Научная статья на тему 'Conservation et mise en valeur du patrimoine architectural au Proche-Orient : quelques réalisations de missions archéologiques'

Conservation et mise en valeur du patrimoine architectural au Proche-Orient : quelques réalisations de missions archéologiques Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Gelin M.

Tout monument dégagé au cours d'une mission archéologique est aussitôt, du fait de sa fragilité, exposé à des altérations, voire à des destructions, entraînant une lourde responsabilité pour l'archéologue. Afin de contrer ces dégradations, la solution que possède ce dernier est d'intervenir pour conserver l'édifice et le restaurer si nécessaire. Plusieurs règles internationales ont été émises, qui permettent d'encadrer les travaux. Cependant, trop souvent les archéologues ne possèdent pas de formation adéquate pour travailler sur les matériaux de construction anciens ni consolider les bâtiments et, malheureusement, rares sont les missions dotées de budgets nécessaires aux dépenses inhérentes à la conservation. Surmontant ces problèmes, plusieurs missions, pourvues de moyens financiers et techniques d'importances variées, ont pu mener des travaux, notamment au Proche-Orient. Diverses solutions se sont offertes, dont nous présentons ici quelques exemples (Qalaat el Moudiq citadelle d'Apamée, Cyrrhus, Doura-Europos (Syrie), Hégra (Arabie Saoudite), sur des fortifications en pierre de taille, de l'habitat nabatéen, des sanctuaires parthe et romains en briques crues et blocage), qui ont permis de sauvegarder les vestiges tout en respectant les règles internationales et les constructions d'origine.

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58. Schlumberger D. La prospection archéologique de Bactres (printemps 1947) // Syria. Revue d’art oriental et d’archéologie. 26. Paris, 1949. P. 186-187, fig.16.

59. В современном таджикском, как и в узбекском, буквы П и Ф взаимозаменяемы. Однако, касаясь формы сосуда, нельзя исключить, что фиала изначально была восточного (персидского) происхождения и была адобтирована греками. В какой именно период сказать затруднительно, можно предположить, что это был период ниаболее интенсивных контактов (греко-персидские войны).

60. Gardin J.-C. Ceramiques de Bactres // MDAFA. XV. 1957; Шишкина. Эллинистическая керамика Афрасиаба; см. она же. Керамика конца IV—II вв. до н.э. (Афраси-аб II).

GRECIAN STYLE IN CERAMICS OF BACTRIA AND SOGDA

K. Abdulayev

The article deals with Greek culture influence showing up in ceramic finds. Pottery shape introduced by Greeks undergoes some modification both in proportion and decor. Some specimen of Greek style pottery existed in Central Asia during a relatively short period, others survived till the early Middle Ages.

M. Gelin CONSERVATION ET MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL AU PROCHE-ORIENT : QUELQUES RÉALISATIONS DE MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES

La conservation des monuments impose d’abord la permanence de leur entretien.

(Charte de Venise, 1964, article 4.)

L’archéologie s’est toujours trouvée confrontée à un problème majeur, généré par sa pratique même: le dégagement d’un édifice vieux de plusieurs centaines ou milliers d’années, entraîne une exposition brutale de ce dernier, fragilisé, aux intempéries. L’usure des matériaux, qui jusque-là avaient été préservés grâce à leur enfouissement, est souvent accélérée. De plus, d’éventuelles destructions, volontaires ou du fait d’une urbanisation grandissante, peuvent précipiter ce mouvement.

Afin de résoudre ce problème, la seule solution qui s’offre est de préserver les monuments, le plus tôt possible après leur mise au jour. Dans un deuxième temps et lorsque cela est réalisable, il est préférable de les mettre en valeur afin de les présenter au public1. Cependant, dans certains cas, des monuments sont si altérés que, après

Fig. 1. Carte du Proche-Orient avec indication des sites mentionnus dans le texte. Carte H. David, IFPO.

avoir été étudiés, leur ré-enfouissement peut se présenter comme la meilleure

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solution2.

Cette action de préservation, bien que de plus en plus pratiquée, est encore loin d’être systématique auprès des missions archéologiques travaillant au Proche-Orient, ce qui ne doit pas masquer l’évidence: tout archéologue sait qu’il est fondamental et indispensable de préserver les découvertes dont il est responsable, du double point de vue éthique et historique. La politique de certains pays en la matière, comme la Syrie par exemple, devrait l’y inciter grandement, puisque celle-ci rend désormais obligatoire la conservation et la mise en valeur de son patrimoine architectural, parallèlement à la fouille.

Malheureusement, de telles nécessités peuvent entraîner de gros besoins, à la fois financiers et humains et il est très rarement donné aux missions archéologiques de disposer de ces moyens. C’est donc une politique générale, provenant de tous les acteurs impliqués dans l’archéologie, qui devrait pouvoir être établie; les archéologues, seuls, ne peuvent suffire à la tâche. Par ailleurs, ces derniers n’ont pas toujours pu bénéficier d’une formation adaptée à la consolidation architecturale.

L’une des conséquences de ces difficultés est que, encore trop souvent, les archéologues peuvent être effrayés par une confrontation avec la conservation du patrimoine architectural du site sur lequel ils travaillent, ainsi que par le poids des responsabilités à assumer.

Pourtant, on l’a dit, nombre de missions archéologiques se sont déjà attelées à cette tâche, parfois avec difficultés mais souvent avec succès. Dès les années soixante et soixante-dix3, les Italiens recherchaient des solutions de préservation de l’architecture en brique crue en Irak4 et, aujourd’hui au Proche-Orient, des missions prennent en charge la consolidation, sans que les études archéologiques n’en pâtissent.

Par ailleurs, en matière de conservation, de restauration et de mise en valeur des sites et des monuments, des règles internationales5 ont été édictées, posant les bases du travail à réaliser. Non seulement leur aide est précieuse, mais il est de plus indispensable de les connaître et de les respecter, telles la Convention de Malte (revisitée en 1992), et plus précisément la Charte de Venise, rédigée en 1964 (qui actualise celle d’Athènes de 1931), celle-ci concernant plus particulièrement notre sujet. Une abondante littérature a de plus été écrite sur ces thèmes6.

Il est également important de préciser que la conception et le déroulement des travaux doit se faire en concertation avec l’ensemble des spécialistes des disciplines concernées : seul un réel travail d’équipe pourra aboutir à des résultats satisfaisants pour tous et, avant tout, pour le monument concerné. Un des acteurs de la consolidation qui opère seul, sans connaissance suffisante du monument, des matériaux anciens ou des techniques, peut détruire ou rendre inaccessibles des vestiges importants, ou faire subir à l’édifice des dommages irréversibles7.

