Научная статья на тему 'Jeux de paix le JIPTO comme système ludique de formation à l’émulation, à la concentration et à l’éducation'

Jeux de paix le JIPTO comme système ludique de formation à l’émulation, à la concentration et à l’éducation Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
métajeu / jeux et inventivité / étude et formation / JIPTO / Grigori Tomski / jeu intellectuel

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Robert Pagès

Reprodtions du remarquable discours de Robert Pagès pendant le colloque «JIPTO et Créativité» à l’UNESCO (1999).

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Текст научной работы на тему «Jeux de paix le JIPTO comme système ludique de formation à l’émulation, à la concentration et à l’éducation»

CONCORDE, 2015, N 2

JEUX DE PAIX

Le JIPTO comme système ludique de formation à l’émulation, à la concentration et à l’éducation

Professeur Robert Pagès EUROTALENT (Paris)

Reprodtions du remarquable discours de Robert Pagès pendant le colloque «JIPTO et Créativité» à l’UNESCO (1999).

Mots-clès : JIPTO, Grigori Tomski, jeu intellectuel, métajeu, jeux et inventivité, étude et formation.

1. LA COMPOSANTE POETIQUE ET ARTISTIQUE DU SYSTEME DE JEU,

ETENDUE DU TITRE A L’ENSEMBLE

Il convient d’abord de prendre en compte les traits particuliers de JIPTO, jeu intellectuel de poursuite (JIP), dû au professeur Grigori Tomski. On supposera connus les constituants élémentaires de ce jeu.

1.1. Inspiration et structure du JIPTO

Ce que veut dire TO de JIPTO, c’est d’abord Tomski, mais la dernière syllabe du sigle JIPTO, acronyme prononçable en mot, comporte un aspect qui n’est mathématique ni nominatif. Nous allons voir en quoi il relève plutôt de la définition de la poésie telle que nous la proposons depuis quelques lustres dans nos cours et séminaires. Et nous essaierons de montrer l’intérêt opérationnel de cette caractérisation.

La poésie résulte d’une hyperdensité sémantique, i.e. d’un développement particulièrement intense des significations d’un texte à nombre de signes égal. Autrefois, et c’est sans doute un trait de l’espèce humaine, les poètes étaient aèdes i.e. chanteurs.

Il y avait donc toujours chez eux, dans leur langage d’apparat, un double signifiant ou support simultané de signification : le texte et la musique. Celle-ci était en général à la fois vocale et instrumentale : la lyre ou la harpe pouvait servir à ces accompagnements, comme aujourd’hui la guitare pour la chanson.

Cela faisait trois supports, avec trois lignes principales de signification, conjuguées en correspondance chronologique et tout à fait à l’opposé du texte qui pouvait, comme tel, être univoque. Or, aujourd’hui, dans la poésie non chantée, l’enrichissement sémantique peut se faire, exclusivement, à l’intérieur du texte, à la faveur de plurivalences sémantiques des supports au niveau de composants (signifiants élémentaires) et surtout à celui de compositions diverses des éléments. Ainsi, du coup, l’enrichissement se fait-il par une polysémie ou plurivocité du texte - éventuellement même par la polydoxie- (R.Pagès, 1985-86; J.-M.Monteil, L.Bavent, M.-F.Lacassagne, 1986) i.e. la pluralité, pas forcement cohérente, parfois contradictoire, d’opinion et/ou de sentiments, que le texte transmet ou suscite.

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Il est donc tout à fait intéressant à cet égard de voir que le titre de l’instrument culturel crée par Tomski comporte, suivant la déclaration expresse de l’auteur, une signification seconde dans laquelle nous voyons un effet de polysémie. Par elle-même et délibérément, elle ouvre la porte de l’ambiguïté, et en annonce la légitimité, en rompant avec la clause généralement convenue d’unicité de sens. Car si -TO dans JIPTO signifie bien Tomski -ce qui souligne l’individualité de l’initiative et le droit d’auteur-il indique aussi la destination, le caractère universel et non singulier de l’instrument culturel. Il est pour tous, TOus : des enfants de la maternelle aux adultes chercheurs, i.e. jusqu’au sommet de la culture. Cette signification seconde, explicitée par G. Tomski, figure littéralement dans le sous-titre qui suit JIPTO : Jeux de réflexion pour tous. Tous.

Il y a un autre sens que le Prof. Tomski a omis de spécifier car il est exceptionnel -autrement que par plaisanterie ou humour, déjà quasi-poétique- de donner ne serait-ce que deux sens à un sigle : un thème est pourtant fréquemment présent dans ses propos: le JIPTO est l’oeuvre de son esprit, mais il rappelle qu’il est en quelque sorte l’oeuvre de tous. Il est certes pour tous, mais aussi par tous. Tomski exprime ainsi sa dette à tous les créateurs de grands jeux intellectuels classiques. Le JIPTO continue et intègre leurs traditions : usage du plateau, usage de pions, ces piétons ou fantassins de l’armée, soldat à pied (pedo pedonis en latin <pes pedis «le pied») qui sont inférieurs aux cavaliers, aux guerriers montés, bien plus mobiles.

Le JIPTO est encyclopédique à la façon des mets de terroir, utilisant les ressources locales ou bien universellement accessibles pour faire des repas et des régimes équilibrés gustativement et biochimiquement complets.

Il en est ainsi parce qu’ils sont, comme les mets le sont, un produit et un instrument culturel. Il est clair le JIPTO se veut effectivement et se présente comme toticulturel, le JIP total. Il est clair que cette visée profite pleinement des particularités d’une culture ou d’une civilisation pour y prélever à suffisance les ingrédients dont l’interaction fait l’universalité.

