Научная статья на тему 'Masculinity and features of the monarch of the lilies: debate over the Salic law and the construction of the national consensus during the last Civil war in the 16th century'

Masculinity and features of the monarch of the lilies: debate over the Salic law and the construction of the national consensus during the last Civil war in the 16th century Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
ИСТОРИЯ ФРАНЦИИ / XVI СТОЛЕТИЕ / ГРАЖДАНСКИЕ ВОЙНЫ / КАТОЛИКИ / ГУГЕНОТЫ / САЛИЧЕСКИЙ ЗАКОН / ГЕНРИХ IV / МАРГАРИТА ДЕ ВАЛУА / ПОЛИТИЧЕСКАЯ ПОЛЕМИКА / ПОЛИТИЧЕСКАЯ ПУБЛИЦИСТИКА / HISTORY OF FRANCE / 16TH CENTURY / CIVIL WAR / CATHOLICS / HUGUENOTS / SALIC LAW / HENRI IV / MARGUERITE DE VALOIS / POLITICAL DEBATE / POLITICAL PAMPHLETS

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Вьенно Элиан

В статье анализируются споры вокруг Салического закона, отстраняющего женщин от престолонаследия, которые имели место во время гражданских войн XVI в. В историографии он почти не изучен, равно как и реакция на него общественности и восприятие самого тезиса о преимущественном праве мужчины на трон. Однако этот вопрос обсуждался с давних времен и стал объектом непрерывной борьбы в течение всей войны. Традиционное верховенство, приписываемое мужскому полу в управлении людьми, в общем, не оспаривалось, однако существовала причина несогласия по поводу «расчетной модели», позволяющей узнать, на кого именно указывает Салический закон при возложении короны. Придя к власти, Генрих IV снова провозгласил политику, которой придерживались его предшественники и все потомки вплоть до Людовика XVI, с энтузиазмом подписавшего первую Конституцию (1791), где фигурировало на почетном месте правило передачи трона от мужчины к мужчине «с постоянным и абсолютным исключением женщин и их потомства». Столетия, связанные с углублением критического мышления и наступление века Просвещения, на самом деле, нисколько не избавились от фальсифицированной легенды, родившейся с появлением Французского королевства и в той или иной мере дожившей до наших дней.

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Преимущественное право мужчины и французский дух монарха лилии: обсуждение Салической правды и создание национального консенсуса во время последней религиозной войны XVI столетия

This article analyzes the disputes around the Salic law, eliminating women from the throne succession, which took place during the Civil wars in the 16th century France. Historians have put little attention both to the law itself and the society reaction to it, as well as, to the general idea of pre-emptive rights of the men on the throne. However, this issue had been discussed since ancient times and was a site of continuous struggle throughout the war. The traditional rule attributed to the male sex in the people governing, in general, didn’t challenge, but there was a disagreement in estimating, who was according the Salic law to become a king. After coming to power, Henry IV proclaimed policy that his predecessors and all descendents down to Louis XVI would follow. Th e last signed, with enthusiasm, the fi rst Constitution of 1791 in which the idea of men succession of the throne from man to man “with the permanent and absolute exclusion of women and their posterity” was formulated. In the age of Enlightenment the fake legend, born with the appearance of the French kingdom, wasn’t overcome and still exists nowadays.

Текст научной работы на тему «Masculinity and features of the monarch of the lilies: debate over the Salic law and the construction of the national consensus during the last Civil war in the 16th century»

Eliane Viennot

MASCULINITÉ ET FRANCITÉ DU MONARQUE DES LIS: LE DÉBAT SUR LA LOI SALIQUE ET LA CONSTRUCTION DU CONSENSUS NATIONAL PENDANT LA DERNIÈRE GUERRE

XVIe SIÈCLE

Les organisateurs de ce colloque nous ayant invité(es) à réfléchir, entre autres, aux questions de datation et aux nouvelles approches susceptibles de renouveler les connaissances des guerres de religion, j'ai choisi de revenir sur un aspect peu connu d'un moment pourtant bien étudié de l'histoire nationale, à savoir le débat sur la loi salique qui se déroula durant la dernière guerre civile du XVIe siècle1 Les historien(nes) de la période et des souverains (et de la souveraine) qui y ont été confrontés y consacrent généralement au mieux quelques mots, comme si la loi en question était unanimement reçue et comme si la nécessaire masculinité du trône de France allait d'elle-même. Cette question était pourtant discutée depuis longtemps, et elle fut l'objet de controverses incessantes durant toute la guerre. Non que fût contestée la primauté traditionnellement accordée au sexe masculin dans la conduite des peuples, ni même la loi dont la France prétendait disposer pour imposer le monopole dudit sexe sur la chose publique (bien que son existence ait été battue en brèche depuis quelques décennies), mais en raison du désaccord sur le mode de calcul permettant de savoir qui ladite loi désignait pour coiffer la couronne.

Ces controverses permirent non seulement à cette invention très improbable et longtemps demeurée confidentielle de devenir un savoir commun des Français, mais aussi de construire peu à peu un solide

1 J'ai retracé l'histoire de ce mythe dans Viennot, E. La France, les femmes et le pouvoir. 1. L'invention de la loi salique Ve-XVIe siècle). Paris, 2006. Chapitre 9, notamment aux chapitres 10 à 15. Voir également Giesey, R. E. Le Rôle méconnu de la loi salique. La succession royale, XIVe-XVIe siècles. Paris, 2007. © Eliane Viennot, 2016

consensus entre pratiquement tous les belligérants, par delà leurs divergences sociales, confessionnelles et politiques, autour des caractéristiques fondamentales du monarque des lis; caractéristiques que le roi de Navarre finit par réunir, aussitôt qu'il fut redevenu catholique, d'où la rapidité avec laquelle la paix revint en France, après quarante ans de conflits civils et religieux. Je me concentrerai donc sur la décennie 1584-1594, qui constitue à mes yeux un tournant décisif dans l'histoire de la France pour la mise en place d'une culture du monopole masculin sur la vie politique française, telle qu'on la voyait toujours à l'œuvre à la fin du xxe siècle. Auparavant, je ferai quelques rappels destinés à éclairer les enjeux de ce débat, et j'essaierai de montrer pourquoi les conflits religieux des années 1570 et 1580 ont favorisé la sortie du mythe de ses cartons.