Dans tous les cas et impérativement, l’archéologue ne doit pas être exclu de la conservation des édifices. Il est en effet le seul à connaître au mieux le site, les matériaux dont sont faits les édifices, les réactions de ces derniers après leur dégagement, les emplacements d’anciens sondages rebouchés et de vestiges antérieurs non visibles, les priorités de l’étude d’un monument, etc. De plus, sa participation aux travaux lui offre une connaissance du bâtiment considérable et inégalée, qui devient un atout maître pour son étude architecturale et technique: par exemple, la restauration du glacis romain à Doura, combinée à l’étude des constructions en briques crues, a entraîné un nettoyage et une étude extrêmement poussés, non seulement de la partie à traiter, mais également de nombreuses autres portions. De la sorte, les techniques très particulières de mise en œuvre de ce monument ont été caractérisées dans leurs moindres détails, permettant une restauration à l’identique. Sans la nécessité de cette restauration, il est probable que l’étude n’aurait pas pu être autant approfondie. Enfin, toujours au bénéfice de l’archéologue et de l’historien, lors de consolidations opérées avec les techniques et matériaux d’origine dans le cadre d’archéologie expérimentale, les informations concernant les aspects économiques des chantiers antiques, qui peuvent alors être obtenues, sont fondamentales.

EXEMPLES D’INTERVENTIONS

À travers quelques exemples de travaux auxquels j’ai pu prendre une part active (fig. 1), en Syrie (Qalaat el Moudiq citadelle d’Apamée de l’Oronte, Doura-Europos sur l’Euphrate, Cyrrhus) et en Arabie Saoudite (Hégra), ou pour le projet desquels je contribue au Koweït (Faïlaka), j’ai souhaité rendre compte d’un certain nombre de possibilités offertes aux archéologues pour la préservation des édifices.

Les équipes impliquées ont travaillé selon des étapes précises, qui résultent d’un équilibre entre les besoins des archéologues et historiens, des autorités en charge du tourisme et les règlements internationaux. Ces lignes directrices de conduite ont été les

mêmes dans tous les cas et se sont adaptées à tous les types de matériaux que nous avons rencontrés.

Ces équipes ont compris des spécialistes du bâti antique et des matériaux, des archéologues, historiens, architectes, ingénieurs, maîtres d’œuvre, maçons, ouvriers et entrepreneurs. Les activités ont été réalisées en concertation entre les différentes parties. Les objectifs, ainsi que chaque étape, ont été clairement expliqués à chacun, dans les différentes langues pratiquées : prendre le temps de fournir les explications sur les raisons et moyens des interventions représente souvent un gain de temps considérable, en comparaison avec un travail réalisé sans compréhension de sa destination. Les moyens déployés et les matériaux utilisés ont impérativement respecté ceux d’origine, sans pour autant nier les techniques et matériaux actuels, à condition d’être utilisés avec prudence. Il est à préciser que ces travaux ont été effectués avec des moyens financiers inégaux, car pour Qalaat el Moudiq ainsi que le sanctuaire de Bêl et la “maison romaine” de Doura, nous avons disposé d’une aide européenne importante8. En revanche, nombre de travaux ont pu être réalisés avec de petits budgets.

Les sites concernés par nos travaux ont nécessité des interventions à des échelles diverses :

— Qalaat el Moudiq9 est la citadelle d’Apamée de l’Oronte. Située sur un promontoire constitué d’un tell dont l’essentiel de l’occupation remonte à l’âge du Bronze, la forteresse hellénistique a été recouverte par des fortifications médiévales. Du fait de très violentes intempéries survenues au cours de l’hiver 2003, une partie du glacis médiéval qui recouvrait les pentes du tell s’est affaissée, menaçant d’entraîner dans sa chute une tour médiévale en pierre de taille de 16 m de long, 12 m de large et

10 m de haut. Toute la façade orientale, située en bord de pente, était déstabilisée.

— La ville de Doura-Europos10 a été partiellement fouillée dans les années vingt et trente, puis laissée à l’abandon durant des dizaines d’années. Ses monuments ont été très endommagés, à la fois par l’usure de matériaux particulièrement fragiles mais aussi du fait de destructions volontaires. Les interventions mentionnées ici ont eu lieu sur divers édifices (maison chrétienne, glacis de la porte principale, “maison romaine” devenue lieu de présentation du site et d’accueil des touristes, sanctuaire de Bêl, odéon du temple d’Artémis), sont réparties sur plusieurs années de 1996 à 2004, et concernent l’ensemble des matériaux de construction présents sur le site: la brique crue, le blocage au djousse (plâtre plus ou moins mêlé de cendres et de matières organiques) et la pierre de taille.

— Une intervention ponctuelle a été réalisée à Cyrrhus11 sur une tour médiévale en

pierre de taille de la citadelle, au cours même de la fouille.

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— Dans la ville basse de Hégra , les vestiges dégagés se composent principalement de murs bâtis en moellons de grès liés à la terre, qui soutenaient une élévation en briques crues. L’usure et les intempéries, ainsi que d’anciens sondages archéologiques non rebouchés, avaient altéré une partie des vestiges dégagés par une équipe saoudienne13 dans les années 1990; leur consolidation est intervenue en 2007.

— Enfin, à Faïlaka14, la forteresse hellénistique voit ses vestiges se dégrader du fait de la fragilité des matériaux, de l’usure, des intempéries et d’anciens sondages archéologiques, approfondis en-dessous des fondations des murs et non rebouchés (fig. 2).

1. Choix des niveaux d’intervention

Fig. 2. Faïlaka, secteur méridional de la forteresse hellénistique. Effondrement de murs affaiblis par d’anciens sondages non rebouchfts. Vue vers l’est. © M. Gelin.

Après avoir choisi les édifices sur lesquels travailler en priorité et en fonction de l’objectif et des moyens dont nous disposions, le niveau d’intervention réalisé a été déterminé en premier lieu. Divers niveaux ont pu être abordés:

— Conservation, consolidation. Il s’agit de l’intervention la moins invasive, destinée à maintenir un édifice en l’état et l’empêcher de s’altérer davantage, et également la plus fréquente. De manière générale, elle demeure relativement discrète: sans vue de détail du bâtiment qui est situé sur un point élevé et difficile d’accès, seul le nettoyage des façades de la tour de Qalaat el Moudiq permet de constater que celle-ci a été traitée (fig. 3; cm. ^. bkæ. № 1, Fig.3). La conservation et la consolidation interviennent, soit au cours même du dégagement, soit après le dégagement complet. Par exemple, il peut simplement s’agir de conserver (renforcer et maintenir en place) un enduit fragile (base du mur ouest de la maison chrétienne et divers enduits du sanctuaire de Bêl, à Doura) ou de consolider un mur qui menace de s’effondrer (certains murs du sanctuaire de Bêl à Doura et la porte de la tour à Cyrrhus (fig. 4), ont été renforcés au fur et à mesure de leur mise au jour). Parfois, ce dernier type de consolidation permet d’éviter d’employer des moyens techniques beaucoup plus importants après le dégagement complet d’un mur, qui nécessiterait un équipement plus lourd (étais, échafaudages, etc.). Lorsque l’intervention a eu lieu plusieurs années après la mise au jour, les altérations pouvaient être importantes et avoir entraîné la chute de tout ou partie d’un mur (mur occidental de la maison chrétienne à Doura, anciennes fouilles de la ville basse à Hégra). La consolidation est intervenue également dans des situations d’urgence (menace d’effondrement imminent de la tour à Qalaat ou de la porte de la maison chrétienne à Doura15).

