Научная статья на тему 'De la poésie populaire finnoise à lʼépopée finlandaise : le Kalevala'

De la poésie populaire finnoise à lʼépopée finlandaise : le Kalevala Текст научной статьи по специальности «Искусствоведение»

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Текст научной работы на тему «De la poésie populaire finnoise à lʼépopée finlandaise : le Kalevala»

DE LA POÉSIE POPULAIRE FINNOISE À L'ÉPOPÉE FINLANDAISE :

LE KALEVALA

[Paris - Helsinki, 1987]

Pour comprendre l'importance du Kalevala, de la poésie kalevaléenne et de la Carélie qui en fut le principal conservatoire, il est utile de se rappeler quelques points d'histoire.

Le finnois, langue finno-ougrienne (comme le hongrois, le lapon et plusieurs langues parlées en Russie de part et d'autre de l'Oural), appartient à un sous-groupe que nous appelons maintenant « fennique » (on disait autrefois « balto-finnois »), et qui comprend aussi l'estonien ainsi que plusieurs petites langues (live, vote, ingrien, vepse...) actuellement en voie d'extinction. Ses locuteurs, il y a quelques siècles encore, occupaient sans solution de continuité les territoires situés autour du golfe de Finlande. Le nom de la Neva est un mot finnois ; il signifie « marécage ». Quand Pierre le Grand, à l'orée du XVIIIe siècle, fonde Saint-Pétersbourg, le pays est encore, comme le dira Pouchkine dans son Cavalier de bronze, « obitel bednogo tchoukhontsa », « le séjour des pauvres Finnois », des Ingriens en l'occurrence, tchoukhonets s'appliquant en russe à l'ensemble de ces peuples fenniques. Or, dès le Moyen âge, ce « séjour » se trouve sur l'une des lignes de fracture de l'Europe, celle qui sépare Rome de Byzance, l'église catholique de l'église orthodoxe. La Finlande telle que nous la connaissons aujourd'hui n'existe pas. Les parlers ne sont pas encore devenus des langues. Selon les régions, des groupes humains se dessinent, mais le mot finnois heimo, que l'on se résigne généralement à traduire par « tribu », n'est pas par hasard issu de celui qui, dans les langues baltes auxquelles il a été emprunté, désigne simplement la « famille ».

Pour le meilleur et pour le pire, le territoire de ces « anciens Finnois » va être, pendant des siècles, convoité, partagé, évangélisé, civilisé, dévasté par deux impérialismes rivaux : à l'Ouest, celui des Germains (Allemands, Danois et Suédois), à l'Est, celui des Russes (Novgorod, puis Moscou, plus tard Saint-Pétersbourg). Deux ambitions incompatibles s'affrontent, que l'on peut résumer par deux formules célèbres, l'une de Gustave-Adolphe, qui voulait « faire de la Baltique un lac suédois », l'autre, empruntée à Algarotti par Pouchkine, qui, évoquant la fondation de Saint-Pétersbourg, félicite Pierre le Grand d'avoir « taillé » - c'est-à-dire ouvert - à la Russie « une fenêtre sur l'Europe ».

La Finlande, telle qu'elle a été forgée par l'histoire, résulte d'abord de la conquête du nord-ouest de l'espace fennique par la Suède, conquête amorcée au XIIe siècle, effective au XIIIe. Au Moyen Âge, la langue de l'Eglise et de la culture est le latin. Implanté depuis longtemps sur le littoral, le suédois, bien que de plus en plus minoritaire (les Suédois ne représentent plus aujourd'hui que 6% de la population du pays), est et restera très longtemps - jusqu'à l'aube du XXe siècle - la langue de l'armée, de l'administration, du pouvoir, de la modernité. Le finnois, parlé dans l'intérieur, est alors tenu pour un vulgaire patois. Ce n'est qu'en 1902 qu'il recevra son statut de langue nationale. La Finlande sera dès lors officiellement bilingue.

ОТ НАРОДНОЙ ФИНСКОЙ ПОЭЗИИ ДО НАЦИОНАЛЬНОЙ ЭПОПЕИ: КАЛЕВАЛА

[Париж - Хельсинки, 1987]

Для того чтобы понять значение Калевалы, калевальской поэзии и Карелии, ставшей ее главным хранилищем, полезно напомнить некоторые моменты истории.

Финский язык относится к финно-угорской группе языков (как венгерский, саамский и некоторые другие языки, на которых говорят в России по обе стороны Урала). Он входит в прибалтийско-финскую подгруппу, включающую также эстонский, несколько миноритарных языков (ливский, водский, ижорский, вепсский...), находящихся в процессе вымирания. Носители этих языков еще несколько веков назад занимали смежные территории вдоль Финского залива. Название реки Невы происходит от финского слова, обозначающего «болото». Когда Петр Великий в начале XVIII в. закладывал фундамент Санкт-Петербурга, страна была еще, как об этом скажет Пушкин в «Медном всаднике», «обитель бедного чухонца» (название чухонцы русскими применяется ко всем прибалтийско-финским народам). Итак, начиная со средних веков, это «пребывание» находится на одной из линий пересечения Европы, отделяющей Рим от Византии, католическую церковь от православной. Финляндии такой, какой мы ее знаем сейчас, пока не существует. Диалекты еще не стали языками. Группы людей расселяются по регионам, они называются финским словом Ъегшв, которое переводится как «племя», не случайно заимствованное из балтийских языков, где оно имеет значение «семья».

В радости и в горе территория этих «древних финнов» в течение веков будет страстно желанной, разделенной, христианизированной, цивилизованной, разоренной двойной захватнической политикой: с запада германцами (немцами, датчанами и шведами), с востока русскими (Новгород, затем Москва, позднее Санкт-Петербург). Два несовместимых притязания противостоят друг другу, мы можем резюмировать их в двух известных изречениях: первое принадлежит Густаву-Адольфу, который хотел «сделать из Балтийского моря шведское озеро», второе заимствовано Пушкиным у Альгаротти, который, упоминая об основании Санкт-Петербурга, поздравляет Петра Великого с тем, что тот «в Европу прорубил окно».

Финляндия такой, как она была выкована историей, начинается в XII в. с завоевания Швецией северо-запада прибалтийско-финского пространства, завершившегося в XIII в. В средние века языком церкви и культуры был латинский язык. Шведский язык давно был распространен на побережье, хотя на нем говорило малое количество людей (шведы на сегодняшний день представляют только 6 % населения страны), но он будет долгое время -до XX в. - языком армии, администрации, власти, современности. Финский язык, разговорный внутри страны, воспринимался как местное наречие. Только в 1902 г. финский язык получает статус полноправного национального языка. С этих пор Финляндия официально становится двуязычной.