Les enjeux du débat sur la loi salique

Je rappellerai d'abord, très brièvement, que la règle successorale dénommée loi salique n'a de commun que son nom avec la véritable Lex salica, le corps de lois des Francs Saliens mis par écrit au temps de Clovis. C'est au début du xve siècle que le nom de l'une fut donnée à l'autre, afin de légitimer l'exclusion de plusieurs filles du trône de France intervenue un siècle auparavant, dans les années 1310 et 1320, et qui avait entraîné la guerre de Cent ans2 Le code des Francs Saliens était alors bien oublié, et il ne disait rien de la transmission de la couronne. Mais, contrairement à tous les grimoires que les partisans des Valois avaient épluchés pour trouver de quoi justifier leur arrivée sur le trône de France, ce code contenait au moins un élément intéressant: un article stipulant qu'un certain type de terre ne pouvait être transmis aux femmes. Article qui, une fois isolé du reste du code, voire maquillé grâce au remplacement

2 Au premier chef Jeanne de France, 611e de Louis X le Hutin, dédommagée de la perte de son trône par le don de celui de la Navarre (royaume entré dans les possessions françaises deux générations auparavant, via sa grand-mère, Jeanne Ire de Navarre, épouse de Philippe le Bel). Ensuite ses cousines germaines, les filles de ses oncles (les deux premiers usurpateurs du trône, Philippe V et Charles IV, qui ne laissèrent pas de 61s vivant). En6n sa tante Isabelle, 611e aînée de Philippe le Bel, reine d'Angleterre. Le premier Valois (Philippe VI) était passé non seulement devant toutes ces femmes, mais devant leurs descendants mâles, dont les plus puissants, Charles II de Navarre et Edouard III d'Angleterre s'allièrent contre les nouveaux occupants du trône.

du mot terre par le mot règne dans les années 1410, et dûment commenté dans le sens voulu, fut déclaré source du droit successoral français.

La référence aux Francs Saliens soulevait cependant d'énormes difficultés. D'une part, il semblait cavalier de fonder le droit des Valois sur un code inconnu et qui, pour l'essentiel, traitait de vols, de meurtres, de mutilations, d'injures et autres délits, chacun accompagné du tarif valant pour composition avec la famille lésée. D'autre part, les chroniques qui servaient d'histoire officielle depuis des lustres ne parlaient jamais la Lex salica, ni d'aucune règle restreignant l'accès des femmes à la couronne. En revanche, elles laissaient voir des reines exerçant les pleins pouvoirs et soutenues par leur entourage. Comment expliquer, en outre, que ce peuple seul ait adopté cette disposition, alors que les Germains avaient fondé la plupart des royaumes d'Europe? Enfin, comment conjuguer l'obéissance sacrée aux prétendues coutumes germaines avec le mythe des origines troyennes du royaume que les propagandistes français construisaient patiemment depuis des générations, afin de le doter d'un passé prestigieux?

Tant que dura la guerre de Cent ans, ces débats opposèrent une poignée de gradués de l'Université et de membres de la Chancellerie. Dans la dernière partie du xve siècle, en revanche, l'invention commença de faire des adeptes, grâce à la mise au point progressive d'un argumentaire simplifié, qui gommait les problèmes soulevés par cette fable. Selon ce scénario, popularisé par le «grand traité anonyme»3 des années 1460, le roi Pharamond avait promulgué la loi salique dans les années 420, à l'instigation de quatre sages; elle consistait en un article unique, qui stipulait que les femmes ne succèdent pas à la couronne; elle avait été appliquée sans relâche au cours des siècles, et notamment au début du xive, lors de l'élimination des princesses françaises. Ces informations prétendument factuelles étaient assorties de rationalisations: d'une part, cette loi était juste car elle permettait d'éviter deux dangers effroyables, à savoir la domination des femmes et celle des étrangers; d'autre part, le fait que la France seule suive cette disposition prouvait tout simplement sa supériorité absolue, puisque sa loi successorale était conforme à la

3 Selon la formule de Colette Beaune (voir note suivante). Son auteur pourrait être Guillaume Cousinot. Voir la dernière édition de ce texte par Taylor, C. Debating the Hundred Years War: «Pour ce que plusieurs» (La Loy Salique) and «A déclaration of the trew and dewe title of Henrie VIII». Cambridge, 2006.

loi naturelle de la supériorité masculine, quand pratiquement toutes les autres monarchies héréditaires s'étaient laissées corrompre par les femmes, au point de «tomber en quenouille».

