Научная статья на тему 'Dire autrement, est-ce dire autre chose ?'

Dire autrement, est-ce dire autre chose ? Текст научной статьи по специальности «Языкознание и литературоведение»

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Текст научной работы на тему «Dire autrement, est-ce dire autre chose ?»

DIRE AUTREMENT, EST-CE DIRE AUTRE CHOSE ?

[Paris, 2009]

Supposons que je traduise de français en français, de français A en français B, le premier vers du Pont Mirabeau d'Apollinaire - « Sous le pont Mirabeau coule la Seine » - et que le résultat, en français B, entre autres versions possibles, car il y a toujours plusieurs version possible, soit « la Seine coule sous le pont Mirabeau ». Cette traduction n'est-elle pas parfaite, bien supérieure évidemment à toutes celles que vous pourriez trouver dans d'autres langues, et même, que la regrettée Aale Tynni me pardonne, dans la pourtant fort belle traduction qu'elle en a donné en finnois ? Dans la nôtre, tous les référents sont présents : la Seine est là bien là, elle coule, et le pont Mirabeau ne manque pas à l'appel lui non plus. Détail plus merveilleux encore, cette traduction n'est encombrée d'aucune cheville, d'aucun de ces mots bouche-trou que les traducteurs au petit pied se résolvent à glisser honteusement dans leurs vers, quand il ne traduisent pas platement en prose, pour l'amour de la rime ou le compte des syllabes. Le compte d'ailleurs n'y est-il pas ? « Sous le pont Mirabeau coule la Seine », six-quatre ; « la Seine coule sous le pont Mirabeau ».quatre-six, n'avons-nous pas là aussi un décasyllabe ? Plus d'un s'en contenterait. Or vous le sentez bien, les deux phrases ne sont pas équivalentes. « La Seine coule sous le pont Mirabeau », n'est qu'une plate constatation qui ne laisse rien attendre, rien espérer, rien redouter. Ce n'est pas un décasyllabe classique, puisqu'on ne peut y compter dix syllabes qu'à la condition d'élider le e final de « coule », ce qu' Apollinaire, lorsqu'il pratiquait le vers régulier, n'aurait jamais fait. Notons d'ailleurs que le français parlé, s'il élide le e de « coule », élide aussi celui de Seine, ce qui nous donne le choix entre « la Sein' coul' sous le pont Mirabeau », un vers de neuf syllabes et « la Seineu couleu sous le pont Mirabeau » ce qui les porte à onze. A moins, bien sûr, de n'élider le e muet qu'à la césure, comme le faisait l'auteur de la Chanson de Roland, (« Li reis Marsilie esteit en Saraguce ») mais son exemple n'a pas été suivi et Apollinaire n'était pas Turoldus. Chipotage, direz-vous, et vous avez raison. Mais ce n'est pas stout.

Dans le vers d'Apollinaire, « sous le pont Mirabeau » est fortement thématisé et l'inversion verbe-sujet, récurrente dans le poème (voyez le refrain : vienne la nuit, sonne l'heure », voyez le premier vers de la première strophe « passent les jours et passent les semaines » ) laisse le vers en suspens, à tel point que le lecteur se demande par quelle ponctuation il se terminerait si ponctuation il y avait, et que le statut de l'hémistiche suivant est parfaitement ambigu : faut-il comprendre, avec un enjambement, « coule la Seine et nos amours », l'amour s'en allant comme l'eau qui s'écoule, ou faut-il comprendre « et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne », c'est à dire faut il qu'il me souvienne de nos amours ?

СКАЗАТЬ ПО-ДРУГОМУ, ЗНАЧИТ, СКАЗАТЬ О ДРУГОМ?

[Париж, 2009]

Допустим, я перевожу с французского языка на французский, то есть с французского А на французский Б, первую строку «Моста Мирабо» (Pont Mirabeau) Аполлинера - «Под мостом Мирабо течет Сена» («Sous le pont Mirabeau coule la Seine»), и на языке перевода, на французском Б, помимо прочих версий, которых может быть много, это будет звучать как «Сена течет под мостом Мирабо» («la Seine coule sous le pont Mirabeau»). Не будет ли такой перевод более совершенным, чем все переводы на другие языки?

В нашем переводе присутствуют все референты: есть Сена, которая течет, и мост Мирабо тоже на месте. Более того, в этом переводе нет ни одного лишнего слова, ни одной так называемой «затычки», которыми злоупотребляют некоторые горе-переводчики, пытаясь сохранить рифму или количество слогов при переводе стихов. Впрочем, сохраняется ли это количество? «Sous le pont Mirabeau coule la Seine» - шесть - четыре; «la Seine coule sous le pont Mirabeau» - четыре - шесть, здесь мы также имеем десятисложный стих? Многих переводчиков сумма слогов вполне устроит. Но вы, конечно же, чувствуете, что эти две фразы не эквивалентны. «La Seine coule sous le pont Mirabeau» - это всего лишь констатация, которая не вызывает ни ожиданий, ни надежд, ни опасений. Это не классический десятисложник, так как мы насчитываем здесь десять слогов лишь при условии опущения финальной гласной «е» в слове «coule», чего Аполлинер никогда не делал, когда придерживался правильного размера стиха. Заметим, однако, что, если разговорный французский язык опускает финальную «е» в слове «coule», то она должна быть также опущена и в слове «Seine», и тогда нам придется выбирать между девятисложным стихом «la Sein' coul' sous le pont Mirabeau» и одиннадцатисложным «la Seineu couleu sous le pont Mirabeau ». Конечно, если только не опускать немую «е» в случае цезуры, как это делал автор «Песни о Роланде», («Li reis Marsilie esteit en Saraguce»), но примеру Турольда никто не следовал, в том числе Аполлинер. Вы полагаете, что я слишком придирчив? И вы правы. Но это еще не все.

В стихотворении Аполлинера сочетание «sous le pont Mirabeau» является темой, а повторяющаяся инверсия подлежащего (в рефрене «vienne la nuit, sonne l'heure», а также в первом стихе четвертой строфы «passent les jours et passent les semaines») создает некоторую неопределенность для читателя, который задумывается над тем, каков был бы смысл стихотворения, если бы в нем были расставлены знаки препинания. Полустишие также создает двусмысленность: следует ли понимать, что перенос в строке «coule la Seine / et nos amours» означает, что любовь так же быстротечна, как река, или нужно читать, как «et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne», то есть стоит ли мне помнить о нашей любви?

À bien n y réfléchir, on en vient même à s'interroger sur le mode de « coule » : s'agit-il d'un indicatif ou d'un subjonctif à valeur optative, comme le sont sans ambiguïté « vienne » et « sonne » dans « vienne la nuit, sonne l'heure » et comme « passe » peut l'être également dans le premier vers de la quatrième strophe (« passent les jours et passent les semaines »). Double ambiguïté impossible à rendre si nous cherchons une suite à notre version en français B du premier vers.

S'ajoute a cela que Le pont Mirabeau démarque très clairement une de nos plus célèbres chansons de toile, Gaie et Oriour, dont Apollinaire a repris la structure des strophes, la versification, l'emploi et la forme du refrain, et même, dans la première strophe la triple rime en -aine. Seule différence : la répartition sur deux lignes, dans le poème d'Apollinaire, du second décasyllable de chaque strophe, et aussi la séparation typographique du refrain. Quant à la ponctuation, ajoutée tardivement par les éditeurs du texte médiéval (de tradition orale !), elle n'y était pas plus présente que dans Alcools :

Lou samedi a soir, fat la semaine Gaiete et Oriour, seeurs germaines, Main en main vont baigner à la fontaine. Vente l'ore et li raim crollent : Qui s'entraiment souef dorment.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure

Ce petit jeu intertextuel, certes, n'est pas perçu par tous les lecteurs français d'Apollinaire, mais pour ceux qui connaissent les chansons de toile, la parenté est évidente et elle ajoute au charme d'un poème considéré souvent comme très moderne mais qui en réalité fait écho à un autre texte qui, lui, date du début du XIIIe siècle.

Allons plus loin encore. Un grand acteur russe racontait, on le cite souvent, que lorsqu'il était allé passer son audition chez Stanislavski, le metteur en scène lui avait fait répéter une quarantaine de fois les deux mots segodnia vetcherom (« ce soir »). Chaque fois il devait varier l'intonation selon une situation bien précise que Stanislavski lui avait indiquée. Le but du jeu était que l'auditoire reconnaisse chacune des situations « à partir des changements dans la configuration phonique de ces deux simples mots ». Il est clair qu'en prononçant les mêmes mots différemment il ne disait pas la même chose.

