A. Dupont-Madinier
passage de marguerite de valois a saint-amant-tallende et saint saturnin
(OCTOBRE-NOVEMBRE 1586)
Fille du roi Henri II (1519-1559) et de Catherine de Médicis (15191589), Marguerite de Valois (1553-1615), plus connue sous le nom de reine Margot, a fortement marqué l'histoire de France. Dernière représentante de la lignée des Valois, elle a vécu une vie tumultueuse, digne d'un roman qui sera écrit par Alexandre Dumas1 deux siècles plus tard et qui contribuera à la faire entrer dans la légende. Ses nombreuses lettres et son livre de compte permettent de retracer avec une certaine
minutie sa fuite en Auvergne et les conditions de celle-ci.
***
Charles IX, son frère, la marie en 1572 à Henri, roi de Navarre et futur Henri IV en gage de paix envers les protestants. A la suite des massacres de la Saint-Barthélemy qui sont perpétrés pendant les fêtes qui accompagnent la noce, Henri de Navarre est retenu prisonnier et ne s'échappera que quatre ans plus tard.
Le troisième frère de Marguerite devient roi sous le nom d'Henri III à la mort sans postérité masculine et légitime de Charles IX en 1574. Marguerite doit quitter Paris en 1583 après avoir intrigué afin que son frère cadet, le duc François d'Anjou et d'AIençon (15541584) accède au pouvoir. Elle rejoint son mari Henri de Navarre à Nérac où le couple vit chacun de son côté. Son mari accumule les maitresses qui en veulent à Marguerite. Elle est également victime de nombreux pamphIets.
1 La reine Margot (1845), d'Alexandre Dumas. © A. Dupont-Madinier, 2017
C'est donc rejetée par son mari et détestée par son frère Henri III que Marguerite vient s'établir fin septembre 1585 au château de Carlat en Haute Auvergne où elle y demeure durant une année. Mais s'y sentant menacée avec son amant Aubiac2, elle quitte Carlat le 14 octobre 1586 en direction d'Ibois, en Basse Auvergne, dans un château qui appartient à sa mère et où elle espère pouvoir se réfugier.
Michel Moisan a retracé sur cette carte3 les étapes du parcours de Marguerite en Auvergne du 25 septembre 1585 au 5 juillet 1605 (ill. 1):
En l'espace de trois jours, accompagnée d'Aubiac, elle traverse les villages de Murat, Allanche, le Luguet puis passe l'Allier à gué, près d'Orbeil dans la nuit du 16 au 17 octobre et se dirige vers Ibois. Accueillie au château par le capitaine Louis de La Jonchères à la tête d'une garnison insuffisante à sa protection et avec peu de provisions, que «des noix, du lard et des fèves»4, elle réalise qu'elle est tombée dans un piège. Le château est encerclé par les hommes du marquis de Canil-lac5 à la solde d'Henri III et Marguerite doit se rendre sans condition le 21 octobre. Le marquis procède à son arrestation et charge Louis de Montmorin6 d'informer de la capture et de recevoir les instructions
2 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne: D'après ses livres de comptes (1578-1586). Paris, 1902. P. 352-353: «Jean de Lart de Galard, de l'illustre famille de Galard en Condomois, Agenais, Périgord, etc., était issu de la branche d'Aubiac en Bruilhois, par les de Lart. Surnommé Aubiac, il était le second fils d'Antoine de Lart de Galard, écuyer, seigneur de Birac, d'Aubiac et de Beaulens, et de Benée de Bourzolles. (...) Aubiac demeura au service de Marguerite et prit à Carlat le titre d'écuyer de la Reine. Cette dernière ne tarda pas à se montrer sensible à son amour».
3 Moisan, M. L'exil auvergnat de Marguerite de Valois. Nonette, 1999. P. 34.
4 Annales de la ville d'Issoire: Manuscrit inédit sur l'histoire des guerres religieuses en Auvergne aux XVIe et XVIIe siècles / Éd. J.-B. Bouillet. Clermont-Ferrand, 1848. P. 177.
5 Jean de Beaufort, marquis de Canillac, baron de Montboissier, vicomte de la Mothe, et de Pont-du-Château et affidé du duc de Joyeuse (1538-1589). Lors de son retour de Constantinople, il n'avait pas pu récupérer son rôle de gouverneur de la Haute-Auvergne confié à Louis de la Rochefoucauld, comte de Randan. Sachant la haine que nourrissait Henri III envers sa sœur, il accepta la mission d'arrêter Marguerite afin de s'attirer les faveurs du roi et de rentrer en possession de son apanage.