C'est sur cette dernière batterie de raisonnements que comptaient les partisans de la nouvelle règle pour masquer la fantaisie de leurs discours historiques. Dès la fin du xve siècle, en effet, les récits d'histoire se firent discrets sur ce qu'était la Loi Salique (la vraie comme la fausse) et ils commencèrent à diaboliser les femmes qui avaient gouverné la France, afin de prouver qu'à chaque fois que la chose avait eu lieu, cela s'était soldé par des catastrophes. Deux reines, notamment, se virent décerner l'honneur de soutenir cette démonstration (les autres étant vouées à un rapide effacement): Brunehaut et Frédégonde, qui s'étaient combattues au viie siècle en tant que reines mères dirigeantes de deux sous-royaumes francs. L'invention de l'imprimerie intervenant sur ces entrefaites, les nouvelles chroniques et histoires de France remplacèrent bientôt les anciennes, et leurs assertions furent diffusées à des centaines, voire à quelques milliers d'exemplaires. Pour reprendre une formule de Colette Beaune, le nouveau produit commençait alors une carrière de «mythe national»... du moins dans le milieu de la haute clergie4.

Une autre raison explique le succès croissant de la nouvelle théorie dans ce petit monde: c'est le retour de femmes à la tête de l'État à partir de la fin du siècle. Anne de France, fille aînée de Louis XI, Louise de Savoie, mère de François Ier, Catherine de Médicis, mère des trois derniers Valois, gouvernèrent chacune, seules ou en binôme, durant de longues années. Même si aucune ne le fit au titre d'un héritage quelconque, il était facile de soutenir que l'exclusion des femmes de la Couronne, en France impliquait leur exclusion du gouvernement, et c'est ce que ne manquèrent pas de faire leurs opposants.

Reste à préciser pourquoi la loi salique demeura si longtemps un sujet de débat confidentiel. La raison la plus importante, vraisemblablement, est que ses opposants étaient condamnés au silence; expliquer qu'aucune loi française ne contraignait à la succession en ligne masculine, c'était dire que les Valois étaient des imposteurs, c'était prendre le risque de

4 Beaune, C. Naissance de la nation France. Paris, 1985. Capitre 9. Voir également: Viennot, E. L'histoire des reines de France dans le débat sur la loi salique (fln XVe-fln XVIe siècle), in: Femmes de pouvoir et pouvoir desfemmes dans l'Occident médiéval et moderne /Ed. E. Santinelli, A. Nayt-Dubois. Valenciennes, 2009.

rouvrir les hostilités. Le mieux qu'ils pouvaient faire, c'était de répondre «à côté», par exemple en valorisant l'histoire des reines (d'où l'ampleur qu'allait prendre la littérature sur les «femmes célèbres», au sein desquelles les dirigeantes fameuses sont toujours très bien représentées). La famille royale elle-même ne pouvait pas apporter de démenti à ce nouveau mythe des origines, bien qu'elle n'y fût pas favorable en raison de la valeur «constitutionnelle» que les partisans de la loi salique lui attachaient. Elle était en effet qualifiée, depuis le grand traité anonyme, de «première loi des Français» et c'est sous ce titre que le texte (qui n'en avait pas jusqu'alors) allait être publié entre 1488 et 1552. Les responsables de cette manipulation avaient évidemment dans l'idée le projet de mettre en valeur un ensemble de règles qui s'imposeraient au roi, en raison de leur ancienneté (ou prétendue ancienneté). La «première loi» allait ainsi être rapidement suivie d'autres, pour finir, dans les années 1570, par donner lieu à la théorie des «lois fondamentales» — amorce d'une Constitution.

L'autre raison majeure de la stagnation de l'invention dans la première moitié du xvie siècle est qu'aucune des deux nouvelles pannes dans la production de garçons de la période, celles qui affectèrent les rois Charles VIII et Louis XII, ne posa de problème politique véritable: à chaque fois succéda un prince qui était à la fois gendre de roi (c'est-à-dire héritier légitime au titre des traditions) et son cousin mâle le plus proche en ligne masculine (c'est-à-dire héritier légitime au titre de la prétendue nouvelle règle); et dès le règne de François Ier, la production de garçons sembla se rétablir au-delà de tout espoir.

Une dernière raison, enfin, a pour nom la Raison d'État. Car une chose est de rêver à une constitution qui écarteraient les femmes du pouvoir, et autre chose est de se passer d'elles lorsqu'elles sont le seul garant de sa stabilité face aux ambitions des cousins et des oncles. Sous la première grande régence de Catherine de Médicis, dans les années 1560, certains de ses partisans n'hésitèrent pas défendre publiquement l'idée que la loi successorale et le gouvernement étaient deux choses très différentes, et qu'il était mensonger de décrire les règnes féminins comme entachés de violences et de turpitudes. C'est notamment le cas de l'historien Etienne Pasquier, qui devait du reste revenir longuement sur cette question (notamment sur les bilans de Frédégonde et Brune-haut) dans les derniers volumes de ses Recherches de la France, au début du xviie siècle. D'autres, les frères Du Tillet vraisemblablement, firent

discrètement éditer le Code salien, de sorte qu'on pût constater de visu que la disposition prétendue ne sortait pas de là. Dans les années 1570, l'historien Girard Du Haillan alla jusqu'à affirmer que la loi salique avait été «inventée, ou par Philippe le Long, ou par Philippe de Valois, pour se faire rois, et pour exclure leurs nièces de cette Couronne»5. Ce qui ne l'empêchait pas d'ajouter que c'était une excellente règle...

Les crises des années 1570 et 1580

La loi salique continua donc longtemps d'intéresser principalement des historiens, des juristes, des théoriciens de la politique et des hommes d'État, sans parler des femmes au pouvoir et de leurs cercles.6 A la fin de l'année 1574, pourtant, soit au tout début du règne de Henri III, tout juste revenu de Pologne pour prendre la succession de son frère Charles IX, la fable surgit de sa boîte comme un boulet de son canon. Au pouvoir depuis une quinzaine d'années, la reine mère venait de faire face au complot des Malcontents, coalition de protestants et de catholiques modérés destinée à empêcher l'avènement de Henri (connu depuis la Saint-Barthélemy pour son engagement en faveur du catholicisme) et à permettre celui de son frère cadet, François, duc d'Anjou (connu lui, pour sa modération religieuse); une tentative de coup d'État à laquelle leur mère s'était opposée, quasi seule en raison de l'état de santé de Charles, en faisant emprisonner les chefs de la coalition.