Dès lors deux énoncés formulés dans deux langues différentes, le finnois et le français par exemple, peuvent-ils être entièrement équivalents ?

Есть также над чем задуматься, если обратить внимание на наклонение глагола «coule», идет ли речь об индикативе или об оптативной форме сослагательного наклонения, как, например, однозначно понимаются глаголы «vienne» и «sonne» во фразе «vienne la nuit, sonne l'heure», а «passe» может быть как изъявительным, так и сослагательным наклонением в первом стихе четвертой строфы («passent les jours et passent les semaines»). Возникает двойная неясность, которую невозможно передать, если мы пытаемся продолжить перевод первого стиха на французский язык Б.

Еще одна деталь. Le pont Mirabeau очень напоминает одну из наших самых известных старинных песен прялки Gaie et Oriour, у которой Аполлинер позаимствовал структуру строф, стихосложение, расположение и форму рефрена, и даже тройную рифму -aine в первой строфе. Единственное отличие: в поэме Аполлинера в двух строках повторяется второй десятисложник, а также имеется типографическое отделение припева. Что касается пунктуации, добавленной позднее издателями в средневековом тексте (исходя из устной традиции!), то она отсутствовала в « Alcools »:

Lou samedi a soir, fat la semaine Gaiete et Oriour, seeurs germaines, Main en main vont baigner à la fontaine. Vente l'ore et li raim crollent : Qui s'entraiment souef dorment.*

Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure

Безусловно, эту межтекстовую игру заметят не все французские читатели, но для тех, кто знаком с песнями прялки, данное сходство очевидно и оно добавляет шарм поэме Аполлинера, которая считается очень современной, но на самом деле перекликается с текстом, восходящим к началу ХШ в.

Итак, пойдем дальше. Один великий русский актер рассказывал, и этот случай часто цитируется, что когда он пришел на прослушивание к Станиславскому, тот заставил его сорок раз повторить два слова: «сегодня вечером». Каждый раз он должен был варьировать интонацию в зависимости от ситуации, которую предлагал Станиславский. Цель упражнения заключалась в том, чтобы публика могла понять, что это за ситуация «по изменению звуковой конфигурации этих двух простых слов». Разумеется, произнося одни и те же слова, он выражал не одно и то же.

Могут ли быть полностью эквивалентными два высказывания, сформулированные на двух языках, например на финском и французском?

См. комментарии автора к статье на с. 253.

Après ce que je viens de dire, vous vous attendez certainement à ce que ma réponse soit négative, mais rien n'étant jamais tout noir ou tout blanc, on pourra trouver des cas où la réponse sera tout de même oui : ceux où seule la fonction référentielle du langage est en cause sans que la dénotation soit polluée, brouillée par aucune connotation. Que je dise deux et deux quatre, deux et deux font quatre ou deux plus deux égalent quatre, il faut être bien byzantin pour y voir une sérieuse différence. Si je remplace ces formules par kaksi ynna kaksi on nelja, ma traduction n'est pas non plus une trahison. Mais en est-il encore de même si je traduis kaksi ikkunaa ynna kaksi ikkunaa on nelja ikkunaa par deux fenêtres plus deux fenêtres égalent quatre fenêtres ?

Si je choisis la fenêtre plutôt que la porte, la table ou le chapeau qui feraient tout aussi bien l'affaire, c'est que je lisais il y a quelques jours sous la plume de Daniel Pennac, dans son roman Le dictateur et le hamac, la phrase suivante : « (X, Y et Z) et quelques autres chez mes amis traducteurs, doutent que « la fenêtre », « la janela, « das Fenster », « the window » ou « la finestra » désignent exactement la même chose puisqu'aucune n'ouvre sur les mêmes bruits et ne se referme sur les mêmes musiques ». L'image mentale qui surgit en vous, amis finnois, à l'énoncé du mot ikkuna est-elle la même que celle évoquée en moi par le mot fenêtre ? Dans les pays du Nord les fenêtres ont double battant, elles n'on généralement plus larges que hautes, elles ont plus rarement des volets, on ne les ferme pas avec une espagnolette, elles sont à cause du climat plus fréquemment fermées que chez nous, elles donnent sur d'autres paysages. En fait il y a fenêtre et fenêtre. Quand nous employons ce mot, s'agit-il de fenêtres particulières, au sens spécifique, ou de fenêtres au sens générique ? Si nous parlons d'une fenêtre précise, qui est là devant nous, que nous voyons vous et moi, le référent est bien le même. S'il s'agit de la fenêtre en général, de l'idée « poétique » de fenêtre, il n'en va pas de même.

En principe, rien n'est intraduisible puisqu'on peut toujours définir un concept nouveau, ajouter des commentaires et des notes en bas de page, emprunter un mots, forger un néologisme, mais on ne peut pas alourdir un texte à l'infini et il reste toujours, entre original et traduction, un infime écart, cet écart d'un iota qui crée les hérésies. Celle d'Arius, celle d'Avvakoum... L'église romaine, oubliant sans doute l'étymologie du mot vulgate, s'est longtemps opposée à la traduction des textes bibliques dans les langues « vulgaires ». Est-il surprenant que des conservateurs musulmans déduisent aujourd'hui encore du dogme de l'inimitabilité du Coran que toute traduction ne serait qu'une pâle imitation, qu'aucune traduction, si juste soit-elle, ne pourrait être considérée comme la parole de Dieu, bref que le Coran ne peut exister qu'en arabe ?

Je n'ai pas oublié que le thème de ce colloque est l'identité finnoise et que nous sommes invités à réfléchir à l'expression de cette identité dans la traduction. Permettez-moi de remarquer que les finnisants français, depuis des décennies, s'efforcent de rendre cette identité / singularité perceptible dans le vocabulaire en distinguant soigneusement ce qui est finnois de ce qui est finlandais. Le finnois n'est pas aussi clair.

Учитывая вышесказанное, вы, конечно, ждете, что ответ будет отрицательным. Но ничто и никогда не бывает только черным или только белым, в некоторых случаях ответ будет все же положительным. Это те случаи, когда возникает вопрос о референциальной функции языка, когда важно, чтобы денотат не привнес каких-либо дополнительных коннотаций. Если я скажу дважды два четыре, два умножить на два равно четырем или два плюс два равно четыре, большой разницы не будет. Если я заменю эти формулировки на kaksi ynnä kaksi on neljä, мой перевод тоже будет верным. Но будет ли правильно, если я переведу фразу kaksi ikkunaa ynnä kaksi ikkunaa on neljä ikkunaa как два окна плюс два окна равно четыре окна?

Выберу ли я окно, дверь, стол или шляпу - разницы не будет, но вот что я прочитал недавно у Даниэля Пеннака в его романе «Диктатор и гамак»: «(X, Y et Z) и еще некоторые из моих друзей переводчиков сомневаются, что «la fenêtre», «la janela», «das Fenster», «the window» или «la finestra» обозначает одно и то же, потому что ни одно из окон не издает при открытии одинаковые звуки и при закрытии слышится другая музыка». Похож ли мысленный образ, который возникает у вас, мои финские друзья, при произнесении слова ikkuna, на тот, что вызывает у меня слово fenêtre? В северных странах на окнах двойные створки, по форме они чаще вытянуты по ширине, ставни встречаются довольно редко, створки не закрываются на шпингалет, из-за климата окна чаще, чем у нас, бывают закрытыми, а вид из них совсем на другие пейзажи. Окна действительно бывают разные. Когда мы используем это слово, идет ли речь о каких-то особых окнах или об окнах вообще? Если мы говорим о конкретном окне, которое перед нами и которое мы с вами видим, то референт будет один. А если мы говорим об окне вообще, о неком «поэтическом» образе окна, то это уже совсем другое дело.

В принципе, все переводимо, потому что всегда можно объяснить, добавить комментарии и примечания внизу страницы, использовать заимствование, создать неологизм, однако не стоит утяжелять текст до бесконечности. Между оригиналом и переводом всегда остается «зазор», очень малый, но способный повлечь за собой раскол. Ересь Ария, ересь Аввакума... Римско-католическая церковь, видимо, забыв происхождение слова вульгата, долгое время сопротивлялась переводу Библии на «вульгарные» языки. Не удивительно ли то, что и сегодня некоторые мусульманские консерваторы придерживаются догмы о том, что любой перевод Корана будет лишь его бледной имитацией, что ни один перевод не может рассматриваться как слово Божье, иными словами, что Коран может существовать только на арабском языке?