— Restauration d’un état disparu mais connu car ayant été l’objet de documentation. Cette intervention permet de respecter une certaine vérité scientifique, en rendant à un édifice un état qu’il a réellement eu et dont on possède le témoignage car il a été décrit, relevé et photographié au moment de sa découverte. Elle demeure cependant ponctuelle et, dans notre cas, n’a concerné que des édifices choisis en raison de leur importance historique, architecturale et esthétique16. C’est le cas du sanctuaire de Bêl à Doura, auquel nous rendons son aspect, tel qu’il était au moment de sa mise au jour il y a près de quatre-vingts ans, en nous fondant sur la documentation établie par les anciennes missions, l’étude architecturale et des matériaux (fig. 5 A; ^. bkæ. № 1, Fig. 5B). Le mur occidental de la maison chrétienne a été restauré en 1996 après son effondrement l’année précédente, en nous appuyant sur l’étude des vestiges et les photographies prises avant sa disparition. Enfin, l’odéon du temple d’Artémis a également été restauré.

— Restitution complète. Cette intervention fait davantage appel à l’extrapolation. Si les fondations de la “maison romaine” à Doura sont bien celles de bâtiments romains, d’une part elles appartiennent à plusieurs bâtiments mais sont restituées sous la forme d’une maison unique, d’autre part les élévations n’existaient plus au moment des fouilles. Ce sont les vestiges d’élévations de maisons dégagées dans les années 1930, ailleurs sur le site, et conservées jusqu’au départ de la toiture, qui ont servi de modèles (fig. 6). La restitution se fonde donc, dans ce cas, sur des éléments ayant réellement existé à cette période et dans cette ville, mais dont on ignore s’ils étaient identiques précisément à cet endroit. Les buts didactique, touristique et de mise en valeur du site, sont à la base de cette intervention.

Fig. 4. Cyrrhus, tour médiévale n°3 de la citadelle. Les montants de la porte, ici avant travaux, ont été consolidés au moment même de leur dégagement et restitués avec les blocs d’origine, tombés surplace. Photo M. Gelin, © Mission libano-syrienne de Cyrrhus-Nebi Houri.

2. Étude des édifices, insertion dans leur contexte

La deuxième étape de nos interventions a consisté à obtenir la meilleure connaissance possible des édifices sur lesquels nous devions intervenir.

— Étude des archives. Il peut s’agir de sources historiques qui mentionneraient, décriraient, ou dateraient un monument ou une partie de monument, comme les textes anciens, les relations de voyageurs, ou encore des documents photographiques et graphiques. Ainsi, lorsque le site a déjà été l’objet de travaux archéologiques, les archives des fouilleurs précédents peuvent représenter une mine d’informations, particulièrement pour des parties ayant depuis disparu. Par exemple, on apprend dans les notes de R. Duru qui les a fouillées vers 1940, que les maisons d’Achille et de Cassiopée situées à proximité du temple de Bêl, à Palmyre, contenaient de grosses quantités de débris de briques crues qui ne laissent pas de doute quant à la nature de leur élévation. Pour le sanctuaire de Bêl à Doura, ce sont essentiellement les archives qui servent de base à sa restitution (fig. 7).

— Étude historique et régionale. Cette phase est destinée à connaître le contexte général d’un édifice et à le replacer dans l’histoire de la région et du pays. Elle établit notamment des comparaisons avec des monuments similaires (qu’il s’agisse de mêmes régions, civilisations, périodes), qui pourront aider à d’éventuelles restitutions et, également, qui permettront de reconnaître s’il existe une répétition d’un lieu à l’autre, un style particulier ou commun.

La fouille archéologique du bâtiment, préalable à la restauration, contribue à le dater au plus près et permet parfois de découvrir des phases de construction qui n’apparaissaient plus.

Fig. 5 A Doura-Europos, sanctuaire de Bêl. État de l’édifice avant les travaux en 2002 et après restauration (état en 2004). Vue vers l’ouest. Photo M. Gelin, MFSDE.

Fig. 6. Doura-Europos, “maison romaine”. Élévation restituée de la façade nord, avant la pose de l’enduit. Vue vers le sud-ouest. Photo É. Léna, MFSDE.

Fig. 7. Doura-Europos, sanctuaire de Bêl. Vue du portique ouest peu après son dégagement dans les années 1930. Vue vers le sud-ouest. Archive Yale University.

— Étude architecturale. C’est l’étude des types d’édifices, de leur plan, de leur style, de leurs techniques et matériaux de construction, de la progression de leur construction (étapes de chantier). Cette étude est extrêmement importante, car c’est sur elle que s’appuie la plus grande partie des travaux. Elle nécessite de nombreux relevés, tant en plan qu’en élévation, qui sont largement utilisés au cours des chantiers (fig. 8).

— Caractérisation et étude des matériaux. Les matériaux ne doivent pas être négligés car ils conditionnent l’emploi de ceux qui serviront à la restauration : en effet il est nécessaire, autant que faire se peut, d’employer des matériaux identiques à ceux d’origine. Afin de caractériser au mieux les matériaux, on peut éventuellement s’aider au moyen d’analyses physiques, chimiques et mécaniques, mais lorsque ceux-ci sont connus, il suffit de rechercher les carrières d’origine, ou des carrières de matériaux similaires pour qu’ils soient compatibles avec ceux des bâtiments anciens (voir plus bas Recherche de solutions adaptées). Par exemple, nous avons préféré ne pas utiliser du ciment directement sur les anciens matériaux : il était exclu de l’employer sur de la terre (tous les sites) ou sur tout matériau fragilisé (grès à Hégra et Faïlaka, gypse à Doura). En effet, la différence de matériaux peut créer, au point de contact, une barrière à la circulation de l’air et de l’humidité, qui est néfaste au plus haut point et peut entraîner la destruction des vestiges que l’on cherchait à protéger.