Tout une série de pamphlets et d'ouvrages de théorie politique parurent alors, parmi lesquels les plus importants pour mon propos sont le Discours merveilleux de la vie et déportements de la reine Catherine de Médicis, reine mère (fin 1574), immédiatement traduit en diverses langues pour lui assurer une diffusion internationale, et les Six Livres de la République de Jean Bodin (1576), qui connurent un succès encore plus grand et plus durable. Le premier ouvrage, évidemment anonyme, est une sorte d'atroce biographie de la reine mère. D'une violence difficilement soutenable, ce texte comprend un développement sur les régentes

5 Bernard de Girard du Haillan. De l'Estat et succès des affaires de France. Paris, 1570. F. 100-104.

6 Voir Viennot, E. Comment contrecarrer la loi salique? Trois commanditaires de livres d'histoire au XVIe siècle : Anne de France, Louise de Savoie et Catherine de Médicis, in: Les Femmes et l'écriture de l'histoire, 1400-1800 / Ed. J.-C. Arnould, S. Steinberg. Mont-Saint-Aignan, 2008.

catastrophiques (autant dire toutes) qui occupe plus de 20 % du texte, dont la moitié est consacrée à un parallèle entre les deux pires aux yeux de l'auteur: Brunehaut et Catherine. Toute la démonstration est ponctuée de sentences sur «l'autorité de notre loi salique» (sans qu'aucune précision ne vienne en dire davantage), et elle se termine par un appel solennel à l'unité des hommes: «marchons tous d'un cœur et d'un pas, tous dis-je, de tous états et qualités, gentilshommes, bourgeois, paysans, et la contraignons de nous rendre nos princes et seigneurs en liberté7». Comme le légendaire supplice infligé à Brunehaut a été rappelé peu avant avec délectation, le sens du contraignons-la est clair.

Le traité de Bodin, lui, théorise la domination masculine, insistant sur la nécessaire subjection de l'épouse autant que sur les dangers de la gynécocratie. «La République à parler proprement perd son nom où la femme tient la souveraineté, pour sage qu'elle soit; et si elle est impudique, qu'en doit on espérer?» Heureusement, ajoute-t-il, «la loi salique [...] défend expressément que la femme puisse aucunement succéder aux fiefs de quelque nature qu'ils soient». Après quoi il précise, pour contrer l'offensive des partisans de la monarchie, que cette règle «n'est point une loi feinte, comme plusieurs pensent, car elle se trouve és plus vieilles et anciennes lois des Saliens és vieux livres écrits à la main8

Les dix années suivantes ne se passent toutefois pas comme prévu. D'un côté, une fois au pouvoir, Henri III poursuit avec sa mère la politique de balance entre catholiques et protestants qu'elle avait inaugurée; il déçoit donc grandement ses alliés les catholiques zélés, et notamment leurs chefs, les Guise, ses anciens amis. D'un autre côté, cet homme jeune, qui s'est marié par amour, n'a pas d'enfant. Aussi une crise successorale s'ouvre-t-elle en 1584, lorsque meurt à trente ans François d'Anjou, le dernier de ses frères, qui n'a pas d'héritier non plus, et qu'Henri de Bourbon, roi de Navarre, devient l'héritier présomptif du royaume. Une fois de plus, pourtant, la transition pourrait s'effectuer sans heurts, car l'impétrant est à la fois le beau-frère d'Henri III et son plus proche parent en ligne strictement masculine — quoiqu'il faille, cette fois, remonter à Saint Louis pour leur trouver un ancêtre commun selon ce mode de calcul. Le problème, on le sait, c'est que Navarre est protestant, dans un pays

7 Discours merveilleux de la vie, actions et deportemens de Catherine de Medicis, Royne-mère/Ed. N. Cazauran. Genève, 1995. P. 278.

8 Jean Bodin. Les Six Livres de la République. Paris, 1986. Vol. 6. P. 235; 247.

dévasté par les guerres civiles et religieuses depuis vingt-cinq ans, et dans une Europe également déchirée, où un accord international, adopté au milieu du siècle, impose aux peuples de suivre la religion de leur prince; le voir monter sur le trône de France, c'est voir passer ce pays du côté des puissances protestantes — ce que ni les catholiques français, ni les pays de l'Europe du Sud, ne sont prêts à laisser faire.

Quelles sont les autres solutions? La première: que Navarre se convertisse; c'est ce que prônent Henri III et les catholiques modérés. Sauf que Navarre ne veut pas, et encore moins ses partisans: pour eux, le plus simple est d'attendre que la couronne tombe dans leurs mains. La seconde solution, avancée par les Guise avec beaucoup de prudence: qu'on change de famille dynastique; qu'on se tourne vers eux, par exemple, qui descendent de Charlemagne. Sauf qu'à force de scruter l'histoire des premières dynasties, il est apparu que le dernier Carolingien était mort «sans hoir mâle». La troisième solution serait d'abandonner purement et simplement la règle masculine. Mais il faut dire, alors, à partir de quand on rétablit le droit des filles: à partir de celles de François Ier, le grand-père d'Henri III? à partir d'Henri II, son père? à partir de lui-même, qui a encore une sœur vivante? On comprend que les candidats au trône de France soient sortis de terre comme les champignons après la pluie, et que leur abondance ait laissé toute sa chance à la dernière solution: la guerre. Déclarée au début de l'année 1585, elle va faire rage une dizaine d'années, durant lesquelles la loi salique fera l'objet d'une gigantesque «explication de texte», financée par certains candidats et relayée par des cohortes de plumitifs enthousiastes, séduits tant par la théorie de la «préférence masculine» en matière de pouvoir suprême, que par ses applications dans tous autres domaines.