Les premiers monuments de la langue finnoise remontent malgré tout au XVIe siècle. La Réforme, qui partout où elle triomphe entraîne la promotion des langues « vulgaires », amorce l'évolution. L'œuvre fondatrice des lettres finnoises -sinon de la littérature au sens moderne - est la traduction du Nouveau Testament par l'évêque de Turku (Âbo en suédois), Agricola, qui paraît en 1548. Après cette date, la Finlande n'en continue pas moins à faire partie du royaume de Suède, et la mauvaise humeur de certains militaires - au demeurant suédophones - vers la fin du XVIIIe siècle ne laisse guère prévoir l'émergence, encore moins l'émancipation, d'une nation finlandaise.

D'une certaine manière celle-ci sera le contrecoup de la Révolution française ou plus exactement des guerres napoléoniennes qui vont en découler. En 1809, à Tilsitt, Napoléon et Alexandre Ier se partagent l'Europe. L'un et l'autre souhaitent l'affaiblissement de la Suède. Napoléon encourage Alexandre à faire main basse sur la Finlande. Le tsar, profitant de la faiblesse du pouvoir royal à Stockholm, s'empare du pays.

Alexandre, surtout dans la première partie de son règne, n'est pas un despote, ou s'il en est un, c'est un despote éclairé. Esprit libéral et généreux, homme de bonne volonté, peut-être aussi politique subtil et clairvoyant, cet élève de Laharpe a fait sienne les idées des encyclopédistes français chers à sa grand-mère Catherine II, et son premier geste est un geste d'apaisement : réunissant la Diète finlandaise à Porvoo (en suédois Borgâ), il reconnaît et garantit les institutions et libertés du Grand-Duché, auquel il va même jusqu'à rattacher la « vieille Finlande », c'est-à-dire l'isthme de Carélie, arraché à la Suède en 1721. Dans son discours à la Diète, qu'il prononce en français, il déclare que la Finlande est désormais « élevée au rang des nations ».

Quelle va être la réponse des Finlandais ? Elle s'exprime en une profession de foi célèbre, attribuée au journaliste et historien Adolf Ivar Arwidsson : « Nous ne sommes plus des Suédois, nous ne voulons pas devenir des Russes, nous devons être des Finlandais ! ». Il prononce la phrase en suédois, mais être Finlandais, pour beaucoup, cela voudra dire se reconnaître comme Finnois.

Une nation qui se constitue a besoin de repères identitaires, d'une culture prouvant sa singularité. Par la religion, la Finlande, très majoritairement luthérienne, se distingue fortement de la Russie. Par la langue de la majorité, par sa culture populaire, elle se découvre bientôt différente de la Suède.

Nous sommes en plein romantisme. Les idées du Sturm und Drang, à commencer par celles de Herder sur la poésie comme « âme des peuples » et « langage originel », trouvent un écho auprès d'une poignée de jeunes intellectuels que, par dérision, certains appelleront bientôt les « fennomanes ». Leur programme : révéler la nation à elle-même en promouvant la langue du peuple, en exaltant son patrimoine, en la dotant d'un passé, d'une histoire, celle-ci fût-elle quelque peu légendaire.

Несмотря на это, первые памятники финского языка восходят к XVI в. Реформация повсюду, где она побеждает, влечет за собой про -движение и развитие народных языков. Главное произведение финской словесности - иначе литературы в современном ее понимании - это перевод Нового Завета, опубликованный Агриколой, епископом города Турку (швед. АЬо) в 1548 г. После этой даты Финляндия продолжает быть частью Шведского государства, несмотря на плохо настроенных некоторых офицеров-шведофонов. К концу XVIII в. ничего не предве -щало образования финской нации.

В какой-то степени это станет откликом Французской революции или, точнее, последующих наполеоновских войн. В 1809 г. в Тильзите Наполеон и Александр I делят Европу. И тот, и другой хотят ослабления Швеции. Наполеон побуждает Александра захватить Финляндию. Царь, пользуясь ослабленной королевской властью Стокгольма, захватывает страну.

Александр, особенно в первой части своего правления, не был деспотом, или если и был, то был просвещенным деспотом. Либеральных взглядов, щедрый, человек доброй воли, проницательный и ловкий политик, ученик Лагарпа, он разделял идеи французских энциклопедистов, дорогих сердцу своей бабушки Екатерины II. И первое, что он сделал, был жест успокоения: собрав финский Сейм (собрание выборных) в Порвоо (швед. Во^а), он признает и гарантирует свободу и право Великого княжества вплоть до того, что присоединит к нему «старую Финляндию», т. е. перешеек Карелии, отторгнутый от Швеции в 1721 г. В своей речи в Сейме, произнесенной по-французски, он заявляет, что отныне Финляндия «возведена в ранг наций».

Каким будет ответ финнов? Он выражается в известном заявлении, предписываемом журналисту и историку Адольфу Ивару Арвидссону: «Мы больше не шведы, мы не хотим быть русскими, мы должны быть финляндцами!». Он произносит эту фразу по-шведски, но быть финляндцем для многих означает признать себя финном.

Зарождающаяся нация нуждается в идентифицирующих ориентирах, в культуре, чтобы доказать свое своеобразие. По религии Финляндия большей частью лютеранская, в чем сильно отличается от России, а от Швеции - языком большинства людей, народной культурой.

В эпоху романтизма идеи Бури и Натиска, начатые в первую очередь Гердером, о поэзии как о «душе народов» и о «первобытном языке» находят отклик среди кучки молодых интеллектуалов, которых в насмешку вскоре назовут «фенноманами». Их задача: пробудить нацию, продвигая язык народа, восхваляя ее наследие, подкрепляя прошлым и немного историей, пусть даже несколько сказочной.