La puissance de connotation de la syllabe TO dans JIPTO, qui est l’initiale à deux lettres de tous, total, totalité, totaliser, est floue mais réelle pour peu qu’on songe. Elle peut fort bien se garder des risques du dogmatisme doctrinaire qui transforme le total et l’universel en totalitaire. L’aspect poétique de l’usage de TO, mais aussi de l’ensemble de la présentation du JIPTO, est précisément un des moyens les plus fondamentaux de maintenir la liberté dans la globalisation systémique : la différence entre la poésie épique et les mythes vivants, articles de foi, réside dans le fait que la légende chatoyante n’y est pas confondue avec la réalité univoque et que, le livre fermé ou le récit clos, on n’est plus tenu par la fiction. Nous reverrons plus loin le sort de ce type capital de distinction.

1.2. Particularités conceptuelles et structures impliquées dans le jeu

Notons en passant que les enfants intellectuellement surdoués se font remarquer par un goût particulier pour le passage aux extrêmes (R.Pagès, 1998), aux concepts et aux propositions extrêmes qu’on peut appeler les acrologons (acro- : extrême; - logon: notion). C’est ce que nous étudions avec Pélagie Papoutsaki. Le concept du tout est, comme chaque passage à la limite, chaque extérmisation, la sources de paradoxes et de difficultés (cf. Kant, dialectique de la raison pure, 1781) qu’il faut apprendre à traiter. Ce passage aux extrêmes (limites, totalités, infinités) produit aussi fréquemment des concepts intrinsèquement contradictoires (criticologons) : c’est aussi ce que nous étudions par ailleurs et plus spécialement avec Taoufic Boubaker.

La façon de repérer et de traiter ces concepts nous paraît d’autant plus importante que la psychologie des objectifs, finalités ou idéaux rencontre fréquemment ces conceptions extrêmes. Là encore ces complications conceptuelles concernent les enfants qu’on peut appeler rationnellement surdoués et, en bref, surrationnels, qui sont une variété très importante de surdoués, mais non la seule. Elles peuvent entraîner, si elles ne sont pas bien gérées, une vulnérabilité particulière à des idéologies métaphysiques plus ou moins ésotériques. Ces risques ont été abordés dans une conférence au récent Colloque de Lille sur le surdouement (R. Pagès, 1998).

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Ce sont là d’autres significations de TO qui ne sont que des explications de la présentation et de pratique de ce système de jeu, sous-tendu par les idées culturelles sous-jacentes aux possibilités mentionnées. Il cherche à reprendre en particulier des éléments mythologiques, en partie abstraits ou décoratifs, comme chez Musulmans iconoclastes bien que les Yakoutes ne sont pas musulmans. Mais il est aussi iconique, figuratif avec la flore et la faune, surtout la faune, et les représentations anthropomorphiques.

La mythologie véhicule à travers l’art, et de façon vigoureuse, des traces religieuses traditionnelles, comme c’est le cas des sculptures miniaturisées dans les pions ou les oeuvres plastiques à deux dimensions sur les panneaux ou les tapis du jeu.

Autrement dit, l’encyclopédisme s’analyse ici comme celui des axes mêmes de toute culture, qui forment l’armature de son organisation. Car cette armature consiste en plusieurs axes. Elle comporte l’axe cognitiel. On ne l’appellera pas cognitif, car il rapporte aussi bien à la cognition (pôle cognitif) qu’à l’anticognition (pôle anticognitif).

Cette fonction est toujours fort active et généralement méconnue comme telle dans toute culture : les scientifiques de certains sciences humaines répugnes souvent à étudier le fonctionnement irrationnel ou antirationnel du psychisme. Ils font parfois comme si l’objet d’étude était

intellectuellement contagieux pour le chercheur, comme si l’étude des passions (et de toute l’affectivité) - pourtant jadis entreprise biosocio-psychologiquement par Descartes (1649) - était elle-même passionnelle, irrationnelle et donc contaminatrice et hors de propos. Elle est au contraire centrale et scientifiquement purificatrice, authentiquement cathartique (Jean-Didier Vincent, 1985).

Elle renvoie à l’art ce qui, dans l’élaboration conceptuelle, n’est plus objet de foi. Complémentairement Nicolas Boileau, catholique, mais pas mystique, proscrivait, dans des vers curieusement et outrageusement prosaïques, et cela en pleine Contre-Réforme, le principe même d’un art religieux : «De la foi d’un chrétien les mystères terribles / D’ornements égayés ne sont point susceptibles» (Boileau-Despréaux, 1674). Il renvoyait à la foi ce dont il pensait que ce n’était pas de la compétence de l’art, et il interdisait d’art ce qui relevait de la foi, dans un vrai purisme touchant cette dissociation. C’était déjà une sorte de laïcisme: la séparation de l’Eglise et de la poésie. Au contraire, le renvoi des contenus de culte, rite et mythe, à l’art, satisfait la résistance au réel (l’anticognition) sans exiger la foi dans les contre-parties que cette résistance engendre. Il entraîne autour du jeu tous ces aspects transférés, éventuellement fantastiques, à la rescousse des exercices stratégiques formels du jeu.

L’interdit de Boileau à l’égard du merveilleux chrétien se justifiait de façon, en quelque sorte, officielle, par la nécessité de ne pas travestir ou altérer l’Ecriture Sainte. «Et de nos fictions le mélange coupable / Même à ses vérités donne l’aire de la fable», dit-il au même endroit. Ses vérités : celle de l’Ecriture, naturellement.

Ce qui paraît clair, c’est que Boileau se soucie beaucoup moins de protéger la religion que de satisfaire sa passion à lui et celle de bon nombre de ses amis : la passion du vrai, celle de son ami Molière exprimant dans Tartuffe (1664) et contre tous les tartuffes imposteurs ou bandits : c’est bien là une passion aussi. Moderne malgré lui, dans la querelle passionnée des Anciens et des Modernes, Boileau combattait plutôt le fantastique thaumaturgique de Desmarets de Saint-Sorlin et son Clovis ou la France chrétienne (1657), caricature involontaire de Virgile (Enéide) qu’il ne combattait un Perrault, moderniste certes, mais attiré par les Contes de ma Mère l’Oie i.e. des mythes désaffectés comme les mythes païens antiques. Ces chassés-crosés de la pensée dans la Querelle qui auraient pu rapprocher Boileau, en tant que réaliste, de Fontenelle ne pouvaient se résoudre que par l’effondrement des orthodoxies religieuses au XVIIIème siècle.