Ce qui frappe toutefois, au-delà de l'apparente variété des positions politiques et religieuses, et au-delà des différentes conceptions de la loi salique en lice, c'est la minceur des divergences entre les belligérants quant aux valeurs qu'elle incarnait, et qui allaient finalement faire du roi de Navarre le candidat du consensus, à savoir sa double qualité d'homme et de Français — en attendant celle de catholique.

Le consensus autour de la masculinité du trône

Ce consensus se marque, dès le début de la guerre, par la première candidature alternative qui surgit face à celle du roi de Navarre: celle de

son oncle paternel, Charles de Bourbon, qui a l'avantage d'être catholique. L'homme est pourtant handicapé par son statut de cardinal et ses soixante ans — ce qui ne laisse guère de temps pour le délier de ses vœux, le marier et le mettre à la production d'héritiers... mâles. D'après les catholiques zélés, néanmoins, il est le seul à pouvoir monter sur le trône, en tant que descendant de Saint Louis et plus proche de lui d'un degré que son neveu. Les Ligueurs défendront cette thèse cinq ans durant, jusqu'à sa mort, à travers des dizaines d'ouvrages et surtout des centaines de prêches — les églises ayant été transformées, comme on le sait, en tribunes politiques dans les villes tenues par la Ligue.

Une autre mesure de l'ampleur du consensus autour de la masculinité du trône est la timidité avec laquelle la haute noblesse défend ses valeurs, et notamment le sang des femmes, qui a toujours compté au plus haut point pour elle. Côté protestant, c'est le silence complet. Côté catholique, c'est à peine moins que du silence, même si chaque souffle provoque aussitôt une tempête. Le problème est ici de ne pas se couper de la base catholique, partisane de la loi salique, tout en continuant de faire savoir qu'on est bien placé pour recueillir la Couronne en cas d'échec probable de la candidature du vieux cardinal.

Les Guise, notamment, adoptent une position purement défensive lorsqu'ils font répondre à ceux qui les accusent de lorgner le trône. «Il est tout certain [...] que le dernier de la race de Charlemagne mourut sans aucun enfant mâle», écrit en 1585 l'un de leur porte parole. Tous les descendants du grand empereur qui peuplent les familles princières d'Europe le sont donc par les femmes, à l'instar des Guise. Et «combien que la loi salique n'approuve les femelles de la Couronne, toutefois elle n'est si forte qu'elle puisse éteindre le parentage qui est entre eux de droit de nature, plus ancien et plus fort que la loi salique». Enfin, «si contre la loi salique ceux de Guise prétendaient à la Couronne comme venus des filles de France, ils n'ont pas à rechercher leur race de si loin: car monsieur de Guise est petit-fils du roi Louis douzième»9. On voit que, loin de dénoncer la falsification historique, les Guise ne font guère plus que rappeler qu'ils appartiennent à la famille royale... De fait, ils comptent sur les États généraux pour prononcer leur droit à succéder à Henri III. Sans doute était-ce déjà leur objectif en 1588, et ça l'est encore pour les

9 Response de par M.M. de Guise à un advertissement: [attribué à Pierre d'Epinac]. S. 1., 1585. P. 6; 8; 12.

suivants. C'est ce qu'explique en 1592 l'auteur du pamphlet L'aveuglement et grande inconsideration des politiques, dicts Maheustres, lesquels veulent introduire Henry de Bourbon, jadis roy de Navarre, à la Couronne de France, à cause de sa prétendue succession. Loin de contester cette dernière (autrement dit le système successoral français), il rappelle simplement qu'il lui est déjà arrivé d'être «interrompue» par Dieu - par exemple pour passer des Mérovingiens aux Carolingiens. La même chose doit arriver à présent, soutient-il, à condition que le nouveau monarque «soit établi et déclaré roi par les États, ou par la plus saine et meilleure partie du peuple, avec l'onction, comme ont été tous les rois de France depuis Clovis»10.

Quant aux autres candidats qu'on peut dire français et qui sont issus de princesses du sang, le fils du duc de Lorraine et le duc de Savoie, ils se tiennent cois (pour autant que je le sache); ils se contentent d'attendre, eux aussi, que les armes ou les États décident.

Une autre marque de l'accord profond réunissant les belligérants au-delà de leurs divergences tactiques ou confessionnelles se repère dans la réconciliation des deux camps, officiellement ennemis, du Béarnais et d'Henri III, qui joignent leurs forces au début de l'année 1589. Le roi de France, je l'ai rappelé, considérait son beau-frère comme son successeur naturel, et il avait tenté de le convaincre d'abjurer; essuyant perte sur perte entre le marteau catholique et l'enclume protestante, il finit par céder sur la clause religieuse. Les deux beaux-frères se tombent donc dans les bras, scellant la fusion des armées royales et protestantes. Quelques mois plus tard, Henri III succombe sous les coups d'un moine fanatique, et les deux camps réunis reconnaissent pour leur roi le souverain de Navarre, pourtant toujours protestant. Dès avant ces heures