Par ailleurs, la recherche des carrières apporte un éclairage sur les acquis et les capacités économiques et techniques des anciens bâtisseurs, participant ainsi à la connaissance de l’histoire de la ville et aux moyens des commanditaires des constructions. Ainsi, on sait qu’à Doura-Europos la pierre était dans un premier temps extraite au plus près des monuments ; à Faïlaka, c’est le grès marin qui affleure sur les rives de

Fig. 8. Qalaat el Moudiq, façade orientale consolidée de la tour médiévale. Indication des pierres remplacées (en noir), réparées (en gris) et des emplacements des broches (en tiretés). Relevé A. el Bouch, A. Abou Araj,

P. Courbon, S. Zugmeyer, mise au net M. Gelin et S. Zugmeyer. © Mission franco-syrienne de Qalaat el Moudiq.

l’île qui a été employé. Tandis qu’à Qalaat el Moudiq, ce sont les bâtiments antiques qui ont été pillés, notamment le théâtre romain17, pour les besoins de la construction de la tour médiévale sur laquelle nous avons travaillé. En ce qui concerne la terre, celle destinée à la fabrication des briques crues antiques a été choisie de bonne qualité tant que les proches abords du site de Doura-Europos étaient vierges de toute occupation humaine ; lorsque le site a été envahi d’habitations, c’est le plus souvent de la terre

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archéologique, de très mauvaise qualité18, qui a été utilisée. Ceci implique que les briquetiers se sont fourni à proximité immédiate des chantiers de construction, cependant que de riches résidences continuaient à être construites avec des matériaux de bonne qualité, prélevés à distance19. À Qalaat el Moudiq, du moins pour les briques d’un rempart antérieur à celui de l’époque hellénistique, la terre provenait directement de la plaine environnante, sur ou à proximité immédiate d’un site de l’âge du bronze : des tessons de céramique de cette période ont été retrouvés dans la terre de ces briques20.

3. Recherche des causes de dégradation et prévention

L’étape suivante a été la connaissance, indispensable, des causes de dégradation des édifices afin de les éliminer, puis de prévenir ces dernières pour éviter qu’elles ne se répètent sur le bâtiment stabilisé. Il a donc fallu :

— Vérifier l’état des fondations, la stabilité des sols, la résistance des matériaux, les réseaux d’évacuation des eaux de ruissellement, la présence de végétation et de faune

Fig. 9.

qui peuvent envahir les maçonneries, la fréquentation touristique et la surveillance des vestiges. À Qalaat el Moudiq, la tour est érigée au sommet de la pente du tell, susceptible de subir des glissements de terrain. Notre mission a procédé à une étude de stabilité du sous-sol et à la consolidation du monument, la stabilisation de la pente étant déjà en cours de réalisation par l’Université d’Architecture de Damas. Des évacuations d’eaux usées qui ruisselaient au pied des maçonneries ont été réorientées vers les égouts du village. À Hégra les anciens sondages, approfondis au pied des maçonneries qu’ils déstabilisaient, ont été rebouchés . Pour le sanctuaire de Bêl à Doura, les travaux d’évacuation des eaux restent à faire, avant d’achever la restauration du monument.

Des fouilles archéologiques ont été menées au pied des constructions, préalablement étayées si nécessaire, afin d’accéder à la base des maçonneries pour vérifier leur état: l’affaissement d’une construction peut effectivement être dû à une déficience de sa base (comme à la maison chrétienne de Doura). Ce type de vérification rend les fouilles indispensables avant toute intervention. Bien entendu, certains cas d’urgence peuvent entraîner une sauvegarde immédiate avant le travail de fouille, tout en veillant à laisser un accès pour de futures études archéologiques.

— Assainir les abords des édifices et les parties sommitales des maçonneries à risque. Ceci a été réalisé dans le double but de mieux préserver les vestiges ainsi que d’en permettre l’accès sans danger pour le public.

4. Respect des techniques et des matériaux d’origine

Cet aspect a été pour nous l’un des plus importants, car, au-delà du respect de l’authenticité des édifices concernés, il permet de mener de nombreuses recherches:

on l’a vu, les apports à l’histoire de l’édifice, à l’histoire des techniques et de l’architecture, à l’économie de la ville concernée, aux moyens déployés par les bâtisseurs et les commanditaires, sont remarquables et le fonctionnement des chantiers a le plus souvent pu être retracé. C’est pourquoi ce choix s’est imposé à nous et est devenu incontournable.

Cependant, réhabiliter des savoir-faire parfois millénaires est également la solution la plus difficile en raison, d’une part, de la disparition de certains d’entre eux (comme les briques crues dans la région de l’Euphrate, remplacées par le béton), d’autre part du temps nécessaire à leur mise en place sur le site pour les besoins des travaux. C’est à ce stade qu’est intervenue l’étude ethnoarchéologique, indispensable pour retrouver et tenter de comprendre les différentes techniques de construction des anciens bâtisseurs. Outre un grand nombre de lectures sur le sujet, cette étude a inclus de nombreuses prospections, dans des régions employant encore les techniques concernées, puis a ensuite été associée à de l’archéologie expérimentale. Celle-ci, réalisée dans des conditions proches de celles de l’Antiquité, nous a permis de tester ces anciennes techniques, de vérifier l’analogie des matériaux nouvellement produits avec ceux des constructions anciennes, puis de les appliquer à plus grande échelle.

Une fois cette formation acquise, les avantages ont été considérables. Ainsi, après avoir formé des ouvriers à la taille de pierre selon les techniques et avec des outils identiques à ceux de l’Antiquité, pour les besoins de la restauration de la façade à bossages du palais du Stratège à Doura, J.-C. Bessac a pu évaluer les temps de production et de mise en place des blocs de pierre. Cette estimation a ensuite pu être développée pour l’ensemble des fortifications de la ville22. Toujours sur ce site, les briques crues fabriquées pour la restitution de la maison chrétienne et du glacis de la porte principale ont ensuite permis d’estimer le temps et les besoins qui ont été

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nécessaires à la construction du rempart en briques23. Par ailleurs, J. Abdul Massih a pu retrouver quel type de la fabrication du djousse24 se rapprochait le plus du matériau antique et nous a permis de l’utiliser désormais dans nos travaux.

5. Recherche de solutions adaptées

- Adaptation aux moyens financiers et techniques : les matériaux et techniques utilisés conditionnent grandement le financement d’un chantier, c’est pourquoi les moyens traditionnels, généralement moins onéreux, ont été là aussi favorisés.

De plus, il s’est avéré indispensable d’adapter les usages des restaurateurs aux moyens disponibles. En effet, les missions archéologiques font souvent appel, par exemple, à des architectes et ingénieurs, formés en Europe à des techniques nécessitant de gros moyens, ou à des matériaux n’existant pas sur les lieux des travaux. C’est ainsi le grand mérite des architectes en charge des travaux à Qalaat el Moudiq,

S. Zugmeyer, et à Doura-Europos, É. Léna, d’avoir su s’adapter au terrain plutôt que de lui imposer d’emblée des solutions qui auraient été pratiquées en Europe. Dans le premier cas, plutôt que de procéder au cerclage de la tour à consolider pour œuvrer sur son angle sud-est et remplacer des pierres complètes, qui était la technique qui s’imposait de prime abord mais qui aurait pu considérablement fragiliser l’édifice, ce sont la mise en place de broches à l’intérieur de la maçonnerie et le ragréage de certaines pierres, qui ont été préférés. La mission et l’entreprise en charge des travaux ne disposant pas des moyens nécessaires à la première solution, une autre a été

trouvée, aussi fiable. Dans le second cas, pour les besoins de la restauration de la maison romaine, une formation au matériau, la terre crue, très rarement employé en Europe et inconnu de la plupart des enseignements d’architecture25, a été un préliminaire indispensable. Fort de son expérience, l’architecte a ensuite pu en exploiter différentes facettes (“plasticité” du matériau, mise en place d’une niche couverte d’un arc, divers jeux esthétiques, etc.) qui ont été autant d’atouts dans la réalisation du bâtiment.