6 Louis de Montmorin deviendra son gendre en 1593 en épousant Marie, la 3ème fille du marquis. Louis est également cousin de François de Montmorin qui épousera en 1587 Charlotte, la 1ère fille du marquis et qui recevra en dot lors de son mariage le château de Murol en Saint Amant.
royales. A partir de ce moment, les amants sont séparés: Marguerite est emmenée à Saint-Amant-Tallende, Aubiac au château de Saint-Cirgues, eIIe ne Ie reverra pIus.
s aint-Amant-Tallende
L'ouvrage de Philippe Lauzun7 fournit de précisions sur l'agenda de Marguerite grâce à ses livres de comptes: «Le mardi 21 octobre, ladicte dame Royne de Navarre disne à Yboy, souppe et couche à Saint-Amand. Du mercredi 22 octobre au vendredi 31, ladicte dame à Saint-Amand. Du samedi Ier novembre au jeudi 6, Iadicte dame Roine de Navarre audict lieu de Saint-Amand».
Si PhiIippe Lauzun indique que Ie marquis de CaniIIac crut prudent de Ia mener au château de Saint-Amant-TaIIende8, iI ne précise pas lequel des trois. Le marquis possédait à Ia fois Ies maisons fortes de Ia Barge et de Murol: étant responsable de la garde de la reine, il semblerait logique qu'il ait utilisé l'une ou l'autre, voir les deux. Vladimir Chichkine a étudié la cour de Marguerite qui l'a suivi dans son exil de Nérac à Usson en passant par Ibois et a mis en évidence que Ia reine avait reIativement peu réduit son train de vie, préférant vivre à crédit car sa cour personneIIe lui était le seul moyen de maintenir son rang et son pouvoir d'influence. A Nérac celle-ci comptait environ 200 personnes avec un noyau dur de 60 à 70 personnes9 puis à CarIat de 120 à 150 personnes. Dans sa fuite vers Ibois, Henri de NoaiIIes10 écrit à sa mère que Marguerite est accompagnée «de Cambon, de Lignayrac, et de quelques autres de sa maison, de ses filles et de Mademoiselle d'Aubiac». Léo de Saint-Poncy11 précise que Ia «première journée de voyage nécessita une dépense de 47 écus, 13 sols, 5 deniers, ce qui prouve que la reine avait un train assez considérable». Dans une autre lettre d'Henri de Noailles
7 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois. P. 358-359.
8 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois. P. 358.
9 Shishkin (Chichkine), V. The Court of Marguerite de Valois in Rebellion, 1585-87, in: The Court Historian: The International Journal of Court Studies. 2016. Vol. 21, No 2. P. 95-96, 105.
10 Les papiers de Noailles de la Bibliothèque du Louvre / Éd. Louis Paris. Paris, 1875. P. 192-194.
11 Saint-Poncy, L., de. Histoire de Marguerite de Valois, Reine de France et de Navarre. Paris, 1887. P. 257.
à sa mère datée du 11 novembre, il précise que Marguerite «est à une petite ville appelée Saint-Amand, avec cent harquebuziers de garde»12. C'est l'importance relative de sa cour même réduite et de son escorte qui pousse Vladimir Chichkine à croire que Marguerite aurait séjourné au château de Murol, plus spacieux que celui de la Barge.
Alain Mourgue13 imagine l'arrivée de Marguerite à Saint-Amant-Tallende: «Après son arrestation à Ybois, Marguerite est d'abord conduite au château de Saint Amand (actuellement Saint-Amand-Tallende), sur les bords de la Monne, près de Clermont. Après une halte à Mirefleurs, entourée d'hommes en armes, elle franchit le pont étroit qui enjambe la rivière et les rives inondables, tout près du moulin adossé aux murailles du bourg et passe la porte méridionale. On la conduit au château de Murol qui domine les remparts. La troupe emprunte l'étroite ruelle qui court le long des fortifications. Avec le château de la Barge, situé plus haut dans le bourg, Murol (à ne pas confondre avec la forteresse médiévale du même nom édifiée plusieurs lieues plus à l'ouest à proximité du lac Chambon) est l'un des forts qui protègent la cité.»
