Научный журнал КубГАУ, №108(04), 2015 года
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УДК: 821.161.1+ 82(091)
10.00.00 Филологические науки
ПЕРВЫЙ РУССКИЙ ТРАВЕЛОГ О ЮЖНОЙ АФРИКЕ (1808)
Майга Абубакар Абдулвахиду
Аспирант кафедры истории зарубежных литератур,
Филологический факультет
РИНЦ SPIN-код: 7203-8121
Санкт Петербургский государственный
университет, Россия.
В данной статье рассматривается рассказ неожиданного пребывания лейтенанта Василия Головнина в Южной Африке в 1808 году во время его кругосветного плавания. По сути, русский моряк должен был остановиться в Саймонстауне на какое-то время, чтобы пополнить провизию и привести свой шлюп в порядок. Т ем не менее, его прибытие на острове, недавно ставшем Британским, совпало с очень напряженными моментами между русскими и англичанами в Европе. Эти события заставят Головнина остаться на мысе Доброй Надежды на тринадцать месяцев. Пользуясь свободой передвижения по стране, молодой моряк описал повседневную жизнь южноафриканцев. Во время своих путешествий по Капской колонии, Головнин встречался с колонистами и колонизированными народами, и написал о том, как они совместно жили. Хотя его книга не так обильна, она стала первым русским травелогом о Южной Африке, и оказалась очень значимой для будущих поколений российских моряков, которые повторили его маршрут. От Кронштадта до Камчатки, Головнин описал удивительные события, но в статье речь пойдет исключительно о части его путевого очерка[3], касающейся его длительного «пребывания на мысе Доброй Надежды»
Ключевые слова: РУССКИЕ ПУТЕВЫЕ ЗАМЕТКИ, РУССКИЕ ПУТЕШЕСТВЕННИКИ В АФРИКЕ, ГОЛОВНИН, ИССЛЕДОВАНИЕ АФРИКИ, СВОЙ И ЧУЖОЙ, ЮЖНАЯ АФРИКА, РОССИЯ
UDC: 821.161.1+ 82(091)
Philological Sciences
THE FIRST RUSSIAN TRAVEL RELATION IN SOUTH AFRICA (1808)
Maiga Aboubacar Abdoulwahidou
Postgraduate student in the department of History of
foreign literature in Philology’s Faculty
SPIN code: 7203-8121
St Petersburg State University, Russia
This article examines the story of the unexpected stay of lieutenant Vasily Golovnin in South Africa in 1808 during his famous navigation around the world. In fact, the Russian sailor had to stop in Simonstown for a short while to stock up and put his boat in shape. However, his visit on this archipelago which newly belonged to British had coincided with the moments of crisis between Russian and British empires in Europe. These events obliged Golovnin to stay in the Cape of Good Hope for thirteen months. Enjoying his freedom of movement, the young navigator will exploit this long stay to describe the daily life of South African people. During his travels across the Cape Colony, Golovnin meets with colonists and colonized, and tells about the mechanism of their cohabitation. Even if it is not so abundant, his travelogue remains the first one realized by a Russian on South Africa and will always be crucial for the future generations of Russian mariners who will follow his itinerary. From Kronstadt to Kamchatka, Golovnin described the amazing events, but there, it will exclusively focus on the part of his travelogue [3] about his long and exceptional “stay at the Cape of Good Hope”
Keywords: RUSSIAN’S TRAVELOGUES, RUSSIAN TRAVELERS IN AFRICA, GOLOVNIN, DISCOVERY OF AFRICA, OTHERNESS, SOUTH AFRICA, RUSSIA
Apres plusieurs tentatives infructueuses, c'est finalement en 1808 que le premier bateau russe accoste sur les berges du continent africain. A son bord, un jeune explorateur charismatique repondant au nom de Vassili Mikhailovitch Golovnine (1776-1831). Le lieutenant Golovnine faisait partie des plus brillants marins de sa generation. Au bout de quatre ans de stage a la marine britannique,
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a trente-un ans, il se voit confier les commandes du sloup «Diana» avec pour mission d’aller inventorier «les terres inexplorees de la partie orientale de l ’Ocean pacifique, et les possessions russes de la frontiere orientale de l ’Asie, avec celles situees sur la cote nord-ouest de l'Amerique (Alaska)» [3, 3]. Une mission qui s’annonfait des le depart difficile, puisque c’etait la premiere fois qu’un officier d’un tel rang etait appele a accomplir une tache d’une telle ampleur. D’un autre cote, les deux capitaines les plus experimentes en ce moment, a savoir Lissianski et de Krouzenstern, venaient juste de rentrer au port (apres leur navigation autour du monde en 1803-1806), alors qu’il urgeait d’organiser une nouvelle expedition pour transporter des materiels de construction «pour le port d'Okhotsk». Ainsi, a la tete d’un equipage de «soixante personnes», Golovine allait enfin pouvoir repeter les exploits de ses mentors tels que Vitus Bering (1681-1741), Aleksei Tchirikov (1703-1748) et Gavriil Sarytchev (1763-1831). Fort d’une excellente connaissance des recits de navigation de ses predecesseurs (surtout celui de Krouzenstern [6]) et d'autres explorateurs europeens comme Vancouver, La Perouse et «le grand Cook» [3, 265], le jeune marin entreprend, des son depart du port de Kronstadt, de tenir un journal de bord dans lequel il s'engage a noter tout ce qu'il vivra durant son periple.