— Utilisation des moyens les plus modernes: s’il nous a paru indispensable de respecter les techniques et matériaux d’origine, un équilibre entre ce respect et l’emploi de techniques plus modernes a dû être trouvé, principalement en vue d’un gain de temps. Ainsi, dans certains cas, des outils actuels ont pu être préférés aux traditionnels à condition, bien entendu, que cet emploi ne perturbe pas la qualité des matériaux ni l’authenticité du bâtiment (à Qalaat el Moudiq, injection de mortier au moyen d’un compresseur, percement de la maçonnerie pour l’insertion de broches (fig. 9), etc.). C’est ce qui a fait la différence entre des restaurations dont chaque étape participait à l’étude des techniques d’origine, comme à Doura-Europos, avec une première phase assez longue, et une restauration d’urgence comme à Qalaat el Moudiq. C’est pourquoi, à Doura les pierres ont été extraites et taillées manuellement, tandis qu’à Qalaat el Moudiq elles ont été extraites selon des méthodes actuelles, à l’exclusion de l’explosif qui crée de nombreuses micro-fissures dans le matériau, puis taillées au moyen d’une scie électrique. La finition a cependant été réalisée manuellement.

Il a également été fait appel à des techniques de pointe. Par exemple, une modélisation menée sur la tour restaurée à Qalaat el Moudiq et sur le tell au-devant de la tour, a montré clairement quelle était la zone la plus menacée (fig. 10); les résultats d’un carottage mené jusqu’au rocher ont aidé à définir quels étaient les plus gros problèmes de stabilité du tell.

— Recherche des meilleurs matériaux : comme on l’a vu, des recherches de carrières ont dû être effectuées afin de disposer des matériaux les plus résistants et compatibles, si non identiques, avec ceux d’origine. Ceux-ci ont ensuite été manufacturés de manière à être les plus proches possible des produits finis, c’est-à-dire des blocs taillés, des briques crues ou des mortiers, notamment, dans les deux premiers cas, en ce qui concerne les dimensions26 et l’apparence. Ainsi, la carrière exacte ayant produit les pierres de construction de la tour de Qalaat el Moudiq (donc, du théâtre romain dont elles proviennent) n’ayant pas été retrouvée, une prospection dans l’ensemble des

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carrières proches du site a été réalisée27. Celle dont la pierre s’apparente le plus aux blocs antiques (roche, dureté, couleur, etc.) a été sélectionnée et les pierres extraites, sans explosif, selon les dimensions des matériaux anciens. Les briques crues nécessaires à la reconstruction du mur effondré de la maison chrétienne de Doura ont été produites à partir de la terre provenant de l’effondrement, puis avec de la terre du plateau, la plus proche de celle des briques romaines.

En dehors de toute considération de plasticité ou de granulométrie, c’est la terre contenant le moins d’éléments organiques qui est la plus apte à être utilisée à la restauration. Ces derniers peuvent demeurer sans incidences lorsqu’ils sont présents en faibles quantités. À ce titre, il semble important de signaler que, même si la tentation est grande de procéder au recyclage des déblais de fouille pour fabriquer de nouvelles briques, il est préférable d’exclure la terre issue de ces remblais, car elle est très souvent riche de ces matières organiques et sa résistance, à long terme, est compromise. Les

Fig. 10. Qalaat el Moudiq. Modélisation du sous-sol aux abords de la tour médiévale n°5, réalisée par M. al Heib (École des Mines, Nancy). © Mission franco-syrienne de Qalaat el Moudiq.

carrières d’origine sont souvent difficiles à retrouver avec exactitude du fait de l’évolution du paysage : accumulations de couches de limons par-dessus celles qui affleuraient au moment des constructions d’origine; ruissellement d’eaux ayant raviné les terres en place ; bouchage progressif de fosses par accumulations éoliennes ou intervention humaine. C’est pourquoi, à Hégra comme à Faïlaka et Doura, plusieurs

secteurs ont été prospectés, des échantillons de terre ont été prélevés et des analyses,

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parfois en laboratoire, parfois plus sommaires mais efficaces20, ont été réalisées. Les terres les plus aptes à satisfaire aux exigences de nos travaux ont été sélectionnées.

À Qalaat el Moudiq et à Cyrrhus, c’est la chaux qui était employée comme mortier dans les constructions d’origine et c’est ce même matériau qui a été utilisé dans nos consolidations.

— Mise au point de matériaux stabilisés ou optimisés: cette recherche a une certaine importance car, par exemple, la paille présente dans les briques crues, qui joue un certain rôle d’armature dans la construction en terre, peut disparaître avec le temps et, éventuellement, fragiliser ces briques. C’est ainsi qu’à Doura-Europos, nous avons été amenés à en fabriquer en remplaçant la paille par des fibres synthétiques d’ordinaire employées comme maillage dans le ciment, qui ont une durée de vie plus longue et ne tentent pas les insectes ni les rongeurs. De même, des solutions ont été mises au point pour renforcer la résistance des briques au ruissellement des eaux (ajout de djousse).

À Qalaat el Moudiq, dans la mesure où le mortier d’origine n’avait pas une composition fixe, les mortiers employés à la restauration de la tour ont été optimisés selon leur destination, c’est-à-dire que le mélange chaux-sable a été différencié selon qu’il

Fig. 11. Qalaat el Moudiq, inscription de la date sur un nouveau bloc. © Mission franco-syrienne de Qalaat el Moudiq.

devait remplir de larges fissures ou de très fines, ou encore fermer les joints (chaux plus liquide pour les joints difficiles d’accès à l’intérieur de la maçonnerie ou davantage de sables dans le mortier de nouvelles pierres, par exemple).

Lorsque les moyens financiers et le temps nous ont fait défaut, des matériaux nouveaux ont pu être fabriqués, mais à la condition de rester compatibles avec les anciens. Par exemple, à Doura-Europos (pour l’odéon) des briques cuites, brisées en plusieurs endroits, auraient nécessité un investissement important dans des fournées spéciales, chaque fragment ayant sa forme propre. Ceux-ci ont été reconstitués grâce à un mélange de djousse, d’éclats de gypse et de céramique pilée, matériaux qui, pris individuellement, sont ceux qui composent la construction d’origine.