Я не забыл о том, что тема нашего коллоквиума - финская идентичность, и мы собрались, чтобы поразмышлять о ее выражении в переводе. Позвольте мне заметить, что французские финоведы в течение десятилетий прилагают усилия, чтобы сохранить в словарном составе этот идентитет / ощутимое своеобразие, тщательно различая понятия «финский» и «финляндский». В финском языке не все ясно. Как перевести знаменитую декларацию Адольфа Арвидсона: Мы больше не шведы, мы не хотим стать русскими, olkaamme siis

Comment traduire la fameuse déclaration d'Adolf Arwidsson : Nous ne sommes plus des Suédois, nous ne voulons pas devenir russes, olkaamme siis suomalaisia, ou plutôt, la phrase ayant été prononcée en suédois : derfor màste vi vara finnar. Faut-il traduire finnar/suomalaisia par finnois ou par finlandais ? Personnellement je le traduis par finlandais, mais je l'ai vu plusieurs fois, y compris dans des textes venant de Finlande, traduit par finnois. Le choix évidemment n'est pas indifférent.

Qu'est-ce que l'identité d'un peuple, d'une nation ? Qu'est ce que la suomalaisuus ? Que la ranskalaisuus ? Qu'est-ce que l'identité finnoise ? Que l'identité finlandaise ? Que l'identité européenne des Finnois et autres Finlandais ? Nous avons maintenant, nous autre Français, un « ministère de l'immigration et de l'identité nationale ». Je vous invite à taper « identité nationale » sur le clavier de votre ordinateur et de chercher sur internet la définition de ce concept. Vous y trouverez tout l'éventail des tentatives faites pour le définir ou le contester et vous verrez que bien malin qui saurait le définir de manière consensuelle. L'identité, pour certains psychologues, est synomyme du moi. Peut-elle être synonyme du nous ?

L'idée qu'un peuple se fait de lui-même peut varier d'une époque à l'autre. Qui sont les Français ? A la demande de Charles IX, Ronsard, dans sa Franciade, faisait d'eux, c'était une vieille idée chez nos rois, les descendants d'un certain Francus, prétendu fils d'Hector, et donc les descendants des Troyens. Plus tard, l'acte fondateur de la nation française fut le baptême de Clovis. Au XIXe siècle, Amédée Thierry et Henri Martin découvrirent Vercingétorix, virent en lui notre premier héros national, et dès lors, dès Napoléon III mais surtout à partir de 1870, quand il n'était plus question d'être parents des Allemands, notre histoire commença par la formule célèbre : « Nos ancêtres les Gaulois » qu'apprenaient également par cœur, sur tous les continents, les petits écoliers de toutes nos colonies, et que prolongent de nos jours les aventures d'Astérix.

J'aurais pu prendre l'exemple des Hongrois, puisque le CIEH est partie prenante dans ce colloque, en rappelant que de nombreux Hongrois, aujourd'hui encore, croient leur langue apparentée à celle des Sumériens. D'autres croient descendre des Huns, d'autres des Scythes. Ces croyances ont suscité des œuvres littéraires et artistiques importantes (poèmes de Arany, de Ady). Beaucoup se croient parents des Turcs. Qu'ils puissent l'être des Finnois, leur paraît plus que douteux.

Les Finlandais sont des gens raisonnables, et leur situation géographique un peu périphérique, à l'écart des grandes invasions, ne fut jamais propice aux grands brassages de populations analogues à ceux qu'ont connus la Hongrie ou la France. N'empêche que l'opposition entre les deux hypothèses relatives au peuplement de la Finlande, celle de la continuité (jatkuvuusteoria) et celle d'une immigration venue de l'Est, sans parler des débats sur les apports de la génétique et sur l'extension possible de l'habitat de populations préfenniques en Europe centrale et occidentale, ne sont ni exempts d'arrière-pensées ni sans conséquences sur l'idée que les Finlandais se font de leur identité.

suomalaisia, или фразу, произнесенную по-шведски: derför mäste vi vara finnar? Finnar / suomalaisia следует переводить как финны или как финляндцы? Лично я перевожу это как финляндцы, но я видел много раз, в том числе в текстах носителей финского языка, что это слово переводится как финны. Выбор здесь, безусловно, имеет значение.

Что есть идентичность народа, нации? Что такое suomalaisuus? Что означает ranskalaisuus? Что такое финская идентичность? А финляндская идентичность? В чем заключается европейская идентичность финнов и финляндцев? Сейчас во Франции есть так называемое «министерство иммиграции и национальной идентичности» (в 2010 г. данное министерство было упразднено. - Прим. перев). Предлагаю вам набрать словосочетание «национальная идентичность» в поисковике и найти в интернете определение этого концепта. Вы обнаружите целый ряд попыток определить или оспорить это понятие, вам встретятся также и весьма уклончивые формулировки. Идентичность для некоторых психологов - это синоним Я. Может ли идентичность быть синонимом понятия Мы?

Представление народа о себе меняется в зависимости от эпохи. Кто есть французы? По просьбе Карла IX Ронсар в своей эпопее «Франсиада» попытался представить их как потомков некого Франкуса, который якобы был сыном Гектора, таким образом, потомков Троянцев. Так думали наши короли. Позднее, рождением французской нации стало считаться крещение Хлодвига. В XIX в. Амедей Тьерри и Анри Мартен открыли Верцингеторига, увидели в нем нашего первого национального героя и начиная с эпохи Наполеона III, а именно с 1870 г., когда уже была отметена идея родства с немцами, за точку отсчета нашей истории было взято знаменитое речение: «Галлы - наши предки». Этот девиз заучивали наизусть школьники на всех континентах, во всех наших колониях, он и сегодня звучит в приключениях Астерикса.

Я мог бы также привести пример венгров, так как CIEH принимает участие в этом коллоквиуме, напомнив, что многие венгры и сегодня полагают, что их язык состоит в родстве с шумерским. Другие склоняются к теории происхождения от гуннов, третьи - от скифов. Эти идеи лежат в основе великих литературных и художественных произведений (поэмы Арани и Ади). А многие венгры считают себя родственниками турок. Мысль о родстве с финнами вызывает у них большие сомнения.

Финляндцы - народ рассудительный. Несколько периферийное географическое положение страны позволило ей избежать крупных нашествий и не благоприятствовало смешению народов, как в Венгрии и во Франции. И все-таки две противоположные гипотезы о происхождении этого народа (первая, связанная с преемственностью (jatkuvuusteoria), и вторая - с иммиграцией с Востока), а также все дебаты о генетическом вкладе и возможной экспансии финских народов в Центральную и Западную Европу не лишены политической подоплеки и наложили отпечаток на представление финляндцев об их национальной идентичности.

Сама идея нации понимается по-разному в Европе. Некоторые народы не делают различия между национальностью и гражданством.

L'idée même de nation n'est pas la même partout en Europe. Certains peuples ne font pas la distinction entre nationalité et citoyenneté. D'autres la font, mais à des degré divers. Pour les uns, la nation se définit plutôt par l'histoire et donc par le passé ; pour d'autre, elle résulte d'avantage d'un projet commun, d'une communauté de destin, de l'ensemble des valeurs qui conditionnent l'avenir. Ce couple nationalité / citoyenneté est au cœur du problème de l'identité nationale. Les questions qu'il pose sont particulièrement sensibles dans les pays dont la population n'est pas homogène, les pays de forte immigration et ceux dans lesquels des minorités importantes ont de la peine à s'intégrer. Se trouve alors posée la question du communautarisme.

L'identité finnoise est-elle la même aujourd'hui qu'il y a un demi-siècle ? Quand je me suis rendu en Finlande pour la première fois, en 1957, l'urbanisation était beaucoup moins avancée qu'aujourd'hui. Tous les Finlandais cultivés connaissaient, me semble-t-il, le suédois, et l'allemand était souvent leur première langue étrangère. En adoptant l'anglais, de facto, comme la vraie deuxième langue du pays, en passant du puuro à la pizza et au hot dog, ceux d'aujourd'hui ont-ils ou non modifié leur identité ? Si l'on considére que l'identité est liée au sol et au sang, la réponse sera plutôt non. Si l'on considère qu'elle est une affaire de culture, la réponse sera plus nuancée. La question est valable pour la France : mes arrière-grands-parents étaient des paysans, catholiques et parlaient pour la plupart limousin, gascon peut-être catalan. Je suis un parisien, mécréant et à défaut d'oocitan je parle un peu finnois. Génétiquement je leur dois tout ce que je suis, je suis l'addition de la moitié de leurs gènes. Culturellement je suis beaucoup plus proche d'un Français né d'un père gabonais et d'une mère coréenne, mais qui, citoyen français, est allé dans les mêmes écoles que moi, parle la même langue que moi, et apprécie comme moi l'andouillette et la ratatouille. En regardant avant-hier les deux documentaires qui passaient sur Arte, l'un sur le sauna, l'autre sur l'homme finlandais, je me disais que dans la France profonde aussi on pouvais trouver des français « typiques », coiffés d'un béret, amateurs de bon vin et peut-être même clandestinement bouilleurs de cru, chasseurs de palombes ou pêcheurs à la ligne, moins propres, je le crains, que le Finlandais, car le vrai Français a renoncé depuis le Moyen Âge à se rendre, comme disait Villon, « aux étuves ». Ce Français-là devient cependant une rareté, une pièce de collection à mettre au musée pour la préservation de la mémoire et l'instruction des générations futures. La société finlandaise, au cours du dernier siècle, a sans doute été plus stable que la société française.

