Научная статья на тему 'AN INTRODUCTION TO VLADIMIR SOLOVYEV’S THREE CONVERSATIONS ON WAR, MORALS AND RELIGION'

AN INTRODUCTION TO VLADIMIR SOLOVYEV’S THREE CONVERSATIONS ON WAR, MORALS AND RELIGION Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Ключевые слова
WAR / RELIGION / POLITICS / EVIL / ESOTERISM / DECEPTION / END OF TIMES / ROME / ANTICHRIST / SOLOVYEV AND TOLSTOY / GUERRE / POLITIQUE / MAL / FALSIFICATION / éSOTéRISME / IMPOSTURE / FIN DES TEMPS / ANTéCHRIST / SOLOVIEV ET TOLSTOï

Аннотация научной статьи по языкознанию и литературоведению, автор научной работы — Маршадье Бернар

Le présent article offre une réflexion sur l’ensemble des Trois Entretiens de Vladimir Soloviev en tant que fable philosophique et religieuse, l’accent étant mis sur chacun des protagonistes - la Dame, le Général, l’Homme Politique, M. Z, le Prince, ainsi que sur l’Antéchrist et les chefs des trois grandes confessions chrétiennes: le pape, le starets Jean et le professeur Pauli. Chacun est présenté ici à la fois comme type réel avec ses propres caractéristiques (ce qui est très important) et comme illustration des vérités et lacunes de son époque et de son milieu, compte tenu de l’idée, propre à Soloviev, que ne peuvent véritablement œuvrer au bien que des hommes humblement capables d’humour et porteurs d’une tradition culturelle et spirituelle honnête, simple et authentique, même si elle est incomplète. La séduction qu’exerce l’Antéchrist agit par contre par le biais de la confusion mentale, du goût du sublime, de la libido dominandi et de l’orgueil de l’esprit. C’est par ces moyens que l’Antéchrist vainc, avant que d’être finalement vaincu par son propre néant.This paper aims at reflecting on Vl. Solovyev's Three Conversations as a philosophical and religious fable. The stress is put on studying each of the protagonists: the Lady, the General, the Politician, Mr. Z, the Prince, as well as the Antichrist and the heads of the three main Christian denominations: the pope, the starets John and prof. Pauli. Each of them is presented both as a real type with his own idiosyncrasies (which is very important) and as an illustration of the truths and deficiencies of his time and milieu, keeping in mind the idea (so dear to Solovyev) that the people who actually promote and contribute to the good can only be those who have maintained a sense of humour and are the bearers of an honest, simple and authentic cultural and spiritual tradition, even if it is incomplete. The Antichrist seduces people by encouraging muddle-headedness, libido dominandi, intellectual pride and the taste for the sublime. Through those means he conquers, before being ultimately defeated by his own nothingness.

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AN INTRODUCTION TO VLADIMIR SOLOVYEV’S THREE CONVERSATIONS ON WAR, MORALS AND RELIGION

This paper aims at reflecting on Vl. Solovyev's Three Conversations as a philosophical and religious fable. The stress is put on studying each of the protagonists: the Lady, the General, the Politician, Mr. Z, the Prince, as well as the Antichrist and the heads of the three main Christian denominations: the pope, the starets John and prof. Pauli. Each of them is presented both as a real type with his own idiosyncrasies (which is very important) and as an illustration of the truths and deficiencies of his time and milieu, keeping in mind the idea (so dear to Solovyev) that the people who actually promote and contribute to the good can only be those who have maintained a sense of humour and are the bearers of an honest, simple and authentic cultural and spiritual tradition, even if it is incomplete. The Antichrist seduces people by encouraging muddle-headedness, libido dominandi, intellectual pride and the taste for the sublime. Through those means he conquers, before being ultimately defeated by his own nothingness.

Текст научной работы на тему «AN INTRODUCTION TO VLADIMIR SOLOVYEV’S THREE CONVERSATIONS ON WAR, MORALS AND RELIGION»

НАСЛЕДИЕ В.С. СОЛОВЬЕВА: ИССЛЕДОВАНИЯ И ПУБЛИКАЦИИ

УДК 17:27(47) ББК 87.3(2)522-85

Bernard Marchadier

Docteur en études slaves (Paris, France), traducteur, e-mail: b2marchadier@gmail.com

Introduction aux Trois Entretiens sur la guerre, la morale et la religion de Vladimir Soloviev

Annotation. Le présent article offre une réflexion sur l'ensemble des Trois Entretiens de Vladimir Soloviev en tant que fable philosophique et religieuse, l'accent étant mis sur chacun des protagonistes -la Dame, le Général, l'Homme Politique, M. Z, le Prince, ainsi que sur l'Antéchrist et les chefs des trois grandes confessions chrétiennes: le pape, le starets Jean et le professeur Pauli. Chacun est présenté ici à la fois comme type réel avec ses propres caractéristiques (ce qui est très important) et comme illustration des vérités et lacunes de son époque et de son milieu, compte tenu de l'idée, propre à Soloviev, que ne peuvent véritablement œuvrer au bien que des hommes humblement capables d'humour et porteurs d'une tradition culturelle et spirituelle honnête, simple et authentique, même si elle est incomplète. La séduction qu'exerce l'Antéchrist agit par contre par le biais de la confusion mentale, du goût du sublime, de la libido dominandi et de l'orgueil de l'esprit. C'est par ces moyens que l'Antéchrist vainc, avant que d'être finalement vaincu par son propre néant.