10 L'aveuglement et grande inconsideration des politiques [...]. Paris, 1592. P. 15, cité par Dmitriev, M. «Être catholique» et «être français» dans certains textes de la fln du XVIe siècle, in: Revue d'Histoire de l'Eglise de France, 2010. Vol. 96. N. 237. P. 329-347. P. 334. M. Dmitriev (que je remercie d'avoir attiré mon attention sur ce texte) suppose qu'il s'agit là d'une seconde ou troisième édition, car Fr. Pigenat est mort en 1590. Mais il n'y a pas de trace, a priori, d'une édition antérieure, et le texte est également « Attribué au frère Jean Pigenat par Barbier et Quérard ; plus vraisemblablement au frère Jean Patis par Denis Pallier (Pallier, D. Recherches sur l'imprimerie à Paris pendant la ligue (1585-1594). Genève, 1976. P. 411. N. 804). (note catalogue BNF). Il s'agirait du « Remaniement très augmenté de La Diffinition des peines des schismatiques bien prouvée et leur aveuglement par Fr. Jean Patis..., 1591» (note catalogue BNF).

tragiques, les partisans du Béarnais avaient préparé les conditions de cette réunification, en publiant livre sur livre où ils insistaient à la fois sur sa légitimité en vertu de la loi salique, sur sa loyauté envers son beau-frère, et sur son caractère de «bon prince français». Stratégie qu'adoptent tous ses partisans, et que décodent parfaitement leurs adversaires. Ainsi l'auteur du Mirouer catholique (1590), s'en prend-il aux Politiques catholiques renégats», qu'il accuse de vouloir «exterminer l'État, quoi qu'ils se disent Français»11; ce que nul ne nie, quoi qu'ils se voient traités de «mauvais Français». De la même façon, Navarre a beau être traité de «Biarnois» à longueur de pamphlets catholiques, c'est une manière de reconnaître qu'il est un Français, bien qu'il en soit un «mauvais» puisqu'il est protestant.

Enfin, le sexe des prétendants rassemble à l'évidence tous les belligérants de culture française: il est clair que le roi de Navarre, le cardinal de Bourbon, le duc de Guise, le fils du duc de Lorraine, le duc de Savoie, sont des hommes. Seul le roi d'Espagne revendique la Couronne pour sa fille, née de son mariage avec la fille aînée d'Henri II et de Catherine de Médicis, Élisabeth. Seul, il part en campagne contre la loi salique — en prenant à rebrousse-poil ses meilleurs alliés, dont la base catholique qui s'est durant cinq ans dépensée sans compter pour le cardinal de Bourbon, au nom de ladite loi... L'exclusion des femmes, expliquent les polémistes de Philippe II (qui s'appuient ce faisant sur les historiens français), est «une invention ne remontant qu'à Louis X le Hutin». Les Bourbons, certes, descendent de Saint Louis; mais ils forment «une maison distincte de la famille royale» et pour qu'ils puissent «invoquer la loi salique, il leur faudrait prouver son existence du temps de Saint Louis»12.

Le roi d'Espagne est évidemment le moins bien placé, vu sa nationalité, pour mener cette bataille. Seule une poignée de zélés le suivra sur cette voie, faisant décidément passer la cause religieuse avant la cause masculiniste et la cause nationale. Pour le reste, ni la garnison espagnole installée à Paris, ni les milliers d ecus dépensés pour acheter le vote des députés aux États généraux de 1593, ni les discours du Légat du pape, ni les prêches enflammés du dernier carré des curés ligueurs, ne parviendront à convaincre les Français d'abandonner la loi salique.

11 Mirouer catholique représentant les moyens pour retenir le peuple de la Bretagne au S. Party de l'Union [...]. S. 1., 1590. P. 14-15, également étudié par Dmitriev, M. Être catholique et être français. P. 338.

12 Résumé de Constant, J.-M. La Ligue. Paris, 1996. P. 419.

Mais ils feront suffisamment peur au roi de Navarre pour qu'il jette lui aussi l'éponge, en abjurant solennellement, en juillet 1593 — prélude à la déposition des armes un peu partout, et à la normalisation progressive de la situation.

Une règle valable pour toutes les femmes

Dans la dernière partie de cet article, je voudrais insister sur l'autre volet de la propagande en faveur de la loi salique: celui qui cherchait à convaincre de l'illégitimité du pouvoir des femmes du haut en bas de l'échelle sociale. Les partisans de l'un ou l'autre candidat, en effet, ne se contentèrent pas de rappeler l'histoire du roi Pharamond et de ses quatre acolytes, ou de compter le nombre des degrés qui séparaient leur héros de Saint Louis ou de Charlemagne. Tous ou presque, d'abord, rappelèrent les crimes affreux commis par les reines du temps passé. Tous ou presque attaquèrent les femmes d'État du temps présent. Catherine de Médicis avait à cet égard plusieurs longueurs d'avance, elle redevint l'objet d'attaques innombrables. Les femmes de la famille Guise, très impliquées dans la guerre civile, furent également vilipendées, tant par les catholiques modérés, qui les accusaient d'être aux côtés des zélés, que par les zélés, qui les accusaient d'être trop tièdes. La reine Élisabeth d'Angleterre, principal soutien des protestants, subit des attaques non moins rudes de la part des Ligueurs. Certains ouvrages s'attaquèrent même tout spécialement aux femmes comme groupe. Il en est ainsi du Manifeste des dames de la Cour, publié en 158713, qui faisait avouer leurs prétendues coucheries à des brochettes de princesses et de grandes dames.