Quand en 1551, dans sa préface au livre des Psaumes, Agricola avait, le premier, mentionné Vainamoinen et Ilmarinen parmi les dieux principaux des Haméens (Tavastiens), il s'agissait moins d'exalter la culture des anciens Finnois que de dénoncer leur paganisme. Mais la réprobation a fait place peu à peu à la curiosité. Dès le XVIIe siècle, des contes, des incantations, des chants rituels relatifs au « culte de l'ours » sont consignés par quelques érudits locaux. Au XVIIIe siècle, des philologues, de véritables savants apparaissent : Daniel Juslenius, professeur à Turku, défend la cause des Finnois et rédige un dictionnaire; Henrik Gabriel Porthan publie les cinq fascicules de son De poesi fennica (1766-1778); Kristfrid Ganander rédige une Mythologia fennica dont on peut contester la valeur scientifique mais qui constitue tout de même une précieuse collection de textes et de renseignements. Les héros du Kalevala figurent déjà dans ces ouvrages.

S'ajoute à cela qu'après 1809, la « vieille Finlande » retrouvée se révèle un inépuisable conservatoire des traditions, notamment de cette poésie populaire dont va se nourrir le Kalevala. La Carélie orientale, qui s'étend jusqu'à la mer Blanche et qui, elle, a toujours été dans la mouvance de la Russie, attire également les collecteurs qui y font une ample moisson.

En 1817, Carl Axel Gottlund, polygraphe qui, une dizaine d'années plus tard, publiera lui aussi deux fascicules de poèmes populaires, écrit ceci : « Si l'on voulait rassembler les antiques chansons finnoises et en former un ensemble organique... on en tirerait un nouvel Homère, ou Ossian, ou un Chant des Niebelungen ». L'idée est ainsi lancée d'une épopée nationale égale à l'Iliade et à l'Odyssée. La Finlande attend son Homère. Ce sera Elias Lonnrot.

Né en 1802, la même année que Victor Hugo, son parfait contemporain (celui-ci mourra en 1885, celui-là en 1884), Lonnrot n'est pas le fils d'un général d'empire. Il est d'origine modeste : son père est un tailleur de village. En dépit de ce handicap, il entre à l'Université en 1822, la même année que Runeberg, futur grand poète national de langue suédoise, et que Snellman, futur théoricien du mouvement finnois. Bien qu'attiré par les lettres, il opte pour les études médicales et soutient, en 1832, une thèse sur la médecine empirique et magique des Finnois. Entre-temps, en 1827, il a composé un mémoire en latin intitulé De Vainamoinen, priscorum fennorum numine. En outre, il a entrepris une série de voyages qui l'amèneront à parcourir, souvent à pied, des centaines de kilomètres à la recherche de nouveaux poèmes. Au cours de ses pérégrinations, il rencontrera de nombreux chanteurs, dont certains lui dicteront pendant plusieurs jours d'affilée des milliers de vers. Le filon se révélera d'ailleurs si riche que ses disciples poursuivront la collecte jusqu'au début du XXe siècle.

Когда в 1551 г. в предисловии к книге Псалмов Агрикола первым упомянул Вяйнямейнена и Ильмаринена среди главных божеств Тавасланцев, речь шла не о прославлении культуры старых финнов, а об изобличении их язычества. Однако понемногу осуждение уступает место любопытству. С XVII в. сказки, заклинания, ритуальные песнопения, относящиеся к «культу медведя», упоминались несколькими местными учеными. В XVIII в. появляются филологи, настоящие ученые: Даниель Юслениус, преподаватель в Турку, защищает дело финнов и составляет словарь; Хенрик Габриель Портан публикует пять выпусков De poesi fennica (1766-1778); Христфрид Ганандер составляет Mythologia fennica, научную ценность которой можно оспаривать, но, тем не менее, она представляет собой ценное собрание текстов и сведений. В этих произведениях уже появляются герои Калевалы.

После 1809 г. вновь возвращенная «старая Финляндия» раскрывается как неисчерпаемое хранилище традиций, особенно народной поэзии, которая будет питать Калевалу. Восточная Карелия, простирающаяся до Белого моря и находящаяся в магнитном поле России, также в равной степени привлекает исследователей, собирающих обширный фольклорный материал.

В 1817 г. Карл Аксель Готлунд, разносторонний автор, который лет десять спустя опубликует два выпуска народных поэм, пишет: «Если бы мы захотели собрать вместе древние финские песни и создать из них стройное целое, ... мы имели бы нового Гомера или Оссиана, или Песнь о Нибелунгах». Таким образом, появляется идея создания национальной эпопеи, равной «Илиаде» и «Одиссее». Финляндия ждет своего Гомера. Им станет Элиас Лённрот.

Родившийся в 1802 г., в тот же год, что и Виктор Гюго (один умрет в 1885 г., другой - в 1884 г.), Лённрот не был, как французский поэт, сыном генерала империи Наполеона, как отец Виктора Гюго. Он был из скромной семьи: его отец - деревенский портной. Несмотря на это, он поступает в университет в 1822 г., в одном году с Рунебергом, будущим великим национальным поэтом шведского языка, и Снельманом, будущим теоретиком финского движения. Увлекаясь филологией, он выбирает, однако, медицину и в 1832 г. защищает диссертацию на тему эмпирической и магической медицины финнов. Между делом в 1827 г. он пишет работу на латинском языке под названием «Вяйнямёйнен, божество древних финнов» (Ре Vйinйmдinen, р^согит fennorum питте). Кроме того, он предпринимает несколько путешествий, в которых пешком преодолевает сотни километров в поисках новых поэм. Во время своих странствий он встречает многочисленных певцов, некоторые из них будут ему надиктовывать без остановки тысячи стихов в течение нескольких дней. Впрочем, материала будет настолько много, что его ученики продолжат собирание песен вплоть до начала XX в.

Dépositaires de la mémoire collective, ces chanteurs méritent de ne pas être oubliés. Beaucoup sont restés fameux: Juhana Kainulainen, Arhippa Perttunen, Ontrei Malinen, la lignée des Shemeikka, Vaassila Kielevainen, Simana Sissonen, Simana Huohvanainen... Le mot « barde », par lequel on les désigne généralement en français, est toutefois trompeur. Simples paysans, plus riches spirituellement qu'économiquement, la plupart d''entre eux vivaient autant de la pêche et de la chasse que d''une agriculture ingrate et aléatoire. Caréliens, voire Ingriens (l'Ingrie n'est autre que la région de Saint-Pétersbourg), presque tous étaient de religion orthodoxe, quelques-uns même « vieux croyants ». Parmi eux, plusieurs aveugles : la cécité était fréquente dans ces populations, et comment, là encore, ne pas penser à Homère ? À noter enfin que nombre de ces paysans étaient des paysannes. La plus célèbre, l'Ingrienne Larin Paraske, était encore une enfant à l'époque de la parution du Kalevala, mais elle dictera aux collecteurs 32000 vers de poésie lyrique et épique. La postérité se souvient aussi de Mateli Kuivalatar, la « rose de Carélie », ou encore d'Anni Lehtonen, qui se trouvait réduite à mendier à l'époque où le folkloriste Samuli Paulaharju la rencontra à Oulu. Ce qu'était la vie de ces femmes ressort du bref portrait que Martti Haavio, dans le livre qu'il a consacré aux derniers de ces « bardes »1, nous a laissé de l'une d'elles :