Seul l’effondrement voltairien et révolutionnaire a permis une authentique relance de la poésie, épique et fantastique (e.g. V. Hugo, 1859) dans une perspective de néoreligion, de religiosité innovatrice, et nullement de révélations inaltérables et conservatrices. C’est une différence de conjoncture religieuse entre la Contre-Réforme triomphante chez Louis XIV et la crise de toutes les religions orthodoxes au XIXème siècle (V. Hugo, 1880) qui fait l’absurdité de la reprise des exclusives littérales de Boileau par un Ferdinard Brunetière (1905) qui croyait pouvoir frapper des interdits de

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Boileau la Légende des Siècles («Booz endormi», ou «le sacre de la femme») et même Chateaubriand ou Lamartine.

Ces quelques aperçus historiques ont semblé utiles pour comprendre l’insertion moderne et joyeuse d’un jeu d’aspect logico-expérimental, déjà fortement implanté dans la recherche mathématique et organisé en réseau international du développement technique d’un produit en utilisant toutes les ressources de la communication : cette expansion n’en est pas moins plongée dans toute une affabulation issue d’un folklore, i.e. d’une légende populaire très prégnante et puissante. A lire les textes qui accompagnent la diffusion du JIPTO, on ne manque pas d’être frappé par l’importance attachée au monument épique yakoute que constitue Olonkho, récit des faits et gestes du paladin Niourgoun l’impétueux, ou Niourgoun l’Eclair. L’épithète est voisine de celle du bouillant d’Achille d’Homère (Iliade).

Comment ancrer la culture technoscientifique, dont le sigle JIPTO est si proche, dans la culture épique populaire ? Cette question est d’autant plus opportune que l’épopée traite bel et bien de leçon perpétuelles et universelles, éminemment pertinentes à toute réflexion sur les jeux. La bénédiction du Paladin Niourgoun l’Eclair par des anciens (familiaux) est à la gloire du vainqueur dans les combats et les joutes dont on peut faire l’apologie. Mais on y affirme avec non moins de vigueur, sinon plus, l’obligation d’aménité et de modération du vainqueur (Olonkho, in République Sakha, 1977, pp. 1625). Traduction proposée :

O toi l’inégalable en force et en valeur

N’en viens jamais à humilier tes inférieurs

Ne fais pas qu’ils se croient victimes de pillage.

A répandre sur eux les coups et les outrages

Le mal qui s’ensuivra au gré des quatre vents

Portera le malheur sur tous tes descendants

Et le cuisant remords sera leur héritage

Tout en malédiction transmise d’âge en âge.

(Extrait de l’épopée yakoute Olonkho.

Adaptation d’après les traductions, en anglais et en français).

L’abus des positions dominantes dans la compétitions empoisonne le climat affectif sociétal et s’inscrit dans une mémoire et un ressentiment historique durables. Naturellement, cette leçon de sagesse, choisie par les auteurs Yakoutes, nous intéresse d’autant plus à cause de ce choix, même si une étude poussée doit recourir à l’oeuvre d’ensemble (Yankel Karro, 1994). L’épopée, et c’est son rôle encyclopédique initial, est à la fois poétique (artistique, esthétique), cognitive, garante d’une chronique réputée véridique et de savoirs multiples, et elle nourrit l’action de régulations et de normes. Autrement dit le traitement de l’axe cognitiel nous oblige d’emblée à reconnaître que les axes distincts sont une abstraction qui consiste à poser les axes comme s’ils étaient toujours présents à la conscience des agents culturels. La dissociation des axes fonctionnels et la reconnaissance de la différence de leurs fonctions sont elles-mêmes des processus historiques longs, difficiles, critiques (?) inégalement partagés dans les populations.

Ces problèmes et processus ont bel et bien été semblables à ceux de la culture scientifique émergente dans deux ou trois premiers siècles de la surrection technoscientifique en France. Le pari de Pascal, aux sources du calcul des probabilités mais aussi de la mystique infinitiste, est intervenu dans un milieu truffé de libertins grands amateurs de jeu et associant hasard et stratégie mais aussi de solitaires à la piété exaltée (la soeur de Pascal et le Port-Royal des Jansénistes). On observe donc ce renvoi en miroir des structurations culturelles, dans les civilisations en cours de modernisation, par le triple dégagement de la connaissance scientifique, de l’art allégé de ses préoccupations cognitives et morales traditionnelles et de l’action alimentée par les autres fonctions, en savoir et en inspiration, et qui engendre ses savoir-faire. Obtenu par analyse abstraite de l’implicite ou déjà manifeste dans l’organisation institutionnelle voici quelques aspects de partage fonctionnel.

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L’axe esthétique croise dans la culture l’axe cognitiel : l’art plastique s’y condense ou s’y épanouit, en corrélation avec l’apport poétique qui s’y inclut. Ce que signifie la fonction esthétique la plus épurée, c’est la limitation provisoire de la pensée à la sensibilité appréciative du charme, excluant, de soi, avec l’engagement affectif fort, le jugement, la volonté et mêmes les attitudes pour ou contre ; c’est le maintien en suspens au niveau du senti qui crée une sorte d’enchantement momentané de la pensée autour de toutes les autres fonctions culturelles. Et cela dans des processus où la poésie pure (verbal) est plus rare sans doute que la musique pure dans un tissu culturel toujours mêlé. Croisé aux autres, un axe d’action intervient à son tour dans la structure culturelle. Il est rendu possible par l’investissement affectif, la saisie du réel et l’interaction volontaire et déterminée avec lui. Ceci intègre la connaissance sans s’y réduire et en faisant sa part à l’art.