Mots clés: Guerre, religion, politique, mal, falsification, ésotérisme, imposture, fin des temps, Rome, Antéchrist, Soloviev et Tolstoï

Bernard Marchadier

Phd in Slavonic Studies (Paris, France), translator, e-mail: b2marchadier@gmail.com

An Introduction to Vladimir Solovyev's Three Conversations on War, Morals and Religion

Abstract. This paper aims at reflecting on Vl. Solovyev's Three Conversations as a philosophical and religious fable. The stress is put on studying each of the protagonists: the Lady, the General, the Politician, Mr. Z, the Prince, as well as the Antichrist and the heads of the three main Christian denominations: the pope, the starets John and prof. Pauli. Each of them is presented both as a real type with his own idiosyncrasies (which is very important) and as an illustration of the truths and deficiencies of his time and milieu, keeping in mind the idea (so dear to Solovyev) that the people who actually promote and contribute to the good can only be those who have maintained a sense of humour and are the bearers of an honest, simple and authentic cultural and spiritual tradition, even if it is incomplete. The Antichrist seduces people by encouraging muddle-headedness, libido dominandi, intellectual pride and the taste for the sublime. Through those means he conquers, before being ultimately defeated by his own nothingness.

Key words: War, religion, politics, evil, esoterism, deception, end of times, Rome, Antichrist, Solovyev and Tolstoy

© Marchadier Bernard, 2021,

Соловьевские исследования, 2021, вып. 1, с. 6-16.

DOI: 10.17588/2076-9210.2021.1.006-016

Dernier ouvrage de Vladimir Soloviev puisqu'il paraît quelques mois avant la mort de l'auteur en 1900, les Trois Entretiens sont aussi son chef-d'œuvre, le couronnement de sa pensée, la récapitulation des efforts de toute une vie, avec cette distance douloureuse et ironique qu'apporte le sentiment de l'approche de la mort. Quand il entreprend de composer le premier de ces trois entretiens, au printemps 1899, Soloviev est à Cannes, où il essaie de rétablir une santé très délabrée. Il achèvera les deux autres à Saint-Pétersbourg l'année suivante, mais l'unité de lieu sera conservée, et c'est dans une même villa des bords de la Méditerranée que les hôtes de la Dame poursuivront trois jours de suite leur conversation. Nous ne sommes donc pas dans les fumées d'une taverne cacophonique en compagnie d'intellectuels qui refont le monde mais sous les palmiers d'un jardin, sur les lieux mêmes de la civilisation antique, mère de la cité, cadre d'un humanisme possible et source des idées claires.1 Ce n'est pas un détail négligeable, comme on le verra.

Il n'est pas non plus sans importance que les protagonistes des Entretiens soient réunis auprès d'une Dame, hôtesse parfaite et spirituelle, qui sait relancer la conversation quand elle s'alanguit, calmer les esprits quand ils s'échauffent et les rappeler d'un sourire aux convenances et au bon ton - à ce «comme-il-faut» que Tolstoï haïssait tant - quand ils menacent de s'égarer. Nous sommes effectivement dans le monde et la sociabilité a ses règles et ses usages.

Les invités de la Dame sont - outre le narrateur qui, simple instrument littéraire, ne participe pas au débat - un Général, un diplomate («l'Homme politique»), tous deux à la retraite, Monsieur Z., mélange de moine laïc et d'homme de culture, et un Prince d'une trentaine d'années.

Le Général qui, aux dires mêmes de Soloviev, défend «le point de vue du mode de vie religieux propre au passé» [1, p. 12], parle de la guerre en professionnel qui la fait et qui sait apprécier chez l'adversaire, fût-il turc, les qualités militaires. S'il n'était pas doté des aptitudes de commandement et d'organisation qui font l'officier supérieur, Soloviev avait la fibre guerrière, comme le montrent, par exemple, les talents de bretteur intrépide, voire féroce, qu'il déploya dans sa polémique contre les slavophiles. Enfant, il ne se lassait pas des récits de guerre, aimait voir les défilés de soldats, rêvait de hauts faits, et c'est sans doute cette tendresse de jeunesse pour la chose militaire qui explique que, dans les Trois Entretiens, le Général soit le seul interlocuteur à l'égard duquel l'auteur ne se montre jamais ironique et que, sous l'angle littéraire, le passage le plus inspiré du livre soit à coup sûr le récit que fait le Général de sa campagne contre les bachi-bouzouks.

Soloviev savait aussi diriger la pointe de son ironie contre lui-même. Dans le deuxième Entretien, il ne fait aucun doute, par exemple, que l'ami de Monsieur Z.

