devoir, membre de l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, Dresde, Allemagne, email: [email protected].
Информация об авторе
Малко Дмитрий Георгиевич, квалифицированный мастер по деревянному зодчеству, строитель, Член ассоциации профессионального образования гильдии мастеров деревянного зодчества Франции, Дрезден, Германия, e-mail: [email protected].