C'est ainsi que lors d’une escale inopinee au Cap de Bonne-Esperance en avril 1808, le bateau du capitaine russe se fait intercepter par les hommes du Vice-amiral Barti qui etait chef de la marine britannique au Cap. Golovnine sera de ce fait contraint a rester dans la colonie du Cap pendant plus d'une annee. Ainsi, depossede de son navire, mais libre de circuler sur le territoire, il mettra ce sejour a profit pour depeindre le quotidien des sud-africains au travers de ses rencontres, de ses lectures et surtout de ses propres observations. Plus tard, a son retour a Saint-Petersbourg, il livre son temoignage dans une relation de voyage qui fait le recit de sa navigation de Kronstadt a la Kamtchatka. Le recit du trajet de son retour est reserve pour un autre livre (que nous presenterons plus bas).
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C'est le premier ouvrage, intitule «Voyage du sloop Diana de Kronstadt au Kamtchtaka, effectue en 1807, 1808 et 1809, sous le commandement du lieutenant de vaisseau Golownine» [3] qui fait l'objet de notre article.
Du point de vue litteraire, le journal de Golovnine est redige sous forme de rapport de navigation. Le style employe par l’auteur ressemble bien a celui des recits de voyage du XVIIIeme et de la premiere moitie du XIXeme siecle. C'est-a-dire que la narration est faite a la premiere personne du singulier et du pluriel en suivant graduellement les escales du navire selon lesquelles le texte est divise en grands et petits chapitres. Les prises de note sont parfois suvies de dates, particulierement au niveau des departs et des arrivees. Cependant, malgre tous les efforts du voyageur a se faire meticuleux dans ses descriptions et a donner par la meme occasion une allure litteraire au recit, l'oeuvre demeure celle d'un marin, c'est-a-dire celle d'un fin connaisseur du monde maritime, tant son lexique est domine par des mots propres au domaine de la navigation. N'est-ce pas une des raisons pour lesquelles l'auteur avait prevenu ses lecteurs en mentionnant : «ayant passe la majeure partie de ma vie en mer, je n'ai eu ni l'occasion ni le temps de m'interesser a cette science utile (qu'est l'ecriture)» [3, 134]. On comprend des lors pourquoi lorsque la masse d'information recoltee devenait debordante pour le voyageur, comme c'est le cas des prix des marchandises, ou de la quantite de produits trouvables dans tel ou tel lieu, il prefsrait se servir de tableaux pour mieux les rendre. L'ouvrage est ponctue de plusieurs tableaux similaires.
En arrivant au Cap, Golovnine en avait deja une image preconfue a travers des revues, des livres d'histoire et de geographie, mais a travers surtout les recits de voyage de Franfois Levaillant (1753-1824), notamment ses « Voyages dans l'interieur de l'Afrique par le Cap de Bonne-Esperance» [7] qui etaient a l’epoque tres populaires aupres des explorateurs russes. Neanmoins, sans vouloir imiter textuellement ses devanciers, l'etape du Cap occupe tout de meme une place centrale dans le temoignage de Golovnine. Le livre etant divise
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en deux parties majeures, c'est avec son debarquement au Cap que le voyageur annonce la seconde partie de l'ouvrage. Du coup, eu egard a la duree de son sejour, ce chapitre devient non seulement le plus volumineux, mais c'est a partir de la que le jeune officier commence a endosser le costume de l'ecrivain-voyageur. Il faut dire que si depuis son depart du port de Kronstadt, il se plaisait a decrire exclusivement le deroulement de la navigation en enumerant la distance separant les localites parcourues, le climat, le temps, et les produits disponibles ici et la ; alors, durant son sejour au Cap de Bonne-Esperance, la plume du voyageur s'elargit progressivement a d'autres champs d’interets comme la demographie, la geographie, l'economie, la politique, l'agriculture, l'education, la culture, en somme tout ce qui regit les activites quotidiennes du Cap de ce debut du XIXeme siecle.