Quoi qu'il en soit, comment distinguer l'identité d'un peuple de son image, ou plutôt de ses images. Celle qu'il se fait de lui-même, de celle ou celles qui prévalent à l'extérieur.

L'image qu'un peuple a de lui-même, nous l'avons vu, ne correspond pas toujours à une réalité objective.

Другие различают эти понятия, но не в одинаковой степени. Для одних нация определяется историей, то есть прошлым, для других это скорее общий проект, общая судьба, общие ценности, определяющие будущее. Единство понятий национальность / гражданство является центральным в проблеме национальной идентичности. Вопросы, связанные с ним, особенно остро встают в странах с неоднородным населением, в которых сильны иммиграционные процессы, и в странах, где национальные меньшинства испытывают трудности в интеграции. Таким образом, возникает вопрос коммунитаризма.

Изменилась ли идея финской идентичности за последние полвека? Когда я впервые приехал в Финляндию в 1957 г., страна была еще не настолько урбанизирована, как сегодня. Мне кажется, что тогда все образованные финляндцы знали шведский язык, а немецкий был их первым иностранным языком. Для сегодняшних жителей Финляндии английский стал de facto вторым языком страны; вместо каши пууро (puuro) они едят пиццу и хот-доги, но изменилась ли их идентичность? Если считать, что ее определяет территория или кровь, то ответ будет скорее отрицательным. Если же полагать, что она связана с культурой, то ответ будет более нюансированным. Этот вопрос также актуален и для Франции: мои предки были крестьянами, католиками, говорили в основном на лимузенском, гасконском и, возможно, каталонском диалектах. Я - парижанин, неверующий, и вместо окситанского языка немного говорю по-фински. Генетически я обязан своим прародителям, но по культуре я гораздо ближе к французу, рожденному от отца-габонца и матери-кореянки, он, гражданин Франции, ходил в ту же школу, что и я, говорит на том же языке, что и я, и так же, как я, любит андуйет и рататуй. Позавчера, посмотрев на канале Arte два документальных фильма, один о сауне, другой о типичном финляндце, я подумал, что во французской глубинке тоже можно найти «типичного» француза в берете, который любит хорошее вино и, возможно, даже незаконно изготавливает собственные настойки, охотится на вяхирей или ходит на рыбалку, боюсь, что он не такой чистюля, как финляндец, потому что настоящий француз со времен Средневековья отказался посещать, как говорил Вийон Впрочем, такой француз является уже большой редкостью, коллекционным экземпляром, его следует поместить в музей, чтобы сохранить о нем память для будущих поколений, которые будут изучать его. Финляндское общество в течение прошлого века было, без сомнения, более стабильным, чем французское.

Но все же как отличить идентичность народа от его имиджа или нескольких имиджей? Идентичность, которую создает сам народ, от образа или образов, которые преобладают вовне?

Как мы уже видели, образ себя, сформированный самим народом, часто не соответствует объективной реальности.

L'image que se font de lui les autres peuples, faite de généralisations, est encore plus schématique, plus simplificatrice. Cette image, en outre, reconnaissons-le, n'est que fort peu tributaire de la littérature. Ce que le Français moyen connaît de la Finlande, il le connaît

- par la télévision (« le charme discret des Finlandais », « un peuple charmant mais froid », « Les Finlandais l'aiment chaud » - il s'agit du sauna, je ne fais que citer les formules accompagnant les courts métrages d'avant hier) ;

- par le cinéma (Kauas pilvet karkaavat, je cite toujours le programme d'avant-hier) ;

- par la radio, la musique, les expositions, les journaux - et pour une petite part seulement par la littérature.

De cette littérature, l'étranger n'entrevoit que ce les éditeurs éditent, ce que leurs conseillers, qui sont souvent les traducteurs, connaissent et leur proposent. Les filtres, pour ne pas dire les obstacles, sont nombreux et le choix de telle ou telle oeuvre n'obéit pas à des critères clairs et rigoureux. Faire connaître l'« identité » culturelle ou nationale des Finnois n'est pas non plus le but recherché en priorité. La différence entre finlandais et finnois n'est pas toujours perçue par les lecteur, ni même bien souvent par l'éditeur.

L'image de la Finlande et des Finlandais (comme le programme d'avant-hier), ce sont d'abord les Finlandais eux-mêmes qui la construisent. Si les cinéphiles français voient la Finlande, par les yeux de Kaurismaki, comme un pays assez tristounet, d'où les fleurs et les petits oiseaux sont singulièrement absents, c'est bien parce que Kaurismaki a fait ses films. Si les lecteurs voient plutôt le Finlandais comme un écologiste amateur de pontikka qui parcourt les forêts avec un lièvre, la faute ou le mérite en reviennent à Paasilinna. Quand j'étais lycéen, je voyais la Finlande comme un pays de sainte misère et d'êtres humains éparpillés dans la nuit d'été : Sillanpaa était le seul écrivain finlandais présent dans la bibliothèque où j'allais avec ma mère emprunter des romans.

En fait c'est d'abord eux-mêmes, leur identité individuelle, que les artistes et singulièrement les écrivains expriment.

Paasilinna est-il un écrivain typiquement finlandais ? Beaucoup le pensent et le Canard enchaîné avait subtilement intitulé son article consacré à Janiksen vuosi : Gratin de finnois. Pourtant à bien y réfléchir ce qui est le plus incontestablement finnois ou plutôt finlandais dans ses livres, c'est le décor, l'environnement, les toponymes et les patronymes, et surtout la langue. Sa verve, son humour ne sont pas éloignés de ceux d'un Marcel Aymé, ou, mieux peut-être, d'un Gabriel Chevallier ou d'un René Fallet ? Ne serait-ce pas là d'ailleurs la clef de son succès chez nous ? Je le crois beaucoup plus proche d'eux que de - je cite eau hasard -Antti Tuuri, Esko Sahlberg, Pirkko Saisio ou Sofi Oksanen. Là où Marcel Aymé nous parle de la Vouivre, Paasilinna, c'est vrai, nous parlera de Ukkosenjumalan poika, l'héritage culturel est différent. Mais la Vouivre ou le Dieu de l'orage sont-ils vraiment caractéristiques de l'identité celle-là des Français, celui-ci des Finnois ?

Образ той или иной нации, который создается в сознании других народов, строится на обобщениях и является еще более схематичным и упрощенным. Нужно признать, что этот образ в меньшей степени связан с литературой. Средний француз получает знания о финляндцах скорее благодаря:

- телевидению («скрытое обаяние финляндцев», «люди очаровательные, но холодные», «финляндцы любят погорячее» - речь идет о сауне, я всего лишь цитирую высказывания из позавчерашнего документального фильма);

- кинематографу («Kauas pilvet karkaavat» («Вдаль уплывают облака», 1996, реж. Аки Каурисмяки. - Прим. перев.) - я цитирую все ту же передачу);

- радио, музыке, выставкам, газетам и в очень малой степени благодаря литературе.

В литературе иностранец может увидеть лишь то, что печатают издатели, и то, что знают и могут предложить их советчики, в роли которых часто выступают переводчики. Этих фильтров, если не сказать препятствий, очень много, к тому же нет четких и строгих критериев выбора того или иного произведения. Познание культурной или национальной «идентичности» финнов также не является главной целью. Читатель, как, впрочем, и издатель, не видит особой разницы между финляндцем и финном.