Toarie Huovinen était digne de son mari. Elle était en train de labourer quand le moment d'accoucher arriva, mais elle ne s'affola pas, mit son enfant au monde, l'enveloppa dans un vêtement, le déposa sur un tas de pierres et finit de labourer son lopin. Ensuite elle rentra chez elle, fit chauffer le sauna et y porta son nouveau-né pour qu'il se réchauffe. Devenue vieille, elle déconseilla toutefois à ses brus de faire comme elle. C'était une femme solide. Elle vécut jusqu'à l'âge de 101 ans et mourut pendant l'hiver de 1861.

Des poèmes recueillis, Lonnrot publie plusieurs florilèges, puis ébauche un « Prékalevala », qu'il termine fin 1833, mais ne publie pas. En 1835, le 28 février -date dont l'anniversaire est célébré aujourd'hui en Finlande comme « jour du Kalevala » - paraît la première édition de son œuvre maîtresse. Il ne s'agit encore que de ce que la postérité appellera l'« ancien Kalevala » : 12 078 vers répartis en 32 chants. Poursuivant sa collecte, il publie en 1840 un trésor de la poésie lyrique populaire, la Kanteletar, dont le nom désigne l'« esprit féminin du kantele », cette cithare fennique dont on trouve l'équivalent notamment chez les Baltes. En 1849, le Kalevala paraît sous sa forme définitive : il comprend maintenant 50 chants, soit 22 795 vers.

En dépit de leur unité formelle, les poèmes populaires de type « kalévaléen », ceux qui ont été collectés sur le terrain, ne sont pas tous également anciens, et véhiculent des thèmes d'origines fort diverses. Le folkloriste Matti Kuusi a distingué cinq strates:

1 Martti Haavio. Viimeiset runonlaulajat. Porvoo - Helsinki, Werner Soderstrom Osakeyhtio, 1943, p. 85.

Хранители совместных воспоминаний, эти рунопевцы заслуживают того, чтобы их не забыли. Многие стали известными: Юхана Кайнулайнен, Архиппа Перттунен, Онтрей Малинен, семья Шемейка, Воассила Киелевяйнен, Симана Сиссонен, Симана Хуованайнен... Этих людей по-французски называют словом «бард», что является обманчивым. Простые крестьяне, богатые скорее духовно, чем материально, многие из них жили за счет как охоты и рыбной ловли, так и невыгодного и проблемного сельского хозяйства. Карельцы и даже ижорцы почти все были православными, некоторые «раскольниками». Среди них много было слепых: такое случалось часто среди народа, и почему бы здесь снова не вспомнить Гомера? Необходимо добавить, что среди крестьян было много женщин. Самая знаменитая ижорка Ларин Параске была еще ребенком во время появления Калевалы, но она продиктовала собирателям 32 000 стихов лирической и эпической поэзии. Последующие поколения также вспоминают Матели Куивалатар, «розу Карелии», или Анни Лехтонен, которая просила милостыню, когда фольклорист Самули Паулахарью встретил ее в Оулу. Какой была жизнь этих женщин - следует из краткого портрета, описанного Мартти Хаавио в книге, посвященной последним из этих «певцов»1. Вот одна из них:

Тоари Хуовинен была достойна своего мужа. Она трудилась в поле, когда настал момент родов, но она не волновалась, родила ребенка, завернула его в одежду, положила на груду камней и закончила обрабатывать свой участок. Затем она вернулась домой, затопила баню и занесла туда новорожденного, чтобы он согрелся. Состарившись, она, однако, отговаривала своих невесток делать, как она. Это была сильная женщина. Она прожила до 101 года и умерла во время зимы 1861 года.

Из собранных поэм Лённрот публикует несколько сборников, затем набрасывает «Перво-Калевалу», которую заканчивает к концу 1833 г., но не публикует. Днем рождения Калевалы считается 28 февраля 1835 г. В этот день в Финляндии празднуется «День Калевалы», день появление первой публикации главного произведения Лённрота. Речь идет о той, которую впоследствии назовут «старой Калевалой»: 12 078 стихов скомпонованы в 32 песни. Продолжая собирать материал, Лённрот публикует в 1840 г. сокровище народной лирической поэзии Кантелетар, название которой обозначает «женский дух кантеле», «финской кифары» (похожий инструмент можно найти у балтов). В 1849 г. Калевала появляется в своей окончательной форме: она содержит 50 рун (песен), т. е. 22 795 стихов.

Вопреки их формальному единству, народные поэмы калевальского типа не все одинаково старинные и повествуют о самых разнообразных сюжетах.

Фольклорист Матти Кууси выделил пять пластов:

1 МагШ Нааую. Vimeiset runonlaulajat. Рогуоо - НеЫпк1, Werner Sбderstrбm ОБакеуШб, 1943, р. 85.

1° une poésie « préfennique » (esisuomalainen), portant la trace de rites et mythes chamanistiques communs à tout le Nord de l'Eurasie : thèmes cosmogoniques, mythe du grand cervidé, culte de l'ours...

2° une poésie « kalévaléenne ancienne » (varhaiskalevalainen), remontant à l'époque de la symbiose culturelle balto-fennique, c'est-à-dire celle où les ancêtres des Fenniques et des Baltes - Lituaniens et Lettons, linguistiquement indo-européens -cohabitaient ou voisinaient étroitement : poèmes étiologiques, poème du grand Chêne, chants rituels de mariage...

3° une poésie « de l'apogée du genre » (sydankalevalainen), datée de l'âge viking : personnages de Vainamoinen, de Lemminkainen, veine dite « insulaire »...

4° une poésie « kalévaléenne médiévale » (keskiajan kalevalainen runous), caractérisée par l'apparition des thèmes chrétiens : légendes et ballades...