Il importe de rappeler aussi que le voyage de Golovnine s’etait deroule dans un contexte de grande instabilite en Europe. Deja, de passage dans les eaux danoises et norvegiennes, le navigateur russe avait assiste a une scene de bombardement entre les vaisseaux britanniques et danois. Pendant ce temps, de l’autre cote de l'Europe, les guerres napoleoniennes battaient leur plein sur fond de rivalite franco-anglaise. Entre les victoires et les nouvelles batailles, les alliances se scellaient chaque jour de part et d’autre. C'est dans cette situation d’incertitude generale que Golovnine preconise de faire escale au port de Portsmouth (Angleterre) pour se rendre a Londres a la recherche d’«une autorisation du gouvernement britannique nous permettant d'entrer librement dans les ports appartenant a la Grande Bretagne, et evitant d'avoir des problemes avec leurs forces navales en cas de guerre entre les deux puissances (empires russes et britannique) [...], quelques jours plus tard, je l'ai regue» [3, 46].
Le permis de stationnement dans la valise, le marin russe retourne a Portsmouth pour prendre le «Diana» et se diriger vers le Bresil en suivant
«l'itineraire des celebres et experimentes marins etrangers, ainsi que les
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consignes du capitaine Krouzenstern» [3, 55]. Desormais, il savait que la moindre erreur allait etre fatale pour tout son equipage: «en abandonnant I'Angleterre, nous laissons I'Europe derriere nous, et avec elle I'ensemble du monde civilise. Dans les terres que nous comptons parcourir jusqu'a Kamtchatka, et sur le chemin du retour en Europe, il n'y a aucune representation competente ou de confiance de notre gouvernement ; aucun de nos consuls, ni de commergants ; et par consequent nous allons devoir compter sur les services des citoyens d'autres pays et sur nos propres ressources et stocks» [3, 56].
Au Bresil, Golovnine s'arrete particulierement sur Tile de Santa Catarina od il passe quelques jours a approvisonner son grenier, avant de prendre la direction du Cap Horn au Chili. D'ici, il voulait directement rallier les iles Marquises, et de la-bas regagner directement la peninsule de Kamtchatka sans faire d'escales de plus. Mais en raison des mauvaises conditions climatiques, il se ravise et decide finalement de «descendre au Cap de Bonne-Esperance pour entrer dans l'ocean paficique autour de la Nouvelle-Hollande (aujourd'hui, l'Australie Occidentale)» [3, 107]. Malheureusement, a la grande stupefaction de l'officier de la marine imperiale russe, le 21 avril 1808, aux abords du Cap de Bonne-Esperance, son «Diana» est arraisonne par le capitaine Robert Korbet de la flotte britannique. Le bateau russe est aussitot escorte par plusieurs fregates anglaises jusqu'au port de Simonstown. Deux ans plus tot (en 1806), la colonie du Cap repassait pour la seconde fois sous le drapeau britannique. Des lors, la marine imperiale avait redouble d'activites dans les eaux sud-africaines afin d'asseoir definitivement l'autorite de Londres sur la premiere colonie europeenne en Afrique, et controler le trafic vers les Indes. Ce faisant, Golovnine qui pensait avoir toutes les pieces necessaires pour entrer dans les ports des territoires britanniques d'outre-mer, peinait a digerer cette interception musclee de son sloup. Il part alors voir le chef de l'escadre britannique base au Cap en la personne du Vice-Amiral Barti. Ce dernier lui explique qu'en raison de la guerre
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commencee entre la Russie et la Grande Bretagne en Europe, il est dans l'obligation de retenir le navire russe en attendant de recevoir de nouvelles directives des autorites de Londres. Naviguant depuis des mois sans recevoir de courrier, Golovnine venait ainsi d'apprendre la nouvelle: «si, en s'approchant du Cap de Bonne-Esperance, un navire neutre nous avait informes de la guerre avec les anglais, alors, je n'allais sous aucun pretexte oser me rendre a ce port, surtout que nos ressources nous permettaient d'atteindre la Baie de l'Aventure sans aucun risque majeur» [3, 115].