Образ Финляндии и ее жителей (возвращаюсь к позавчерашней передаче) создается, прежде всего, самими финляндцами. Если французские кинолюбы видят Финляндию глазами режиссера Каурисмяки (Kaurismaki) как довольно угрюмый край, в котором почему-то нет ни цветов, ни птичек, то это потому, что Каурисмяки создает такие фильмы. Если читатель представляет финляндца как любителя природы и самогона (pontikka), бегающего по лесу с зайцем, то в этом ошибка или заслуга писателя Паасилинны (Paasilinna). Когда я учился в лицее, я представлял себе Финляндию как страну праведной бедности и людей, разбросанных в летней ночи: Силланпяя (Sillanpaa) был единственным финляндским писателем, романы которого можно было найти в библиотеке, куда мы ходили с моей мамой («Праведная бедность» и «Люди в летней ночи» - романы Франса Силланпяя. - Прим. перев ).

На самом деле люди искусства, и особенно писатели, выражают, прежде всего, их собственную, индивидуальную идентичность.

Можно ли назвать Паасилинну типичным финляндским писателем? Многие так думают. Например, французская сатирическая газета «Канар аншене» (Canard enchaîné) опубликовала статью, посвященную его роману «Год зайца» (Jüniksen vuosi) под остроумным названием «Дофинский гратен» (игра слов: Gratin Daufinois (национальное блюдо из картофеля и Gratin de finnois (сливки финского общества) - Примеч. перев.). И все же в его романах на размышления наводит то, что является исконно финским или, скорее, финляндским, - декорации, пейзажи, топонимы или имена и особенно язык. Не напоминает ли его остроумие юмор Марселя Эмме или, может быть, Габриэля Шевалье, или Рене Фалле? Не в этом ли секрет его успеха во Франции? Я считаю, что с ними у него гораздо больше сходства, чем, например, с Анти Туури, Эско Салберг, Пиркко Саисио или Софи Оксанен. Правда, Марсель Эме повествует о повелительнице змей Вуивре, а Паасилинна - о сыне Бога грома, а это разное культурное наследие. Но отражают ли Вуивра и сын Бога грома идентичность француза и финна?

Si certaines œuvres répondent à une attente et deviennent dans leur pays d'origine des classiques, c'est certainement parce qu'elles répondent à une attente et à la perception d'une expérience commune, mais les motifs de leur réception ou de leur échec ne seront pas forcément les mêmes à l'étranger.

Ce ne sont pas les écrivains les plus prisés dans leur pays qui sont le mieux accueillis au delà des frontières. Si Molière est universellement reconnu, il n'en est pas de même pour Racine dont les tragédies sont pour nous le plus beau fleuron de notre classicisme. Vaino Linna, Veijo Meri, quoique traduits, ne sont guère connus en France et je doute que Kalle Paatalo puisse mieux réussir. A contrario, Mika Waltari reste probablement l'écrivain finlandais le plus connu au monde, mais peut-on dire que Sinuhé ou les Amants de Byzance expriment l'« âme finlandaise » ou mieux encore l' « identité finnoise » ? Certains de ses livres étant traduits de l'anglais, j'ai plusieurs fois rencontré des Français qui le prenaient pour un Américain. Remarquons que c'est quelquefois le succès d'un livre à l'étranger qui, en retour, par un effet de boomerang, le fait reconnaître dans son pays d'origine. Je l'ai éprouvé récemment encore à propos de Banffy que les Hongrois avaient complètement oublié et qu'ils redécouvrent aujourd'hui. Le succès en France des oeuvres de Paasilinna est devenu un argument publicitaire pour son éditeur finlandais.

Venons-en à quelques problèmes de traduction.

La syntaxe du finnois, son vocabulaire impose-t-il à ses locuteurs un mode de pensée différent de celui des Français ?

« Les langues diffèrent essentiellement, écrit Jakobson, par ce qu'elles doivent exprimer, et non par ce qu'elles peuvent exprimer ».

Le finnois et le français, en effet, peuvent exprimer les mêmes choses, même si c'est avec des moyens différents. Le finnois n'a pas d'article mais il n'en exprime pas moins, implicitement, par d'autres moyens, notamment l'ordre des mots, le défini et l'indéfini. Il n'a pas de futur, en tout cas pas de futur simple et courant, mais cela n'empêche pas les Finnois de distinguer le présent de l'avenir, le contexte suffit souvent à lever toute ambiguïté ; l'opposition présent / futur, liée à l'expression de l'aspect, est exprimée aussi par la dérivation verbale, par le cas de l'objet, sans parler des précisions apportées par les adverbes et autres compléments de temps.

Plus sérieux, le problème du genre. On sait quelles difficultés les différences de genre posent parfois aux traducteurs des langues indoeuropéennes. Là où l'allemand dit der Mond et die Sonne, le français dit la lune et le soleil. Cette différence détermine l'image « poétique » que nous avons de ces deux astres et elle suffit à rendre quasiment impossible la traduction de certains poèmes. On pourrait croire que l'absence de genre grammatical en finnois facilite la tâche du traducteur. Ce n'est pas toujours vrai. Quand nous traduisons le pronom personnel han, nous sommes obligés de choisir, en français, entre « il » et « elle ». Or il existe des textes dans lesquels l'écrivain finlandais, jouant de cette ambiguité, ne révèle qu'au bout de quelques pages - ou même ne révèle pas du tout - si c'est d'un homme ou d'une femme qu'il nous parle.

Если некоторые произведения отвечают ожиданиям и становятся в своих странах классикой, то именно потому, что они отвечают ожиданиям данного народа и соответствуют восприятию своего общественного опыта. Но причины успеха или провала этих произведений в других странах будут совсем другими.

За границей больше ценят вовсе не тех писателей, которых особенно любят на родине. Если Мольер признан во всем мире, то этого нельзя сказать о Расине, чьи трагедии для нас - вершина классицизма. Вяйно Линна, Вейо Мери хоть и переведены на французский язык, практически неизвестны во Франции, не думаю также, что Калле Пяяталло повезло больше. Мика Валтари остается, пожалуй, самым известным финляндским писателем в мире, но можем ли мы утверждать, что его романы «Синухе» или «Черный ангел» выражают «финляндскую душу» или «финскую идентичность»? Некоторые из его книг переведены с английского языка, и я много раз встречал французов, которые думали, что он американец. Заметим, что иногда именно успех книги за рубежом способствует ее признанию на родине писателя. Это как эффект бумеранга. Я нашел этому подтверждение недавно в связи с Банфи, которого венгры совершенно забыли и вновь открывают для себя сегодня. Успех произведений Паасилинны во Франции также стал решающим аргументом для его издателя на родине.

Рассмотрим некоторые проблемы перевода.

Заставляют ли финский синтаксис и финская лексика думать финнов иначе, чем это делают французы?

Якобсон писал: «Языки различаются, главным образом, в том, что они должны выразить, а не в том, что они могут выразить».

Финский и французский языки, разумеется, могут выразить одно и то же, хотя и разными средствами. В финском языке нет артикля, но его функции, тем не менее, выражаются другими средствами, имплицитно. Например, определенность и неопределенность выражаются порядком слов в предложении. В нем нет будущего времени, во всяком случае его простой формы, но это не мешает финнам различать настоящее и будущее, часто именно контекст помогает избежать двусмысленности; оппозиция настоящее / будущее время выражается также глагольной деривацией, дополнением, кроме того, благодаря наречиям и другим маркерам времени.

Сложнее дело обстоит с проблемой рода. Известно, какие трудности вызывают у переводчиков различия, связанные с категорией рода в индоевропейских языках. Например, по-немецки луна и солнце звучит как der Mond и die Sonne, а по-французски - la lune и le soleil. Разница в роде этих существительных определяет «поэтический» образ двух небесных светил и делает почти невозможным перевод некоторых поэм. Казалось бы, отсутствие рода в финском языке упрощает задачу переводчика. Но это не всегда так. Когда мы переводим личное местоимение hän, мы вынуждены выбирать во французском языке между «il» (он) и «elle» (она). Существуют тексты, в которых финский писатель, играя на этой неясности, лишь через несколько страниц раскрывает, а иногда и не делает этого вовсе, о ком идет речь, - о мужчине или женщине.