1 Il est significatif que, juste avant que Monsieur Z. ne lise «Le court récit sur l'Antéchrist», les invités s'accordent à constater que depuis quelque temps la limpidité a diminué, dans l'air comme dans leur âme. La fin de la civilisation et l'approche concomitante de l'Antéchrist s'accompagnent d'une baisse sensible de la clarté des esprits comme de l'atmosphère.

qui meurt de l'excès de sa politesse, est Soloviev lui-même. Celui-ci appliquait en effet strictement cette règle d'ascèse qui consiste à répondre à toute demande d'aide. Il était partout connu pour sa générosité extravagante. Non seulement il donnait son argent sans compter, et même ses vêtements, mais il poussait l'oubli de soi jusqu'à s'épuiser au service d'autrui en démarches auprès de personnages influents qu'il connaissait ou en corrections de manuscrit qu'on lui présentait, ne gardant que les veilles de la nuit pour s'occuper de ses propres affaires. Accablé de visites et de lettres comme le malheureux évoqué par Monsieur Z., il lui arriva de trouver dans le vin un allié pour supporter le martyre de la complaisance. Mais, à la différence de l'ami de Monsieur Z., il ne se suicida pas, même si les dernières années de sa courte vie (il mourut à 47 ans, prématurément vieilli et à demi aveugle) furent sombres et douloureuses.

L'Homme politique, qui expose «le point de vue de l'essor de la civilisation qui domine le présent» [1, p. 12], parle de la guerre en tant que professionnel chargé de l'éviter ou tout au moins de la circonscrire. Comme Benjamin Constant, il pense que le développement du commerce va rendre la guerre inutile. Par sa bouche, c'est la doctrine du progrès qui est présentée. Six ans avant les Trois Entretiens, c'était encore ce que pensait Soloviev: «Malgré les hésitations et les zigzags du progrès, malgré l'actuelle recrudescence de militarisme, de nationalisme, d'antisémitisme, de dynamitisme, etc., il n'en demeure pas moins indubitable que la résultante de l'Histoire va de l'anthropophagie à la philanthropie, de l'arbitraire à la justice, de l'isolement et de l'hostilité entre les groupes à la solidarité universelle»2. Il n'est pas inutile de rappeler que l'Homme politique est le contemporain du grand juriste russe Fiodor Martens (1845-1909), auteur du Droit des nations civilisées (1883) et l'un des fondateurs du droit international (dit «droit de La Haye»), qui s'efforce d'imposer l'arbitrage internationale dans les conflits entre les Etats. La célèbre «clause Martens», inscrite dans le préambule de la Convention de La Haye de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, stipule que, en cas de guerre, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'emprise des principes du droit des gens, tel qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique3. Le ton et les préoccupations sont les mêmes que ceux de l'Homme politique (qui, dans le livre, n'évoque pourtant Fiodor Martens que dans le cadre d'un incident un peu burlesque). Les efforts de Nicolas II et de Martens pour civiliser la vie internationale aboutiront en 1907 à la mise en place d'une Cour permanente d'arbitrage, et c'est Martens qui convaincra Andrew Carnegie de consacrer une partie de sa fortune à édifier à La Haye un Palais de la paix (dont la construction fut achevée en 1913, un an avant que, par une triste ironie du sort, l'Europe entreprenne de se suicider par la

2 See: Soloviev V.S. Le Sens de l'amour: essais de philosophie esthétique, introd. de F. Rouleau; trad. de B. Marchadier, ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 6. Paris, 1985. 269 p. [2]

3 See: Martens F.F. Le droit international moderne des nations civilisees, vol. 1. Saint-Petersbourg, 1882. 178 p. [3]

guerre). Les événements montraient bien que même si les efforts de l'Homme politique, de Fiodor Martens et de leurs pareils conservaient toute leur valeur, ils n'avaient qu'une portée toute relative. Entre-temps le tsar Nicolas II avait cédé au vieux rêve des slavophiles de s'emparer d'Istanbul et de mettre une croix sur le dôme de Sainte-Sophie, entrant ainsi dans le conflit mondial contre ceux qui, de le même école que l'Homme politique, pensaient que l'empire ottoman n'était pas à ébranler mais à civiliser. Il était donc faux de soutenir, avec l'Homme politique, que la période militaire de l'Histoire avait pris fin. Au moment où il écrivait les Trois Entretiens, Soloviev ne croyait d'ailleurs plus aux efforts de paix de Nicolas II et, selon son neveu, il partageait de toute son âme les idées de Guillaume II sur la nécessité de hâter l'union solidaire de l'Europe chrétienne en vue du conflit armé inévitable avec la race mongole4.