Neanmoins, Golovnine pensait pouvoir faire entendre raison au Vice-Amiral Barti. Mais malgre ses nombreuses sollicitations, ce dernier se montre inflexible et le fait patienter a chaque entrevue. Finalement, ce qu’il croyait prendre quelques jours, s’etalera sur treize longs mois ponctues de negotiations et d’intimidations. En revanche, etant libre de ses mouvements, le marin russe ne tarde pas a s'habituer a son statut de touriste par accident, jusqu'a se trouver du temps pour decrire le quotidien des populations de cet archipel cosmopolite de l'Afrique australe. Mais avant, il tient a faire quelques mises au point: «meme si je me suis retrouve pendant 13 mois au Cap de Bonne-Esperance [...], les lecteurs de mon journal ne devrontpas attendre de moi une description detaillee de cette region. [...] si je devais ecrire sur tous les objets interessants de cette Colonie qui vont au-dela de ma connaissance, cela m ’aurait emmene a repeter les memes choses que beaucoup de gens avaient ecrites avant moi dans differentes langues et dans plusieurs livres» [3, 134-135].
A partir de la, on s’aperfoit clairement que le recit semble etre complete (sinon reecrit») apres le sejour. En tout cas, le rappel des «13 mois au Cap» au milieu meme de la narration de la navigation prouve que l'auteur se trouvait deja tres loin de l'Afrique du Sud au moment de la redaction de ces lignes. En revanche, ce procede est loin d'etre une exception en matiere de recits de voyage, d'autant plus que beaucoup de voyageurs effectuaient des retouches a leurs notes de voyage en vue de leur edition en livre.
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Pendant son sejour au Cap, ce qui frappe en premier le regard du voyageur, c'est la nature cosmopolite de la colonie du Cap. Tout de suite, Golovnine denombre «61947» habitants repartis entre «21746 chretiens (blancs), 25754 esclaves-noirs, 14447 indigenes, Hottentots etc.» [3, 137]. Toujours selon ses donnees, le territoire etait administrativement subdivise en cinq districts avec comme capitale - Cap-Town qu'on connait aujourd'hui comme le Cap. A l'epoque, a ses dires, la cite etait composee de «1200 demeures et un peu plus de 18 000 habitants» [3, 146]. Golovnine considere comme lieux notables du Cap «le jardin convivial, les hopitaux, la bibliotheque, I'Eglise reformee, l'Eglise lutherienne, les etangs, l'hotel de ville, le theatre et le jardin zoologique» [3, 147]. La vie bouillonnante du Cap, et la cohabitation soigneusement reglementee de cette multitude de nationalites et de races n’ont pas echappe non plus a l’attention du marin russe. Mais ce qu'il a le plus apprecie, est le theatre de la capitale dont il dit etre «le seul sur le continent africain»: «le theatre a ete bati dans la region dite des Hottentots, nommee ainsi parce les Hottentots vendent ici des produits comestibles, les fruits et ainsi de suite. La taille et l'emplacement du theatre, au vu du public local, correspondent tout a fait a son objectif. A mon avis, c'est la chose la plus interessante de la Colonie [...]» [3, 149].
Aussi, on decouvre avec Golovnine que les anglais n’avaient pas importe seulement leur forme de gouvernance, leurs lois, leur langue et leur monnaie en rajout aux piastres espagnoles et au rixdale utilises dans la colonie Cap ; avec eux, ont traverse aussi l’ocean atlantique leur culture, leur mode de vie et surtout leur style vestimentaire auquel les sud-africains ont immediatement adhere. Meme les descendants des premiers colons de l’archipel resistaient difficilement a la tendance : «je ne sais pas comment les habitants d'ici s'habillaient avant la conquete de la Colonie par les britanniques ; mais actuellement, hommes et femmes, jeunes et vieux, a l'exception de quelques-uns qui s'en tiennent encore
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aux vieilles modes, portent tous et toutes des vetements anglais ; d'habitude les hommes sont en noir et les femmes en blanc» [3, 175].
Mais c’est surtout au niveau de l’architecture du Cap que le marin trouve une image typiquement europeenne: «Les constructions du Cap sont en briques; la hauteur des residences varie entre deux et trois etages, elles sont propres et idealement alignees, et toutes, sans exception, sont peintes en blanc ou en jaune, vert, [...] les toits sont plats avec des parapets, lesquels ont dans leurs angles et le long de leurs cotes des figures de vases, des statues, des accessoires etc. Les Hollandais aiment decorer l'exterieur de leurs maisons; [...]. L'agencement interne des maisons est tres harmonieux et convient au climat local. [...] Sous le plancher, ils font generalement d'enormes caves et des magasins. Les Hollandais entretiennent bien leurs maisons, de l'exterieur comme de l'interieur» [3, 144-145].