La situation financière de Marguerite continue de s'aggraver avec son statut de prisonnière. Les comptes de la reine indiquent que les salaires de sa suite et de sa cour ont généralement cessé d'être payés après 158514. Pour le mois d'octobre 1586, sur 1.790 écus, 58 sols et 7 deniers de dépenses, seuls 411 écus, 2 sols et 11 deniers ont été payés15. C'est sans doute pour cette raison que Marguerite est contrainte de se séparer d'une partie de sa suite. Gustave Saige et le comte de Dienne16 précisent qu'elle «renvoya Madeleine de Birac17, la sœur de d'Aubiac, à qui elle fit payer les frais de son retour en sa maison de Saint-Vitour en Gascogne. Elle licencia aussi le reste de sa suite, suivant quittance passée devant Maynon, notaire à Saint-Amand». Cette information est reprise par
12 Les papiers de Noailles. P. 250.
13 Mourgue, A. Margot, Reine d'Usson. Le Manuscrit, 2008.
14 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois. P. 307.
15 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois. P. 359.
16 Documents historiques relatifs à la vicomté de Carlat / Recueillis et publiés par ordre de S.A.S. le prince Albert Ier, Gustave Saige et le comte de Dienne. Monaco, 1900. P. 340.
17 Madeleine de Birac faisait partie de la maison de Marguerite de Valois depuis 1584 en tant que fille d'honneur.
Jean-Hippolyte Mariéjol18 et Henri de Noailles dans le post-scriptum de la lettre adressée à sa mère du 11 novembre 1586 indique qu'il a été donné 100 écus à Mademoiselle de Birac19.
C'est dans cette même lettre qu'Henri de Noailles fait référence à «une belle lettre qu'elle avoit escrite durant son siège, dont je n'ay heu le loisir de tirer encore copie». II fait très certainement allusion à une lettre adressée au maitre d'hôtel de Catherine de Medicis, M. de Sarlan20. La datation de cette Iettre est imprécise et sujette à de nombreuses confusions. Dans l'ouvrage de Philippe Lauzun21 aucune date ne figure, quant à François Guessard22 il l'antidate à tort d'un an. Pour Eliane Viennot23 et VIadimir Chichkine cette Iettre a été rédigée à Saint-Amant-TaIIende.
Cette Iettre24 est particuIièrement intéressante car eIIe correspond à une période de sa vie où eIIe sembIe toucher Ie fond et témoigne de Ia situation désespérée dans IaqueIIe eIIe se trouve: détestée par son frère, trahie par sa mère, abandonnée par son mari, affaiblie physiquement, imaginant son amant très certainement perdu25 et dans l'attente des ordres du roi statuant sur son sort. Antoine de Sarlan étant maître d'hôtel de la reine Catherine de Médicis, il est évident que cette missive est indirectement adressée à cette dernière:
Monsieur de SarIan, puisque Ia cruauté de mes maIheurs et de ceux à qui je ne rendis jamais que services est si grande que, non contents des indignités que depuis tant d'années ils me font pâtir, [ils] veulent
18 Mariéjol, J.-H. La vie de Marguerite de Valois: Reine de Navarre et de France (1553-1615). Paris, 1928. P. 253.
19 Les papiers de Noailles. P. 250.
20 Monsieur de Sarlan, seigneur de Buron, Authezat, Saint Sandoux et Saint-Yvoine. II fut également Sénéchal de Clermont.
21 Lauzun, Ph. Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois. P. 356-357.
22 Mémoires et lettres de Marguerite de Valois / Éd. François Guessard. Paris, 1842. P. 297-299.
23 Marguerite de Valois. Correspondance, 1569-1614 / Éd. É. Viennot. Paris, 1998. P. 323.
24 PIusieurs copies se trouvent à Ia BibIiothèque NationaIe de France: Dupuy 217, f°192; 704, f°14; n.a.f. 7264 , f°155; 500 Colbert 29, f°751.