On peut ajouter que la texture culturelle s’articule à son tour à ce trièdre d’axes largement implicites. Elle définit a) des qualités d’acte fonctionnellement quelconque (cognitif ou anticognitif, esthétique ou non) qui varient, de l’ébauche fruste, aux plus minutieux raffinements ; b) des qualités de matières ou d’ouvrages des plus dures aux plus malléables. La texture est ainsi constituée par le croisement du degré d’élaboration (finesse) avec la consistance (molle, douce ou dure). Ces caractères culturels trouvent une large place pour caractériser l’ensemble et le détail des dispositifs et de la conception du JIPTO et de tout système de jeu ou de travail, cognitif, esthétique ou pratique qui serait malléable et ductile ou rigide, inflexible; et d’autre part, capable d’autant de simplicité et d’autant l’élaboration.

La toticulturalité qui peut se définir ou se jalonner grossièrement par le système de cinq variables proposé ici, s’implique point par point dans ce système de jeu. La richesse des conceptions y est développée de façon intuitive et audacieuse. Elle se condense dans cette sorte de suffixe totalisant TO qui clôt le sigle JIPTO. 1.3. «L’hiver saison de l’art serein, l’hiver lucide» (S. Mallarmé, 1866, 1887)

On peut justifier ce qui est écrit en épigraphe et qui, en deux vers approximatifs variant un peu suivant les relevés (o.c.) vient du terroir français. Comment une certaine ambiance poétique, touchant une situation hivernale typique, peut-elle se construire, se matérialiser dans un objet poétique très simple par des procédés artistiques anonymes et élémentaires ? Comment s’exprime, de Mallarmé au folklore, la mise à profit culturelle de l’hiver ?

En janvier auprès d’un bon feu.

Fait bon jouer à quelque jeu.

Voilà qui est deux fois bon pour les mots à la rime i.e. en vedette. Sont bon le feu et le jeu, sources et effets de plaisir conjoint dans l’action. La qualité poétique, modeste mais réelle et décelable, est assurée ainsi. Elle ressort de la répétition de bon, ce qui est pimenté par le fait que l’un des deux mots bon est adverbe et l’autre adjectif; et que les deux expressions qui les contiennent (bon feu Vs fait bon) sont, l’une en fin de vers, l’autre en début de vers : en position privilégiée. Ainsi est mise en relief l’allitération de b et f : bon feu (b et f) est allitéré avec fait bon (f et b) et cela dans deux cas pour deux termes monosyllabes, distribués différemment à chaque fois sur deux parties du discours ou catégories grammaticales (adjectif + nom Vs verbe + adverbe) ...

Il est significatif que le premier venu des dictons du folklore français fournisse lui aussi des traits de surdensité morphosémantique pour caractériser un bon microclimat artificiel, chauffant et chaleureux, muni de traditions ludiques, dans ce qu’on est tenté d’appeler (avec V. Hugo, 1859) «la saison mauvais», celle des «Pauvres gens». C’est un contraste qui est marqué par l’expression sonnets mauvais ou sonnets malsains attachée par Mallarmé à ses sonnets sur l» «printemps maladif» (Renouveau) et sur l’été (Tristesse d’été). Il leur oppose l’art serein

Certes la culture yakoute était celle des cavaliers allant jadis chercher au loin tout ce qu’ils désiraient, y compris chercher femme à travers des rapts, communs dans bien des civilisations (romaine et germanique incluses) et qui furent sans doute réels avant d’être ritualisés et/ou de faire place à des sortes de marchés à travers les modalités d’»arrangements» nuptiaux.

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Ces évolutions et ambiguïtés autour d’un amour sexuel généreux qui, très remarquablement, n’a cependant jamais omis ni cessé d’être célébré (poétiquement), sont partagées par beaucoup de civilisations; et cela sur le fond d’une exogamie qui est essentielle et pas seulement humaine. Mais au sein de la vigoureuse extraversion très distale qui s’y rattache, il y a apparemment place pour une sous-culture plus précautionneuse d’hivernants, qui oblige à de longs séjours à l’abri et qui les aménage, hors de la phase annuelle, très brève, de végétation exubérante. Ici je m’interroge et j’interroge les Yakoutes et spécialement les Sakhas sur leurs usages. Les jeux intellectuels, y compris les jeux verbaux, dans la France paysanne, étaient bien souvent ceux du coin du feu, tandis que les demi-saisons étaient celles de la motricité lourde typiquement non couchée, non assise et mobile. Mais le jeu intellectuel dans un certain repos musculaire ne pouvait laisser oublier le recours obligé aux vertus les plus combatives dans une nature parcimonieuse en ressources et fertile en dangers; le recours aux nécessités de la ruse et de l’endurance, aux nécessités du traitement des situations extrêmes, et extrêmes dans deux sens opposés (trop chaud et trop froid, d’abord, et, du même coup, symboliquement). Une civilisation des extrêmes ne doit-elle pas s’exprimer aussi dans l’extrême de l’immobilisation forcée et donc dans une concentration intimiste intensive ?

Dans le recours à cette concentration, c’est bien l’extraordinaire variété et l’ampleur prévisible de la gamme imprévue des ajustements nécessaires qui paraît inspirer le JIPTO. C’est ce que traduit sa démarche poétique; et non seulement sur son acronyme en TO, à coup sûr (ce n’est qu’un symptôme de la démarche) mais dans tout l’ensemble de sa présentation.

La poésie, c’est l’étendue indéfinie des dimensions de signification et donc une riche pépinière de toutes les hybridations possibles d’idées et d’images qui sont autant d’options disponibles pour les ajustement psychiques qui peuvent féconder l’action.

1.4. Le JIPTO jeu des jeux

Disons-le donc immédiatement : une des principales vertus du JIPTO est manifestement de n’être pas un seul jeu, comme le jeu d’échecs ou de dames, avec un corps de règles et de moyens qui varie très peu. Ce qui caractérise le JIPTO, c’est d’être un métajeu, au sens où la métamathématique appartient aux mathématiques : c’est un système de jeux autovariable donnant éventuellement un primat à un jeu de choix entre des jeux extrêmement différents.