Pour ce qui est de Simonstown installe au bord du legendaire False Bay, il mentionne: «Simonstown ne merite pas d'etre appele ville, mais seulement une localite abritant des batiments publics : un petit arsenal de la marine, des casernes, un hopital, et sans une seule eglise ; avec pas plus de 25 logements agences sur une ligne le long des rives d'une petite baie nommee False-Bay [...] en tout, moins de 100personnes y habitent; [...]» [3, 150].
En l'absence d'eglise, Golovnine rapporte que les enterrements se faisaient parfois sans priere funeraire. Ce qui devait etre surprenant pour le fervent croyant qu'il etait: «a notre presence, une dame d'une bonne famille avait perdu son fils, [...] et bien que le pretre ne soit pas loin d'ici, sa presence a ete jugee non necessaire, et on a enterre le cadavre sans les ceremonies religieuses» [3, 176].
L'explorateur russe attache une importance particuliere a la situation de la gente feminine, surtout celle d’origine europeenne dont il dit jouir de suffisamment de libertes, peut-etre meme plus que certaines de leurs soeurs restees en Europe. A ses dires, elles sont «courtoises, sinceres et
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serviables» [3, 168] et participent activement aux activites quotidiennes de la colonie. «Beaucoup font du commerce a domicile, y compris les jeunes filles» [3, 168]. Et «comme les hommes, les femmes se deplagent generalement a cheval» [3, 175]. Les neerlandaises etaient naturellement les plus nombreuses. Le voyageur russe n’a pas tari d’eloges sur leur beaute et leur ouverture envers les etrangers. Il y a lieu de se demander s’il n’avait pas vecu une aventure amoureuse avec une d’entre elles pendant son long sejour: «parmi les hommes, on trouve beaucoup de gens importants et beaux, mais les femmes sont plus magnifiques ; nombre d'entre elles, en toute honnetete, peuvent etre appelees beautes. [...] Tout le monde peut leur faire la cour : comme tout le monde est etranger ici, les nouveaux venants sont aussi bien accueillis ; dans l'ensemble, elles (les femmes neerlandaises) semblent bien disposees envers tous, excepte les anglais qu'elles detestentprofondement» [3, 178].
En revanche, c'est l'honnetete des hommes sud-africains, surtout ceux d'orignine hollandaise, qui a marque l'officier de la marine imperiale russe. Ecrivait-il alors a ce propos: «les neerlandais d'ici donnent des promesses avec beaucoup de precautions, mais une fois donnees, ils les accomplissent avec precision, et en ce sens ils ne trompent jamais» [3, 176].
1) Une societe de fermiers, de marchands et d’esclavagistes a la vie monotone.
Il faut dire que si le Cap subjuguait facilement de loin ses visiteurs par sa vue splendide, il s’avere qu’une fois sur place, l'on pouvait s'ennuyer rapidement de son quotidien invariable, d'apres le voyageur russe: «la vie des colons du Cap est en general monotone et extremement ennuyeuse ; [...] pour eux tous les jours de l'annee sont identiques, sauf le nouvel an ; le seul jour qu'ils celebrent; les proches entre eux se font parfois des cadeaux reciproques et passent la soiree ensemble» [3, 175].
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Golovnine n'a pas aime les conditions dans lesquelles la population noire etait maintenue au Cap. Il a ete beaucoup surpris de voir certains fermiers approches defendre la cause esclavagiste. C'est une des rares occasions od l'on le voir saluer l'arrivee des britanniques, puisque ces derniers, a defaut d'eradiquer la pratique, ont contraint les fermiers a mieux traiter leurs esclaves: «a mon avis, leur principal vice est la cruaute avec laquelle beaucoup d'entre eux traitent leurs esclaves, [...] ilparait que, depuis que les anglais ont limite la cruaute des maitres envers leurs esclaves en interdisant le commerce des noirs, on a commence a mieux traiter les esclaves et a prendre soin de leur sante. C'est l'avarice, et non l'humanite, sans aucun doute, qui les a pousses a prendre de telles mesures : leur incapacite a remplacer la main-d'&uvre moins couteuse des cadavres noirs, a emmene les maitres a mieux entretenir leurs esclaves» [3, 176177].