En religion, l'Homme politique professe ce scepticisme de l'Européen rationaliste moderne que Soloviev n'a pas voulu écarter du débat. Il se méfie beaucoup des excès religieux, à l'instar de son poète préféré, Lucrèce, dont il aime à citer le tantum religio potuit suadere malorum. Pour lui, le mérite essentiel des missionnaires est d'avoir adouci les mœurs des sauvages, et un christianisme non civilisateur est une imposture. Cela dit, bien qu'il ne croie «en rien de mystique», il s'intéresse vivement à ce que Monsieur Z. a à dire de l'Antéchrist, même si c'est «du point de vue de l'homme en général». Et puis il n'est pas vraiment athée - au sens premier du grec: «privé de Dieu», a-thée comme a-patride. Homme honnête en même temps qu'honnête homme, il reconnaît que brasille au fond de lui, cachée depuis l'enfance, une étincelle de foi religieuse, petite mais indestructible. Il semblerait même que ces soirées de Cannes aient ravivé en lui le besoin d'entendre enfin sur le christianisme «une parole humaine naturelle», lui qui, toute sa vie d'adulte, n'a entendu que les pharisaïques sentences d'une religion officielle et bureaucratique. La vague nostalgie qui demeure dans le cœur de l'Homme politique est trop faible, convenons-en, pour constituer le fondement d'un humanisme chrétien, mais il n'en reste pas moins que Soloviev, par le truchement du protagoniste du Deuxième entretien, a rappelé des vérités simplement humaines qui, loin d'être incompatibles avec le christianisme, servent la cause de celui-ci, et dont l'absence, chez les chrétiens qui se veulent trop uniquement «évangéliques», risque tout bonnement de rendre le christianisme impossible. Gratia naturam supponit, et si la nature est niée, la Grâce n'a pas par où agir.

Dans le Troisième Entretien l'Homme politique reprochera au Prince de laisser entendre que chaque être humain a une mission à remplir mais de négliger de préciser que cet homme doit savoir de qui il tient sa mission. Pour le vieux diplomate, il est en effet de la plus haute importance de savoir si une mission est légitime ou non. Ainsi, un ambassadeur se doit d'être accrédité par son souverain ou son gouvernement; s'il n'a pas de lettre de créance, c'est un imposteur. Ce critère de

4 See: Solowiew Serge M. Vie de Wladimir Solowiew par son neveu, Préface, notes et traduction de Mgr Jean Rupp, éd. S.O.S. Paris, 1982. 473 p. [4]

la légitimité, que l'Homme politique évoque en passant et que Monsieur Z. reprendra, est bien évidemment fondamental, dans l'ordre des affaires de l'Etat comme de façon générale, puisque c'est l'usurpation et la falsification qui, selon Soloviev, constitueront la marque des entreprises de l'Antéchrist.

Soloviev admet le bien-fondé relatif des deux points de vue - l'ancien du Général et le moderne de l'Homme politique - qui sont l'un et l'autre classiques en ce qu'ils font une large part à la doctrine du moindre mal et, au niveau moyen qui est le leur, rendent possible la vie de la Cité et de l'Etat.

La vérité sur la guerre, la morale et la religion est, toujours selon Soloviev, exprimée de façon plus aboutie et plus complète par Monsieur Z., lequel, conformément à ce qu'indique l'initiale de son nom, considère, comme Soloviev, toute chose «sub specie aeternitatis», et en tout cas «sub specie antechristi venturi» [5, ^ 184], sous l'angle de la fin, l'angle «de l'absolu religieux qui doit révéler son importance définitive dans l'avenir» [...]. Les Trois Entretiens sont donc aussi un livre sur les fins dernières, racontées plus explicitement dans le «Court récit sur l'Antéchrist», attribué à un certain moine Pansophius (nom qui a bien sûr lui aussi quelque chose de récapitulatif).

Le Prince est le plus jeune des protagonistes des entretiens. Puisque l'âge des personnages est significatif de la pertinence de leur rôle sur l'axe du temps, l'avenir appartient aussi au Prince. Si Monsieur Z. présente la vérité de l'avenir, le Prince, disciple de Tolstoï, annonce l'erreur de l'avenir et, comme son erreur est profonde et vitale, comme c'est un vice fondamental de l'âme et de l'esprit, le Prince est un fourrier de l'Antéchrist.

Soloviev avait bien connu Léon Tolstoï. Il l'avait soutenu de toute son influence lorsque ce dernier s'efforçait, en organisant des soupes populaires, de venir en aide aux populations victimes de la famine de 1891. En 1890, Tolstoï avait signé la pétition que Soloviev avait lancée contre la vague d'antisémitisme. Mais, par ailleurs, tout les opposait. Autant Tolstoï était terrien et charnel, autant Soloviev -myope, éloigné des contingences de l'existence et fondamentalement platonicien -l'était peu. Le premier n'avait entendu que «puérile absurdité» dans les Leçons sur le divino-humanité que Soloviev avait données en 1877 devant un auditoire nombreux et médusé, le second avouait «ne pas pouvoir digérer le prosaïsme robuste» de Guerre et paix ou d'Anna Karénine. Mais ce qui répugnait surtout à Soloviev, c'était le simplisme métaphysique, politique et historique de Tolstoï, sa morale de non-résistance au mal, son anarchisme foncier, son christianisme sans résurrection5. Des trois maîtres à penser de son temps (Marx, Nietzsche et Tolstoï), Soloviev estimait que le pire était le Russe, parce qu'il se voulait maître spirituel et prêchait une

5 A Chaliapine qui lui présentait ses vœux de Pâques en le saluant avec la formule traditionnelle «Le Christ est ressuscité! », Tolstoï répondit «Le Christ n 'estpas ressuscité, Fiodor Ivanovitch». Curieusement, le dernier roman de Tolstoï a pour titre Résurrection (1899). Mais la résurrection en question concerne le héros, le prince Niekhloudov, et n'est que de nature morale. En 1894 Soloviev écrivait à Tolstoï: «Tout notre désaccord ne porte en fin de compte que sur un point unique et concret: la résurrection du Christ» [6, ^ 38].

contrefaçon de bien. C'était en grande partie contre la morale de Tolstoï que Soloviev avait composé sa Justification du bien (1897), et ce fut pour parachever cette réfutation par l'ironie qu'il écrivit les Trois Entretiens.