25 Le 8 novembre 1586 Ie prévôt LugoIi condamne à mort sans jugement Aubiac qui Iui dit «L'autorité du roi me fait perdre Ia vie, pas mon démérite». L'exécution eu lieu le 17 novembre 1586 au château d'Aigueperse.
poursuivre ma vie jusqu'à la fin, je désire au moins, avant ma mort, avoir ce contentement que la reine ma mère sache que j'ai eu assez de courage pour ne tomber vive entre les mains de mes ennemis, vous protestant que je n'en manquerai jamais. Assurez l'en, et que les premières nouvelles qu'elle aura de moi sera ma mort. Sous son assurance et commandement, je m'étais sauvée chez elle; et au lieu du bon traitement que je me promettais, je n'y ai trouvé que honteuse ruine! Patience! Elle m'a mise au monde, elle m'en veut ôter. Si sais-je bien que je suis entre les mains de Dieu: rien ne m'adviendra contre sa volonté. J'ai ma fiance en lui et recevrai tout de sa main.
Votre plus fidèle et meilleure amie.
Marguerite (ill. 2)
Pour Saint Poncy26 cette lettre «dépeint l'affliction de cette âme abattue par de si rude coups, mais se relevant par la foi». A travers cette missive, Marguerite accuse sa mère d'avoir souhaité sa mort27. Accusation reprise, dans une lettre cette fois-ci qui lui est directement adressée et écrite de sa main fin octobre depuis Saint-Amant-Tallende28:
«A la Reine, Madame et mère.
Madame, puisque l'infortune de mon sort m'a réduite à telle misère, que je ne suis si heureuse que désiriez la conservation de ma vie, au moins, Madame, puis-je espérer que vous la voudrez de mon honneur, pour être tellement uni avec le vôtre et celui de tous ceux et celles à qui j'ai l'honneur d'appartenir, que je ne puis recevoir de honte qu'ils n'en soient participants, principalement mes nièces, au préjudice des quelles le déshonneur que l'on me voudrait procurer importerait plus qu'à nul autre; qui me fait, Madame, vous supplier très humblement en cette considération ne vouloir permettre que le prétexte de ma mort se prenne au dépens de mon honneur et réputation; et vouloir tant faire, non pour moi, mais pour ceux que je touche de si près, de tenir la main que mon honneur soit justifié, et qu'il vous plaise, Madame, aussi que j'aie quelque
26 Histoire de Marguerite de Valois. P. 265.
27 Viennot, É. Parler de soi: Parler à l'autre. Marguerite de Valois face à ses interlocuteurs, in: Tangence. Masques etfigures du sujet féminin aux XVIe et XVIIe siècles. 2005. No 77. P. 37-59.
28 Marguerite de Valois. Correspondance, 1569-1614. P. 324-325.
dame de qualité et digne de foi qui puisse, durant ma vie, témoigner l'état en quoi je suis, et qui, après ma mort, m'assiste, quand on m'ouvrira, pour pouvoir, par la connaissance de cette dernière imposture, faire connaître à un chacun, le tort que l'on m'a fait par si d'avant. Je ne dis ceci, Madame, pour retarder l'exécution de l'intention de mes ennemis et ne faut qu'ils craignent pour cela qu'ils manquent de prétexte pour me faire mourir, car si je reçois cette grâce de vous, Madame, j'écrirai et je signerai tout ce qu'on voudra inventer sur autre sujet pour servir à cet effet; lequel avenant, je vous supplie très humblement avoir pitié de mes pauvres officiers qui, pour la nécessité où l'on m'a tenue pendant beaucoup d'années n'ont pu être payés. Je sais qu'il n'y a rien de si désagréable à Dieu que de retenir le salaire de ses serviteurs. Je penserais emporter cela sur ma conscience qui me fait, Madame, vous en faire cette très humble requête, pour la dernière que je crois, Madame, que vous recevrez de
Votre très humble et très obéissante servante, fille et sujette.
Marguerite
L'original se trouve à la Bibliothèque Nationale de Russie à Saint-Pétersbourg29, ainsi qu'un grand nombre de lettres de Marguerite de Valois. En effet, ces lettres ont appartenu successivement à Roger de Gaignières (1644-1715), puis à la famille Harlay et enfin en 1755 à l'abbaye royale Saint-Germain-des-Prés à Paris. Ces documents ont été remis par le bibliothécaire royal Anne-Louis d'Ormesson de Noyseau30 (guillotiné en 1794 sous la Révolution) à son ami Pierre Doubrovsky31 en vue de les sauvegarder de la destruction. Ce dernier quitta Paris en juin 1792, emporta les documents en Russie d'où, finalement, ils passèrent à la Bibliothèque impériale publique de Russie en 1805.