Autre exemple : il existe un conte populaire qui dans sa variante finnoise s'intitule Hiiri rââtâlinâ, littéralement « la souris tailleur ». Quand un Français - ou un Allemand, ou un Russe - voit une souris, il l'appelle la souris, c'est donc, en l'absence d'autre précision, une dame (« Dame souris trotte », dit Verlaine), car le français courant n'a pas, comme pour les grands mammifères, des mots différents pour la souris mâle et pour la souris la femelle. Pour cette raison, les enfants français pensent souvent que la souris est la femme du rat, qu'ils forment un couple tout comme, la paranomase aidant, la puce et le pou. En finnois, le mot hiiri ne préjuge pas du sexe de l'animal. Le mot rââtâli en revanche, conformément à son étymologie suédoise (= kraatari < skratari < suéd. Skrâddare) désigne le tailleur, c'est à dire un homme qui fait des vêtement pour homme. En français, il y a incompatibilité entre le genre de la souris et le genre du tailleur. Adaptant ce conte en français, je l'ai intitulé « La souris couturière ». Ce qui pour un illustrateur n'est pas sans conséquences.

Autre exemple, que je dois à Yves Avril. Lors de la conférence qu'il faisait il y a trois semaines à la Maison de Poésie sur Lassi Heikkila, Anna-Maija Raittila et Péguy, il attirait l'attention sur la difficulté que les traducteurs finnois avaient eue à transposer, dans le Porche du Mystère de la deuxième vertu, le nom de « la petite espérance », dont Péguy nous dit qu'elle « s'avance entre ses deux sœurs ». Il est très facile de traduire cela en russe où les noms des trois vertus théologale, la foi, l'espérance et la charité, sont non seulement des mots féminins mais des prénoms féminins parmi les plus courants : Vera, Nadejda et Lioubov'(Vera, Nadia, Liouba). En finnois, Toivo « espérance » (ou faut-il plutôt dire « espoir » ?) est aussi un prénom, mais... c'est un prénom d'homme.

Une question me tarabuste : dans quelle mesure le genre grammatical des animaux ou des objets dans les langues géographiquement voisines des langues finno-ougriennes influent-elles ou non sur l'imaginaire des finno-ougriens. Dans les illustrations des livres pour enfants les souris me semblent, mais c'est à vérifier, plutôt des dames que des messieurs, même lorsque les illustrateurs portent un nom finnois. Le kettu finnois est-il plutôt un goupil, comme notre Renard ou une renarde comme Vasilissa, la lisitsa des contes russes ?

Jakobson, dans ses essais de linguistique générale, écrit : « La superstition, répandue en Russie, d'après laquelle la chute d'un couteau annonce un invité et celle d'une fourchette une invitée est déterminée par le genre, en russe, masculin de nozh « couteau », féminin de vilka « fourchette ». Or la même croyance existe en Estonie alors que l'estonien ignore le genre. Me demandant s'il en était de même en finnois, j'ai posé la question à notre amie Anja Fantapié. Elle m'a d'abord répondu qu'elle n'en avait pas connaissance mais a eu la gentillesse d'envoyer un courriel à Helsinki pour s'informer auprès de folkloristes patentés. Et voici ce que lui a répondu Mervi Naakka-Korhonen que je remercie elle aussi : Kyllâ meillâ Suomessa uskotaan ihan samalla tavalla ja varsinkin Itâ-Suomessa kuulin paljon tuota sanontaa, kun veitsi tai haarukka kilahti lattialle. Veitsi oli siis mieshenkilo ja haarukka nainen.

Другой пример: есть народная сказка, которая в своей финской версии называется Hiiri räätälinä, дословно «Мышь-портной». Когда француз, немец или русский видит мышь, он говорит: «мышь, она», то есть без каких-либо уточнений все понимают, что мышь женского рода. Как писал Верлен: « Dame souris trotte» («Мышь... покатилася мышь...», пер. И. Анненского; «Дама-мышь семенит.», пер. М. Волошина. - Прим. перев ), поскольку во французском языке нет отдельных слов, как для больших млекопитающих животных, называющих мышь-самца и мышь-самку. Поэтому часто французские дети думают, что мышка - это подружка крысенка (la souris (мышь) - существительное женского рода, le rat (крыса) -существительное мужского рода, досл. перевод «мышь жена крысы». -Прим. перев.). Подобный пример парономазии в паре la puce и le pou (la puce (блоха) - во французском языке существительное женского рода, le pou (вошь) - мужского рода. - Прим. перев ). В финском языке слово hiiri (мышь) не указывает на пол животного. Зато этимология слова räätäli отсылает к шведскому существительному kraatari < skratari < suéd. Skräddare, означающее «портной», то есть мужчина, шьющий одежду для мужчин. Адаптируя эту сказку для французских детей, я назвал ее «La souris couturière» («Мышь-портниха»), что облегчило задачу иллюстратору.

Следующим примером я обязан Иву Аврилю. В своей лекции, посвященной творчеству Ласси Хейккиля, Анны-Майи Райттила и Шарля Пеги, которую он читал три недели назад в Доме поэзии, он уделил особое внимание трудности, с которой столкнулись финские переводчики во «Введении в мистерию о второй добродетели» (Porche du Mystère de la deuxième vertu) при передаче словосочетания «la petite espérance» (досл.: малая надежда), которая, по словам Пеги, «идет впереди своих двух сестер». Зато это легко переводится на русский язык, в котором названия трех теологических добродетелей: вера, надежда и любовь, - являются не только именами нарицательными женского рода, но и довольно распространенными женскими именами собственными: Вера, Надежда и Любовь (Вера, Надя, Люба). По-фински Toivo «надежда» (а может, скорее, «упование»?) -это тоже имя собственное, но. мужское.

Меня мучает вопрос: в какой степени грамматическая категория рода имен, называющих животных или предметы, в языках соседствующих финно-угорских народов влияет на воображение представителей этих народов? В иллюстрациях к детским книгам мыши, как мне кажется, похожи, скорее, на дам, чем на мужчин, хотя художники-иллюстраторы -финны. Финский kettu - это лис, как наш Ренар (Renard, фр. лис), или лисица, как Лиса-Василиса в русских сказках?

Якобсон в своих очерках по общему языкознанию говорит: «В России распространена примета, согласно которой, если на пол падает нож, это означает, что первый, кто придет, будет мужчина, а если вилка, - то придет женщина. Пол пришедшего определяет род имени существительного: «нож» мужского рода, а «вилка» - женского». Между тем подобное суеверие существует и в эстонском языке, хотя в нем нет категории рода.

Si la thèse de Jacobson est correcte, il faut admettre que la croyance estonienne et finnoise est d'origine russe, ce que semble confirmer sa fréquence en Finlande de l'Est, et donc que le genre grammatical du russe influe sur l'imaginaire estonien et finnois . A moins que Jacobson ne se soit trompé. Anja Fantapié, quand je lui ai expliqué le pourquoi de ma question, m'a répondu ceci : « Ton hypothèse est fort intéressante, mais je crois que l'explication peut être plus simple. La fourchette et le couteau peuvent facilement être considérés comme un couple et la ligne de la fourchette est plus féminine que celle du couteau ». La question reste ouverte. Je la

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soumets à votre réflexion .

Dans le domaine du vocabulaire, le français nous oblige souvent à préciser ce qui reste ambigu en finnois. J'ai déjà cité l'exemple de suomalainen pour lequel nos sommes obligés de choisir entre finlandais et finnois. Quand je traduis pahkina je dois pareillement choisir entre noix, noisette et cacahuette. Le finnois certes peut lui aussi distinguer saksanpahkina, hasselpahkina et maapahkina. Le finnois peut faire la différence ; le français doit faire la différence. Quand je traduisais Nuori Johannes, de Waltari, dont l'action se déroule successivement dans le cadre des conciles de Bâle, Ferrare, Florence, puis au Mont-Athos, puis à Byzance et enfin à la cour du sultan, j'ai dû faire de vraies recherches pour traduire le simple mot kaapu que Waltari utilise indifféremment pour désigner les vêtements des membres des différents clergés, qu'il s'agisse de catholiques, d'orthodoxes ou de musulmans, du clergé régulier ou du clergé séculier, d'un archevêque ou d'un curé de campagne. Même difficulté avec miekka et sapeli ; le français du XVe siècle avait des noms d'armes précis et variés sans équivalent en finnois, dont sabre et épée ne pouvaient être la traduction. Je me trouvais un peu dans la situation des locuteurs de ces langues qui, ignorant le mot « fleur », ne connaissent que les noms des fleurs particulières.