Les uns, e.g. sont des jeux de quasi-hasard, avec des informations très incomplètes (inscrites au revers des pions). Le joueur essaiera d’en deviner la teneur d’après le comportement de l’adversaire. Ce type de jeu, comme le poker, fait une place particulière à la capacité d’empathie divinatrice pour la perspicacité, et à celle d’impénétrabilité pour la parade : capacités psycho-sociales agonales par excellence pour la deuxième et bivalente pour la première. D’autres jeux sont purement stratégiques. Ils partagent les mêmes implications psycho-sociales mais de façon moins saillante. Certains sont des jeux à règles extrêmement simples, accessibles aux très petits enfants et appropriés aux débutants. D’autres sont des jeux complexifiés à plaisir, avec e.g. des pions ovales : ainsi peut se compliquer, d’une orientation relative, le positionnement des pions. De même peut-on multiplier les pions attaquants ou attaqués (poursuivants ou fugitifs) dans l’une ou/et l’autre des catégories fondamentales. Ou bien on peut varier la nature de ces catégories, e.g. par l’introduction de pions secouristes agissant pour sauver des fugitifs mis hors de combat par les poursuivants. C’est dékà un jeu de paix à l’intérieur d’un jeu de lutte, d’une joute. Le dernier exemple montre bien combien cette autovariabilité du métajeu peut en transformer l’esprit tant dans les objectifs que dans les moyens à mobiliser. Pour des raisons de longueur, on ne tentera pas ici d’épuiser les cas de figure car c’est impossible.

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2. SUR QUOI DEBOUCHE LE SYSTEME JIPTO DANS LA FORMATION

Au coeur des problèmes évoqués par le JIPTO se trouvent des considérations de pédagogie (péd- ou paid-, -agogie) pour autant qu’on s’occupe d’enfants; de psychologie, sans acception d’âge et même d’éthagogie, i.e. d’assistance au pilotage de la conduite sociale (ethos). Il s’agit d’une formation où les compétences scientifiques requises sont à la fois bio-, socio-, -psychologiques. C’est cela même qu’ethagogie signifie. Et c’est la raison pour laquelle nous intéressons au JIPTO en lui-même, théoriquement et pratiquement et dans sa contexture : le système de ses conditions et connexions, au delà du plaisir éventuel d’y jouer.

2.1. Jeux de guerre, joutes et jeux de paix

Une autre remarque : de la civilisation en climat rude (qui ne fait pas forcément une culture rude -une rudiculture- mais qui a pu tendre à le faire dans le passé), il se peut que le jeu ait gardé, on l’a dit, des aspects par ailleurs fréquents : ceux de simulation de guerre (Kriegspiel, wargame intellectuel). La simulation de guerre, sous toutes ses formes, est familière aux formations militaires sous le nom ancien de manoeuvres. Mais l’entraînement agonal (au combat) est familier aussi aux sportifs et aux entrepreneurs, tous friands de capacité compétitives.

Il faut surtout ajouter à la liste les politiques. En effet, selon le mot célèbre de Carl von Clausewitz (écrit en 1816-1830, à l’issue des guerres napoléoniennes, et édité de 1831 à 1834) «la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens».

Et il dit ailleurs, à la place de politique, «échange politique» (Verkaer en allemand) ce qui fait des adversaires des partenaires d’échange, dont diverses situations de marché peuvent être proches parentes. Quant à la parenté avec les jeux, rappelons que le grec ancien exprimait par agôn des activité de lutte ayant le caractère agonal ou agonistique de conflit, ou aussi bien celui de joute, i.e. de combat ludique ou de match supposé dans ce cas inoffensif, même quand il n’est pas expressément «amical» (on sait la portée flottante de ces épithètes).

L’intérêt de la joute ou de l’affrontement ludique tient à la réalité de la combativité nécessaire, sous toutes ses formes et à tous les degrés, dans l’éventualité de conflits. Cela reste vrai même si on a démontré expérimentalement que le conflit correctement défini comme interlésionnel, mutuellement dommageable, ne se confond nullement avec la divergence, et qu’il est cognitivement et intellectuellement stérile ou nocif (L. Salhani, R. Pagès, M/ Derghal, 1996), contrairement à de nombreux travaux sur le conflit sociocognitif. Or il est non moins vrai que le dispositif JIPTO tient compte de la possibilité de former des équipes de joueurs, même si ce sont, notamment, des équipes d’attaque qui supposent néanmoins la coopération à l’intérieur de l’équipe.

Ce qui conduit à y développer la «paix civile». Et surtout il peut y avoir aussi des équipes ou interludes de délibération ou de concertation sur les règles à choisir. Celles-ci peuvent tenir un rôle essentiel dans la nature même du jeu. Ici peuvent apparaître tous les problèmes de socialisation de l’enfant et de formation de ses idéologies et attitudes conjointes à travers l’expérience vécue Or on peut et doit se préoccuper de former les enfants au moins autant à l’aménité (aux conduites avenantes et coopératrices) qu’aux conduites combatives, agonales. Elles évoquent ici le huitain extrait de l’épopée Olonkho. Les unes et les autres doivent être disponibles suivant l’occurrence. Et il y a lieu d’examiner l’interprétation inversée de Clausewitz par V.I. Lénine au plus fort de la guerre mondiale et de la révolution : «la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens». Or même Clausewitz fixait la paix comme objectif à la guerre. Il y a donc lieu, croyons-nous, de considérer une hypothèse inverse de la vision belliciste et reposant sur le fait que la politique poursuit, essentiellement, des objectifs pacifiques, certes, mais à travers des procédés dont la guerre est sans doute le plus coûteux et le plus incertain. Il y a donc lieu d’instituer un primat de l’aménité et de la formation aux conduites pacifiques et surtout pacifiantes, y compris par des stratégies de réduction des conflits. Ici les travaux conduits naguère au Laboratoire de Psychologie sociale de la

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Sorbonne par Roger Lambert sur les situations mixtes de coopération-compétition pourraient être pertinents (1960).