Militant tolstoïen et aristocrate, le Prince a pour doctrine, outre la non-résistance au mal par la force, un mélange décousu de christianisme sans résurrection et de végétarisme. Il refuse l'Etat, l'armée, l'Eglise, les tribunaux, le mariage, l'industrie et l'université - bref, pratiquement tout ce qui constitue une société. C'est un être confus, affairé, sans humour, «un laborieux pédant de la vie simple6», une sorte de Jean-Jacques russe. Seul des interlocuteurs à ne pas se comporter en homme du monde, il est le seul aussi à être vraiment mauvais. Issu, comme Tolstoï, d'une famille qui remonte aux origines de l'Etat russe, l'ancienneté de son nom n'a aucun sens à ses yeux et il refuse l'inspiration de son lignage. Si le Général est un traditionnaliste et l'Homme politique un moderne, le Prince est déjà un post-moderne par sa volonté de se déclasser, par son rêve de dépolitisation, par son aspiration à sortir de l'Histoire, plus exactement à vivre dans l'utopie d'une post-histoire qui n'est évidemment qu'une préhistoire imaginaire, un super-primitivisme. Sa doctrine pacifiste (qui assimile la guerre au cannibalisme) se réclame du Christ et du commandement «Aimez vos ennemis» (Matthieu 5, 44 ; Luc 6, 27), mais il commet le grave solécisme de confondre l'ennemi privé (qu'il m'est enjoint d'aimer comme il m'est enjoint d'aimer mon prochain) et l'ennemi public (que je dois combattre pour défendre le bien commun). Diligite inimicos vestros et non pas hostes vestros. Cette distinction entre inimicus et hostis, pour implicite qu'elle soit dans les langues autres que le latin ou le grec, est fondamentale et classique. Mais le contempteur de toute science, de toute tradition et de tout sens commun qu'est le Prince ne peut évidemment la faire sienne.

Le Prince apparaît tout d'abord comme un négateur de la Cité, des usages et de la raison. Au grand regret du Général, il néglige le whist, c'est-à-dire que, par moralisme étroit et sous prétexte de tâches militantes - le Prince est le seul personnage agité et constamment pressé de l'ouvrage -, il refuse le jeu, et pas seulement le jeu de cartes mais le jeu social, et donc les règles de la bienséance, de la politesse et de la conversation. Doctrinaire par raideur d'esprit, le Prince est maximaliste dans tout ce qu'il entreprend, sans pourtant que l'ardeur et la contention que cela suppose le sauvent de l'amateurisme car, étranger à tout savoir constitué (c'est typiquement un homme de feuilles et de tracts, pas de livres), le malheureux a nécessairement l'esprit brouillon. C'est ce qui ressort, dans le Troisième entretien, du débat vif et serré avec la Dame, Monsieur Z. et l'Homme politique, où il ne sait qu'accumuler les affirmations arbitraires et erratiques, opposant le plus souvent à ses adversaires des arguments de mauvaise foi et d'une désolante faiblesse.

A la différence de ses interlocuteurs, joyeux et vivants, le Prince, «tristement typé» et maussade comme le Salieri de Pouchkine, promène partout un air sombre et se montre grave quand il convient de sourire. On ne trouve chez lui, s'inquiète la

6 La formule est de G.K. Chesterton.

Dame, ni gaieté ni douceur d'âme, et Monsieur Z. ne voit pas chez ses pareils, qu'il appelle «chrétiens évangéliques» (et Soloviev, dans sa préface, «orants du trou») «la paix bénigne et joyeuse» qui vient de l'inspiration du bien. Pareille gens, note le Général, rendent le christianisme «mortellement ennuyeux». Cette absence de joie ne laisse-t-elle pas craindre que le divin n'ait plus son territoire en lui? Mais alors, à qui a-t-il cédé le terrain?

C'est ici qu'il convient de parler de l'Antéchrist, dont Soloviev a voulu nous brosser un portrait dans le «Court récit» qui clôt le livre, et qui fut d'abord publié à part (Soloviev en donna aussi une lecture publique le 27 février 1900 dans la grande salle de la Douma de Saint-Pétersbourg).

Ce «Court récit» est devenu aussi célèbre que la «Légende du Grand Inquisiteur» des Freères Karamazov de Dostoïevski, dont il reprend la thèse du «philanthrope» qui trahit le Christ en invoquant une mensongère et infantilisante «pitié» pour les êtres humains, cachant ainsi son ambition de se rendre maître des âmes et des corps.