13 En écho à ces propos, mon ami Jean-Pierre Rousseau, dont l'épouse et brésilienne, m'écrit : « Encore à propos des " couteaux et des fourchettes ". J'ai demandé s'il y avait un tel usage de les considérer comme annonciateurs d'une visite au Brésil, dans le Nordeste plus exactement, à ma femme. Et elle m'a dit qu'en effet il y avait cette coutume très ancienne parmi le peuple brésilien de considérer que, lorsque la cuillère (a colher) tombe, c'est l'annonce d'une visite d'une femme, et le couteau (a faca), la visite d'un homme. Il n'y a pas la fourchette, par ce que, parmi le peuple pauvre, c'est surtout la cuillère que l'on utilise, et même presque pas le couteau (on utilise la main). Etrange, pas vrai ? »

Заинтересовавшись, существует ли подобное явление в финском языке, я задал вопрос нашей дорогой Анйе Фантапие. Сначала она ответила мне, что не встречалась с этим, но проявила любезность, запросив информацию у признанных хельсинкских фольклористов. И вот что ей ответила Мерви Наакка-Корхонен, которой я также выражаю благодарность: «В Финляндии действительно распространена похожая примета, особенно в восточной части страны. Я слышала, что если упадет нож, то придет мужчина, а если вилка, то это будет женщина». Если тезис Якобсона верен, то следует полагать, что эстонская и финская приметы имеют русское происхождение, это подтверждает распространенность данного поверья в Восточной Финляндии, и, таким образом, род русских имен существительных влияет на воображение эстонцев и финнов. Если только Якобсон не ошибался. Анйа Фантапие, когда я объяснил ей, почему задал такой вопрос, сказала мне: «Твоя гипотеза очень интересна, но я думаю, что все гораздо проще. Вилка и нож могут ассоциироваться с парой, то есть с женщиной и мужчиной, потому что силуэт вилки больше напоминает женщину, а силуэт ножа - мужчину». Вопрос по-прежнему открыт. Я оставляю его вам на размышление13.

В области лексики французский язык часто заставляет нас уточнять то, что остается неясным в финском языке. Я уже приводил пример слова suomalainen, для которого мы должны выбирать между финляндцем и финном. Когда я перевожу pähkinä, я выбираю между noix (грецкий орех), noisette (лесной орех) и cacahuette (арахис). Хотя, конечно, в финском языке тоже есть соответствующие слова saksanpähkinä, hasselpähkinä и maapähkinä. Финский язык может это различать, а французский должен это различать. Когда я переводил роман Валтари «Черный ангел» (Nuori Johannes), действия которого разворачиваются в церковном соборе в Базеле, Феррари, Флоренции, затем на Афоне, далее в Византии и, наконец, при дворе султана, я должен был провести целое исследование, чтобы перевести одно простое слово халат (фин. kaapu). Это слово Валтари использует для обозначения одежды всех представителей духовенства вне зависимости от их религиозной принадлежности, идет ли речь о католиках, православных или мусульманах, представителях белого или черного духовенства, архиепископе или сельском кюре. Подобная трудность возникла со словами меч (фин. miekka) и сабля (фин. sapeli); во французском языке XV в. имелись четкие названия различных видов оружия, которым нет эквивалентов в финском языке и которые нельзя перевести просто словами sabre (сабля) и épée (меч). Это как если бы я говорил на языке, в котором нет слова «цветок», а есть только названия конкретных цветов.

13 Вторя ее словам, мой друг Жан-Пьер Руссо, жена которого бразильянка, написал мне: «Что касается «ножей и вилок», я спросил у моей жены, существует ли в Бразилии, а именно в северо-восточной части страны, примета, по которой падающий нож или вилка предсказывают пол того, кто вскоре войдет в дом. Она ответила, что у бразильцев было древнее поверье, согласно которому падение ложки (a colher) предвещает визит женщины, а падающий нож (a faca) говорит о том, что придет мужчина. Вместо вилки - ложка, потому что бедные люди пользуются в основном ложками и чаще всего обходятся без ножа (его заменяют пальцы)». Странное совпадение, не правда ли?». - Прим. автора.

Une autre difficulté sur laquelle je voudrais attirer votre attention concerne les toponymes.

Il n'est pas rare que les hommes les modifient : Congo / Zaire ; Kristiana / Oslo ; Saint-Pétersbourg / Petrograd / Leningrad / Saint-Pétersbourg ; Presbourg, Pozsony, Bratislava.

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Selon que le texte à traduire traite d'une période ou d'une autre, le traducteur conservera en principe sans état d'âme particulier le nom figurant dans l'original. Mais ce n'est pas toujours aussi simple et les choix ne sont pas innocents.

Quand les finnisants français entendent parler du traité de Pahkinasaari, les plus curieux, si nous oublions de les prévenir, cherchent cette localité sur la carte de Finlande et bien entendu ne la trouvent pas. S'ils lisent un livre d'histoire de la Suéde, à propos des relations entre les Suédois et la république de Novgorod, ils rencontrent bien le traité de Noteborg, mais ils pensent qu'il s'agit d'un autre traité, cherchent Noteborg sur la carte de Suéde, et. ne trouvent pas davantage. S'ils lisent en français le Fou du tzar, le roman de Jaan Kross, ils apprennent que le héros est enfermé dans une forteresse du nom de Schlusselburg, dont ils voient bien qu'elle se trouve quelque part en Russie, mais ils risquent fort de ne pas non plus la trouver sur la carte, notamment si celle-ci date des dernières décennies de l'Union Soviétique. Or tout cela c'est la même localité, qui en russe s'est appelée au moyen âge Orechek, ce qui a le même sens que Pahkinasaari, qui plus tard, sous Pierre le grand, est devenue Schlusselburg, et plus précisément en russe Chlisserburg, nom trop allemand et échangé en 1944 contre celui de Petrokrepost, qui resta en vigueur jusqu'en 1992, date à laquelle la ville reprit son ancien nom pétrovien de Schlusselburg. Lequel de ces noms devons-nous privilégier ? En parlant de Pahkinasaari, nous soulignons la localisation de la bourgade dans l'espace fennique ; ceux qui l'appellent Noteborg rappellent que la Suède a cherché à s'étendre jusqu'au lac Ladoga ; ceux qui parlent d'Orechek insistent sur son appartenance médiévale à la république de Novgorod. Je vous propose désormais de parler du traité de l'Ile aux noisettes. Mais au fait, la bataille de Tolbiac, demandez donc aux Français où elle a eu lieu ?14

Restons cependant à l'intérieur des frontières.

14 Tolbiac, en allemand Zülpich, est une ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

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Другая трудность, к которой я хотел бы привлечь ваше внимание, касается топонимов.

Люди часто их меняют: Конго / Заир; Кристиания / Осло; Санкт-Петербург / Петроград / Ленинград / Санкт-Петербург; Пресбург / Пожонь / Братислава.

В зависимости от того, о каком историческом периоде идет речь, переводчик в принципе должен сохранять без угрызений совести те названия, которые фигурируют в оригинале. Но это не всегда так просто, и выбор эквивалента все же представляет сложность.

Когда французские финноведы слышат о мирном договоре Р^кт^аап, наиболее любопытные, если мы забудем их предупредить, будут искать это место на карте Финляндии и, конечно, не найдут его. Читая книгу об истории Швеции, а именно об отношениях между Швецией и Новгородской республикой, они наталкиваются на Нотебургский договор и думают, что речь идет о каком-то другом соглашении, ищут остров Нотебург на карте Швеции и... также не находят его. Читая роман Яана Кросса «Императорский безумец», они узнают, что главный герой заточен в некой крепости под названием Шлюссельбург, которая находится где-то в России, но они рискуют не найти ее на карте, особенно если это карта Советского Союза, а именно последних десятилетий его существования. На самом деле речь идет об одном и том же месте. Это крепость на острове, которая в средние века называлась по-русски Орешек, что имеет то же значение, что и финское Р^кт^аап. Позднее, при Петре I, ее переименовали в Шлюссельбург (Schlusselburg), в русском языке это имя закрепилось как Шлиссельбург (Chlisselburg). В 1944 г. город сменил это слишком немецкое название и стал именоваться Петрокрепостью, а в 1992 г. ему было возвращено историческое петровское название Шлиссельбург. Какое из этих названий предпочесть? Говоря о Р^кт^аап, мы подчеркиваем расположение города в прибалтийско-финском пространстве; те, кто называет этот город Нотебургом, напоминают о том, что Швеция пыталась расширить свои границы до озера Ладога; те, кто именует крепость Орешком, заостряют внимание на том, что в средние века она была частью Новгородской республики. Итак, предлагаю отныне называть это соглашение договором Орехового острова. Кстати, спросите у французов, где состоялась битва при Тольбиаке?14

Однако вернемся к нашей теме.

14 Тольбиак - немецкий город Цюльпих, расположенный в земле Северный Рейн -Вестфалия. - Прим. автора.