2.2. Jeux et inventivité : étude et formation

Arrêtons-nous en tout cas sur un point capital qui a trait au caractère de métajeu propre au JIPTO : c’est son rapport à l’inventivité. Ce terme inclut ce qu’on appelle souvent créativité qui n’a que le tort d’évoquer le schème mythique de la création ex nihilo, impliqué dans beaucoup d’abus, notamment publicitaires : ils sont surtout générateurs de l’occultation des ingrédients, antécédents de l’invention et modes de traitement des ingrédients qui sont l’opération même de l’invention. On peut voir la question sous différents angles. Voyons l’angle en quelque sorte éthologique : en quoi et comment JIPTO recourt-il à l’inventivité ? - Cela va de soi pour le jeu en lui-même dans son aspect stratégique et compétitif commun avec d’autres jeux. Mais c’est encore plus évident ici puisque les sujets disposent de la faculté de se faire législateurs et poseurs de normes, nomothètes, comme disait les Grecs, ou normatiseurs: en somme citoyens gouvernants de la Cité des jeux.

Cette facilité de créer des normes et, en somme, d’inventer indéfiniment de nouvelles versions du JIPTO comporte deux types de jeu essentiels : a) celui de la ludinvention, l’invention de jeux; b) celui du choix de jeux, déjà mentionné. Pour ces deux types de jeu ou phases de jeu, le travail collectif est possible, y compris d’ailleurs sous des formes compétitives, éventuellement encadrées par la coopération. Faire assaut d’idées pour l’invention est un mode classique de formation et de travail (une forme empirique en est le remue-méninges, le brainstorming).

Le choix du jeu est mode collectif de décision et de concentration, pour lequel, là encore, il faut constituer des règles du jeu comme il faut apprendre à y obéir, une fois la décision prise, sans recourir à aucune tricherie. (Dopage sportif, piratage informatique, fraude scolaire ou commerciale, en disent long sur l’importance mieux cerner la tricherie, scientifiquement et didactiquement). Ce type d’exercice ressemble beaucoup à une éducation civique dont on parle beaucoup comme d’une nécessité démocratique «pour les enfants» mais dont les formes pratiques et pédagogiques ne paraissent guère se dessiner.

On va ici à la rencontre des travaux sociopsychologiques expérimentaux dont beaucoup existent déjà et auxquels le JIPTO fournirait un cadre et un matériel expérimental de formation par l’expérimentation. Expérimentation de redécouverte, ou de découverte, nous y reviendrons. La méthode d’utilisation de l’expérimentation pour la formation (Pagès, 1958) pratiquée longtemps, notamment au Laboratoire de Psychologie sociale, par nous et nos équipes, surtout avec des cadres détachés annuellement par le Belge Deurinck dans les années 60, pourrait y trouver un terrain d’application en même temps que la recherche dont certains problèmes pourraient se trouver renouvelés.

Il est clair aussi que la question même de la nature du douement et donc du surdouement trouverait ici son compte. A travers des exercices d’invention de versions de JIPTO, des variables rarement mesurées pourraient devenir mesurables.

Ainsi l’inventivité en général, dont la psychométrie est peu développée, pourrait trouver un terrain de développement : a) dans la capacité d’invention de jeux, avec ou sans objectif prédéfini et sans doute aussi b) le sentiment d’invention qui est essentiel à éprouver et à identifier par chaque apprenant, au même titre que d’autres sensations essentielles à la régulation du comportement. La psychométrie différentielle de l’inventivité est très importante pour la détermination des aptitudes. La psychométrie de la sociabilité, des marques du primat de l’aménité jusque dans les situation de compétition, l’est tout autant avec la capacité d’émulation, i.e. de concurrence dans la coopération sans lésion mutuelle. Il en va de même de la fluidité du passage de l’aménité à la combativité et réciproquement. Nous avons naguère esquissé sur ce point un travail critique à propos de la notion de surgence, retravaillée à partir du concept appelé surgency par R.B. Cattel (1969) à l’issue d’analyses factorielles de tests de personnalité. Nos esquisses sur la notion de surgence sont venues au cours de nos recherches sur la volonté, fonction si intimement liée à la forme, au sens sportif et d’ailleurs

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général du mot (travaux R. Pagès, N. Boufalgha). Il y a là matière à développements très susceptibles d’intéresser actuellement la formation en éducation physique et sportive, notamment.

L’apport de la réflexion sur le JIPTO et son utilisation offrent un terrain de choix à l’ épistémologie de la connaissance pratique courante et ontogénétique dans l’enfance, au sens scientifique de l’épistémologie génétique de Piaget (1950). Nos propres travaux d’épistémologie scientifique étaient fort différents mais engagés à la même époque (R. Pagès, 1948, éd. 1955). On peut aller au delà, en ce sens, car il s’agit ici moins d’appliquer une science déjà faite que d’en signaler des voies de développement : c’est notre conception d’une épistémonomie, régulation de la science, i.e. de la recherche scientifique : celle-ci ne fonctionne pas seulement sur commande, mais elle exploite, à des fins intelligibles et admissibles, des chantiers théoriquement sans doute décisifs. 2.3. Enseignement par la recherche et jeux heuristiques

C’est un précepte essentiel de la pédagogie moderne qu’il faut apprendre le savoir à l’enfant en lui faisant découvrir par lui-même. Enseigner en faisant découvrir ou inventer. Et telle est la méthode que le physicien Georges Charpak (1996, 1998) essaie de développer en France, en liaison avec des applications état-uniennes du principe.

Il est évident que nous appuyons cette façon de faire qui s’intègre naturellement à la démarche privilégiant l’inventivité. Nous croyons que ce n’est pas une méthode bonne exclusivement pour les sciences physico-chimiques ou même biologiques mais aussi pour les sciences de la conduite (éthistique); et pas seulement pour ceux des enfants qui sont surdoués en matière de raisonnement logico-empirique verbal ou mathématisé. Ce sont ceux qui sont le plus aisément détectés par les tests de quotient intellectuel, qu’ils soient d’origine factorialiste et formalisée ou de la lignée binétienne par échantillonnage de conduites hétérogènes (e.g. les tests de Wechsler). On pourrait appeler ces surdoués des surrationnels puisque les tests qui les détectent mettent en oeuvre surtout des types de raisonnement judicieusement soucieux : a) de cohérence discursive parfaite, b) de comparabilité stricte des situations et c) de dénombrement rigoureux des facteurs.