Enfin, le cas de Faïlaka représente un défi important, car les matériaux résistent difficilement aux intempéries particulières de l’île: forte humidité, sel et vents forts charriant des sables qui érodent les maçonneries. Plus particulièrement, c’est la terre qui composera le mortier des moellons de grès restitués et les enduits, qui devra être renforcée et stabilisée. Des premières recherches de carrières et des tests de résistance sur les terres ont été menés en 2008, dont nous connaîtront les résultats lors de la prochaine campagne. La question se posera alors de savoir quels adjuvants pourront être introduits dans la terre (faibles proportions de chaux ou de ciment, par exemple) sans que ceux-ci interfèrent sur le grès, et comment les maçonneries pourront être protégées.

6. Respect des vestiges et des visiteurs

Cette étape ne concerne pas seulement la dernière phase de la présentation des édifices et de la finition des travaux, car le respect de l’édifice a dû être pensé dès avant le début des chantiers.

Fig. 12. Doura-Europos, sanctuaire de Bêl. Mise en retrait de la nouvelle maçonnerie lors de la restauration de l’autel nord (avant patinage). Photo M. Gelin, MFSDE.

Fig. 13. Doura-Europos, sanctuaire de Bêl. Patinage d’une colonne en djousse du portique ouest, au moyen de boue. Le mur situé immédiatement derrière est patiné, celui en arrière-plan est d’origine. Photo M. Gelin, MFSDE.

Fig. 14. Qalaat el Moudiq, taillage de surface d’un bloc scié afin de “vieillir” le parement. © Mission franco-syrienne de Qalaat el Moudiq.

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Fig. 15. Hégra, abattage d’une berme située au centre d’une pièce et bouchage d’anciens sondages pour la présentation du site. Photo M. Gelin, Mission franco-saoudienne de Hégra-Médaïn Saleh.

— Protection des vestiges en place au cours des chantiers. De manière évidente, le travail sur des secteurs fragiles, comme un mur très penché, a pu imposer la mise en place d’étais destinés à maintenir les vestiges en place jusqu’à leur consolidation. Plus souvent, la protection était plus sommaire, mais également celle à laquelle les restaurateurs motivés ne pensent pas immédiatement, comme la mise en place d’une bâche sur des maçonneries pour leur éviter de recevoir des coulures de mortier lors de travaux sur un mur proche, ou le renfort du sommet d’un mur sur lequel on grimpe pour accéder à une autre maçonnerie en cours de consolidation, etc.

— Emploi de matériaux d’origine lorsque c’est possible, soit issus directement des vestiges, comme par exemple les pierres d’un montant effondré du sanctuaire de Bêl à Doura, qui ont été remises en place lorsqu’elles étaient réutilisables (anastylose), soit nouvellement fabriqués, selon les traditions reconnues sur les vestiges (voir plus haut Respect des matériaux d’origine).

— Distinction des parties anciennes et nouvelles. À la fois pour les chercheurs et pour un public plus large, il nous a paru important de distinguer les parties anciennes des parties nouvellement réalisées. C’est dans ce but que, sur le terrain, les mortiers ont pu être distingués, par exemple en ajoutant des matériaux ne se trouvant pas dans les constructions d’origine et sans incidence sur les matériaux anciens, comme de la pouzzolane dans le djousse à Doura ou des fragments de polystyrène dans la terre à Hégra. Lorsque les matériaux employés ne permettaient pas ce type de distinction, comme des pierres de taille par exemple, leur marquage a pu être nécessaire: à Qalaat el Moudiq, la date a été discrètement gravée sur les nouvelles pierres (fig. 11). Enfin, dans le cas du blocage, les vestiges en place ont été laissés en relief par rapport aux parties nouvelles (fig. 12). Par ailleurs, l’ensemble des vestiges a été photographié avant toute intervention dont chacune a été repérée sur des relevés et décrite, ce qui permet, en cas d’extrême nécessité, la réversibilité de l’intervention.

— Tout en respectant cette distinction, il nous a pourtant semblé nécessaire de ne pas choquer la perception des vestiges en affirmant des différences trop marquées. C’est pourquoi la couleur des nouvelles pierres, comme du blocage, a été patinée, simplement au moyen de boue très liquide (fig. 13). Le mortier de chaux a été mélangé avec des sables de couleurs différentes (plutôt rouge à Qalaat, gris à Cyrrhus) pour que l’apparence finale se rapproche des constructions anciennes. Les pierres coupées à la scie électrique à Qalaat el Moudiq l’ont été de manière à laisser quelques millimètres de trop, par rapport aux dimensions requises, sur chaque face exposée; de la sorte, il a été possible de retailler la surface manuellement, afin de présenter un parement d’apparence peu différente de ceux des pierres anciennes, au lieu de laisser une face lisse qui aurait juré sur l’ensemble de la façade (fig. 14).

— Présentation des vestiges et du site, afin de rendre l’ensemble lisible pour le public. Dans ce but également, les anciens sondages ne servant plus à l’étude archéologique ont été rebouchés, les bermes abattues (fig. 15). Enfin, les accès aux monuments consolidés ont été facilités (enlèvement de déblais de fouilles, mise en place de passages renforcés) et sécurisés, afin d’en autoriser la visite au public, les vestiges nettoyés et aménagés (fig. 16 A et B). Bien entendu, un budget devra ensuite être prévu pour une présentation générale des sites et des monuments (panneaux explicatifs, cheminements, etc.).

— Entretien des édifices et des restaurations. Il est essentiel de réaliser que

Fig. 16 A et B. Qalaat el Moudiq, la galerie orientale avant et apras travaux de la tour mйdiйvale, en vue de sa presentation. © Mission franco-syrienne de Qalaat el Moudiq

l’ensemble des travaux qui vient d’être décrit, en dépit des moyens et des énergies développés, peut n’être que provisoire, voire inutile, si un entretien régulier n’est pas opéré. Ceci implique un suivi et l’observation régulière des vestiges par des membres de l’équipe de restauration, mais aussi et surtout une surveillance effectuée par des gardiens: les missions ne sont présentes que ponctuellement sur les sites et ne peuvent assurer ce gardiennage. La politique du pays dans lequel se déroulent les travaux est pour cela fondamentale.

Les principes ici énumérés, qui ressortent tant de choix personnels de la part des restaurateurs que de l’adaptation aux règles établies, ont pu être appliqués dans tous les cas, à Doura-Europos où nous avons mené des travaux sur la longue durée, à Qalaat el Moudiq où il s’agissait d’une mission d’urgence, à Hégra et Cyrrhus où les travaux ont consisté en une simple conservation des vestiges. S’y conformer n’a pas représenté un obstacle dans le cas de la mission d’urgence.