Le cas de la Finlande est particulier puisque vous avez deux langues nationales, que nombre de toponymes ont une forme différente en finnois et en suédois. A première vue il semble naturel de conserver la forme suédoise d'un texte en suédois, finnoise d'un texte en finnois. Je me suis pourtant trouvé dans une situation où je n'ai pas fait ce choix. Mika Waltari dans Tanssiyli hautojen , parle de Tornio, de Viipuri, de Viapori, de Porvoo. Mais l'action se situe en 1809, l'année où Alexandre Ier se rend à Porvoo pour prendre possession du pays. A cette époque-là, la langue de l'administration, en Finlande, n'était pas le finnois, mais le suédois. Le tsar et sa suite communiquaient en français avec leurs interlocuteurs finlandais et dans les textes en français de l'époque les toponymes sont toujours utilisés sous leur forme suédoise, et il en sera encore de même pendant des décennies. Si j'avais conservé les noms finnois, j'aurais eu le sentiment de commettre en français un anachronisme. Je n'ai gardé celui de Porvoo que dans le passage ou le lagman Orraeus « chargé de préparer .avec quelqu'un d'autre sachant le finnois, une traduction que le baron Rehbinder certifiera conforme », recopie la version de la déclaration d'Alexandre, exigée par les représentants des paysans. Et j'ai ajouté une note en bas de page pour indiquer que Porvoo était le nom finnois de Borgâ.

Une difficulté quasiment insurmontable est celle présentée par les divers niveaux de langue, les écarts lexicaux et grammaticaux par rapport à la langue standart. Passe encore pour l'argot : une caserne est une caserne, une école une école, et l'on peut sans trop de peine trouver à l'argot des soldats ou des collégiens finlandais des équivalents dans celui des troufions et des potaches français. Mais comment traduire en finnois l'argot du rugby ? Comment rendre en français le langage des flotteurs de bois ? Comment, surtout, rendre les régionalismes ? Comment, sur une scène finlandaise, faire sentir cet accent du midi qui nous vient spontanément aux lèvres à la lecture d'une pièce de Pagnol ? Allons-nous faire parler les Marseillais comme des gens de Rauma, faire parler les Normands de Maupassant comme les fermiers du Savo et réciproquement ? Peut-on sérieusement rendre les carélianismes du Kalevala en puisant dans le vocabulaire de tel ou tel parler régional français ?

Quand nous traduisons du finnois, que faisons-nous passer de l'identité finlandaise, de l'identité finnoise ?

L'identité finnoise, comme tout sentiment d'appartenance à une collectivité, est faite d'un mélange variable d'éléments dont les principaux sont : l'histoire, c'est à dire la mémoire collective ; les mythes, les croyances, la religion, le mode de vie ; le socle de valeurs et principes sur lequel la majorité des gens s'entendent plus ou moins pour construire leur avenir.

Certes, on peut enseigner l'histoire, la culture, et traduire la littérature. Mais quand nous traduisons ce qui nous semble le plus authentiquement finnois, nous traduisons du familier en exotique, et là est toute la différence.

Финляндия - это особый случай. У вас два государственных языка и поэтому многие топонимы имеют две формы - финскую и шведскую. На первый взгляд кажется естественным сохранить шведскую форму в тексте на шведском языке, а финскую - в тексте на финском. Между тем был случай, когда я отказался от такого решения. Мика Валтари в романе «Танец над могилами» (Tanssi уИ hautojeri) упоминает города Торнио, Виипури, Виапори, Порвоо. Действие романа происходит в 1809 г., когда Александр I отправился в Порвоо, чтобы присоединить Финляндию к России. В то время административным языком Финляндии был не финский, а шведский язык. Русский царь и его свита разговаривали с финляндцами по-французски. В документации, которая тогда велась также на французском, были представлены только шведские варианты топонимов, и это продолжалось еще несколько десятилетий. Если бы я сохранил финские названия, то во французском тексте это создавало бы ощущение анахронизма. Я оставил название города Порвоо в эпизоде, в котором судья Оррэус, «получив поручение. с помощью кого-либо, кто знает финский язык, сделать перевод, который заверит барон Ребиндер», переписывает перевод декларации Александра I по требованию представителей финских крестьян. В примечании внизу страницы я указал, что Порвоо - это финское название города Борго.

Почти непреодолимой трудностью в переводе являются различные уровни языка, лексические и грамматические расхождения по отношению к стандартному языку. Например, к вопросу об арго: казарма - это казарма, школа - это школа, и мы можем без труда найти эквиваленты этих слов как в финском, так и во французском военном или школьном арго. Но как перевести на финский язык, например, регбийское арго? Как передать по-французски арго сплавщиков дерева? И тем более как передать регионализмы? Как сделать так, чтобы финляндские зрители спектакля по пьесе Паньоля уловили южный акцент, который мы, французы, воспроизводим спонтанно при чтении его произведений? Заставим марсельцев говорить как жители города Раума, а мопассановских нормандцев - как фермеры Саво, и наоборот? Можно ли серьезно передать карелианизмы Калевалы, используя в качестве источника тот или иной словарь регионализмов французского языка ?

Когда мы переводим с финского языка, что нам удается сохранить от финляндской и финской идентичности?

Финская идентичность как ощущение принадлежности к коллективу представляет собой сочетание разнообразных элементов, главные из которых - история как коллективная память, мифы, поверья, религия, образ жизни. Все это является основой ценностей и принципов, на которые опираются большинство жителей этой страны, строя свое будущее.

Конечно, мы можем преподавать историю, культуру, переводить литературу. Но когда мы переводим то, что нам кажется подлинно финским, близкое и привычное для финна превращается в экзотизм для француза. Именно в этом вся разница.

Bertrand Russel a écrit quelque part : « Personne ne peut comprendre le mot fromage, s'il n'a pas une expérience non linguistique du fromage ». Kosztolânyi disait à peu près la même chose de la ratatouille. On peut le dire du kalakukko ou du karjalanpaisti. Naturellement on peut donner la recette du karjalanpaisti et de la ratatouille, on peut donner une définition exhaustive du fromage « aliment obtenu par la fermentation du lait caillé », mais comment quelqu'un qui n'a jamais vu, senti, goûté un camembert, un roquefort ou un maroilles peut-il vraiment savoir ce dont il s'agit ? Les noms des plats sont toujours intraduisibles. J'aurais pu prendre l'exemple du sauna, mieux encore du savusauna. L'emprunt du nom original, s'il sert la couleur locale, n'apprend pas grand-chose à ceux qui n'ont pas l'expérience immédiate de l'objet.

Enfin et surtout, le facteur identitaire le plus fort, celui qui fait que les Finnois sont finnois et distincts en cela des autres Finlandais et de leurs voisins scandinaves dont ils partagent pourtant la religion et le mode de vie, c'est évidemment la langue. Mais ici le traducteur se heurte à une contradiction. Si la langue est ce qu'il y a de plus identitaire dans une littérature, traduire, c'est à dire renoncer à ce trait, n'est-ce pas forcément trahir ?

Dire autrement, décidément.

Mais, comme nous disons en français, il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.

Бертран Рюссель писал в одной из своих работ: «Ни один человек не сможет понять слово сыр, если он никогда в жизни его не пробовал». Костоланьи говорил подобное о рататуе. То же самое можно сказать и о kalakukko (финском рыбном пироге калакукко) или о karjalanpaisti (карельском жарком). Разумеется, можно дать рецепт жаркого karjalanpaisti и рататуя или привести исчерпывающее определение сыра как «продукта, полученного в результате ферментации квашеного молока», но как человек, который никогда не видел, не нюхал и не пробовал камамбер, рокфор или маруаль, поймет, о чем идет речь? Названия блюд всегда непереводимы. Я мог бы привести в пример слово sauna (сауна) или savusauna (финская баня по-черному). Заимствование оригинального слова для сохранения местного колорита немногое проясняет для тех, кто не знаком непосредственно с данным объектом.

И наконец, самый главный идентифицирующий фактор того, что Финны это финны, и чем они отличаются от других финляндцев и скандинавских соседей, с которыми у них одна религия и один образ жизни, это, безусловно, язык. Но здесь переводчик сталкивается с противоречием. Если язык - это то, что лучше всего выражает идентичность в литературе, переводя произведение на другой язык, то есть отступая от языка оригинала, не совершаем ли мы предательство?

Вот уж действительно сказать по-другому...

Но, как говорят у нас во Франции, необязательно надеяться, чтобы приняться за дело, и преуспеть, чтобы упорствовать.

Перевела Н. Пронина, 2013

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