Les conditions de vie des noirs sud-africains avaient-elles pu amener l’aristocrate russe a prendre conscience du probleme de la classe paysanne de son propre pays ? En tout cas, meme s’il ne fait aucune comparaison entre les deux situations dans son recit, il est quand meme interessant de voir qu’a son retour a Saint-Petersbourg, Golovnine sera parmi les premiers aristocrates proprietaires russes a affranchir leurs serfs et a leur octroyer des compensations. A part l’esclavage, le voyageur critique egalement le manque d’interet des capetowniens pour la lecture. En visitant «la Bibliotheque publique, convenablement construite a cote de l'Eglise reformee», il constate avec stupefaction que: «[...]; la collection de livres est tres faible et se compose majoritairement d'&uvres ecrites en neerlandais, frangais, allemand et d'autres langues latines. [...] De fagon generale, elle ne merite aucune attention ; [...] je me suis mis a compter par curiosite le nombre de livres lus, et j'ai deduis que, de 1789 a 1808, c'est-a-dire en 19 ans, les habitants du Cap n'ont lu que 87 livres» [3, 148].
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Pour expliquer ce comportement, le voyageur nous fait plonger dans l'histoire de la fondation du Cap. Selon lui, la colonie est formee d'une societe de marchands qui ne se transmettent de generation en generation que deux passions, a savoir la culture du commerce et le desir de faire fortune :: «ils vivent par la seule pensee d’accumuler de I’argent, [...]; dans le monde, il n’existe peut-etre aucun lieu de negoce similaire ou le penchant des habitants pour la speculation et aux chiffres d’affaires aurait ete si manifeste. [...] Depuis leur prime jeunesse, les neerlandais d'ici sont preoccupes par le commerce et autres moyens d'enrichissement rapide, il leur manque beaucoup en matiere d’education, raison pour laquelle leurs conversations sont toujours ennuyeuses et sans interets» [3, 172-173].
Le futur membre-correspondant de l'Academie des Sciences de Russie a Saint-Petersbourg denonce egalement l'hegemonie de la Compagnie Neerlandaise des Indes Orientales dans le domaine du commerce au Cap de Bonne-Esperance. Hormis cela, Golovnine s’est interesse aussi au systeme judiciaire du pays, qu’il trouve trop dependant du gouverneur de la colonie: «en general, toutes les lois oppressives a l'humanite ont ete annulees. Cependant, tant dans les affaires penales que contentieuses, les colons se font juges par des magistrats choisis dans leurs rangs, et en fonction de la legislation ancienne ; mais aucun jugement et aucune decision de la Cour ne peutpas avoir une portee majeure sans l'approbation du gouverneur. [...] Designe par le roi d’Angleterre, [...] il a le droit de certifier, d’ordonner et de faire appliquer les peines de mort dans les tribunaux penaux et militaires» [3, 140-141].
2) Une nature providentielle
L’Afrique du Sud de Golovnine est egalement un pays dote d’une nature florissante et d’une faune riche en especes rares. Naturellement, il y a de nombreux elements de cette vegetation tropicale que le voyageur decouvre pour la premiere fois. Mais au Cap, ce qui le surprend en permier est l'abondance de
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viande sur le marche. «Il y a tellement de viande dans la colonie que les bouchers se contentent de retirer seulement les langues des tetes de vache, et jettent pratiquement le reste du crane avec ses cornes» [3, 154], ecrivait-il. Le plus important pour le marin qu'il etait, c'est que cette viande pouvait etre conservee pendant longtemps en mer sans probleme: «en decembre 1808, nous nous sommes approvisionnes en jambons et saucisses de mouton, mais les circonstances ont fait que nous sommes restes au Cap de Bonne-Esperance jusqu'au milieu du mois de mai, c'est-a-dire a la saison de forte chaleur, [...] et quand nous sommes alles en mer, ils etaient toujours en bon etat» [3, 154].
Hormis la chasse et l'elevage traditionnel de moutons et de vaches, Golovnine nous apprend que l'aviculture a domicile etait aussi tres developpee par les habitants du Cap. Toutefois, malgre une production importante d«oies, de canards, de poulets et de dindes», «ils se vendaient tres cher». De meme, un accent particulier est mis sur les animaux de la mer. En plus d'un nombre incalculable d'especes de poissons enumere dans le recit dont les «Roman-Fish, Hottentot-Fish, Klip-Fish, Sole, Stein-Brass, skate» ; le jeune navigateur s'interesse a la vie des pingouins et des phoques. Il s’avere meme que la viande de phoque faisait partie des mets favoris des son equipage: «beaucoup de nos matelots l'adoraient» [3, 158], tandis que lui-meme preferait manger plutot les «reins et le foie» de l'animal aquatique. Au niveau de la baie de Simonstown, le voyageur avait pris l'habitude d'assister au spectacle des requins. Et il trouve etonnant que les sud-africains ne soient pas effrayes de se baigner a proximite d'eux: «je n'ai jamais entendu des residents qu'une personne a ete victime des requins, alors ici l’on n'a vraimentpaspeur d'eux» [3, 157].