Bien des ouvrages, aussi, s'étendent sur les beautés la «première loi française», et sur la nécessité de la faire régner au-delà de la sphère publique. Ainsi Pierre de Belloy, un catholique rallié au camp de Navarre, estime-t-il dans son Examen du discours publié contre la maison royale de France, paru en 1587, que l'un des «fruits inestimables» conférés aux Français par la loi salique est la transmission de la Couronne par les seuls mâles, «selon l'ordre du gouvernement universel planté par la nature, suivant lequel il est malséant de voir la femme commander à son chef, pour

13 Cité dans: Pierre de L'Estoile. Registre-Journal du regne de Henri III: Vol. 5: 1574-1589/Éd. M. Lazard; G. Schrenck. Genève, 1992-2003. Vol. 5. P. 344-345.

l'obéissance, aide et service duquel elle a été formée»14. Quant à l'auteur qu'il pourfend dans ce livre — un partisan du cardinal, — il réplique en disant qu'il est entièrement d'accord: il conviendrait, affirme-t-il, «que non seulement au gouvernement du royaume la loi salique fut pratiquée, mais aussi en nos maisons particulières: il n'y aurait point tant de gens en peine comme il y a»! Du reste, poursuit-il, «si la loi a été reçue en ce royaume, non ailleurs, c'est pour ce qu'en notre France il y a plus de légèreté en nos femmes»15.

Je signalerai enfin l'inventivité extraordinaire de cette période en matière de méthodes de persuasion. L'Examen du discours que je viens de citer se présente comme une suite de brefs résumés des thèses des autres camps, suivis de longues réfutations, comme pour offrir aux militants une batterie d'arguments propre à les aider dans la polémique. Mais ce n'est pas tout: il est écrit en gros caractères, sur plus de trois cent cinquante pages en haut desquelles court le titre la loy salique — ce qui ne permet pas d'oublier cet impératif une seule seconde. Enfin, il est orné de tableaux généalogiques destinés à visualiser le nombre des degrés entre l'oncle et le neveu — et accessoirement à rafraîchir la mémoire quant à la succession des rois de France; des tableaux où aucun nom de femme n'apparaît jamais, comme si les rois s'engendraient les uns les autres, depuis le saint fondateur. De son côté, un partisan du cardinal, Matteo Zampini, signe un livre lui aussi écrit en gros caractères, lui aussi orné de tableaux généalogiques entièrement masculins, mais dans lequel, en outre, quelques mots sont imprimés en lettres majuscules, comme pour surimposer un message subliminal à celui qu'il défend. Parmi ces quelques mots, le plus fréquent est le terme mâle, qui saute au visage du lecteur à toutes les pages du livre, où il peut figurer jusqu'à cinq ou six fois16

14 Pierre de Belloy. Examen du discours publié contre la maison royale de France, et plus particulièrement contre la branche de Bourbon, seule reste d'icelle, sur la loi salique et succession du royaume. Par un catholique, apostolique, romain, mais bon françois, et tresfldele subjet de la couronne de France. S. 1., 1587.

15 Sommaire response à l'examen d'un heretique sur un discours de la loy Salique, faussement pretendu contre la maison de France, et la branche de Bourbon. S. 1., 1587. P. 12-13.

16 Matteo Zampini. De la succession du droict et prérogative de premier prince du sang de France, deferée par la loy du royaume, à Monseigneur Charles Cardinal de Bourbon, par la mort de Monseigneur François de Valois Duc d'Anjou. Du traitté du sieur Matthieu Zampini, I.C. de ce que Gregoire de Tours, Aimonius et autres historiens de la France ont laissé par escrit. Paris, 1588.

Ce n'est pas la loi salique, on le sait, qui permit finalement au roi de Navarre de monter sur le trône, mais son abjuration, en juillet 1593, geste qui entraîna aussitôt le dépôt des armes dans presque tout le pays et lui ouvrit la voie du sacre. En revanche, l'intense propagande menée durant des années en faveur de cette disposition successorale incarnant l'exception française prépara de manière très efficace la réconciliation nationale autour des valeurs dont on avait patiemment doté l'invention depuis son lancement. Parmi ces valeurs, la nécessaire soumission des femmes aux hommes ne fit que s'affirmer. Les tombereaux de propos haineux déversés si longtemps dans le débat public, sans que personne ou presque ne s'y oppose, banalisèrent à outrance l'argumentaire de la supériorité masculine et de l'indignité féminine. Sur le terrain des hostilités, ils justifièrent les pires violences sexuelles; sur le terrain judiciaire, ils accompagnèrent un accroissement spectaculaire des peines de mort pour les crimes dits «féminins», comme l'infanticide et la sorcellerie; et sur le terrain des idées, le tout condamna les féministes au silence durant toute la guerre.

Que ces dernières et ces derniers soient ressortis du bois dès l'année 1594, pour défendre la dignité des femmes en général et leur capacité à conduire les peuples en particulier,17 ne permit nullement d'inverser la tendance, même si Henri IV se dépêcha d'oublier la règle qu'il avait fait chanter durant huit ans, c'est-à-dire de ne pas faire enregistrer par lettres patentes le système qui semblait lui avoir permis de triompher. Ce faisant, il renouait avec la politique du dos rond qu'avaient suivie ses prédécesseurs, et que tous ses successeurs allaient suivre à leur tour, jusqu'à Louis XVI — qui signa avec l'enthousiasme que l'on sait la première Constitution (1791), où figurait en bonne place la règle de transmission du trône «de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leur descendance» (article 3). Les siècles réputés pour l'approfondissement de l'esprit critique et l'avènement des Lumières n'avaient en effet nullement écorné la légende frelatée des origines du royaume, et ils avaient érigé la hiérarchie des sexes en dogme, voulu non plus par Dieu mais par la Nature. Le brave Pharamond continua donc, tel un sémaphore planté à l'orée des Histoires de France, de veiller sur la grandeur de sa loi jusque bien avant dans le xixe siècle,

17 Voir Viennot, E. La France, les femmes et le pouvoir, 2. Les résistances de la société (XVIe-XVIIe siècle). Paris, 2008. Chapitre 2 «La contre-attaque des féministes».