Notons pour commencer que les origines de l'Antéchrist de Soloviev sont «profondément obscures». Né de père inconnu, sa mère est en revanche une femme «peu farouche» connue «dans les deux hémisphères». Trop d'hommes pouvaient être son père: fils de la multitude ou de personne, il est tout le contraire du Fils de l'Un, dont deux évangiles nous présentent la généalogie détaillée. Si le Christ s'est incarné dans une lignée revendiquée, dans un peuple précis, en un lieu connu de tous, l'Antéchrist - comme le Pancrace de Zygmunt Krasinski, sans nom, sans ancêtres, sans ange gardien7 - est innommé, et Soloviev ne le désigne que par des qualificatifs.

Dans sa préface, l'auteur affirme que les traits de son Antéchrist sont conformes à la tradition la plus ancienne. Mais il y a au moins deux traditions sur ce point. Saint Irénée de Lyon, par exemple, nous présente un Antéchrist monstrueux qui vient «comme un impie effréné, un apostat, un injuste et un meurtrier, comme un brigand récapitulant en lui toute l'apostasie du diable8». Inversement, saint Jean Damascène insiste, comme Soloviev, sur son hypocrisie: «En prélude à son règne, à sa tyrannie plutôt, il affecte la sainteté...9». Ce sont là des caractéristiques que l'on retrouve chez Hippolyte de Rome, qui l'appelle «le Trompeur10», et chez saint Cyrille de Jérusalem, qui le montre «simulant la prudence, la pieuse clémence et la philanthropie11». Autre marque rapportée par saint Cyrille de Jérusalem et que Soloviev reprend: l'Antéchrist se reconnaîtra à ce qu'il prétendra clore l'histoire du monde et viendra congédier le christianisme, se comportant moins en païen qu'en post-chrétien.

7 See: Krasinski Zygmunt. Nie-boska komedia (La non-divine comédie), Partie III. Warszawa, 1923. 86 s. [7]

8 Saint Irénée de Lyon. Contre les hérésies, V, 25, 2.

9 Jean Damascène. La Foi orthodoxe, XXVI.

10 Hippolyte de Rome. Commentaire sur Daniel, IV-7.

11 Cyrille de Jérusalem Quinzième conférence catéchétique, P.G. 33, col. 885 ss.

Toutefois, l'Antéchrist de Soloviev n'est pas juif, à la différence de ce que la Tradition veut le plus souvent. Il faut cependant, pour que les Juifs se convertissent à la fin des temps, que l'Antéchrist les ait abusés en se faisant passer pour un des leurs.

Soloviev nous montre un Antéchrist «gros capitaliste» et diplômé d'une école militaire (il est «savant artilleur de profession»). L'argent et les liens avec l'armée seront des instruments indispensables à la prise du pouvoir. Saint Thomas d'Aquin l'avait noté: la puissance du monde (potestas saecularis) serait le véritable instrument de l'Antéchrist.

Mais il y a, à la puissance de «l'homme qui vient», un troisième ressort, c'est l'affiliation à un ordre ésotérique. L'Antéchrist du Damascène était «nourri dans le secret», et c'est à ses frères en maçonnerie que l'Imposteur de Soloviev doit son élection à la tête du «Comité permanent universel», première étape de son ascension au pouvoir suprême. Quoi de moins rare, en effet, dans son milieu d'origine, que le goût des doctrines secrètes et du gnosticisme mondain? Que l'on songe, par exemple, au cercle des disciples de Mme Blavatsky12, ou à ces salons théosophiques et groupes de pression politiques du début du XXe siècle où s'illustrèrent une Annie Besant et qui lancèrent, entre autres, un Krishnamurti - lequel, toutes proportions gardées, évidemment, n'était pas sans points communs avec notre Antéchrist : beauté, prestance, séduction intellectuelle, quiétisme et, dans un premier temps, prétention à être une réincarnation du Christ.

Dans les thèses mêmes du grand ouvrage du Falsificateur La Voie ouverte vers la prospérité et la paix universelles ainsi que dans la morale de facilité qu'il prêche au monde on retrouve aisément le mépris de l'initié ascétique et du parfait cathare pour les masses condamnées à patauger dans l'exotérisme et le charnel.

On l'a souvent fait observer : il y a en partie dans le portrait de cet Antéchrist une auto-parodie de Soloviev lui-même. Sentant la mort venir, il juge avec ironie les spéculations théosophiques, les tentatives spirites, la passion de l'unité, les préoccupations œcuméniques, l'aspiration à une espèce de théurgie et les penchants utopiques qui l'ont occupé pendant la majeure partie de sa vie. Comme l'Innommé il a fasciné les esprits par sa beauté étrange, sa facilité intellectuelle et son éloquence quasi mediumnique ; comme lui il a voulu refaire tout le cheminement de l'humanité pour dépasser les contradictions dont elle est accablée, comme lui il a tout lu, a œuvré à réunir les Eglises chrétiennes et a travaillé à l'avènement d'une théocratie. Il constate maintenant l'ambiguïté de ces efforts. Par exemple, si le «Court récit» se conclut effectivement sur une réconciliation des Eglises, réduites à un petit reste pourchassé, la réunion de l'immense majorité des catholiques, des orthodoxes et des protestants se fait à l'instigation et sous la dictée du Maître de la Terre, qui place cette contrefaçon d'Eglise sous la houlette d'un pape imposteur. Ce constat amer, Soloviev, peu de temps avant, l'avait fait connaître à son ami Eugène Tavernier: «Il faut s'attendre à ce que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des prêtres et moines se

12 Dont Soloviev avait vigoureusement critiqué la philosophie néo-bouddhiste (Œuvres, VI).

déclarent pour l'Antéchrist. C'est leur bon droit et c'est leur affaire» [5, c. 199] (Lettre de mai-juin 1896).