5° une poésie « kalévaléenne tardive » (myôhaiskalevalainen runous), postérieure à la Réforme et célébrant notamment des souverains de l'époque moderne : Ivan IV, Charles XII, ou encore le légendaire « Jaakko Pontus », né de la confusion de deux personnages historiques, Ponthus de la Gardie, gentilhomme languedocien devenu connétable du roi de Suède, et son fils Jacques, qui, entre autres exploits, prit Moscou...

Les poèmes les plus tardifs n'ont pas été utilisés dans le Kalevala. Pour composer son épopée, Lonnrot n'a systématiquement retenu que les poèmes à ses yeux les plus authentiquement finnois, les plus archaïques, ceux qui témoignent d'une culture antérieure à la christianisation. Le Kalevala s'ouvre sur le récit de la création du monde ; il s'achève sur celui, transposé, déchristianisé mais reconnaissable, de la Nativité : quand l'enfant de Marjatta, « nouveau roi de Carélie », vient au monde, le vieux sage et mage Vainamoinen, déchu, monte dans sa barque et s'en va.

Entre ces deux événements, on peut, en simplifiant à l'extrême, distinguer trois cycles principaux:

1° Vainamoinen oblige le forgeron Ilmarinen à forger le sampo, moulin merveilleux (ou peut-être coffre, de nombreuses hypothèses ont été émises sur la nature exacte de cet objet mystérieux) qu'il a promis à Louhi, patronne de Pohjola (le Nord ? la Botnie ? le pays des Lapons ?), dont il voudrait épouser la fille. Cette dernière lui préfère Ilmarinen. Devenu veuf, Ilmarinen se forge une femme en or. Déçu par sa froideur, il la propose à Vainamoinen qui n'en a cure. Il se rend alors à Pohjola dans l'espoir d'épouser la soeur cadette de la défunte. Éconduit, il transforme la jeune fille en mouette. À son retour, il décrit à Vainamoinen la prospérité que le sampo assure à Pohjola. Accompagnés de Lemminkainen, les deux héros décident de conquérir cet objet magique, s'en emparent, mais rattrapés par Louhi, le laissent tomber dans la mer.

1) «до-финская» поэзия (esisuomalainen), несущая следы ритуалов и шаманских мифов, общих для всего севера Евразии: космогонические темы, мифы о большом олене, культ медведя...

2) «ранняя калевальская» поэзия (varhaiskalevalainen), восходящая к эпохе культурного балтийско-финского симбиоза, т. е. к тому времени, когда предки финнов и балтов (балты - литовцы и латыши - лингвистически индоевропейцы) сожительствовали и тесно соседствовали: этиологические поэмы, поэма о великом дубе, ритуальные свадебные песни...

3) поэзия «расцвета апогея жанра» ^уёа^а^аШпеп) датирована эпохой викингов: персонажи Вяйнямёйнена, Лемминкяйнена, цикл «острова»...

4) «средневековая калевальская» поэзия (kesкiajan kalevalainen ттш) характеризуется появлением христианских тем: легенды и баллады.

5) «поздняя калевальская» поэзия (myдhаiskalevalainen гипоиs), следующая за реформацией и прославляющая в особенности суверенов современной эпохи: Ивана IV, Карла XII, или легендарного «Яакко Понтуса», родившегося от смешения двух исторических персонажей, Понтуса Делагарди, дворянина из Лангедока, ставшего коннетаблем короля Швеции, и его сына Жака, который между другими подвигами взял Москву в смутное время.

Наиболее поздние поэмы не были использованы в Калевале. Для того чтобы сочинить свою эпопею, Лённрот систематически держал перед глазами самые, на его взгляд, подлинные финские поэмы, самые старые свидетельства от древней культуры до христианизации. Калевала начинается с повествования о сотворении мира и заканчивается переделанным, дехристинизированным, неузнаваемым пересказом Рождения: когда ребенок Марьятты, «новый король Карелии», появляется на свет, старый мудрец и маг Вяйнямёйнен, утративший авторитет, садится в свою лодку и уплывает.

Между этими двумя событиями, крайне упрощая, можно выделить три главных цикла.

1. Вяйнямёйнен заставляет кузнеца Ильмаринена выковать сампо, чудесную мельницу (или, может быть, сундук - были выдвинуты много -численные гипотезы о настоящей природе этого таинственного пред -мета), которую он пообещал Лоухи, хозяйке Похьёлы (Север? Ботни-ческий залив? Страна лопарей?), на дочери которой он хотел жениться, но дочь Лоухи предпочла ему Ильмаринена. Оставшись вдовцом, Ильмаринен выковал себе женщину из золота, но, разочаровавшись в ее холодности, он предлагает её Вяйнямёйнену, который берет ее на свое попечение. Ильмаринен снова отправляется в Похьёлу в надежде жениться на младшей сестре. Отвергнутый, он превращает девушку в чайку. По возвращении он отписывает Вяйнямёйнену богатство, которое сампо обеспечивает Похьёле. В сопровождении Лемминкяйнена два героя решают завоевать этот волшебный предмет, но, завладев им, они, пойманные Лоухи, роняют сампо в море.

2° Lemminkainen, pour se venger de l'inconstance de sa femme, aspire lui aussi à la main de la demoiselle de Pohjola. Au cours de l'un des « travaux » qu'il lui faut alors accomplir, il est tué et dépecé. Son corps disparaît dans le fleuve de Tuonela. Sa mère repêche les morceaux de son corps et lui rend la vie. Furieux de ne pas avoir été invité aux « noces de Pohjola », il s'y rend quand même, tue le maître du domaine, attirant sur les siens des représailles qui lui donneront à nouveau le désir de se venger. Pour ce faire, il participera à la conquête du sampo.

3° Kullervo, vendu tout jeune comme esclave à Ilmarinen, se venge des vexations que lui fait subir la femme de celui-ci, puis retrouve ses parents qu'il croyait morts, mais séduit sa sœur qu'il n'a pas reconnue. Il venge les malheurs de sa famille. De retour chez lui, il découvre cependant que les siens ont été massacrés et se suicide en se jetant sur son épée à l'endroit même où l'inceste a été commis.

Ces trois maîtresses branches portent une multitude de rameaux secondaires : mythe du grand chêne, histoire du jeune Lapon Joukahainen et de sa sœur Aino, poursuite de l'élan de Hiisi, quête du cygne de Tuonela, descente de Vainamoinen dans le corps du géant Vipunen, invention du kantele, quête de la lune et du soleil cachés dans la montagne par Louhi...