Ces exemples ne sont que quelques-uns parmi les nombreuses interventions d’équipes internationales au Proche-Orient, et on ne peut qu’espérer que ces pratiques se multiplient.

Enfin, puisque ce qui vient d’être présenté ressort de travaux d’équipes, il faut insister encore sur le fait que ceux-ci montrent clairement que la restauration monumentale est une démarche pluridisciplinaire qui peut être effectuée dans le respect de l’histoire, de l’archéologie, des vestiges et des matériaux, selon des règles reconnues sur le plan international. Les techniques et les matériaux, proches de ceux d’origine, sont riches d’enseignements sur les chantiers antiques; leur réhabilitation permet de faire revivre des métiers parfois oubliés et, fait non négligeable, offre des coûts souvent avantageux. La formation d’ouvriers à ces techniques, parfois longue et difficile, représente cependant un investissement important29. Enfin, les techniques les plus modernes ne sont pas négligées mais adaptées aux besoins des monuments.

NOTES

1. À condition que le site archéologique soit dûment protégé.

2. Cette solution demeure la plus extrême et l’on admet, lorsqu’on la pratique, que le monument pourra être dégagé si de nouveaux moyens de préservation se développent.

3. On n’aborde pas ici les missions qui ont pu travailler dans les années trente et quarante car, du moins dans les pays sous mandats français et britanniques, les directions des Antiquités déployaient d’importants moyens financiers et humains dont les missions archéologiques actuelles ne disposent pas.

4. Chiari G. Evaluation of the Preservation Work on Earthen Architecture Done in Iraq in the years 1969-71 // Mesopotamia. Vol. 25. 1990. P. 217-227; Carter H., Pagliero R. Notes on Mud-Brick Preservation // Sumer. Vol. 22. 1966. P. 65-82; Torraca G., Chiari G., Gullini G. Report on Mud Brick Preservation // Mesopotamia. Vol. 7. 1972. P. 259-286.

5. Que l’on peut consulter aisément, via internet.

6. Voir par exemple: Bessac J.-C. Techniques originelles et Éthique de conservation: essais d’application en Syrie pour les monuments en pierre // Les Annales Archéologiques Arabes Syriennes. Vol. XLII-XLIII. 2004-2005. P. 239-249; Bossoutrot A. La conservation des sites archéologiques // Unesco, Études et documents sur le patrimoine culturel. Vol. 15. Conservation des sites et du mobilier archéologiques. Principes et méthodes. 1988. P. 5-21; Third International Symposium on Mudbrick (adobe) Preservation. Ankara, 1980.

Pratiquement chaque mission ayant réalisé des consolidations et restaurations a publié

ses travaux. Par exemple, Bendakir M. & Vitoux F. Méthodologie de recherche pour la préservation du site archéologique de Mari (Syrie) // 7th International Conference ofthe Study and Conservation of Earthen Architecture. Silves, 1993. P. 317-323 ; Gelin M. Treatment, Conservation and Restoration of Mudbrick Structures // Report on the First Excavation Season at Madâin Sâlih, Saudi Arabia, 2008 // Hegra. Vol. I. / ed. by L. Nehmé, D. Al-Talhi, F. Villeneuve. Riyadh, 2009. P. 27-46; Samanez Argumedo R. La restauration de la brique crue dans les monuments historiques de la région andine du Pérou // Unesco, Protection du patrimoine culturel, Cahiers techniques : musées et monuments. Vol. 7. Les “technologies appropriées” au service de la conservation des biens culturels. 1986. P. 83-111; Stadelmann R. Les travaux de restauration et de reconstruction au temple de Séti Ier à Gourna // Prospection et sauvegarde des antiquités de l’Égypte / ed. by N.C. Grimal. Le Caire, 1981. P. 19-20; Tarzi Z. Préservation des sites de Hadda: monastères bouddhiques de Tape Shotor et de Tape Tope Kalân // Mari. Vol. 8. 1997. P. 207-222.

7. Si, aujourd’hui, la tendance veut que ce travail d’équipe soit de plus en plus effectif, ce n’était pas le cas il y a encore une vingtaine d’années où, par exemple, l’emploi du ciment, gris ou blanc, était d’un usage courant y compris sur des matériaux fragiles comme la terre crue, détruisant ou empêchant l’accès à divers vestiges.

8. Travaux réalisés dans le cadre d’un programme européo-syrien de formation des cadres de la Direction générale des Antiquités et des Musées à la préservation du patrimoine culturel, qui s’est déroulé de 2002 à 2004 et auquel ont participé dix-sept missions européo-syriennes. À Doura, il m’a été donné d’assumer la gestion du programme, concernant les deux projets (“maison romaine” et sanctuaire) et la formation. J’ai personnellement pris en charge l’ensemble des travaux réalisés sur le sanctuaire de Bêl. À Qalaat el Moudiq, j’ai assumé la responsabilité de la totalité des travaux. Voir la publication des résultats dans Programme de formation à la préservation du patrimoine culturel syrien // Documents d’Archéologie syrienne. Vol. XI / ed. by J. Abdul Massih. Damas, 2007.

9. Mission d’urgence créée en 2004, dirigée par M. Gelin, CNRS Nanterre et Sh. Al Shbib, Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie à Idlib. Autres membres de l’équipe ayant travaillé à la consolidation : A. el Bouch et A. Abou Arraj, topographes (DGAMS Damas), J.-C. Bessac, spécialiste de l’architecture de pierre (CNRS Lattes), P. Courbon, expert géomètre (Marseille), M. Hayek, entrepreneur (Alep), M. Al Heib, ingénieur spécialiste de la stabilité des sous-sols (École des Mines Nancy), M. Hijazi, responsable de la restauration (DGAMS Hama), B. Michaudel, historien des fortifications médiévales (IFPO Damas), S. Zugmeyer, architecte du patrimoine (Arles), ouvriers de l’entreprise et ouvriers de la fouille.

10. Mission dirigée par P. Leriche, CNRS Paris et Y. Shohan, DGAMS Deir ez-Zor. Autres membres des équipes ayant travaillé aux consolidations et restaurations mentionnées ici : Gh. Abd el Aziz, restaurateur (DGAMS Damas), J. Abdul Massih, archéologue (Beyrouth), A. Abou Trabé, archéologue (DGAMS Soueïda), E. Al Ejji, ingénieur (DGAMS Damas), S. El Hamoui, archéologue (Institut de Restauration, Damas), É. Léna, architecte (IFPO Damas), Sh. Al Shbib, archéologue (DGAMS Idlib), M. Soueïdi, maçon (Safsafé), ouvriers de la fouille et ouvriers formés spécialement pour les besoins de la restauration.

11. Mission dirigée par J. Abdul Massih, Université Libanaise, et Sh. Al Shbib, DGAMS Idlib. Autres membres de l’équipe ayant travaillé à la consolidation: W. al Araj, A. Qasseim. Grâce à cette intervention, les montants de la porte d’entrée et les vestiges de l’arc de couvrement ont pu être préservés.