époque où les manuels scolaires de la IIIe République recyclèrent le discours sur les mauvaises reines de l'histoire de France (un discours qui se déployait du reste dans bien d'autres domaines, comme le montre le tableau reproduit sur le programme de ce colloque). Cette petite cohorte, toujours entraînée par Frédégonde et Brunehaut, et désormais close par Marie-Antoinette, continua ainsi de résumer l'apport des femmes à la vie politique française jusque dans les premières décennies de la Ve République. Après quoi, ces quatre ou cinq méchantes créatures disparurent corps et biens, pour n'être remplacées par aucune autre femme, fût-ce celles qui avaient gouverné dix, vingt ou trente ans18. Ce qui pourrait être interprété comme la victoire posthume, mais désormais complète, de ceux qui, dans les dernières décennies du xvie siècle, avaient décrété hors-la-loi (française) la «gynécocratie».

Information on the article / Информация о статье

Viennot, E. Masculinité et francité du monarque des lis: le débat sur la loi salique et la construction du consensus national pendant la dernière guerre XVIe siècle, in: Proslogion: Studies in Médiéval andEarly Modem SocialHistory and Culture. 2106. Vol. 1(13). P. 212-229.

Элиан Вьенно

Доктор литературы, профессор, университет Жана Монне в Сент-Этьене (42100, Франция, Сент-Этьен, ул. Трефильер 10)

eliane-vienno tgio range, fr

УДК 94 (44)

Преимущественное право мужчины и французский дух монарха лилии: обсуждение Салической правды и создание национального консенсуса во время последней религиозной войны XVI столетия

В статье анализируются споры вокруг Салического закона, отстраняющего женщин от престолонаследия, которые имели место во время гражданских войн XVI в. В историографии он почти не изучен, равно как и реакция на него общественности и восприятие самого тезиса о преимущественном праве мужчины на трон. Однако этот вопрос обсуждался с давних времен и стал объектом непрерывной борьбы в течение всей войны. Традиционное верховенство, приписываемое мужскому полу в управлении людьми, в общем, не оспаривалось, однако существовала причина несогла-

18 Sur cette question, voir, entre autres: Guillaume, D. Le Destin des femmes et l'école: Préface de Geneviève Fraisse. Paris, 1999.

сия по поводу «расчетной модели», позволяющей узнать, на кого именно указывает Салический закон при возложении короны.

Придя к власти, Генрих IV снова провозгласил политику, которой придерживались его предшественники и все потомки вплоть до Людовика XVI, с энтузиазмом подписавшего первую Конституцию (1791), где фигурировало на почетном месте правило передачи трона от мужчины к мужчине «с постоянным и абсолютным исключением женщин и их потомства». Столетия, связанные с углублением критического мышления и наступление века Просвещения, на самом деле, нисколько не избавились от фальсифицированной легенды, родившейся с появлением Французского королевства и в той или иной мере дожившей до наших дней.

Ключевые слова: История Франции, XVI столетие, Гражданские войны, католики, гугеноты, Салический закон, Генрих IV, Маргарита де Валуа, политическая полемика, политическая публицистика.

Eliane Viennot

Doctor in literature, professor, Jean Monnet University (42100, France, Saint-Etienne, 10 Rue Trefilerie)

eliane-viennot(3jorange.fr

Masculinity andfeatures of the monarch of the lilies: Debate over the Salic law and the construction of the national consensus during the last Civil war in the 1GH century

This article analyzes the disputes around the Salic law, eliminating women from the throne succession, which took place during the Civil wars in the 16th century France. Historians have put little attention both to the law itself and the society reaction to it, as well as, to the general idea of pre-emptive rights of the men on the throne. However, this issue had been discussed since ancient times and was a site of continuous struggle throughout the war. The traditional rule attributed to the male sex in the people governing, in general, didn't challenge, but there was a disagreement in estimating, who was according the Salic law to become a king.

After coming to power, Henry IV proclaimed policy that his predecessors and all descendents down to Louis XVI would follow. The last signed, with enthusiasm, the first Constitution of 1791 in which the idea of men succession of the throne from man to man "with the permanent and absolute exclusion of women and their posterity" was formulated. In the age of Enlightenment the fake legend, born with the appearance of the French kingdom, wasn't overcome and still exists nowadays.

Keywords: History of France, the 16th century, the Civil war, the Catholics, the Huguenots, the Salic law, Henri IV, Marguerite de Valois, political debate, political pamphlets.

Список источников и литературы / Référencés

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Response de par M.M. de Guise à un advertissement: [attribué à Pierre d'Epinac], S. 1.: S.n., 1585.

Sommaire response à l'examen d'un heretique sur un discours de la loy Salique, faussement pretendu contre la maison de France, et la branche de Bourbon. S. 1.: S.n., 1587.

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Viennot, E. La France, les femmes et le pouvoir, 2. Les résistances de la société (XVP-XVIP siècle). Paris: Perrin, 2008. 504 p.

Viennot, E. L'histoire des reines de France dans le débat sur la loi salique (fin XV-fin XVIe siècle), in: Femmes de pouvoir et pouvoir des femmes dans l'Occident médiéval et moderne /Éd. E. Santinelli, A. Nayt-Dubois. Valenciennes: PU de Valenciennes, 2009.

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