C’est bien là un sel de la terre parmi quelques autres. Encore ne faut-il pas négliger ces autres sels : des formes d’aptitude psychologique qui ne comportent pas les mêmes restrictions et qui jouent d’autres rôles plus proches parfois d’un certain type d’inventivité intellectuelle. Il peut s’agir d’opérations intellectuelles qui s’exercent précisément à travers la considération, formelle ou non, a) de logiques diverses, b) de compatibilités plus floues ou c) d’ouverture plus large de l’inventaire des variables pertinentes.

Or c’est peut-être un apprentissage d’amont que le système JIPTO rend possible, grâce au chantier qu’il ouvre sur la nomothèse ou production de règles; règles à imaginer pour mise à l’essai. Ce n’est pas assez d’apprendre à jouer le jeu, -le jeu préformé. Il faut apprendre aussi à imaginer les règles de jeux et à se concerter et s’accorder sur les règles du jeu aussi clairement que possible avant de s’engager à y jouer. Il ne s’agit pas là seulement d’un terrain de chasse aux apprentissage pour les enfants. C’est aussi un terrain d’expérimentation pour les éthisticiens-didacticiens, spécialistes de conduite sociale aux fins de formation, y compris la formation de spécialistes ou de partenaires des actions de formation (enseignants, apprentis éthisticiens généralistes ou spécialisés, parents).

3. LES CONDITIONS D’EMERGENCE ET DE RELAIS DES SITES

ET MICROCLIMATS D’INVENTION ET D’INNOVATION

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3.1. Le JIPTO est Yakoute. Pourquoi ?

Reste à se demander pourquoi c’est avec des Yakoutes que nous sommes amenés à discuter ces difficiles problèmes avec une intensités quand même assez rare sur ce thème et en ces matières. C’est sur ce terrain que nous retrouvons certaines sources de surprise et de différents types de surprise. Une première chose frappe l’éthisticien, celui qui s’occupe de la science de l’ethos (conduite sociale) sans la séparer des problèmes pratiques de pilotage de l’ethos, la conduite de la conduite, e.g. ici, de la

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pédagogie ou façon de conduire les enfants et surtout de les aider à se conduire pour leur plus grand profit et celui de notre espèce : c’est que les moyens qui nous sont offerts le sont à travers l’UNESCO. Or c’est l’une des quelques organisations qui contribuent à l’esquisse de régulation planétaire de la conduite de l’espèce. On sait aujourd’hui que, de la conduite de cette espèce, peut dépendre une bonne part de son sort prochain ou définitif et peut-être de celui de toutes les autres espèces vivantes ou semi-biotiques, des virus aux grands primates.

Une deuxième chose est frappante : c’est que l’espace de jeu intellectuel travaillé par une équipe de scientifiques et pédagogues dirigée par Prof. Grigori Tomski nous vient d’une culture moderne vigoureusement émergente qui est celle d’une République issue de l’ex-soviétie, quelques années après 1989, après la chute du mur de Berlin.

De ce 1989-là, curieusement bicentenaire d’une autre révolution, nous retiendrons pour l’instant un effet révolutionnaire principal : le renforcement assez net à la guerre pour régler le conflit est-ouest (de l’Euroamérique contre une partie de l’Euroasie) et la disparition d’une forme policière de la cloison est-ouest entre ces espaces intercontinentaux. Leur continuité culturelle est en fait beaucoup plus évidente que leur contraste. La lecture d’une brochure yakoute comme L’instruction aux approches du XXIème siècle» (1997) enseigne à prendre en compte des retards, des hétérogénéités et des innovations. Cependant elle confirme pleinement l’impression que j’avais gardée de l’existence de puissants noyaux de développement et de régulation dans les républiques exsoviétiques lors du Congrès de pédagogie du Conseil de l’Europe à Strasbourg (1993) où «l’Europe’ allait tout uniment de Vancouver à Vladivistok.

3.2. La virtualité humaine de la mathématique, de Socrate aux ethnomathématiciens

Il était clair qu’une troisième remarque frappante s’impose dans un des travaux auxquels nous nous initions aujourd’hui : il se réalise en Yakouthie ce que la toute première expérimentation de psychologie sociale expérimentale (i.e. d’éthistique) aurait dû permettre de prévoir. Quand Socrate dans le Ménton (dialogue de Platon) pose la question de l’innéité du raisonnement mathématique dans l’ensemble de l’espèce humaine, il entreprend de démontrer cette innéité, nous dirons ce don, ce douement. Il était pourtant resté bien longtemps assez virtuel au moins littéralement, mais il était et demeure incorporé dans le langage par tous ses idiomes et dans les opérations graphiques et plastiques. La didactique ordinaire commune des mathématiques exploite probablement trop peu ces virtualités.

3.3. Statistique de la décision et paris moins puristes

Que la démonstration ait pu être faite (et de façon passablement convaincante) sur un seul sujet, montre les limites de nos indispensables principes de précaution statistique dans la décision. Il est vrai que certains processus psychiques sont si distinctifs d’un haut niveau cognitif et ce niveau cognitif si lié à des compétences spécifiquement humaines que leur seule présence chez le tout venant, même chez un individu unique, rend immédiatement très improbable qu’il ne soit pas présent chez tous.