Dans la tradition populaire, ces divers épisodes sont indépendants. Leur synthèse est l'œuvre de Lonnrot qui n'a pas hésité à raccorder les uns aux autres des poèmes différents, à interpoler ici ou là des passages hétérogènes, à fondre plusieurs personnages en un seul, à composer lui-même, en cas de nécessité, des vers de liaison. Lui revient également le mérite d'avoir su, sans lui ôter sa saveur, harmoniser la langue. À son époque, il n'y avait pas encore de finnois standard et les poèmes qu'il utilisait ne provenaient pas tous de la même province. La plupart, recueillis de l'autre côté de la frontière orientale du Grand-Duché, étaient du reste en carélien, dialecte assez différent du finnois occidental pour être considéré par certains comme une langue à part entière.

Tous ces poèmes avaient cependant en commun une forme. Le vers traditionnel - celui que nous appelons après coup « kalévaléen » - assurait à l'avance l'unité de l'ensemble. Octosyllabe normalement trochaïque, il s'accorde à la prosodie naturelle de la langue : en finnois, l'accent démarcatif porte sur la première syllabe du mot dont un accent secondaire frappe les autres syllabes impaires ; en outre voyelles brèves d'une part, voyelles longues et diphtongues d'autre part, s'opposent ; les syllabes fermées, c'est-à-dire terminées par une consonne dans la chaîne parlée, sont en poésie, comme dans les prosodies grecque et latine, considérées comme longues. Si le schéma trochaïque était régulièrement respecté, le vers kalévaléen serait d'une grande monotonie. En réalité il n'en est rien : l'anacrouse est fréquente; les vers dits « brisés » (vers dans lesquels un « trochée » est constitué de la dernière syllabe, non accentuée, d'un mot et de la première syllabe, accentuée, du mot suivant) sont très nombreux. Ces licences s'expliquent si l'on se souvient qu'à l'origine les poèmes populaires étaient chantés. La mélodie pouvait imposer un rythme effectivement trochaïque à un vers qui ne l'était pas strictement.

2. Чтобы отомстить за непостоянство своей жены, Лемминкяйнен тоже добивается руки дочери хозяйки Похьёлы. Во время одного из «подвигов», который он должен был совершить, был убит и расчленен пастухом Похьёлы. Его тело исчезает в реке Туонеле. Мать Лемминкяйнена вылавливает кусочки тела своего сына и возвращает его к жизни. Разгневанный тем, что его не пригласили на «свадьбу в Похьёлу», он отправляется туда, убивает хозяина, мужа Лоухи, навлекая на своих родных гонения, которые возвращают ему желание мстить. Чтобы отомстить, он участвует в захвате сампо.

3. Куллерво, проданный в молодости в рабство к Ильмаринену, мстит за притеснения, которым он подвергается со стороны его жены, затем находит своих родителей, которых он считал умершими, соблазняет по неведению свою сестру. Он мстит за несчастья своей семьи. По возвращении к себе домой обнаруживает, что его родные убиты, и кончает жизнь самоубийством, бросившись на свой меч в том месте, где было совершено кровосмешение.

Эти три главные линии имеют множество второстепенных ответвлений: миф о могучем дубе, история о молодом лопаре Йоукахайнене и его сестре Айно, преследование оленя Хийси, убийство лебедя Туонелы, пребывание Вяйнямёйнена в чреве великана Випунена, изобретение кантеле, захват луны и солнца, спрятанных в горах Лоухи...

В народной традиции эти разные эпизоды независимы друг от друга. Их обработка - это творчество Лённрота, который не сомневался в объединении разных поэм, вставляя то там, то тут разнородные отрывки, соединяя нескольких персонажей в один, в случае необходимости сам сочинял связки между рунами. Его заслуга в том, что он старался гармонизировать язык. В эту эпоху еще не существовало стандартного финского языка, и использованные им поэмы не были из одной и той же провинции. По другую сторону восточной границы Великого княжества большинство собранных поэм были сочинены на карельском диалекте, весьма отличающемся от западного финского, поэтому некоторые считают его языком.

Однако все эти поэмы имеют общую форму. Традиционный стих, тот, который мы называем «калевальским», заранее обеспечивал единство целого. Восьмисложный, обычно трохаический, он соответствует естественной просодии языка: в финском языке главное ударение падает на первый слог слова, а второстепенное ударение падает на другие непарные слоги; кроме того, краткие гласные противопоставляются долгим гласным и дифтонгам (закрытые слоги, т. е. заканчивающиеся согласной в речевой цепи, как в греческой или латинской просодии, считаются долгими). Если бы трохаическая схема регулярно соблюдалась, то калевальский стих был бы монотонным. На самом деле он таким не является: часто встречается анакруза (ритмический зачин); стихи, называемые «раздробленными» (стихи, в которых «трохей» образован последним неударным слогом слова и первым ударным слогом следующего слова), очень многочисленны. Эти вольности объясняются тем, что в оригинале народные поэмы пелись. По существу мелодия могла навязывать стиху троха-ический ритм, который не был таковым на самом деле.

Deux procédés de style sont par ailleurs largement utilisés : l'allitération et le parallélisme.

L'allitération concerne les syllabes initiales : deux ou trois des mots constituant le vers commencent par le même phonème, le même groupe de phonèmes : vaka vanha Vainamoinen - vieillard vaillant, Vainamoinen. Elle renforce la cohérence d'un vers qui ignore la rime. Comme la rime, elle crée un écho entre des syllabes accentuées. On pourrait parler de rime intérieure initiale.

Le parallélisme consiste en la reprise, d'un vers à l'autre, d'une même idée, d'une même image, d'une même figure syntaxique avec des mots différents. Ainsi dès le préambule du Kalevala, que nous citerons dans la traduction de Jean-Louis Perret:

Voici qu'un désir me saisit, L'idée m'est venue à l'esprit De commencer à réciter, De moduler des mots sacrés, D'entonner le chant de famille, Les vieux récits de notre race; Les mots se fondent dans ma bouche, Les paroles lentement tombent, Elles s'envolent de ma langue, Se dissipent entre mes dents.

Mieleni minun tekevi, aivoni ajattelevi lahteani laulamahan, saa'ani sanelemahan, sukuvirtta suoltamahan, lajivirtta laulamahan. Sanat suussani sulavat, puhe 'etputoelevat, kielelleni kerkiavat, hampahilleni hajoovat.