Saint Saturnin
Le 7 novembre 1586, Marguerite est transférée au château de Saint-Saturnin, fief de la famille La Tour d'Auvergne dont est issue Catherine
29 Une copie se trouve à la Bibliothèque Nationale de France. N.a.f. 6012. F°1.
30 Chichkine (Shishkin), V. Documents inédits sur Marguerite de Valois à Saint-Pétersbourg, in: Seizième Siècle. 2012. No 8: Les textes scientifiques à la Renaissance. P. 328.
31 Piotr Petrovitch Doubrovskiy (1754-1816) secrétaire-interprète de l'ambassade russe à Paris (1777-1792).
de Médicis32 et où Marguerite est passée vingt plus tôt avec son frère Charles IX lors de son grand tour de France33. Le livre de compte rapporte «Le vendredi 7 novembre, ladicte dame a disné, souppé et couché à Saint-Saturnin. Du samedi 8 novembre au mercredi 12, ladicte dame à Saint -Saturnin».
On ignore les raisons pour lesquelles Marguerite a été déplacée à Saint-Saturnin pour un séjour plus bref que celui de Saint-Amant-Tallende. Plusieurs hypothèses sont possibles. Les ordres du roi tardant à arriver, il se peut que le marquis de Canillac ait pris la décision d'installer Marguerite et sa suite dans un lieu plus adapté. Certes il n'était pas le propriétaire du château de Saint Saturnin, mais ce dernier était suffisamment proche de Saint-Amant-Tallende pour pouvoir surveiller la captive dont il était responsable. Faut-il y voir les signes avant-coureurs de la future faiblesse34 du geôlier envers sa prisonnière? Toujours est-il que Marguerite aurait été recluse dans la chambre du dernier étage de la tour sud-ouest du château.
La chronique populaire attribue Marguerite la plantation d'une large allée de tilleuls, longue de deux kilomètres, reliant Saint-Amant-Tallende à Saint Saturnin. Son journal ne le mentionne pas et il est peu probable que Marguerite ait eu le temps de faire exécuter ce projet lors de son séjour d'une semaine. Saint-Poncy35 penche pour une réalisation juste après son départ ou bien des années après, lorsque Marguerite deviendra baronne des deux villes36.
32 La mère de la reine, Madeleine de La Tour d'Auvergne, avait épousé Laurent de Médicis en 1518.
33 Le Grand tour de France (janvier 1564 - mai 1566) est le voyage que Catherine de Médicis fait entreprendre au roi Charles IX à travers la France pour lui faire découvrir son royaume, qui vient d'être ravagé par la première Guerre de religion. Le 30 mars 1566, le roi quitte Vic-le-Comte, traverse l'Allier sur un pont de bateaux, traverse Saint-Amant pour aller dormir au château de Saint-Saturnin et repart en direction de Clermont le 31.
34 Une fois à Usson, Marguerite promet à Canillac ses droits sur le comté d'Auvergne. En février 1587, celui-ci fait en sorte que les gardes suisses prêtent serment à la reine de Navarre ce qui permettra à cette dernière de devenir maîtresse de la forteresse lorsque le marquis passera dans le camp de la Ligue.
35 Mariéjol, J.-H. Histoire de Marguerite de Valois. P. 266.
36 A la suite de sa mère, Marguerite deviendra dame châtelaine de Saint Saturnin, de Saint-Amant-Tallende, d'Ybois, de Mirefleurs et autres fiefs du comté et des baronnies de la Tour et de la Cheyre.
Autre souvenir de Marguerite, le retable qui se trouve actuellement dans l'église Notre-Dame de Saint-Saturnin. Il est composé de trois degrés décorés en relief de guirlandes de fleurs et de fruits avec au centre le monogramme du Christ IHS à droite un M couronné et à gauche un H qui correspondent aux initiales de Marguerite de Valois et d'Henri IV. Ces initiales le datent des dernières années du XVIe siècle ou des premières années du XVIIe siècle. Ce retable provient d'un don de la reine à l'époque
où elle habitait le château d'Usson et était dame de Saint-Saturnin.
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Les ordres du roi que rapporte Louis de Montmorin mettent fin au séjour de Marguerite à Saint Saturnin. Le jeudi 13 novembre 1586, elle est conduite au château d'Usson qui lui appartient depuis 1582 et où elle y sera surveillée par une cinquantaine de gardes suisses. Elle y séjournera pendant près de 19 ans.