Il faut souligner que ce sont les chefs légitimes des Eglises chrétiennes qui rejettent l'Antéchrist et restent à la tête de la minorité qui confesse le Christ: le pape Pierre, le starets Jean (qui est aussi évêque) et le professeur Pauli. Chacune des confessions chrétiennes est ainsi désignée dans ce qui fait sa spécificité par rapport aux autres, selon un lieu commun que Soloviev n'hésite pas à faire sien: le catholicisme est pétrinien, l'orthodoxie orientale est johannique et le protestantisme est paulinien. Chacun des chefs joue son rôle traditionnel : le starets Jean, en prophète inspiré, distingue ce qui est du Christ et ce qui est de l'Antéchrist13, le pape, en vertu du pouvoir des clefs, anathématise, et le professeur Pauli le confirme par un document écrit avant de reconnaître ensuite l'autorité des deux premiers.

Les trois justes qui s'opposent à l'Antéchrist sont aussi nettement typés que ce dernier est cosmopolite, anonyme et flou. Le pape, avec «son visage rougeaud, son nez busqué et ses épais sourcils» [1, p. 172], parle, en bon Italien, avec de grands gestes et est «vif et impétueux» (mais ce sont aussi des qualificatifs applicables à l'apôtre Pierre) ; le pasteur Pauli, chef des protestants, est un Herr Professor typique, avec ses vêtements d'une élégance démodée et ses tics de vieux maître débonnaire; quant au starets Jean - «vieillard fort âgé mais alerte, aux cheveux et à la barbe d'un blanc jauni, et même verdi, haut de taille et maigre de corps, mais aux joues pleines et légèrement roses, aux yeux vifs et brillants, avec une expression de visage et un ton d'une bonté attendrissante» [1, p. 173], cet ancien dans lequel il n'est pas exclu de voir «le prêtre Jean», c'est-à-dire l'apôtre Jean en personne, qui n'est jamais mort et se montre à la fin des temps, - c'est une figure d'icône, un archétype russe. On le voit, ce ne sont pas des êtres de nulle part et des esprits brumeux qui dénoncent l'Antéchrist, mais des hommes avec un visage, des hommes lucides, en chair et en os, des hommes qui, à la différence du Prince, se nourrissent d'une tradition véritable.

Un mois avant de mourir, Soloviev avait admis qu'il faisait désormais sienne l'opinion de son père, selon laquelle «l'humanité contemporaine est un vieillard malade et l'histoire universelle est intérieurement finie» [8, c. 225]. Et Soloviev d'ajouter - ce seront ses ultima scripta: «Le drame historique est achevé; il ne reste qu'un épilogue qui, comme chez Ibsen, peut s'étendre sur cinq actes. Mais la teneur en est au fond connue d'avance» [8, c. 226].

Cet épilogue, qui est aussi prologue de la fin, peut donc durer longtemps. En attendant la chute définitive du rideau, et alors même que le règne de l'Antéchrist semble universel, Soloviev prend soin de faire en sorte que quelque part au moins il subsiste des conditions d'existence de l'humanité qui ne soient pas dénaturées. On remarquera effectivement que, même repoussé au désert, le petit reste des fidèles

13 Dans l'Evangile selon Saint Jean (XXI-7), c'est Jean lui même, « le disciple que Jésus aimait », qui reconnaît Jésus ressuscité et le montre à Pierre.

conserve les germes vifs de la civilisation puisque, en la personne de ses trois chefs légitimes, il demeure inspiré par les éléments organisateurs et constitutifs de celle-ci: Rome14, la Règle ascétique et charitable et l'Ecole. La natura ayant été maintenue, la Grâce peut continuer d'agir. C'est une des leçons de ce grand livre.

Список литературы

1. Soloviev V.S. Trois entretiens: sur la guerre, la morale et la religion; suivi du Court récit sur l'antéchrist, trad. et présentation de Bernard Marchadier. Éditions Ad Solem, Genève, 2005. 188 p.

2. Soloviev V.S. Le Sens de l'amour: essais de philosophie esthétique, introd. de F. Rouleau; trad. de B. Marchadier, ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 6. Paris, 1985. 269 p.

3. Martens F.F. Le droit international moderne des nations civilisees, vol. 1. Saint-Petersbourg, 1882. 178 p.

4. Solowiew Serge M. Vie de Wladimir Solowiew par son neveu, Préface, notes et traduction de Mgr Jean Rupp, éd. S.O.S. Paris, 1982. 473 p.

5. Соловьев В.С. Письма Евгению Тавернье. Mai-juin 1896 // Соловьев В.С. Письма. Т. IV / под ред. Э.Л. Радлова. Петербург: Изд-во «Время», 1923. С. 183-228.