Ce vers est celui de la poésie populaire de tous les peuples fenniques à l'exception des Vepses, qui, du côté du lac Onega, sont les représentants les plus orientaux du groupe. Bien qu'il présente quelques traits communs avec celui de la vieille poésie germanique, les influences baltes semblent avoir fortement contribué à son élaboration.

2 Elias Lonnrot. Le Kalevala. Épopée populaire finlandaise, Stock + Plus, 1978, p. 25.

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Два стилистических приема широко использованы в произведении: аллитерация и параллелизм.

Аллитерация затрагивает начальные слоги - два или три слова, образующие стих, начинаются с одной фонемы или группы фонем: vaka vanha Vàinàmoinen - Старый, вещий Вяйнямёйнен. Она усиливает связность стиха, который игнорирует рифму. Как и рифма, она создает эхо между ударными слогами. Можно говорить и о начальной рифме.

Параллелизм состоит из повторов от одного стиха к другому, одинаковых идей, образов, синтаксических фигур, выраженных разными словами. Вот начало Калевалы, которое мы процитируем в переводе Жан-Луи Перре:1*

Voici qu'un désir me saisit, L'idée m'est venue à l'esprit De commencer à réciter, De moduler des mots sacrés, D'entonner le chant de famille, Les vieux récits de notre race; Les mots se fondent dans ma bouche, Les paroles lentement tombent, Elles s'envolent de ma langue, Se dissipent entre mes dents.

Mieleni minun tekevi, aivoni ajattelevi làhteàni laulamahan, saa 'ani sanelemahan, sukuvirttà suoltamahan, lajivirttà laulamahan. Sanat suussani sulavat, puhe 'etputoelevat, kielelleni kerkiàvàt, hampahilleni hajoovat.

Это стихосложение существует в поэзии всех финских народностей за исключением вепсов, являющихся в регионе Онежского озера самыми восточными представителями группы. Хотя он и имеет некоторые общие черты со старой германской поэзией, но сильно чувствуются балтийские влияния.

См. комментарии автора к статье на с. 246.

2 Elias Lonnrot. Le Kalevala. Épopée populaire finlandaise, Stock + Plus, 1978, p. 25.

Le Kalevala est-il l'œuvre d'une nation ou d'un homme ? On reproche parfois à Lonnrot d'avoir falsifié la poésie populaire, à son épopée d'être trop touffue, encombrée de longueurs et finalement peu lue. En valorisant la langue finnoise et la tradition orale, en glorifiant un passé légendaire, en faisant de la lutte entre Kalevala et Pohjola le thème unificateur de son poème, Lonnrot a cependant donné à une communauté encore en quête de son identité une épopée nationale désormais incontournable. Œuvre emblématique, le Kalevala est devenu l'une des principales sources d'inspiration de la culture finlandaise, qu'il s'agisse de littérature (Topelius, Aleksis Kivi, Juhani Aho, Eino Leino, Paavo Haavikko...), d'art plastique (Gallen-Kallela, Albert Edelfelt, Joseph Alanen, Heikki Virolainen...), de musique (Filip von Schantz, Robert Kajanus, Jean Sibelius, Armas Launis, Leevi Madetoja...), de chorégraphie, de cinéma. En Finlande, même la publicité s'inspire volontiers du Kalevala.

Mais le rayonnement de celui-ci s'étend bien au-delà des frontières de la Finlande. En Suède, il inspire dès sa parution de nombreux artistes (Ekman, Sjostrand, Ville Vallgren...). En France, Léouzon le Duc en publie, dès 1845, une première traduction, suivie en 1867 d'une seconde, celle de la version définitive. Alexandre Dumas (qui, bien sûr, ne savait pas un mot de finnois) y va de sa plume lui aussi en adaptant en alexandrins le premier chant du poème. Depuis lors, le Kalevala a été traduit dans une quarantaine de langues.

Ce succès international ne se limite pas à des traductions. L'exemple de Lonnrot a inspiré des oeuvres originales dont la première fut, en Améri que, le Chant de Hiawatha, que Longfellow, en 1855, composa en vers trochaïques à partir de légendes indiennes (et dont Baudelaire traduisit un passage). En France, deux des Poèmes barbares de Leconte de Lisle, Le Runoïa et Les Larmes de l'ours, font écho -de manière étrange au demeurant - au Kalevala. Sœur de la Finlande, l'Estonie se devait d'avoir elle aussi son épopée nationale tirée de la tradition orale : ce fut le Kalevipoeg (1857-1861), versifié par F. R. Kreutzwald et traduit récemment en français. Au XXe siècle, la même ambition animera plusieurs écrivains finno-ougriens de Russie. Dès les années 20, le grand écrivain oudmourte Kudjebaï Gerd (fusillé en 1937), avait mis en chantier, sur le modèle du Kalevala, une épopée dont il composa au moins 13 chants mais dont aucun manuscrit n'a pu être retrouvé. En 1966, l'historien de la littérature F. K. Iermakov découvrait en revanche à la bibliothèque Saltykov-Chtchedrine de Leningrad le manuscrit d'une « épopée héroïque oudmourte » inachevée. Elle avait été composée, non pas en oudmourte mais en russe, par l'éminent historien et folkloriste russe M. G. Khoudiakov (fusillé lui aussi en 1936). Bien que Khoudiakov eût été réhabilité en 1958, ce n'est que deux décennies après sa découverte qu'elle put être éditée, par D. A. Iachine, non sans d'importantes coupures imposées par la censure.

Является ли Калевала произведением нации или человека? Иногда Лённрота осуждают за подделывание народной поэзии, за то, что его эпопея слишком перегружена, запутана и, в конце концов, мало читаема. Возвышая финский язык и устное творчество, прославляя легендарное прошлое, устраивая борьбу между Калевалой и Похьёлой, объединяющей тему поэмы, Лённрот дал, однако, с той поры обществу, находящемуся в поиске своей идентичности, неопровержимую национальную эпопею. Эмблематичное произведение Калевала стало одним из основных источников вдохновения финской культуры, литературы (Топелиус, Алексис Киви, Юхани Ахо, Эйно Лейно, Пааво Хаавикко...), искусства (Галлен-Каллела, Альберт Эдельфельт, Йосеф Аланен, Хейкки Виролайнен...), музыки (Филипп фон Шанц, Роберт Каянус, Ян Сибелиус, Армас Лаунис, Леви Мадетойя...), хореографии, кино. В Финляндии даже реклама охотно черпает вдохновение из Калевалы.