Ce n’est pas un simple parenthèse de noter, à propos cette suggestion, d’une façon dangereuse, à normaliser et pourtant indispensable de raisonner : elle tient compte d’une expérience humaine très concrète et commune retenue comme observation suffisante et incorporée aux évidences, même si elle a été menée de façon non systématique. Elle peut rendre suspecte, dans ce cas, d’être fourvoyante, une rigueur mathématique qui s’isolerait d’une démarche clinique, comme telle pourtant très peu apodictique. D’où des précautions nécessaires a) pour la science et b) pour la psychométrie de l’intelligence qui risquerait de ne retenir de l’axe cognitiel que le pôle positif, expério-mathématique, et plus mathématique qu’expérimental. Ce pôle ne peut pas être placé en tour d’ivoire, pour la pratique et la théorie des domaines empiriques. C’est exactement ce dernier raisonnement de précaution en

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apparence laxiste qui a permis, très tôt, de résister en conscience aux arguties, d’apparence démonstrative, d’une différence de capacité intellectuelle moyenne dans deux populations marqués e.g. par des différences de couleur. Cette vision des choses a assuré au pari humaniste universaliste la force de résister aux grandes réfutations pseudobiologiques.

3.4. Les relais de progression entre sites innovants

Les conséquences pratiques en longue durée de cette immunité et perpétuation du patrimoine génétique humain en sont tout aussi nettes. Elles expliquent un effet sans doute essentiel et, semble-t-il très courant : la précocité d’un développement culturel, e.g. technique, dans un site humain déterminé donne lieu à des investissements en termes d’équipement mais aussi en termes d’apprentissage, d’habitudes, de coutumes et de normes opératoires. Les sites culturels précoces ou pionniers deviennent assez vite des sites anciens. On dit souvent qu’on y a essuyé les plâtres pour des développement nouveaux, qui bientôt se font plus volontiers dans de nouveaux sites, des sites neufs. De sorte que les innovations ne se produisent pas forcément dans des sites pionniers. Leon Festinger s’est mis en rupture de ban de la psychologie sociale expérimentale, vers le milieu des années 70. Peut-être était-ce : a) par déception pour les résultats de sa théorie de la dissonance cognitive (1957) (qui privilégie, à mon sens à l’excès, en cohérentialisme dans l’explication du fonctionnement psychique); peut-être : b) à cause d’un durcissement, de type en partie puritain, de la déontologie de l’expérimentation psycho-sociale, - Festinger en était venu au choix d’un problème à traiter historiquement (et non plus de façon expério-mathématique) : pourquoi les développements normaux de la technoscience ne se sont-ils pas produits sur le site de la civilisation technoscientifiquement avancée de l’Antiquité (autour de Constantinople-Byzance, le centre tardif du site grec) ; mais sont-ils advenus plutôt en Italie ou en France du Sud, puis en France du Nord, puis en Angleterre, en Hollande, en Allemagne ... ? Il s’agissait de sites neufs, plus nord-occidentaux et moins sud-orientaux.

Pourquoi ce phénomène de relais de progression ? Il pourrait s’agir de relais géo-historiques de progression comme dans les courses de relais. Le témoin transmissible y est passé, par le coureur fatigué d’un galop intense, au coureur suivant pour un nouveau galop, impossible à un seul coureur en aller aussi vite. Le relais de progression se produit comme une chaîne de galops, due chaque fois à un alourdissement de phase du coureur, à une accumulation d’inertie (du fait des charges de tous ordres, y compris des investissements sclérosés ou archaïques et des retombées nocives particulières à l’opération).

Nous avons déjà vu la grande utilité du métajeu intellectuel que constitue JIPTO: c’est de faire remonter plus haut le caractère heurogène (générateur de recherche) de la pédagogie, appliquée notamment à toutes les sciences, y compris humaines et éthistiques. Il ne s’arrêterait plus au stade des études instructives portant sur le savoir constitué, mais en amont du savoir, jusqu’aux études-recherches formatives qui en développent les agents et le milieu. Cette accentuation dans le sens heuristique est essentielle et c’est une propriété fondamentale du jeu-des-jeux qu’est, par définition, un jeu d’interjeu. Ici c’est le JIPTO, qui fait naître un jeu synoptique capable de mettre en interaction plusieurs jeux méthodiquement différentiables.

Mais pourquoi cette possibilité nous vient-elle des enseignants yakoutes dirigés par Grigori Tomski, chercheur-inventeur ? C’est probablement que les Yakoutes sont, comme d’autres hier, en phase nécessairement heuragogique, centrée sur le redécouverte par des études-recherches et sur le pilotage de ces recherches qui est l’heuragogie. Ils sont tenue à une haute dose d’autodidaxie, beaucoup plus élevée pour chacun que dans les sites plus anciens. D’où une liberté, paradoxalement forcée, de choix, d’initiative. Forcée mais par des nécessités factuelles stimulantes non point par autorité humiliante. Il ne faut pas seulement bien jouer. Il faut commencer par inventer les règles du jeu. Cette escalade en amont est peut-être ce qui manque aux cultures atteintes d’un mal (qui n’est pas une maladie, mais une santé trop facile) : atteintes du mal de suffisance, i.e. de croyance à sa propre suffisance, à son autosuffisance et à l’insuffisance des autres. Les phases d’heuragogie forcée semblent

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bien être des plus fécondes. Elles sont aussi les plus mobiles, changeantes, diverses. Celles qui ont si fortement rythmé la Renaissance européenne nous ont valu sur l’homme le célèbre diagnostic de Monteigne: que l’homme est «ondoyant et divers». Malheureusement dans ce qu’après Auguste Compte on a appelé les phases organiques (par opposition aux phases critiques de l’histoire sociétale), l’homme (homo) n’est peut-être plus assez ondoyant ni assez divers. C’est peut-être le sentiment, erroné, d’une uniformité qui fait envisager à certains le clonage : la caractérisation et même la définition de l’homme change avec les sites spatiotemporels, géohistoriques, avec ce qu’on y sait et ce qu’on croit devoir y souhaiter. Nulle société ne peut régir l’éducation des enfants, ni la formation permanente des adultes, ni l’épanouissement heureux et novateur des talents potentiels les plus prometteurs, sans avoir une certaine idée de la pluralité des hommes, de leur capacité d’organisation, d’invention et de satisfaction, et de l’aménagement des sites qui favorisent cette idée. Comment transformer une phase organique (statique) en phase critique (inquiète et inventive), telle est la question. Certain types de jeux, et conjointement, de réappréciation des surdouement réels et variés peuvent y contribuer.

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