6. Соловьев В.С. Письмо к Л. Толстому 28 июля - 2 августа 1894 // Соловьев В.С. Письма. Т. IV / под ред. Э.Л. Радлова. Петербург: Изд-во «Время», 1923. С. 37-42.

7. Krasinski Zygmunt. Nie-boska komedia (La non-divine comédie). Warszawa, 1923. 86 s.

8. Соловьев В.С. По поводу последних событий // Соловьев В.С. Собрание сочинений в 10 т. Т. 10. СПб.: Просвещение, 1914. С. 222-226.

References

1. Soloviev, V.S. Trois entretiens: sur la guerre, la morale et la religion; suivi du Court récit sur l'antéchrist. Éditions Ad Solem, Genève, 2005. 188 p.

2. Soloviev, V.S. Le Sens de l'amour: essais de philosophie esthétique, introd. de F. Rouleau. ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 6. Paris, 1985. 269 p.

3. Martens, F.F. Le droit international moderne des nations civilisees, vol. 1. Saint-Petersbourg, 1882. 178 p.

4. Solowiew Serge M. Vie de Wladimir Solowiew par son neveu, Préface, notes et traduction de Mgr Jean Rupp, éd. S.O.S. Paris, 1982. 473 p.

5. Solov'ev, V.S. Pis'ma Evgeniyu Tavern'e. Mai-juin 1896 [Letters to Eugeniy Tavernier. May-June 1896], in Solov'ev, V.S. Pis'ma. T. IV [Letters. Vol. 4]. Peterburg: Izdatel'stvo «Vremya», 1923, pp. 183-228.

6. Solov'ev, V.S. Pis'mo k L. Tolstomu 28 iyulya - 2 avgusta 1894 [A Letter to L. Tolstoy July 28 - August 2, 1894], in Solov'ev, V.S. Pis'ma. T. IV [Letters. Vol. 4]. Peterburg: Izdatel'stvo «Vremya», 1923, pp. 37-42.

7. Krasinski, Zygmunt. Nie-boska komedia (La non-divine comédie). Warszawa, 1923. 86 p.

8. Solov'ev, V.S. Po povodu poslednikh sobytiy [On the occasion of recent events], in Solov'ev, V.S. Sobranie sochineniy v 10 t., t. 10 [Collected works in 10 vol., vol. 10]. Saint-Petersburg: Prosvesh-chenie, 1914, pp. 222-226.

14 Au sens, évidemment, de la maxime ubi papa ibi Roma, mais pas uniquement dans son interprétation strictement ecclésiale.

Реферат

Эта статья составляла первоначально предисловие к французской версии книги Вл. Соловьева «Три разговора» (Trois entretiens, Genève, Ad Solem, 200515). Оно имело целью ознакомить широкую франкоязычную публику с личностью Владимира Соловьева и его литературным шедевром, точнее -с содержанием и главными героями книги.

Осью книги является борьба со злом. Чтобы быть успешной, эта борьба должна начаться с правильного представления о природе зла, которое является не простым privatio boni (отсутствием добра), а активным началом. Борьба со злом в истории человечества имела разные аспекты и масштабы. Злу прошлого противостояли война и традиция. Это точка зрения одного из героев книги -Генерала. Злу настоящего противостоят правопорядок и цивилизованный образ жизни (politique/politesse), так называемый «Прогресс». Это точка зрения Политика. Но, как говорит сам Соловьев, «прогресс - это уже симптом конца»: цивилизованный порядок заражен болезнями, которые приведут к его падению. Самой опасной болезнью является фальсификация добра. Фальсификация - это не только ослабление добра, это его полное исчезновение под видом его сублимации. Вся третья часть книги посвящена ироничному разоблачению этого процесса, с участием не только главного представителя «правды будущего» (господина Z), но и Дамы, Генерала и Политика. Они опровергают один за другим все (очень слабые и противоречивые) аргументы Князя, который своими полуправдивыми аргументами несознательно готовит почву для победы антихриста. В статье подчеркивается, что, в отличие от других действующих лиц книги, которые действительно укоренены в реальной традиционной почве (Генерал - действительно русский, Политик - действительно европеец, Господин Z действительно христианин), Князь отрицает значение своего рода (несмотря на то, что он истинный Рюрикович) и пренебрегает не только национальностью и культурой, но и простым здравым смыслом, туманя умы и готовя таким образом почву для пришествия и победы антихриста.

По мнению автора, основная идея сочинения В.С. Соловьева не столько в том, что, как говорится в эпилоге, «не всё то золото что блестит», сколько в том, что, отрицание природы («благодать подразумевает природу») человека как существа, укорененного в культуре и в традиции, приводит к тому, что благодать не может действовать, чего как раз и хочет антихрист, поборник Зла и коварный фальсификатор Правды и Добра.

15 Soloviev V.S. Trois entretiens: sur la guerre, la morale et la religion; suivi du Court récit sur l'antéchrist, trad. et présentation de Bernard Marchadier. Éditions Ad Solem, Genève, 2005. 188 p.

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