Ее благотворное влияние распространилось далеко за пределы Финляндии. В Швеции, с момента своего появления на свет, поэма вдохновляет многих артистов (Экман, Шестранд, Вилле Вальгрен...). Во Франции Леузон ле Дюк публикует в 1845 г. первый перевод, второй -в 1867 г. в окончательной версии. Александр Дюма (не знавший, конечно же, ни одного слова по-фински) также приложил свою руку, переложив первую песнь поэмы в александрийский стих. С тех пор Калевала была переведена более чем на 45 языков.

Этот международный успех не ограничивается переводами. Пример Лённрота вдохновил появление оригинальных произведений. Одним из первых стала в Америке «Песнь о Гайвате», которую Лонгфелло в 1855 г. сочинил в трохаическом стихе по мотивам индейских легенд (из которой Бодлер перевел один отрывок). Во Франции два из Варварских стихотворений Леконта де Лиля - «Рунойа» и «Слезы медведя» отражают в особой манере Калевалу. Сестра Финляндии, Эстония, также должна была иметь свою национальную эпопею, взятую из устного творчества: ею стала поэма «Калевипоэг» - «Сын Калева» (1857-1861), написанная Ф. Р. Крейцвальдом и переведенная недавно на французский язык. В XX в. то же самое намерение оживит многих финно-угорских писателей России. С 20-х гг. великий удмуртский писатель Кузебай Герд (расстрелян в 1937 г.) начал создавать по модели Калевалы эпопею, для которой он сочинил не менее 13 песен, но ни одна из его рукописей не была найдена. В 1966 г. историк литературы Ф. К. Ермаков нашел в библиотеке Салтыкова-Щедрина в Ленинграде незаконченную рукопись о «героической удмуртской эпопее». Она была сочинена не на удмуртском, а на русском языке выдающимся русским историком и фольклористом М. Г. Худяковым (расстрелян в 1936 г.). Хотя Худяков и был реабилитирован в 1958 г., только спустя два десятилетия после находки рукопись была издана Д. А. Яшиным со значительными сокращениями, предписанными цензурой.

En 2008, traduite en oudmourte par V. M. Vaniouchev (de son nom de plume Voriavaï Vasileï, auteur lui-même d'un poème - en vers et en prose - de caractère épique : Le Livre des racines oudmourtes / Udmurt vyjy kniga), elle a été publiée in extenso, à Izevsk, en édition bilingue, sous le titre Dorvyjy (Racines du pays natal), accompagnée d'un appareil critique important. Par des manuscrits inédits de Khoudiakov, nous savons que Gerd et lui se sont connus, ont correspondu, ont échangé leur documentation. Il est permis de penser que l'épopée de Gerd survit partiellement dans celle de Khoudiakov. Paru en 1960, le poème Siyajar, tiré du folklore par le Mordve V. Radaïev, a été salué comme la « troisième épopée finno-ougrienne »3.

Pour les spécialistes du folklore, le Kalevala n'est pas une source fiable. C'est un patchwork ; en cousant ensemble des morceaux disparates, Lonnrot, fils de tailleur, a fait œuvre de rhapsode. Mais son exemple a suscité dans tout le pays une collecte d'une ampleur exceptionnelle. Le résultat fut la publication, de 1908 à 1948, de 34 in-quarto : les Vieux Poèmes du Peuple Finnois (Suomen Kansan Vanhat Runot). Environ 100 000 poèmes de tradition orale, tous composés dans le vers traditionnel « kalévaléen ».

L'aventure de l'idée kalévaléenne est-elle terminée ? Soucieux de préserver et de mettre en valeur les traditions orales de leurs pays, de jeunes intellectuels -notamment originaires de pays issus de la décolonisation - se disent aujourd'hui fascinés par l'exceptionnelle réussite de Lonnrot. Une réussite que, non sans un brin de vérité, le grand écrivain hongrois Dezso Kosztolânyi a résumée d'une phrase: « La Finlande est née d'un poème ».

3 Rappelons toutefois que la Hongrie peut se prévaloir d'une épopée plus ancienne que le Kalevala, le Siège de Sziget (Szigeti veszedelem), composée par Miklós Zrinyi au milieu du XVIIe siècle. Comparable aux poèmes de l'Arioste et du Tasse, elle ne s'enracine aucunement, il est vrai, dans la poésie populaire.

В 2008 г. переведенная на удмуртский язык В. М. Ванюшевым (авторский псевдоним Воръявай Василей, автор поэмы в стихах и прозе эпического характера «Как будто книга бытия» / «Удмурт Выжы Книга») рукопись, сопровождаемая значительным комментарием, была полностью опубликована в Ижевске в двуязычном издании под названием «Дорвыжы» (Корни родного края). По неизданным записям Худякова мы знаем, что он был знаком с Гердом, они переписывались и обменивались документами. Можно предположить, что эпопея Герда частично выжила в поэме Худякова. Появившаяся в 1960 г. поэма «Сияжар», взятая из фольклора эрзянским народным писателем В. К. Радаевым, была встречена как «третья финно-угорская поэма» 3.

Для специалистов фольклора Калевала не является надежным источником. Это пэтчворк: связывая вместе разрозненные кусочки, Лённрот, сын портного, сочинил произведение-рапсодию. Но его пример породил во всей стране собирание народных песен значительного масштаба. Результатом стала публикация, с 1908 по 1948 г., 34 томов «Старых поэм финского народа» (Vieux Poèmes du Peuple Finnois /Suomen Kansan Vanhat Runot) форматом ин-кварто. Примерно 100 000 поэм устного народного творчества сочинены традиционным «калевальским» стихом.

Закончилось ли приключение идеи Калевалы? Озабоченные сохранением и выдвижением устных традиций своих стран молодые интеллектуалы - выходцы из освобожденных от колонизации стран сегодня говорят, что поражены исключительным успехом Лённрота. Этот успех великий венгерский писатель Дежё Костолани выразил одной фразой: «Финляндия родилась из поэмы».

Перевела И. Федорова, 2013

3 Напомним, тем не менее, что Венгрия может похвастаться более древним эпосом, чем Калевала, - «Сигетварская битва» (Szigeti veszedelem), написанным Миклошом Зриньи в середине XVII в. Сравнимый с поэмами Ариоста и Тасса, он совершенно не укоренился в народной поэзии.

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