Par contre, l’explorateur n’a pas garde de bonnes impressions de la menagerie du Cap avec ses «lions, tigres, autruches [...]» [3, 150]. Il l’a trouvee pauvre et sans interets, meme s'il estime apres qu’elle pourrait devenir «la premiere au monde» si le gouverneur du Cap Lord Caledon parvenait a «y
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reunir tous les animaux vivant dans la colonie» comme il s’etait engage a le faire.
En ce qui concerne le secteur de l'agro-industrie, Golovnine «pense qu'il n'y a aucun endroit au monde qui produit autant de divers fruits au gout si agreable et si benefique pour la sante, en plus avec une telle abondance, comme la colonie du Cap de Bonne-Esperance» [3, 150], avant d'ajouter: «les raisins, les oranges, les soi-disant mandarins-chinois, les figues, les peches, les abricots, les grenades, les prunes, les cerises, les fraises, les pasteques, les melons, les pommes, les poires, les amandes, les noix grecques et les chataignes poussent et prosperent en plein air en grande quantite, et sont vendus a moindre cout, [...]. Les ananas ne poussent pas en plein air, mais ils foisonnent dans les serres» [3, 160].
Cette autosuffisance alimentaire se manifeste encore dans la production de legumes. Et la premiere explication donnee a cette prouesse par le voyageur est le climat : «le climat local est capable de produire en quantite enorme toutes sortes de cultures realisables en Europe» [3, 158-159].
3) Un recit destine aux marins « russes »?
Dans le recit, il y a beaucoup d'indices qui laissent penser que le voyageur s'adressait directement a une frange bien ciblee de lecteurs - ses confreres marins. Il va sans dire qu'en prenant la plume, Golovnine projetait que son recit serve ulterieurement de guide touristique aux futurs explorateurs russes qui seront appeles a repeter son itineraire. Voulait-il prevenir ses collegues de ce qui les attend au Cap? Il ne faut pas oublier que c’etait la premiere fois qu’un navigateur russe effectue un si long sejour sur la peninsule africaine. Desormais en Russie, personne mieux que lui ne pouvait raconter autant de choses sur les ports du sud de l'Afrique, dont le role s'affermissait progressivement dans la navigation mondiale. Golovnine ne pouvait pas negliger ce fait non plus. Ensuite, dans sa description, on remarque que son attention etait beaucoup plus
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centree sur la situation des ports d'escales, des fabriques, des prix des denrees, des regies de conduite, des codes et des astuces de commerce (des choses prisees par un marin) ; que sur les societes. Au Cap par exemple, il dit peu sur les relations entre sud-africains noirs et blancs. Sur ce point, il parait s'etre interdit d'aborder les questions d’ordre socio-politique dans son recit. S'il le fait parfois, c'est surtout lorsqu'il s'agit des changements opperes au Cap par les anglais, et leurs rapports avec les boers. Cela serait-il imputable aux tensions qui regnaient entre les deux communautes europeennes durant son sejour ?
Par contre, V«insuffisance d'argentpour [...]» [3, 134] aller a la rencontre des peuples autochtones de l'Afrique du Sud, n'a pas empeche le jeune officier de condamner l'esclavage dont ceux-ci etaient victimes au Cap, meme si le fleau n’est que brievement evoque.
Par ailleurs, la detention de Golovnine au Cap prend fin le 19 mai 1809. «Apres de longues preparations minutieuses» [5, 141], le jeune navigateur s'evade de Simonstown a bord du voilier «Diana» pour atteindre Petropavlovsk en septembre 1809. D'autres sources estiment que le Vice-amiral Barti avait sciemment baisse la garde ce jour-la pour favoriser son evasion, car la situation du capitaine russe et son equipe devenait de plus en plus embarrassante pour lui. Plus tard, au cours de cette meme expedition, precisement durant l'ete de 1811, il sera de nouveau fait prisonnier, cette fois-ci par les japonais au cours d'une expedition de prospection autour des iles Kouriles. Le recit de ce «sejour malencontreux chez les Japonais en 1811, 1812 et 1813» [2] sortira en 1816, et rencontrera un immense succes en Europe od il sera traduit dans maintes langues.
4) Conclusion
Le hasard a fait que le premier recit de voyage russe sur l’Afrique du Sud soit ecrit par un navigateur qui, au depart, n’envisageait meme pas de s’arreter sur le continent africain. Ensuite, a l’arrivee, il n’a meme pas le temps de
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savourer sa rencontre avec l’Afrique qu’il fut submerge de problemes qu’il s’efforcera de resoudre en vain, au point de ne trouver aucune issue que l’evasion.