Son divorce avec Henri IV37 en 1599 permet à celui-ci de se remarier avec Marie de Medicis qui lui donnera plusieurs enfants dont le futur Louis XIII (1601-1643) à qui Marguerite restée sans postérité léguera ses biens. C'est celui-ci qui sur les conseils de Richelieu, commandera en 1633 la destruction de nombreuses forteresses susceptibles d'abriter des opposants au pouvoir dont Usson et Ibois, faisant disparaitre deux témoins majeurs du séjour auvergnat de Marguerite.
En 1605, à 52 ans, Marguerite quitte Usson et s'installe à Paris ou elle meurt en mars 1615, cinq ans après l'assassinat de Henri IV par Ravaillac. En tout, son exil Auvergnat aura duré une vingtaine d'années.
Information on the article
Dupont-Madinier, A. Passage de Marguerite de Valois a Saint-Amant-Tallende et Saint Saturnin (octobre-novembre 1586), in: Proslogion: Studies in Medieval and Early Modern Social History and Culture, 2017. Vol. 3 (1). P. 209-220.
Antoine Dupont-Madinier, independent researcher (BH2 6NE, UK, Bournemouth, Dorset, 3 Durrant Road)
This article aims to make more precise some details of political biography of Marguerite de Valois, queen of Navarre, sister of last kings deriving from Valois dynasty and spouse of Henri of Navarre, future Henri IV, king of France. From
37 Devenu roi en 1589.
the stay of Marguerite de Valois, queen of Navarre, in Auvergne, her wandering to Carlat (1585), her flight to Ibois and her long residence in Usson (1587-1605), have been widely documented. On the other hand, owing to poor documentation, relatively little is known by the scholars about the three weeks following her arrest and the brief passage in Saint-Amant-Tallende and Saint Saturnin. This article gathers all the elements that exist in this brief period of his life, but probably one of the most desperate. Analyzing all these few documents kept in the National Library of Russia, National Library of France as well as some other sources the author, co-owner of Saint-Amant-Murol, tries to explain the choices that have been made regarding her captivity and the conditions of it and finally lists the still existing traces of its passage.
Key words: Marguerite de Valois, Reine Margot, Marquis de Canillac, Auvergne, Henri III, Catherine de Medicis, Henri de Navarre
Информация о статье
Dupont-Madinier, A. Passage de Marguerite de Valois a Saint-Amant-Tallende et Saint Saturnin (octobre-novembre 1586), В кн.: Proslogion: Проблемы социальной истории и культуры Средних веков и раннего Нового времени. 2017. Вып. 3 (1). С. 209-220.
Антуан Дюпон-Мадинье, независимый исследователь (BH2 6NE, UK, Bournemouth, Dorset, 3 Durrant Road) [email protected] УДК 94(44).029
Настоящая статья отражает работу над уточнением важных деталей из политической биографии королевы Наваррской Маргариты де Валуа (1553-1615), сестры последних королей династии Валуа и жены Генриха Наваррского, будущего Генриха IV. Пребывание королевы Наваррской в Оверни, ее путешествие в Карла (1585 г.), бегство в Ибуа и длительное обитание в Юсоне очень хорошо освещены источниками. Однако довольно мало известно о трех неделях, последовавших за ее арестом за политические интриги в интересах ультракатолической партии герцогов Гизов — Католической лиги, в разгар Религиозных войн во Франции. Известно, что взятая под стражу королева и ее конвой делали несколько остановок в Сент-Аман-Талланд и Сен-Сатурнен в Оверни. В литературе этот сюжет освещен недостаточно по причине скудости источников, раскрывающих его. Автором, который является одним из владельцев замка Сент-Аман-Мюроль, где королева пребывала в октябре-ноябре 1586 г., предпринята попытка собрать и проанализировать все сведения об этом кратком и отчаянном периоде жизни плененной королевы. Рассматривая
отдельные документы, хранящиеся в Российской национальной библиотеке, Национальной библиотеке Франции и других собраниях, а также опираясь на данные других источников автор восстанавливает канву событий этого малоизвестного периода жизни королевы, когда она ожидала королевского решения относительно своей участи.
Ключевые слова: Маргарита де Валуа, королева Марго, маркиз де Канийак, Овернь, Генрих III, Генрих Наваррский
References
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Список источников и литературы
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