12. Mission dirigée par L. Nehmé, CNRS Évry, D. Al-Talhi, Commission du Tourisme et

des Antiquités à Riyad, F. Villeneuve, Université de Paris I. Équipe ayant pris part aux consolidations, restitutions et mise en valeur : D. Al-Talhi, archéologue (Commission du Tourisme et des Antiquités à Riyad), L. Nehmé, épigraphiste (CNRS Évry), Z. Mhamad Awd et M. El Mutlaq, archéologues (Riyad et Médaïn Saleh), ouvriers de la fouille.

13. Mission dirigée par D. Al-Talhi, Commission du Tourisme et des Antiquités à Riyad.

14. Mission dirigée par O. Callot, CNRS Lyon et Sh. A. Shehab, DGAM Koweït.

15. Pour ce site, on ne précise pas les très nombreuses interventions ponctuelles que nous avons opérées sur des vestiges en situation dangereuse.

16. Cependant, à Doura la façade du palais du stratège a également été restaurée puis, dans un deuxième temps, en partie restituée, travaux auxquels nous n’avons pas pris part.

17. Bessac J.-C. À propos des marques lapidaires des fortifications médiévales de Qalaat el Moudiq, citadelle d’Apamée de l’Oronte (Syrie) // Adiyat Halab. Vol. 11-12. 2008. P. 35-50.

18. La terre archéologique comprend le plus souvent de nombreux sels et éléments organiques. Notamment, les matières organiques dissocient les liaisons argileuses qui sont la base même de la stabilité de toute construction en terre.

19. Comme la maison de Lysias.

20. Ces céramiques ne datent donc pas le rempart, mais bien le lieu d’extraction de la terre.

21. En prenant toujours soin, au fond des sondages, de placer un marqueur chronologique (monnaies contemporaines, par exemple) avant bouchage.

22. Voir notamment Bessac J.-C. La construction des fortifications hellénistiques en pierre de Doura-Europos (Syrie) // Thèse de doctorat. Université de Rennes 2. 1997.

23. Gelin M. La terre au secours de la pierre. Délais d’un chantier de construction hellénistique en briques crues à Doura-Europos sur l’Euphrate // I cantieri edili dell’Italia e delle province romane. Italia e province orientali / ed. by Université de Sienne, Institut d’Archéologie de Mérida, École Normale Supérieure de Paris. À paraître en 2010.

24. Abdul Massih J. L’architecture en pierre de taille et en djousse à Doura-Europos (Syrie). Histoire et urbanisme // Thèse de doctorat. Université de Paris I. 2000; id. Étude ethnoarchéologique sur la fabrication du djousse dans la vallée de l’Euphrate : Doura-Europos (Salhiyé) et Deir ez-Zor // Doura-Europos Études. Vol. V. 1994-1997. Damas, 2004. P. 199-211.

25. À notre connaissance, Craterre, à Grenoble, reste une exception en France.

26. Les briques en place ont été mesurées et une moyenne a été établie qui a servi de modèle pour les moules des nouvelles briques.

27. Par J.-C. Bessac.

28. Le simple fait de goûter la terre permet d’éliminer d’emblée celle qui contient trop de sels ou d’éléments organiques. Mélanger la terre avec une certaine quantité d’eau puis laisser décanter offre une estimation, assez large mais indicative, de la part de chacun des éléments minéraux selon leur taille (sables, silts, argiles). Enfin, des tests d’adhérence de la terre humide, de résistance à la traction, de résistance après séchage, de réaction après mélange avec de la paille, permettent d’évaluer le comportement des terres et leur destination dans la consolidation. Par exemple, une terre fine très argileuse, seule, sera utile à l’imperméabilisation, mais ne résistera pas à des pressions importantes.

29. Par exemple à Doura, M. Soueïdi, le maçon formé par la mission, après avoir discuté avec lui des problèmes à résoudre et des solutions à apporter, est désormais, non seulement à même de travailler en grande partie seul avec les ouvriers, mais peut aussi prendre en charge une partie de la formation d’ouvriers et d’archéologues. Sa formation lui permet également de participer à la restauration sur d’autres sites, comme à Mari.

CONSERVATION ET MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL AU PROCHE-ORIENT: QUELQUES RÉALISATIONS DE MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES

M. Gelin

Tout monument dégagé au cours d’une mission archéologique est aussitôt, du fait de sa fragilité, exposé à des altérations, voire à des destructions, entraînant une lourde responsabilité pour l’archéologue. Afin de contrer ces dégradations, la solution que possède ce dernier est d’intervenir pour conserver l’édifice et le restaurer si nécessaire. Plusieurs règles internationales ont été émises, qui permettent d’encadrer les travaux. Cependant, trop souvent les archéologues ne possèdent pas de formation adéquate pour travailler sur les matériaux de construction anciens ni consolider les bâtiments et, malheureusement, rares sont les missions dotées de budgets nécessaires aux dépenses inhérentes à la conservation. Surmontant ces problèmes, plusieurs missions, pourvues de moyens financiers et techniques d’importances variées, ont pu mener des travaux, notamment au Proche-Orient. Diverses solutions se sont offertes, dont nous présentons ici quelques exemples (Qalaat el Moudiq citadelle d’Apamée, Cyrrhus, Doura-Europos (Syrie), Hégra (Arabie Saoudite), sur des fortifications en pierre de taille, de l’habitat nabatéen, des sanctuaires parthe et romains en briques crues et blocage), qui ont permis de sauvegarder les vestiges tout en respectant les règles internationales et les constructions d’origine.

©2010

Б.А. Литвинский ПАРФЯНО-БАКТРИЙСКИЕ ПЕРЕКРЕСТКИ

Среди многочисленных находок, сделанных при раскопках храма Окса на Тахти-Сангине, имеется алебастровая статуэтка — изображение идущего персонажа. Голова, руки и ноги (частично) отбиты. Верхняя часть левой ноги была отведена назад. Персонаж носит сложно-складчатую тунику (доспех?). Верхняя часть одеяния состояла из вертикальных складок (полос?), нижняя — из горизонтальных складок (полос?). Центральная вертикальная полоса прямая, боковые слегка изогнуты по высоте. Полосы обозначены валиками. Талия, где соединялись две части одеяния (доспеха?), охвачена гладким поясом. В центре свисают, образуя дугу, два его конца. Подол (нижний край) округлый (выпуклиной вниз), с незначительным приострением в центре. Судя по горизонтальным валикам — дугам в верхней, сохранившейся части ног, персонаж носил штаны. Тыльная сторона статуэтки не обработана. Несохранившаяся голова была посажена на штыре — имеется глубокое овальное гнездо (размеры гнезда вверху — 13х8, глубина — 73 мм). Максимальная высота сохранившейся части статуэтки — 112, ширина — 47, толщина — 28 мм.

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