Sans doute, des le point de depart, le navigateur entreprend d’immortaliser son voyage, mais les prises de notes sont rarement datees. Par consequent, le recit du Cap se presente comme le resultat d’impressions de voyage, et non d’un journal ecrit au quotidien. Et le « moi » du voyageur sert juste a prouver sa presence au moment des faits relates. Le lecteur ne peut pas suivre le navigateur dans ses deplacements a l’interieur de la colonie. Il doit se contenter de quelques apparitions sporadiques dans les lignes des sous-chapitres de la seconde partie du recit dediee a son sejour au Cap. Il faut dire qu’on est loin encore de l’epoque od le voyage est entrepris pour servir d’autobiographie comme on peut le constater chez Michel Leiris et Andre Gide par exemple. Le voyageur narre surtout ce qu’il voit et ce qu’il ressent a la vue de telle ou telle chose. Il ne decrit la maniere dont lui, un marin russe, est perfu par les sud-africains, que lorsqu’il parle de ses rapports avec les militaires britanniques mobilises au Cap. Aux yeux du reste des sud-africains, il se fond dans la masse des europeens de la colonie pour devenir un simple contemplateur.
Enfin, bien que le recit soit destine aux futurs marins russes, il apporte beaucoup d’informations sur la societe du Cap de ce debut du XlXeme siecle. Pour ce qui est de la description des ethnies de l'Afrique du Sud qui fait defaut au texte de Golovnine, elle sera plus explicitement faite quelques annees plus tard par Ivan Gontcharov (1812-1891) [4] et Aleksei Vichestlavtsev (18311888) [1] lors de leurs passages successifs au Cap de Bonne-Esperance.
Литература
1. Вышеславцев А. В. Очерки пером и карандашом из кругосветного плавания. - СПб.: 1862 и 1867.
2. Головнин В. М. Записки флота капитана Головина о приключениях его в плену у японцев. — М.: Захаров, 2004. — 464 с. — (Серия «Биографии и мемуары»).
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3. Головнин В. М. Путешествие шлюпа "Диана" из Кронштадта в Камчатку, совершенное под начальством флота лейтенанта Головнина, в 1807, 1808 и 1809 гг. Том I. - СПб.: 1864.
4. Гончаров И. А. Фрегат «Паллада». Очерки путешествия в двух томах. / Комм. К. И. Тюнькина. - М.: Правда, 1985. - 688 с.
5. Кобищанов Ю. М., Куббель Л. Е. Африка глазами наших соотечественников. - М.: «Наука», 1974. - 319 с. («Путешествия по странам Востока»).
6. Крузенштерн И. Ф. Путешествие вокруг света в 1803, 1804, 1805 и 1806 годах на кораблях «Надежда» и «Нева». - М.: Дрофа, 2008. - 589 с.
7. Le Vaillant F. Voyage de M. Le Vaillant dans l'Interieur de l'Afrique par Le Cap de Bonne Esperance, dans Les annees 1783, 84 & 85. - Paris: Leroy, 1790, 2 volumes. (См. можно на: http://gallica.bnf.fr).
References
1. Vysheslavcev A. V. Ocherki perom i karandachom iz krugasvetnogo plavanija. - SPb: 1862 i 1867.
2. Golovnin V. M. Zapiski flota kapitana Golovnina o prikljuchenijah jego v plenu u japoncev. - M.: Zaharov, 2004. -464 c.
3. Golovnin V. M. Puteshestvie shljupa "Diana" iz Kronshtadta v Kamchatku, sovershennoe pod nachal’stvom flota lejtenanta Golovnina, v 1807, 1808 I 1809 gg. Tom 1. - SPb.
1854.
4. Goncharov I. A. Fregat «Pallada». Ocherki puteshestvija v dvuh tomah. /Komm. K. I. Tjun’kina. - M.: Pravda, 1985. - 688 c.
5. Kobishanov J. M., Kubbel L. E. Afrika glazami nashih sootechestvennikov. - M.: « Nauka», 1974. - 319 c. («Puteshestvija po stranam Vostoka»).
6. Kruzenshtern I. F. Puteshestvie vokrug sveta v 1803, 1804, 1805 i 1806 godah na korabljah «Nadezda» i «Neva». - M.: Drofa, 2008. - 589 c.
7. Le Vaillant F. Voyage de M. Le Vaillant dans l'Interieur de l'Afrique par Le Cap de Bonne Esperance, dans Les annees 1783, 84 & 85. - Paris: Leroy, 1790, 2 volumes. (Sm. mozno na: http://gallica.bnf.fr).
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